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Cette semaine :
🇺🇸 Découvrez l’une des premières mesures prises par Donald Trump en matière d’IA depuis son investiture
🚀 Double décollage de lanceurs lourds américains : réussites ou échecs ?
⚖️ Éclairage du Tribunal de Paris sur la prescription du droit moral de l’auteur : une analyse pour vous permettre de comprendre la décision
En vous souhaitant une bonne semaine et une bonne lecture,
Le Collectif 🔆
Trump met fin au décret Biden sur les risques liés à l’intelligence artificielle : vers une dérégulation de l’IA aux États-Unis
Abrogation du décret sur l’intelligence artificielle : un tournant dans la politique technologique américaine
Le 21 janvier 2025, lors de son premier jour à la Maison-Blanche, Donald Trump a abrogé le décret exécutif 14110, signé en 2023 par son prédécesseur Joe Biden, qui visait à encadrer les risques associés au développement de l’intelligence artificielle (IA). Cette décision marque un tournant dans la politique technologique des États-Unis, en privilégiant l’innovation et la compétitivité économique au détriment des mécanismes de régulation instaurés par l’administration précédente.
Le décret Biden : un cadre rigoureux pour encadrer l’IA
Adopté en octobre 2023, le décret exécutif 14110 avait pour ambition d’assurer un développement responsable de l’IA. Il exigeait que les développeurs de systèmes d’IA susceptibles de présenter des risques pour la sécurité nationale, l’économie ou la santé publique partagent les résultats de leurs tests de sécurité avec le gouvernement américain avant leur mise sur le marché. En collaboration avec le National Institute of Standards and Technology (NIST), ce décret imposait également l’élaboration de normes de sécurité strictes, tout en exigeant une évaluation des impacts sur des problématiques sensibles telles que le marché du travail ou la discrimination algorithmique.
Le cadre prévoyait en outre de traiter des risques liés aux armes chimiques, biologiques, radiologiques et cybernétiques, soulignant l’enjeu stratégique d’une IA maîtrisée. Bien que saluée par les défenseurs des droits des consommateurs et des travailleurs, cette approche a été critiquée par certains acteurs industriels, qui estimaient que ces obligations freinaient l’innovation et rendaient les entreprises américaines moins compétitives face à des rivaux internationaux, notamment en Chine.
Une volonté de dérégulation sous Trump
L’abrogation de ce décret s’inscrit dans la politique de dérégulation prônée par Donald Trump, qui cherche à alléger les contraintes administratives pesant sur l’industrie technologique. Selon le président, les États-Unis doivent encourager un environnement favorable à l’innovation pour maintenir leur leadership dans la compétition mondiale. Cette initiative a été chaleureusement accueillie par les géants technologiques tels que Google, Amazon, et Microsoft, mais elle suscite également des préoccupations parmi les experts.
Ces derniers redoutent qu’en l’absence de cadres réglementaires rigoureux, les systèmes d’IA puissent accentuer des discriminations algorithmiques, porter atteinte à la vie privée ou même échapper à tout contrôle en matière de sécurité publique. La présence de figures influentes comme Elon Musk, Jeff Bezos, et Sam Altman à l’investiture de Trump illustre toutefois l’enthousiasme de l’industrie pour cette approche plus permissive.
L’Union européenne : une vision différente de la régulation
En contraste avec la stratégie américaine, l’Union européenne a adopté en 2024 l’AI Act, une réglementation stricte visant à garantir la transparence et la sécurité des systèmes d’intelligence artificielle. Ce cadre impose une classification des technologies d’IA selon leur niveau de risque, en renforçant les obligations pour celles utilisées dans des domaines critiques comme la santé, le recrutement ou la justice.
Si cette approche cherche à protéger les citoyens et à instaurer un climat de confiance, elle pourrait également freiner la compétitivité des entreprises européennes face aux acteurs américains et chinois. L’abrogation du décret Biden met en lumière ces divergences transatlantiques : alors que les États-Unis adoptent une posture favorable à l’innovation rapide, l’Europe privilégie une régulation éthique, quitte à ralentir son développement technologique.
Un équilibre à trouver
La suppression des exigences de sécurité et de transparence aux États-Unis soulève des interrogations sur l’équilibre entre le progrès technologique et la nécessité de protéger les droits des citoyens. Les experts appellent à une réflexion approfondie pour éviter que l’IA, sans régulation adéquate, n’échappe à tout contrôle, compromettant ainsi des enjeux cruciaux de sécurité et de liberté.
Louise PARENT et Jade BOBOCESCU-DARDE
Sources :
https://www.ictjournal.ch/news/2025-01-21/donald-trump-revoque-le-decret-de-joe-biden-encadrant-lia
Une semaine intense pour les lanceurs lourds américains
Le semaine dernière fut particulièrement excitante pour l’industrie spatiale américaine, deux lanceurs lourds ayant décollé jeudi à quelques heures d’intervalle. Retour sur les succès et les échecs des lancements du New Glenn de Blue Origin, et du Starship de SpaceX.
Première mission réussie pour la New Glenn de Blue Origin
Après plusieurs reports, notamment les 14 et 15 janvier, le lanceur lourd New Glenn de la société Blue Origin, soeur d’Amazon, a finalement pu décoller depuis le Launch Complex 36 du Cap Canaveral en Floride après une autorisation conférée par la Federal Aviation Administration (FAA) le 27 décembre 2024. Propulsé par 7 BE-4, le premier étage du New Glenn, bien qu’à terme prévu pour être réutilisable, n’a pas réussi à rejoindre le Jacklyn, plateforme d’atterrissage située dans l’océan Atlantique. Une occasion cependant pour les équipes d’en apprendre beaucoup sur les raisons de ce retour manqué.
Cet « échec » n’est donc que relatif, comme l’a déclaré Dave Limp, directeur général de Blue Origin, qui a fait part de sa fierté d’avoir vu le lanceur atteindre l’orbite dès son premier décollage, réalisant alors ce qu’il considère comme un exploit, ce alors qu’il considérait cet objectif comme ambitieux, le retour du premier étage sur sa base maritime n’était qu’un bonus pour un premier baptême de l’air. L’étage supérieur du lanceur a, en effet, pu atteindre une orbite basse qui variera d’environ 2 500 à 19 300 kilomètres. Sa charge est par ailleurs composée d’un prototype du Blue Ring – le projet de véhicule de transfert orbital développé par Blue Origin -, prototype qui procèdera pendant presque 6 heures à une batterie de tests sur plusieurs des équipements du lanceur.
Ce premier lancement a par ailleurs permis au New Glenn de pouvoir candidater pour la phase 3 du National Security Space Launch, programme américain de lancements spatiaux pour sa sécurité nationale, avec à la clef un contrat prévoyant au moins 30 vols jusqu’à juin 2029.
Un succès en double teinte pour le septième lancement du Starship
Lancé depuis la Starbase de SpaceX à Boca Chica au Texas, le Starship effectuait jeudi son septième vol. Composé de 33 moteurs-fusées Raptors, le premier étage de la fusée, destiné à propulser l’ensemble du Starship jusqu’à l’espace, a rempli son rôle à la perfection, se détachant du second étage après 2 minutes et 45 secondes de vol. Le grand succès de cette mission réside principalement dans la capture, pour la deuxième fois, du premier étage, revenant se blottir sans difficulté apparente dans les bras mécaniques du Mechazilla, tour de lancement du Starship, 7 minutes après son lancement. Une méthode de réception déjà été testée avec succès en octobre 2024, et représentant de nombreux avantages pour la société, dont celui de lui éviter la réparation longue et coûteuse du pas de tir.
La course de l’étage supérieur ne s’est cependant pas passée comme prévu, le véhicule ayant disparu des écrans du fait de l’interruption des télécommunications, explosant ensuite au-dessus des îles Turques-et-Caïques, donc au-delà de la zone de chute prévue, produisant d’impressionnantes trainées dans l’atmosphère, les débris ayant terminé leur course dans l’Atlantique. Cet incident, causé d’après Elon Musk par une fuite d’oxygène ou de méthane, a causé d’importants retards dans la circulation aérienne de la zone, plusieurs avions ayant dû rester au sol, changer de trajectoire, voire atterrir d’urgence dans d’autres aéroports sur demande de la FAA, et ce pour éviter d’entrer en collision avec les débris.
Ce lancement faisait partie d’une nouvelle phase de tests des améliorations apportées à l’étage supérieur du Starship, augmentant notamment sa taille de 2 mètres (passant ainsi à 52 mètres), intégrant donc de plus grands réservoirs capables d’accueillir 25% plus de carburant. Ces modifications impliquaient aussi le nouvel aménagement des composantes électroniques de l’engin, avec des ordinateurs nouveaux et un système de distribution d’énergie perfectionné, ainsi que l’intégration d’un nouveau système de refroidissement hydraulique situé sous le revêtement de l’étage, destiné à le protéger en cas dommage à la couche supérieure de ce revêtement.
Deux procédures d’investigation distinctes déclenchées par la la FAA
Lors des deux lancements, chaque lanceur a perdu un étage en mer, obligeant la FAA à déclencher deux procédures d’investigation pour déterminer notamment l’étendue des dégâts des deux chutes.
Bien qu’aucune plainte de dégâts physique n’ait été annoncée suite à la retombée des deux étages, la création de débris suite à l’explosion du Starship au dessus de l’archipel Turques-et-Caïques a notamment été suivi par plusieurs reports de dégâts sur des biens publics. Une telle investigation avait déjà été menée à l’encontre de SpaceX suite au premier test du lanceur lourd en avril 2023, menant l’entreprise à apporter 63 actions correctives pour pouvoir relancer ses vaisseaux. De telles actions sont donc imposées aux deux sociétés, ces dernières devant de plus investiguer sur les problèmes qu’ont connues les missions, les futurs vaisseaux étant cloués au sol en attente de l’approbation des rapports par la FAA.
Une procédure de nature à ralentir les calendriers des deux entreprises, qui ont pourtant toutes deux fait part de leur volonté d’accélérer la fréquence des lancements. Ce jeudi a été, malgré cela, une grande nouvelle pour l’industrie spatiale, l’arrivée d’un nouveau lanceur sur le marché offrant donc aux potentiels clients intéressés une plus grande variété de choix en matière d’accès à l’espace.
Gabriel COUSIN
Sources :
https://spacenews.com/faa-requires-mishap-investigation-for-failed-new-glenn-landing/
https://air-cosmos.com/article/le-megalanceur-new-glenn-de-blue-origin-remplit-ses-objectifs-69815
Un éclairage du TJ Paris sur la prescription du droit moral de l’inventeur
Le droit moral de l’inventeur, consacré par l’article L. 611-9 du Code de la propriété intellectuelle, constitue un enjeu fondamental dans la protection des droits des créateurs en permettant à l’inventeur d’être mentionné dans un brevet ou de s’y opposer. Toutefois, la question de la prescription de ce droit, notamment dans sa dimension patrimoniale, reste sujette à interprétation. Ainsi, une récente décision du Tribunal judiciaire de Paris a apporté un éclairage important en précisant le point de départ du délai de prescription applicable.
Les faits
Le litige concernait le brevet n° 2 998 753, portant sur un dispositif intitulé « Bus ATEX ». Un inventeur, Monsieur F., contestait la mention d’un co-inventeur ajoutée au brevet, estimant qu’elle était injustifiée et portait atteinte à son droit moral. Il réclamait également une indemnisation pour le préjudice subi, en invoquant une atteinte patrimoniale liée à une créance indemnitaire. En réponse, la société défenderesse arguait que l’action était tardive, le délai de prescription ayant commencé à courir dès la publication de la demande de brevet au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI).
La solution
Le Tribunal judiciaire a donc dû se prononcer sur la nature juridique de l’action et sur le point de départ du délai de prescription. Bien que le droit moral soit généralement qualifié d’imprescriptible, le Tribunal a considéré que l’action, dans sa dimension patrimoniale, relevait de la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du Code civil, en l’absence de dispositions spécifiques dans le Code de la propriété intellectuelle. Le délai a été fixé à compter de la publication du brevet au BOPI, intervenue le 30 mai 2014, date à laquelle Monsieur F. disposait de tous les éléments nécessaires pour agir. Son action, introduite après mai 2019, a donc été déclarée prescrite.
La portée
Dès lors, selon l’analyse de Jérôme Tassi, avocat spécialisé en propriété intellectuelle : « Le Tribunal judiciaire de Paris vient de rendre une décision sur un point de droit assez rare ». En effet, cette décision constitue un éclairage rare sur l’articulation entre la dimension personnelle et imprescriptible du droit moral et sa dimension patrimoniale, qui peut être soumise à prescription. Cette affaire met donc en lumière l’importance pour les inventeurs de réagir rapidement en cas de litige, notamment lorsqu’une atteinte patrimoniale est en jeu !
Céliane FERRIN
Sources :