BRÈVE DU 13 AU 19 JANVIER 2020

Bonjour à tous !

Voici l’actualité juridique de la semaine du 13 au 19 janvier 2020. Bonne lecture !

La contrefaçon d’une photographie peut résider dans une sculpture :

 

C’est ce que le renommé plasticien américain Jeff Koons vient d’apprendre à ses dépens, par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris datant du 17 décembre dernier.

Les faits débutent en 1988, alors que l’artiste réalise une sculpture qu’il intitule « Naked », reproduisant une carte postale de la photographie nommée « Enfants » par Jean-François Bauret dans les années 1970. Ă comparer les deux œuvres, la source d’inspiration de Koons ne laisse place au doute, ce que ce dernier revendique, étant depuis longtemps un grand défenseur du mouvement « ré-appropriationniste ».

Comparaison de la photo « Enfants » de Bauret et de la sculpture « Naked » de Koons

En 2014, la sculpture devait être présentée au public à l’occasion d’une rétrospective consacrée à son auteur au Centre Pompidou. Les ayants droit du photographe ont alors assigné Mr Koons pour contrefaçon, ainsi que le musée qui devait, selon eux, répondre de sa responsabilité.

Malgré les arguments de l’artiste tendant à justifier la thèse d’une œuvre ré-appropriative, la Cour d’Appel a condamné les deux défendeurs à verser in solidum (pour l’ensemble des co-débiteurs à l’origine d’un même préjudice) la somme de 20 000 euros aux héritiers du photographe au titre d’un préjudice moral et patrimonial.

On aurait pu imaginer qu’il soit ardu de trouver en une sculpture la contrefaçon d’une photographie. Pourtant, les juges du fond ont avancé l’argument non négligeable selon lequel l’œuvre la plus récente reprenait « la combinaison des caractéristiques qui révèlent l’originalité de la photographie ‘Enfants’ ». Il s’agissait ainsi d’une œuvre dite composite, dont le code de la propriété intellectuelle soumet la réalisation à l’autorisation de l’auteur de la première œuvre. La preuve d’un tel accord n’a pu être rapportée.

 

Sources :

[1] Nicole Vulser, 23 Décembre 2019, "Jeff Koons à nouveau condamné pour contrefaçon", Le Monde

 

Les acteurs majeurs d’internet souhaitent rester des hébergeurs de contenus à la responsabilité limitée :

 

Si les quatre géants du web que sont Google, Amazon, Facebook et Apple se disent ouverts à la réforme, ces derniers veulent conserver le principe de responsabilité limitée des hébergeurs de contenu, établi par la directive e-commerce de 2000. Ils se disent néanmoins prêts à garantir la mise en place de procédures de modération des contenus illégaux, sous la surveillance d’un régulateur.

En effet, le projet de directive qu’est le « Digital Services Act » a d’ores et déjà été inscrit à l’agenda de la Commission européenne par sa nouvelle présidente, Ursula Von der Leyen. Il prévoit, parmi les nombreuses pistes évoquées, l’adoption de règles plus contraignantes pour ces plateformes, sur le modèle de la loi française sur la cyber-haine.

Cette proposition de loi de la députée LREM Laetitia Avia a notamment pour but d’imposer aux GAFA de supprimer en vingt-quatre heures maximum les contenus haineux ou « manifestement illicites » qui leur ont été signalés. Faute de quoi, des sanctions pouvant aller jusqu’à 4% de leur chiffre d’affaires mondial pourront être appliquées.

C’est pourquoi les géants du Web souhaitent que la différence établie par la directive de 2000 entre les éditeurs, qui publient des contenus et en sont donc responsables, et les hébergeurs, soit purement et simplement maintenue. Le lobby bruxellois de ces plates-formes fait savoir par le biais de sa directrice Siada El Ramly, que de telles dispositions conduiraient tout bonnement les fournisseurs de services à restreindre les droits fondamentaux des citoyens.

 

Sources :

[1] Alexandre Piquard, 8 Janvier 2020, "Internet : les GAFA veulent rester des hébergeurs de contenus à la responsabilité limitée", Le Monde

[2] Yann Guégan, Guénaël Pépin, 25 juin 2019, "La Commission ouvre le chantier de la directive E-Commerce", Contexte Numérique

 

Les montres de luxe Ulysse Nardin authentifiées et garanties via la blockchain Bitcoin :

 

Depuis le 31 octobre 2019, la marque de montres de luxe Ulysse Nardin a recours à l’ancrage dans la blockchain publique bitcoin pour garantir l’authenticité de l’ensemble de ses collections. Les blockchains présentent l’avantage d’être des réseaux décentralisés, sécurisés, transparents, infalsifiables et inviolables et la blockchain bitcoin n’est qu’un exemple parmi les différentes blockchains existantes.

crédit : Ulysse Nardin

Le processus est simple : la marque va ancrer l’empreinte numérique dit “hash” d’une montre dans la blockchain, ce qui va lui assurer une identité propre et infalsifiable. Cela s’explique par le fait que chaque produit a une empreinte numérique propre que nous pouvons retrouver sur un certificat d’authenticité comportant diverses informations permettant d’identifier de façon certaine la montre, son cycle de vie mais également l’acheteur.

Le choix d’Ulysse Nardin d’avoir recours à la blockchain pour certifier ses collections s’explique pour deux raisons majeures :

La première découle du fait que l’empreinte numérique d’un produit est vérifiable par tous grâce à un vérificateur de preuve ancrée dans la blockchain que nous pouvons trouver en ligne. Cet aspect sécurisant contribue à la lutte contre le risque de perte, d’oubli ou de falsification des cartes de garanties physiques délivrées au moment de la vente de la montre. D’ailleurs, la marque n’a pas abandonné le système de garantie physique mais l’a adapté : désormais y figure un code unique permettant de générer le certificat électronique de garantie blockchain et de prolonger la durée de cette garantie.

La seconde raison découle du caractère infalsifiable du certificat de garantie blockchain. Ceci va contribuer à assurer le service après-vente puisque le certificat va permettre de retrouver l’historique des transactions de la montre, ce qui aura pour conséquence directe de lutter contre le vol et de garantir un achat/une vente sur un marché d’occasion par exemple.

Désormais, la marque réfléchit à réaliser un transfert de propriété du certificat.

 

Sources :

[1] Christophe Auffray, 15 janvier 2020, "Les montres de luxe Ulysse Nardin authentifiées et garanties via la blockchain", Cryptonaute

 

Google veut éliminer progressivement les « cookies » tiers :

 

Le géant du Web souhaite éliminer progressivement les « cookies » tiers de son navigateur Google Chrome, qui concentre aujourd’hui plus des deux tiers des visites en ligne à travers le monde.

A cet effet, Google se donne deux ans pour éliminer de son navigateur les cookies des sites Internet, visant à proposer une alternative à l’approche radicale adoptée par Apple et Mozilla qui ont ajouté des filtres anti-cookies à leurs navigateurs Safari et Firefox ces dernières années.

Les cookies des sites Internet sont des petits modules électroniques d’identification qui s’installent automatiquement lors de la visite d’un site Web et permettent d’identifier et de suivre les internautes pour mieux cibler la publicité qui leur est proposée. Leur utilisation est dénoncée par les militants de la protection de la vie privée mais défendue par les développeurs de services en ligne gratuits qui survivent grâce aux revenus publicitaires qu’ils génèrent.

L’objectif de Google est de rendre le Web plus privé et sécurisé pour les utilisateurs, tout en soutenant les éditeurs.

Cependant, la suppression pure et simple des traceurs sur Chrome n’est pas une bonne solution pour la société américaine car cela pourrait inciter les annonceurs à mettre en œuvre des méthodes plus agressives pour collecter des informations sur les internautes.

C’est pour cette raison que Google espère mener à bien son programme « Privacy Sandbox », lancé en août 2019, pour permettre aux annonceurs de diffuser des messages ciblés, tout en évitant aux internautes d’être suivis par ces témoins de connexion lorsqu’ils utilisent le navigateur Google Chrome.

Ainsi, à cette occasion, des tests sont prévus dans les prochains mois avec les organismes réglementaires internationaux.

 

Sources :

[1] AFP, 15 Janvier 2020, "Internet : Google veut éliminer progressivement les cookies", Le Monde

[2] Benjamin Hue, 15 Janvier 2020, "Google veut éliminer les "cookies" tiers d'ici deux ans, ce que ça va changer", RTL

 

La responsabilité d’un site web engagée pour l’édition d’un article et l’hébergement des commentaires :

 

Par un jugement rendu en date du 16 décembre 2019, le tribunal de commerce de paris a condamné un site dédié à l’information des consommateurs pour la publication d’un article et de commentaires reconnus comme dégradants à l’égard d’un autre site.

Les magistrats ont estimé que ce dernier avait engagé sa responsabilité d’éditeur et d’hébergeur, prévue par l’article 6-2 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) pour n’avoir pas retiré les commentaires en cause suite aux nombreuses mises en demeure des victimes de ceux-ci.

En l’espèce, le site « Monetize Angels Services » (MAS) qui exploite un site proposant des avantages aux clients de sites partenaires après avoir passé commande, a fait l’objet d’un article intitulé « Les pratiques du Club des Avantages sont-elles légales ? » dont l’auteur est le site « Signal-arnaques.com ». L’article litigieux sera très largement repris et diffusé sur les réseaux sociaux et recueillera de nombreux commentaires allant dans le sens de l’article.

Suite à de vaines mises en demeure de MAS afin que ledit article soit retiré, celui-ci a assigné Signal-arnaques.com pour dénigrement.

Le tribunal a fait droit à la demande du plaignant en prenant appui sur la jurisprudence de la Haute cour qui pose trois conditions pour que ce dénigrement soit reconnu : un sujet qui n’est pas d’intérêt général, une base factuelle insuffisante et une absence de mesure dans l’expression des faits en cause.

Si les magistrats ont considéré que le sujet s’inscrivait dans un débat d’intérêt général et que la base factuelle de la pratique dénoncée reposait sur une base factuelle suffisante ; il a toutefois considéré que l’auteur de l’article avait outrepassé son droit de libre critique en employant des termes tels que « piège pervers du commerce en ligne » ou « appât » par exemple.

Les magistrats du siège jugent donc condamnable non pas le corps de l’article et les commentaires mais l’emploi de termes particulièrement dénigrants. La responsabilité de « Signal-arnaques.com » est retenue en sa qualité d’hébergeur de contenu.

 

 

Sources :

[1] Tribunal de commerce de Paris, 15ème Chambre, jugement du 16 décembre 2019 (Legalis)

 

 

 

Un grand merci à Pauline Roth, Haïkuhi Gzirants, Astrid Doh et Magali Cadoret pour leur contribution !

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