BRÈVE DU 23 FÉVRIER AU 1ER MARS 2020

 

Au programme : 4 nouvelles brèves retraçant l’actualité de la semaine, bonne lecture à tous et rendez vous dimanche prochain !

 

L’Intelligence artificielle au service de la science :

 

Bien souvent, l’Intelligence Artificielle (IA) est synonyme de crainte. Toutefois, aujourd’hui elle est synonyme de découverte, d’évolution scientifique.

Depuis plusieurs décennies, la science a du mal à évoluer. La découverte de « nouveaux » antibiotiques, qui ne sont depuis quelques années que de simples variantes à peine différentes des médicaments déjà existants, se faisait par un seul et unique processus. Celui-ci constituait en l’analyse, des années durant, de microbes afin d’y découvrir les propriétés qui pourraient bien tuer des bactéries spécifiques. Il s’agit là d’une méthode particulièrement longue et coûteuse, ne permettant plus de faire face à la menace que constitue les bactéries aujourd’hui.

En effet, les rapports de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) prévoient que les bactéries résistantes pourraient tuer pas moins de 2,4 millions d’individus en Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’ici 2050. C’est pourquoi des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) ont, après 15 ans de recherches dans le domaine, développé un nouveau processus, publié dans la revue scientifique « Cell » le 20 Février dernier.

Ce nouveau processus consiste en l’utilisation d’une IA. Les scientifiques apportent une palette de molécules différentes à l’IA qui va les analyser et déterminer « in silico » (par modélisation informatique) quelles molécules chimiques seraient les plus aptes à s’attaquer à des bactéries déterminées.

Après avoir analysé plusieurs centaines de millions de molécules, l’IA du MIT est parvenue à fabriquer un antibiotique unique, baptisé « Halicin » (Halicine en français). Un nom choisi en hommage à l’ordinateur HAL du film « 2001, l’Odyssée de l’espace ». Cette découverte pourrait sans doute être le commencement d’une avancée phénoménale en matière biomédicale.

L’Halicin est capable d’exterminer des bactéries qui, jusqu’aujourd’hui, résistaient à tous les antibiotiques, même les plus puissants. Elle a été testée sur deux souris infectées par l’Acinetobacter baumannii. Une bactérie qui a infecté plusieurs soldats américains en Irak ainsi qu’en Afghanistan, jusqu’alors indestructible. Elles ont été guéries en 24 heures. Toutefois, cette molécule n’est pas sans faille et laisse quelques bactéries lui échapper, comme le Pseudomonas aeruginosa.

Bien que loin d’être infaillible, la découverte de cette molécule est sans aucun doute l’ouverture d’une « ère de découverte de médicament antibiotique », selon les termes du professeur James Collins. Le MIT poursuit ses recherches et entend, dans les prochains mois, tester les 23 nouveaux antibiotiques découverts par son IA ainsi que développer l’Hacilin pour la tester sur des êtres humains.

 

Sources :

https://www.usine-digitale.fr/article/le-mit-decouvre-un-nouvel-antibiotique-surpuissant-grace-a-un-modele-d-apprentissage-automatique.N933429

https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-des-sciences/le-journal-des-sciences-du-mercredi-26-fevrier-2020

https://www.cell.com/cell/pdf/S0092-8674(20)30102-1.pdf

https://www.corsematin.com/article/sante/une-intelligence-artificielle-decouvre-un-nouvel-antibiotique

https://www.lebigdata.fr/ia-mit-antibiotique


 

Le questionnaire du CSA : lutte contre la désinformation à destination des plateformes :

 

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel mène une lutte contre la diffusion de fausses informations sur les plateformes de communication. Un questionnaire de douze pages a été publié le 27 février par l’institution.

Les pouvoirs de l’autorité de régulation, élargis à Twitter, Google et Facebook, tendent à obliger ces plateformes à communiquer les mesures qu’elles entreprennent et leur système de lutte contre le phénomène de fake news, encore appelées « infox ».

Le questionnaire est mis en place, en application de la loi relative à la lutte contre la manipulation d’information, après l’impact des fausses informations au cours de la présidentielle en France, les élections américaines, et sur le référendum lié au Brexit.

L’absence de transparence des grandes plateformes citées est mise en cause, et la responsabilisation de ces acteurs est souhaitée par le CSA.

Figurent au sein du questionnaire, le recours à des mesures portant sur des points sensibles tel que : « dispositif de signalement des fausses informations, promotions de contenus, ou encore les critères utilisés par les algorithmes. »

Le choix de ces critères est très souvent à l’origine de biais, en conséquence de l’utilisation d’algorithmes. Comme le souligne le professeur Fabrice Le Guel à l’université Paris-Saclay dans son cours d’Economie de l’information et de la connaissance.

Un comité d’experts pluridisciplinaires a encadré la rédaction du questionnaire. Le CSA n’a pas pour fonction de réguler les fausses informations, mais plutôt de requérir un cadre de lutte contre le phénomène de la part des plateformes.

Dans l’espoir d’une meilleure transparence de l’information, le CSA réalisera une synthèse des réponses à ce questionnaire, et auditionnera les plateformes à ce sujet. L’issue de ce travail, pour résulter en des propositions par le CSA au Parlement « d’adaptations législatives opportunes » (selon Roch-Olivier Maistre, président du CSA).

 

Sources :

[1] Fabienne Schmitt, Nicolas Madelaine, Les Echos Tech & Médias, Le CSA contraint les plateformes à révéler leurs mesures de lutte contre les infox

https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/le-csa-contraint-les-plateformes-a-reveler-leurs-mesures-de-lutte-contre-les-infox-1180265

[2] LOI n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information, Légifrance, Devoir de coopération des opérateurs de plateforme en ligne en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037847559&dateTexte=20200228

[3] Cours d’économie de l’information et de la connaissance, Fabrice Le Guel.

 

Loi « haine sur internet » : controverse autour de la mesure phare du texte :

 

Mercredi dernier, le Sénat s’est à nouveau opposé à l’introduction d’un « délit de non-retrait » dans le cadre de la loi de lutte contre la haine sur internet.

Cette mesure, centrale dans le projet de loi, prévoit l’obligation pour les plateformes et les moteurs de recherche de retirer les contenus manifestement illicites, comme les incitations à la haine, la violence, les injures à caractère raciste, sexiste ou religieuse dans les 24 heures, sous peine d’être condamnés à des amendes de 250 000 euros.

C’est en effet la crainte de la mise en place d’un sur-retrait par les plateformes, qui motive cette décision. Le texte visant des plateformes dont le fonctionnement est principalement dépendant d’algorithmes informatiques, il est considéré que « pareil dispositif reviendrait à conférer à des entreprises dominantes dans ce secteur une responsabilité exorbitante, s’apparentant à une compétence régalienne, aux dépends de la liberté d’expression ».

Ce débat est dans la lignée de nombreuses questions concernant la responsabilisation des plateformes internet, qui sont quasi-irresponsables vis-à-vis du contenu généré par leurs utilisateurs. S’il semble désormais impossible de laisser cette situation perdurer, beaucoup de questions se posent quant aux moyens que les plateformes pourraient utiliser pour s’auto-réguler. La question de la dangerosité des algorithmes avait déjà été évoquée dans le cadre de la Directive Européenne sur le droit d’auteur, votée le 15 avril 2019 et entrée en vigueur en France le 24 octobre dernier.

Le texte entrant dans sa phase de lecture définitive, l’assemblée nationale doit désormais trancher sur la question.

Sources :

[1] Sénat, Compte rendu de la séance du 26 février 2020

[2] Brève de l’AFP

[3] Proposition de loi adoptée par l’assemblée nationale en nouvelle lecture visant à lutter contre les contenus haineux sur internet

 

Rapport Racine : L’auteur et l’acte de création.

 

En avril 2019, Bruno Racine, conseiller maître à la Cour des comptes, se voyait attribuer la mission de réaliser un rapport sur la situation actuelle des artistes, auteurs et créateurs afin de permettre une adaptation des politiques publiques à leur encontre. Son rapport sur le statut des artistes-auteurs, intitulé « L’auteur et l’acte de création », remis au ministre de la Culture le 22 janvier, a alors mené à l’élaboration de dispositions par ce dernier afin d’améliorer le traitement, jugé peu satisfaisant, des artistes auteurs ; dispositions présentées ce mercredi 19 février.

L’objectif premier du ministre est alors de ramener un certain équilibre entre les différents acteurs de la culture. Le rapport Racine a en effet mis en lumière l’écart creusé entre les protagonistes de la création, et la situation d’affrontement pouvant exister entre ceux-ci, notamment entre les auteurs et les éditeurs. Le ministère de la Culture veut alors repenser les politiques publiques afin que chacun puisse se sentir considéré à sa juste valeur, et imaginer de nouvelles mesures devant mener à une certaine harmonie dans le secteur de la création. Parmi les idées évoquées se trouvent ainsi le « conseil national des artistes-auteurs » qui devrait voir le jour d’ici la fin 2021, la représentation plus importante des auteurs au sein des différents syndicats, ou encore la désignation de référents chargés de discussions avec le ministère. Ainsi, les artistes-auteurs parfois considérés comme défavorisés devraient pouvoir retrouver un rôle convenable dans le grand théâtre qu’est le secteur de la culture en France.

D’un point de vue juridique, par ailleurs, ce plan d’action pourrait mener à plusieurs avancées. Du côté des droits sociaux d’abord, plusieurs dispositions devraient être intégrées dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté numérique qui seras soumis au Parlement par le ministre de la Culture dans quelques semaines. Parmi elles, on peut ainsi relever la simplification de l’ouverture des droits sociaux pour les artistes auteurs. Est également à souligner la volonté de régularisation du régime de retraite complémentaire de ces derniers. Autre point crucial, et qu’il semble d’autant plus important de traiter avec l’avènement du numérique : la question des revenus, et notamment du partage de ceux-ci parmi tous les maillons de la chaîne du livre. En effet, il est là encore question d’un déséquilibre notable entre créateurs et diffuseurs. Pour permettre une meilleure protection des artistes auteurs face aux géants de la diffusion numérique, le ministre vient alors s’appuyer sur l’Union Européenne, et plus particulièrement sur la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Dernier aspect important mentionné par le ministre de la Culture : la proposition d’un « contrat de commande » qui devra être étudiée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. L’idée est de permettre par ce contrat une rémunération du temps consacré par l’auteur pour le commanditaire, alors que l’actuel « à-valoir » qu’il vise à remplacer se présentait plutôt comme une avance sur les futures recettes.

Ainsi, de nombreuses propositions, certes encore un peu floues et parfois légèrement décousues, ont vu le jour à la suite du rapport Racine. Le plan Riester pourrait donc apparaître comme une forme de renouveau, de prise en compte des erreurs et des déséquilibres, qui devrait mener à une situation plus juste et équitable, et de fait favoriser la création. Toutefois, les réserves sont toujours de mise, comme l’explique Benoît Peeters, écrivain et scénariste de BD ayant pris part aux Etats Généraux de la BD. Pour exprimer sa déception, il affirme en effet que ce plan d’action, qu’il qualifie d’ « addition de mesures ponctuelles », ne vient pas faire suite aux promesses pourtant intéressantes, et surtout fondées, du rapport Racine. Reste donc à voir dans les prochaines semaines ce qu’il adviendra de ces nombreuses propositions, et surtout à juger de leur capacité à renverser la situation des artistes auteurs aujourd’hui reconnue par tous comme insatisfaisante.

 

Sources :

https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/L-auteur-et-l-acte-de-creation

https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/rapport-racine-le-grand-pas-de-la-rue-de-valois-vers-les-auteurs-1172866

https://www.culture.gouv.fr/Actualites/Droits-sociaux-situation-economique-representation-Les-principales-mesures-du-plan-d-action-en-faveur-des-artistes-auteurs

https://www.franceinter.fr/culture/plan-franck-riester-pourquoi-les-artistes-auteurs-sont-ils-decus

 

 

Merci beaucoup à Charlotte Muguet et à Isabelle Jallageas pour leur participation !

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