Brèves du 12 au 18 avril 2020

Bonsoir, voici les brèves de la semaine. Excellente lecture à tous !

ENCORE DU RIFIFI A MOULINSART ?

Ce n’est pas la suite de « l’Oreille cassée », mais l’on parlait tout de même de statues ce jeudi 15 avril devant le tribunal de Marseille.

En effet, s’est tenue jeudi dernier dans la cité phocéenne une audience opposant le sculpteur Christophe Tixier, plus connu sous le nom de Peppone, à la légataire universelle d’Hergé et la SA Moulinsart.

Mais qui est Peppone ? Sculpteur spécialisé dans la représentation de personnage de la Pop culture, c’est également un grand collectionneur, possédant notamment plusieurs centaines d’exemplaires des BD du reporter à la houppette. Ainsi, il n’est pas étonnant que parmi sa galerie de création l’on puisse trouver des bustes de Tintin, des sculptures réalisées en résine et couvertes de planches de bandes dessinées. Ses œuvres ne pouvaient manquer d’attirer l’attention de la société Moulinsart, que l’on sait particulièrement pointilleuse en ce qui concerne les représentations de Tintin.

Site web de l’artiste Peppone : https://www.peppone.me/

Il est vrai qu’il y a pléthore de décisions de justice autour de la représentation du petit reporter, en faveur ou en défaveur de la SA Moulinsart. En 2011, la société avait ainsi été condamnée à accepter la parodie de Tintin, opérée dans les romans de Gordon Zola, avec sa série « Saint Tin ». En 2019, le dessinateur rémois Pascal Somon avait été condamné à dix mois de prison avec sursis pour avoir vendu des représentations de Tintin sous la forme d’affiches. Encore le mois dernier, c’est l’artiste Xavier Marabout qui a fait l’expérience de la pugnacité de la société pour avoir intégré le reporter belge au sein des toiles iconiques d’Edward Hopper sans l’accord des ayants droit.

Mais ce jeudi, la rencontre avait un goût de déjà-vu, et pour cause, ce n’était pas la première fois que la SA Moulinsart et Peppone se faisaient face en justice. En mai 2018, la société avait déjà été déboutée de son action au pénal par le tribunal correctionnel. Cette fois-ci c’est au civil qu’elle réclame 200.000 euros de dommages et intérêts à l’artiste et la restitution de ses sculptures.

Pour contrecarrer l’attaque des ayants droit, Me Delphine Cô, avocate de Christophe Tixier, a fait preuve d’inventivité et a choisi de jouer l’offensive. Face aux accusations de contrefaçon, elle a décidé de s’interroger sur la paternité originelle du célèbre petit reporter. Ainsi elle est venue contester la création de Tintin par Hergé, s’appuyant sur une création de l’illustrateur français Benjamin Rabier qui avait publié en 1898 les aventures d’un personnage nommé « Tintin-Lutin » portant un pantalon de golf et coiffé d’une petite mèche blonde familière. En effet, pour revendiquer des droits d’auteurs sur un personnage et arguer la contrefaçon de celui-ci, il faut que l’œuvre en question soit originale, et c’est ce qu’a essayé de contester l’avocate.

Plus encore, cette dernière a essayé de profiter du pacte historique entre la SA Moulinsart et les éditions Casterman sur la propriété de l’œuvre d’Hergé (pacte renouvelé récemment, le 19 avril 2021). Selon cet acte, la SA Moulinsart dispose des droits sur l’ensemble de l’œuvre de Hergé, tandis que les éditions Casterman publient les ouvrages, et c’est la carte qu’a voulu jouer l’avocate. Dans sa ligne de défense, les bustes de résine sont inspirés des albums, puisque composés des cases de BD. Or, selon l’avocate du plasticien, la société Moulinsart « ne dispose ni des droits d’édition, ni des droits dérivés », contrairement à l’éditeur historique Casterman qui lui ne poursuit pas l’artiste. Ce serait donc, selon elle, aux éditions Casterman d’attaquer le sculpteur en justice, et non pas la société Moulinsart. Une stratégie osée qui portera peut-être ses fruits.

En revanche, pour l’avocat de la SA Moulinsart, Me André Jacquemart, la contrefaçon est plus qu’évidente, et la démarche de la partie adverse qui a tenté d’instiller le doute sur la paternité de Tintin est juste une confusion entre originalité et nouveauté. En effet, selon l’avocat, prétendre qu’Hergé n’a pas créé le personnage de Tintin, mais que son véritable créateur est l’illustrateur Benjamin Rabier est tout simplement nier l’originalité des dessins d’Hergé, l’avocat soulevant d’ailleurs le fait que les traits d’adolescent présents chez Rabier n’ont pas été repris par Hergé. Pour continuer sur cette ligne, l’avocat a également repris l’exemple de la fusée d’«Objectif lune» également source de litige puisque aussi sculptée par Peppone. Ainsi, il a cherché à casser la défense de l’artiste, en essayant de démontrer qu’elle est bien une création originale d’Hergé et que l’argument qui serait celui que l’auteur aurait seulement repris une fusée allemande modèle V2 en la quadrillant en rouge et blanc serait dérisoire.

En définitive, lors de cette audience où la question principale était l’originalité des dessins d’Hergé, Me Jacquemart a plaidé que l’inspiration n’empêche pas la création originale, faisant même une analogie avec les Beatles : « L’œuvre ne devrait pas être considérée comme originale car elle a été inspirée ? Cela reviendrait à ne pas reconnaître l’œuvre des Beatles car ils se sont inspirés de Chuck Berry »

 Alors Tintin est-il une œuvre originale d’Hergé protégeable à ce titre par le droit d’auteur ? Peppone est-il contrefacteur ou bénéficiera-t-il de la bien connue liberté de création qu’il a invoqué ? Rendez-vous le 17 juin 2021 pour savoir si les arguments de la défense ont été efficaces.

Jason  Koehrer

Sources :

Invalidation du dépôt de la marque « Dijon » en Chine 

Le Syndicat des fabricants du cassis de Dijon obtient l’invalidation du dépôt de la marque « Dijon » en Chine, décision très attendue qui contribue à protéger le nom du territoire en France et à l’international. Cela faisait près de 2 ans qu’une action était engagée pour protéger la marque à l’international et notamment Chine, où cette dernière était menacée. 

En effet, dès juillet 2019, l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) avait averti le syndicat des fabricants de crème de cassis (composé des maisons Gabriel Bourdier, Briottet, Lejay-Lagoute et l’Héritier-Guyot), de la tentative de dépôt en cours de la marque « Dijon » en français et en chinois, par une entreprise de vins et spiritueux chinois dans la classe correspondant à ces produits.

Cependant, depuis un arrêté du 7 août 2013, l’INAO reconnaît officiellement « Cassis de Dijon » comme une indication d’origine. Cela signifie que la crème de cassis bourguignonne ne peut être produite n’importe où, ni de n’importe quelle manière.  À défaut, une action en contrefaçon pourra être engagée à l’encontre du réfractaire. C’est tout l’intérêt de l’indication géographique protégée dont l’objectif est de garantir une certaine qualité et un savoir-faire de fabrication selon des règles précises. Cette dernière constitue une antériorité opposable en matière de marque.

 

Cette tentative de dépôt de la marque « Dijon » représentait une réelle menace. Des bouteilles de vin, de liqueur, ou spiritueux auraient pu faire mention de la ville dijonnaise sans avoir aucun lien avec elle, alors que les producteurs de cassis habilités sont eux contraints de produire dans le périmètre de la commune. Selon le syndicat,  « cela questionnait plus globalement la protection et l’usage commercial du nom Dijon en France et dans le monde ».

En effet, à l’échelle mondiale, de nombreux faussaires tentent de s’approprier les produits issus de notre terroir français. C’est ainsi que l’on a pu déjà voir passer des vins de Bourgogne « made in China », en forme de bouteilles bordelaises…

C’est ainsi que les producteurs de cassis dijonnais ont saisi, conjointement avec l’INAO,  la China National Intellectual Property Administration (équivalent de l’INPI en France), afin de former une opposition à l’encontre de ce dépôt. La décision a été par l’Administration chinoise début avril dernier, dans laquelle la demande du syndicat a été accueillie. 

François REBSAMEN, Maire de la ville de Dijon, avait aussi appuyé au nom de la ville la démarche d’opposition auprès du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Il souligne cette décision très importante pour les producteurs de cassis qui ont fait preuve de pugnacité. « Dans une économie mondialisée, il est nécessaire de protéger nos savoir-faire, facteurs de produits éthiques et de qualité », écrit-il sur son compte LinkedIn.

Il s’agit ainsi d’une très bonne nouvelle dont la ville peut se féliciter, la crème de la crème c’est à Dijon et pas ailleurs! 

Audrey NICOLLE 

Sources :

 

 

La Team Alexandriz : équipe notoire de contrefacteur d’ebook devant la justice

C’est en 2010 que sont introduites sur le marché français les premières liseuses, c’est alors en France le début du lancement du marché des livres numériques. Marché sur lequel les premières contrefaçons n’ont pas tardé à apparaître.

Parmi les plateformes en accès libre proposant des milliers d’ouvrages numériques contrefaits, le site internet teamalexandriz.org n’a pas tardé à attirer l’attention des différents groupes éditoriaux. L’équipe notoire de contrefacteur, la Team AlexandriZ composé de 32 membres actifs n’avait d’ailleurs rien fait pour se montrer particulièrement discrète quant à ses activités illégales. Mettant non seulement à la disposition du public en accès libre et de manière totalement gratuite au format numérique un nombre important d’ouvrages, celle-ci en profitait également pour faire un travail de relecture de ces derniers. L’équipe mettait ainsi parfois en avant les nombreuses coquilles trouvées dans les livres alors disponibles sur le marché. Elle avait notamment relevé les nombreuses fautes dans la version numérique du prix Goncourt de 2011, L’Art français de la guerre, d’Alexis Jenni publié par Gallimard.

En 2011, le Syndicat national de l’édition (SNE) et plusieurs maisons d’éditions portent plainte contre X à l’encontre du site teamalexandriz.org «déterminés à faire cesser les agissements de ce site alors qu’une offre légale riche et variée est à la disposition des lecteurs». Ce n’est que le mercredi 14 avril 2021 soit 10 après le dépôt de plainte que l’affaire est portée devant le tribunal correctionnel de Nanterre. La Brigade d’enquête sur les fraudes aux technologies de l’information (Befti) n’est parvenue dans le cadre de ses investigations qu’à n’identifier que 12 des membres de l’équipe, soit un peu moins de la moitié dans laquelle ne figure pas le principal instigateur du réseau connu sous le pseudonyme Androgyne3.

Ainsi les 12 prévenus se sont retrouvés à la barre ce mercredi 14 avril face à une union d’éditeurs comprenant notamment Flammarion, Grasset, Gallimard, Actes Sud, Hachette et Albin Michel. Les contrefacteurs auraient mis à disposition environ 2000 livres sur leur site internet. Parmi eux bien entendu des Best- seller tels que la saga Harry Potter mais également de nombreux ouvrages n’étant pas disponibles au début des années 2010 au format numérique. La petite équipe était en effet spécialiste de la numérisation d’ouvrages n’étant pas commercialisée au format d’ebook par les éditeurs et se félicitait ainsi de «pallier l’absence d’iniatives » des éditeurs concernant les offres de livres numériques alors disponibles sur le marché.

La méthode de création des contrefaçons était bien rodée bien que qualifiée par le président d’audience de « fastidieuse ». En effet, cette dernière consistait à scanner à la main les ouvrages, de « nettoyer » ensuite les fichiers PDF avant de mettre ces derniers en ligne. Par ailleurs les contrefacteurs s’échangeaient entre eux différentes « astuces » afin de concevoir des ebooks et utiliser les logiciels de piratages afin de remédier aux diverses mesures techniques mises en place par les maisons d’édition afin d’éviter la réalisation de telle contrefaçon.

Ces dernières dénoncent un préjudice considérable, les contrefaçons ayant selon elles non seulement « porté atteinte à la rémunération des auteurs » mais également « à la diversité culturelle, les gros succès permettant de financer d’autres auteurs ». Rappelons cependant ici pour nuancer quelque peu ces dernières affirmations qu’en 2012 le marché des livres numériques n’en était encore en France qu’à ses balbutiements et ne représentait que 0,6% du marché total du livre.

Il n’en demeure pas moins, quelque soit le montant du préjudice pour les maisons d’éditions et les auteurs qu’il y a bien eu une contrefaçon de masse réalisée par la Team AlexandriZ poursuivi pour « contrefaçon en bande organisée ». Le procureur de la République dénonce dans ses réquisitions une « structure avec un chef, des administrateurs et des contributeurs » ayant « organisé la diffusion de dizaines de milliers d’œuvres ».  Le parquet a requis des peines allant d’une amende de 5 000 € à la peine de prison de 6 mois avec sursis, assortie d’une amende de 10 000 euros. Le tribunal correctionnel de Nanterre rendra sa décision le 14 mai prochain. 

Florent El abidi

Sources :

Projet d’un Instagram pour les moins de 13 ans critiqué par des défenseurs des droits de l’enfant

Les réseaux sociaux sont aujourd’hui tellement présents partout, qu’ils semblent faire partie du paysage habituel. Mais une préoccupation préexiste depuis quelques années et concerne les réseaux sociaux et les jeunes. En effet, ces plateformes ont pris tellement d’ampleur que depuis quelques temps, elles attirent aussi les enfants, et plus inquiétant encore les enfants de moins de 13 ans. Cet âge correspond à l’âge minimum requis pour s’inscrire à ce type de réseaux, et pourtant de nombreux utilisateurs sont plus jeunes.  

L’ensemble des réseaux sociaux sont concernés par cette tendance, qui se reflète particulièrement bien avec la plateforme TikTok, connue pour sa forte influence sur les enfants. Mais Instagram fait également partie de ces plateformes comprenant des enfants de moins de 13 ans. Ces derniers peuvent être confrontés à divers dangers comme par exemple le vol de données personnelles, le cyberharcèlement, ou encore être confronté à des cyberprédateurs et notamment des personnes majeures.

Instagram semble d’ailleurs avoir cerné cet aspect « cyberprédateur » et avait posté le 16 mars dernier un message assurant un renfort de la sécurité des mineurs au moyen d’une nouvelle fonctionnalité permettant d’empêcher des utilisateurs majeurs à interagir et envoyer des messages privés à des mineurs qui ne sont pas abonnés à leur compte.

Par ailleurs, le même jour, Facebook, qui est détenteur d’Instagram, a annoncé vouloir créer une version d’Instagram pour les moins de 13 ans, et plus précisément entre 6 et 12 ans. L’intérêt serait de garantir un environnement avec des contenus plus adaptés, plus sécurisés et de rassurer les parents.

Mais cette idée semble déranger, notamment des groupes de défenseurs des droits de l’enfant. Le 15 avril dernier une lettre a été adressée à Marck Zuckerberg par la « Campaign for a commercial-Free Childhood », signifiant ainsi « Campagne pour une enfance sans publicité », est qui est un collectif militant contre le marketing visant les enfants. Cette lettre contre le projet d’un Instagram pour les moins de 13 ans indiquait notamment que « Lancer une version d’Instagram pour les enfants de moins de 13 ans n’est pas le bon remède et mettrait les jeunes utilisateurs en grand danger ».

Ici le terme remède est intéressant, car Facebook souhaite établir cet Instagram des jeunes en réponse aux problématiques actuelles que subissent les jeunes sur Instagram, mais en réalité rien ne prouve concrètement que cela résoudra l’ensemble des dangers. Par ailleurs cela pousse davantage leurs enfants de moins de 13 ans à s’inscrire sur ce réseau « adapté », mais ce qui d’un côté accentue cette « normalisation » des réseaux sociaux, ce qui est fortement critiquable.

En réalité, derrière l’objectif de promouvoir Facebook, se cache un fort intérêt économique. En effet, un Instagram pour les enfants conduira à une certaine confiance, et donc un nombre d’inscriptions croissant.

La lettre du collectif précisait notamment que « Si la collecte de précieuses données familiales et la fidélisation d’une nouvelle génération d’utilisateurs d’Instagram sont sans doute bonnes pour le bilan de Facebook, cela va probablement augmenter l’utilisation d’Instagram par de jeunes enfants particulièrement vulnérables aux fonctions de la plateforme favorisant la manipulation et l’exploitation ». Ce projet est donc loin de mettre tout le monde d’accord.

Mélinda GUREN

Sources :

MasterIPIT