BRÈVES DU 15 AU 22 AVRIL 2025

Bonsoir à toutes et tous !

Les brèves du 15 au 22 avril 2025 sont disponibles.

Cette semaine :

🇺🇸 Antitrust : Google reconnu coupable de double monopole publicitaire, un démantèlement partiel désormais envisagé

📱 Découvrez ce que révèle la plainte de la FTC sur les pratiques d’abonnement trompeuses de la plateforme Uber

🛰️ L’espace peut-il encore rester un domaine pacifique ? La Space Force américaine dévoile une doctrine offensive inédite pour dominer le champ spatial

🏫 Pourquoi Google a-t-il supprimé les avis sur les écoles ? Une décision discrète qui inquiète sur la transparence dans l’éducation

En vous souhaitant une bonne semaine et une bonne lecture,

Le Collectif 🔆

Google reconnu coupable de pratiques anticoncurrentielles aux États-Unis

 

Le jeudi 17 avril 2025, la justice américaine a reconnu Google coupable dans un procès antitrust sur ses activités publicitaires. En effet, pour la première fois, une décision de justice fédérale reconnaît explicitement l’illégalité de sa stratégie publicitaire, déstabilisant ainsi directement son cœur économique.

En l’espèce, l’affaire opposait Google au Département américain de la Justice, soutenu par une coalition d’États fédérés. Dès lors, après des mois d’audience, la juge Leonie M. Brinkema, du district de Virginie, a rendu un jugement à l’encontre du géant technologique : la justice estime que Google a maintenu de manière délibérée un double monopole sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs (ad servers) et sur celui des places de marché publicitaires (ad exchanges). Ces marchés constituent l’infrastructure principale de la publicité sur le web, permettant la mise en vente d’espaces publicitaires et l’organisation d’enchères automatisées entre annonceurs.

Dans sa décision, la juge affirme : « Les plaignants ont prouvé que Google s’est délibérément engagé dans une série d’actes anticoncurrentiels afin d’acquérir et de maintenir un pouvoir monopolistique » sur ces marchés. A ce fait, elle souligne que, depuis plus de dix ans, Google a lié par des contrats et des mécanismes son serveur d’annonces et sa place de marché, empêchant toute concurrence et consolidant son contrôle sur le marché publicitaire en ligne.

Ce jugement fait alors directement écho à une autre affaire de 2024, où un juge du District de Columbia a reconnu l’existence d’un abus de position dominante de Google sur le marché des moteurs de recherche. Ces contentieux traduisent ainsi une certaine position de la justice américaine, désireuse d’encadrer le pouvoir des géants du numérique, après deux décennies d’approche davantage permissive.

La réaction de Google a alors été rapide. Lee-Anne Mulholland, vice-présidente des affaires réglementaires a déclaré avoir « gagné la moitié de cette affaire », en référence au rejet par la Cour de certaines allégations concernant les acquisitions antérieures comme celle de DoubleClick, tout en annonçant son intention de faire appel sur le reste. En outre, l’entreprise affirme que ses outils pour éditeurs sont « simples, abordables et efficaces », et que les clients continuent à les choisir librement.

Toutefois, le processus judiciaire ne s’arrête pas là : la Cour a déjà annoncé l’ouverture d’une seconde phase du procès, destinée à déterminer les mesures correctives. Le ministère de la Justice plaide pour une séparation structurelle des services concernés. Parmi les options envisagées figure alors la cession de Google Ad Manager et de la plateforme d’enchères. Cela reviendrait à un démantèlement partiel du groupe. Cette perspective est donc inédite et pourrait remettre en cause le procédé qui a fait le succès du modèle publicitaire de Google, dont les revenus publicitaires représentent plus de 80 % du chiffre d’affaires global d’Alphabet, sa maison-mère.

En Europe, la Commission européenne a déjà engagé plusieurs procédures similaires contre Google sur les marchés publicitaires, avec des accusations proches de celles jugées aux États-Unis.

Plus qu’une simple défaite judiciaire, cette décision marque alors une nouvelle étape au cœur de la société de l’information : elle s’inscrit dans un mouvement vers une reconfiguration des rapports de force entre États et plateformes.

Céliane FERRIN

Sources :

https://www.presse-citron.net/google-perd-le-proces-contre-son-empire-publicitaire/

https://www.reuters.com/technology/us-judge-finds-google-holds-illegal-online-ad-tech-monopolies-2025-04-17/

https://www.theverge.com/news/650665/google-loses-ad-tech-antitrust-monopoly-lawsuit

 

 

 

 

Uber poursuivi par la Federal Trade Commission (FTC) pour pratiques commerciales trompeuses

 

Le 21 avril, la FTC, autorité américaine de régulation du commerce, a intenté une action en justice contre Uber. L’entreprise est accusée d’avoir inscrit des utilisateurs à son programme d’abonnement Uber One sans leur consentement explicite, et d’avoir rendu le processus de résiliation inutilement complexe. 

Selon la plainte déposée par la FTC, Uber aurait automatiquement inscrit des utilisateurs à son service Uber One, facturé 9,99 dollars par mois ou 96 dollars par an, sans leur accord. Des consommateurs ont en effet signalé avoir été facturés malgré leur refus explicite de s’abonner, ou même sans posséder de compte Uber. Certains ont affirmé avoir été débités après avoir décliné plusieurs fois les invitations à s’inscrire lors de la création de leur compte. ​La FTC reproche également à Uber d’avoir exagéré les économies potentielles offertes par l’abonnement, en omettant de prendre en compte le coût de celui-ci. De plus, l’agence critique la complexité du processus de résiliation, qui nécessitait jusqu’à vingt-trois étapes et, dans certains cas, un contact avec le service client, notamment si l’annulation survenait dans les 48 heures précédant la date de facturation. 

Uber conteste les allégations de la FTC, affirmant que les processus d’inscription et de résiliation de son service sont transparents et conformes à la législation en vigueur. L’entreprise souligne que les annulations peuvent désormais être effectuées en moins de 20 secondes via l’application. L’entreprise a exprimé sa déception face à la décision de la FTC de recourir à une action en justice et maintient sa confiance dans la légalité de ses pratiques. ​

La FTC est l’agence fédérale chargée de protéger les consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales ou trompeuses. Elle est l’équivalent en France de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF). Elle dispose de pouvoirs d’enquête et peut engager des poursuites judiciaires pour faire cesser des pratiques illégales et obtenir réparation pour les consommateurs lésés.​

Aux États-Unis, une pratique commerciale est considérée comme trompeuse si elle induit en erreur de manière significative un consommateur raisonnable et si cette tromperie est susceptible d’influencer sa décision d’achat. La FTC évalue ces pratiques au cas par cas, en tenant compte du contexte et repose sur le standard du consommateur moyen.​ En droit français, les pratiques commerciales trompeuses sont encadrées par le Code de la consommation, des articles L121-2 à L121-5. Une pratique est considérée comme trompeuse si elle repose sur des allégations fausses ou de nature à induire en erreur, portant sur des éléments tels que l’existence, la disponibilité, la nature, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix, les conditions de vente, ou encore les droits du consommateur. ​

Cette affaire souligne les défis croissants liés à la protection des consommateurs dans un environnement numérique en constante évolution. Les pratiques d’inscription automatique et de résiliation complexe sont de plus en plus scrutées par les autorités de régulation, aux États-Unis comme en Europe.​ Alors que les offres d’abonnement se multiplient, souvent accompagnées de périodes d’essai gratuites, la transparence des conditions d’engagement et l’accessibilité des démarches de résiliation sont essentielles pour protéger les consommateurs. 

Louise PARENT

Sources :

https://www.usine-digitale.fr/article/uber-poursuivi-aux-etats-unis-pour-des-pratiques-commerciales-trompeuses.N2230938

https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/uber/etats-unis-uber-accuse-de-tromper-ses-utilisateurs-en-les-poussant-a-labonnement-uber-one-b10010ac-1f1c-11f0-87cd-08a4dcb5c93e

https://www.journaldugeek.com/2025/04/22/uber-accuse-de-tromper-ses-abonnes-la-plateforme-poursuivie-pour-pratiques-abusives/

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000032227299?utm_source=chatgpt.com

https://www.capital.fr/economie-politique/uber-attaque-en-justice-pour-pratiques-trompeuses-sur-son-systeme-dabonnement-1512949

 

 

 

 

La Space Force américaine trace sa doctrine : offensive, supériorité et guerre orbitale

 

Jeudi dernier, la U.S. Space Force a publié Space Warfighting – A Framework for Planners, un document doctrinal qui marque un tournant dans la stratégie spatiale américaine. À travers ce texte de 22 pages, l’armée de l’espace des États-Unis explicite, pour la première fois avec autant de clarté, les modalités d’une guerre « in, from, and to space » — dans, depuis et vers l’espace. Derrière la rhétorique, une ambition claire : établir une supériorité spatiale durable, en combinant actions défensives et offensives, y compris de manière proactive.

Vers une doctrine de guerre spatiale assumée

« Il s’agit d’assurer la liberté de mouvement de nos forces dans l’espace, tout en la niant à nos adversaires », déclare le général Chance Saltzman, chef des opérations spatiales. Le document insiste sur l’objectif central de la Space Force : le space control, autrement dit la capacité à dominer un domaine de plus en plus contesté. L’espace y est décrit comme fondamental à l’ensemble des opérations militaires modernes — communication, détection, projection de puissance — et donc devenu un front stratégique à part entière.

Trois types de missions encadrent désormais les opérations dites de counterspace : orbitale, électromagnétique et cyber. Dans ce cadre, la Space Force officialise une panoplie de mesures offensives :

  • Orbital Strike, visant à neutraliser des satellites ennemis par des moyens cinétiques ou non-cinétiques ;
  • Space Link Interdiction, pour brouiller ou couper les liaisons spatiales adverses ;
  • Terrestrial Strike, dirigée contre les infrastructures au sol (centres de commande, stations sol, sites de lancement).

À cela s’ajoute une défense spatiale divisée en deux volets. Active Defense prévoit notamment l’escorte de satellites alliés, des contre-attaques ciblées ou l’aveuglement des capacités de ciblage ennemies. Passive Defense, quant à elle, regroupe des mesures de résilience comme le camouflage, la redondance, la mobilité ou encore l’alerte précoce.

Une militarisation de l’espace toujours plus assumée

« Ce document incarne la maturité croissante de notre jeune armée », résume le général de division Shawn Bratton. Il insiste : « Ce n’est pas une liste de systèmes existants, mais une invitation à penser les capacités à venir. » Une manière de légitimer des concepts comme les armes spatiales anti-satellites, longtemps tabous ou réservés aux cercles fermés du Pentagone.

Ce changement de cap s’inscrit dans une dynamique plus large impulsée par le Département de la Défense, qui promeut un warfighting ethos dans toutes les branches. La Space Force, fondée en 2019, entend ainsi ne plus être perçue comme une simple entité de soutien, mais comme une force de combat autonome.

Un avertissement pour les rivaux de Washington

La publication de cette doctrine intervient dans un contexte de compétition stratégique accrue, notamment face à la Chine et à la Russie, qui multiplient les démonstrations de force dans l’espace. Pour les responsables américains, la domination du champ spatial conditionne désormais l’efficacité de l’ensemble de l’appareil militaire.

« Sans supériorité dans l’espace, la puissance conjointe s’effondre », martèle Saltzman. Le document appelle les Guardians à planifier en permanence, à éviter l’effet de surprise, et à refuser aux adversaires toute initiative stratégique.

Une doctrine, des ambitions, mais encore peu de transparence

Le Space Warfighting Framework ne détaille ni les moyens en service, ni les projets classifiés en cours. Mais il ouvre la porte à une accélération du développement d’armements dédiés et à une réflexion assumée sur la militarisation du domaine spatial. Une évolution qui pourrait bousculer les équilibres internationaux, alors que l’ONU et d’autres forums appellent à préserver l’espace comme un terrain pacifique.

Gabriel COUSIN

Sources :

https://www.spaceforce.mil/Portals/2/Documents/SAF_2025/Space_Warfighting_A_Framework_for_Planners_BLK2_(final_20250410).pdf

https://www.spaceforce.mil/News/Article-Display/Article/4156245/us-space-force-defines-path-to-space-superiority-in-first-warfighting-framework/

https://www.satellitetoday.com/government-military/2025/04/18/space-force-outlines-elements-of-space-warfighting-in-first-framework/

https://spacenews.com/u-s-space-force-lays-out-battle-plan-for-space-in-new-warfighting-guide/

 

 

 

 

Google désactive les avis pour les écoles

 

Dans une décision discrète mais lourde de conséquences, Google vient de mettre fin à une pratique établie depuis des années : la possibilité de laisser des avis sur les établissements scolaires via sa plateforme Google Maps. Ce changement, déployé sans annonce officielle, s’inscrit dans une stratégie plus large de Google visant à réguler son écosystème d’avis en ligne. Si cette mesure peut sembler anodine au premier abord, elle soulève en réalité des questions fondamentales sur la transparence dans le secteur éducatif.

Cette modification, appliquée à tous les types d’établissements scolaires, marque une rupture significative avec la politique antérieure de la plateforme. Le timing intervient en pleine période de choix d’établissements pour de nombreuses familles, moment où la consultation d’avis constituait jusqu’alors une ressource précieuse pour les parents en quête d’informations. Contrairement aux évaluations de restaurants ou d’hôtels, les avis sur les établissements scolaires touchent à des enjeux profonds : ces commentaires constituaient un canal d’expression unique permettant de mettre en lumière ce qui ne ressort pas dans les rapports officiels. Autrement dit, dans un paysage éducatif où l’information officielle est souvent peu critique, ces avis Google offraient un contre-pouvoir informationnel et permettaient de révéler des réalités parfois occultées par les communications institutionnelles. On pense par exemple aux problèmes de harcèlement scolaire ou, au contraire, à des initiatives remarquables mais non médiatisées

Plus qu’un simple outil consumériste, ces avis constituaient un forum public où pouvaient s’exprimer les préoccupations de la communauté éducative : les acteurs des établissements partageaient leurs expériences, contribuant selon certains à une forme de démocratie participative autour de l’institution scolaire. L’analyse agrégée de ces commentaires permettait également de mettre en évidence des disparités géographiques dans la qualité perçue de l’enseignement, offrant ainsi aux décideurs publics et aux citoyens un baromètre certes informel mais tout de même précieux des réalités.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce changement stratégique : les établissements scolaires constituent effectivement des environnements sensibles où évoluent principalement des mineurs. La suppression des avis pourrait viser à prévenir les risques de cyberharcèlement ou d’atteinte à la réputation d’enseignants parfois nommément cités. Selon le ministère de l’Education, cette décision a été faite « à l’initiative du ministère » et « vise à protéger l’institution et les personnels ». Cette préoccupation légitime s’inscrit dans une tendance plus large de protection renforcée des données personnelles dans le secteur éducatif : en supprimant cette fonctionnalité, Google s’épargne aussi la modération complexe de contenus potentiellement problématiques, voire illicites. Plusieurs observateurs suggèrent également que cette décision pourrait résulter de pressions exercées par les autorités éducatives, peu enclines à voir les établissements soumis à l’évaluation publique sans filtres. 

En tout état de cause, la suppression des avis scolaires par Google Maps illustre des défis posés par la concentration du pouvoir informationnel entre les mains de quelques plateformes privées : elle révèle la dépendance croissante sous-jacente de notre société envers les plateformes privées, pour l’exercice de fonctions pourtant d’une grande importance. 

Lilou VAUDAUX

Sources :

https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/les-documents-franceinfo/des-contributions-hors-sujet-et-nuisibles-google-va-desactiver-les-avis-sur-les-etablissements-scolaires-3787191

https://www.francetvinfo.fr/societe/education/notes-de-conduite-amendes-et-appreciations-de-valeur-l-italie-impose-des-mesures-de-fermete-des-l-ecole-primaire_6803305.html

https://www.larevuedudigital.com/google-supprime-les-avis-concernant-les-ecoles/

https://www.journaldugeek.com/2025/04/21/google-maps-va-supprimer-les-avis-sur-les-ecoles/

https://www.francetvinfo.fr/internet/google/google-va-desactiver-les-notes-des-etablissements-scolaires-sur-son-application-maps_7193256.html

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2025/04/16/google-maps-desactive-les-avis-sur-les-etablissements-scolaires-pour-lutter-contre-les-contributions-hors-sujet-et-nuisibles_6596676_4408996.html

Image : LeonardoAI

 

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