Brèves du 20 au 26 février 2023

Gonzalez v. Google LLC : La Cour suprême des Etats-Unis interrogée sur la responsabilité de Google dans les attentats du 13 novembre

 

 

Mardi 21 février, une affaire relative à la responsabilité de Google dans les attentats du 13 novembre 2015 a été portée devant la Cour suprême des Etats-Unis.

En 2016, les parents d’une étudiante américaine victime des attentats du 13 novembre, Nohemi Gonzalez, avaient porté plainte contre Google, en tant que propriétaire de YouTube.

Selon eux, Google a contribué à la radicalisation des terroristes en permettant à l’organisation d’Etat islamique de publier du contenu sur YouTube à des fins de recrutement, ainsi qu’en recommandant ce contenu aux utilisateurs par le biais de ses algorithmes. Ils considèrent que les algorithmes de recommandation ne sont pas des outils neutres, mais rendent plutôt les plateformes actives dans la promotion de contenu.

En première et seconde instance, les plaignants ont été déboutés par les tribunaux californiens. Les juges ont en effet considéré que, en vertu de la section 230 (c) (1) du Communication Decency Act de 1996, Google ne pouvait être tenu pour responsable. Cette section prévoit l’irresponsabilité des hébergeurs pour les contenus mis en ligne par leurs utilisateurs, les distinguant ainsi des éditeurs de contenu. 

L’affaire a alors été portée devant la Cour suprême américaine. Celle-ci va devoir se prononcer sur le champ d’application de la section litigieuse, afin de savoir si les hébergeurs sont protégés même lorsque leurs algorithmes ciblent les utilisateurs en leur recommandant du contenu. La Cour devrait rendre sa décision à la fin du mois de juin.

Selon l’agence à la tête de YouTube, Associated Press Neal Mohan, la section 230 est « la clé de voûte de l’internet libre ». Dès lors, si la juridiction décide de rendre responsables les plateformes pour les contenus dont elles permettent la diffusion et recommandent, ces dernières seraient poussées à censurer par peur de se voir sanctionnées, ce qui bafouerait la liberté d’expression. Cela imposerait en effet aux plateformes une vérification de tous les contenus qu’elles hébergent, ou une modification de leurs algorithmes de recommandation.

Toutefois, l’immunité des plateformes est aujourd’hui de plus en plus critiquée et le président Joe Biden a fait part de sa volonté de réformer la section litigieuse en les responsabilisant. Sans pour autant leur imposer un total contrôle sur les contenus qu’elles hébergent, les hébergeurs pourraient alors voir leurs obligations renforcées. Par exemple, en Europe, le Digital Service Act prévoit des obligations de moyens et de transparence sur les retraits de contenus ainsi que sur les algorithmes de recommandations utilisés.

Esther PELOSSE

Sources :

https://www.scotusblog.com/case-files/cases/gonzalez-v-google-llc/

https://casetext.com/statute/united-states-code/title-47-telecommunications/chapter-5-wire-or-radio-communication/subchapter-ii-common-carriers/part-i-common-carrier-regulation/section-230-protection-for-private-blocking-and-screening-of-offensive-material

https://www.scotusblog.com/2023/02/justices-will-consider-whether-tech-giants-can-be-sued-for-allegedly-aiding-isis-terrorism/

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/02/21/moderation-des-contenus-comment-l-affaire-gonzalez-vs-google-pourrait-redefinir-la-responsabilite-des-plates-formes-numeriques_6162643_4408996.html

https://www.scientificamerican.com/article/why-googles-supreme-court-case-could-rattle-the-internet/#:~:text=The%20case%20targets%20a%20cornerstone,algorithms%20that%20govern%20their%20feeds.

https://apnews.com/article/us-supreme-court-technology-social-media-business-internet-eb89baf1fa30e245c030992b48a8a0ff

Des oeuvres de Joan Mitchell dans des publicités de Louis Vuitton

 

 

Le dimanche 12 février, dans une des pages du New York Times et sur Internet, la marque de luxe Louis Vuitton a dévoilé une nouvelle campagne dans laquelle l’actrice Léa Seydoux pose devant trois grands tableaux colorés. Ces toiles en question sont des œuvres de la célèbre peintre et graveuse états-unienne Joan Mitchell. Cependant, ce qui pose problème est que les ayants droits de l’artiste n’ont jamais autorisé une telle utilisation de ces œuvres. La fondation de l’artiste précise que le malletier français reproduit et utilise illégalement au moins trois oeuvres de Joan Mitchell.

Les œuvres de l’artiste sont exposées depuis octobre 2022 à la Fondation Louis Vuitton avec celles de l’impressioniste Claude Monet (1840-1926). La Joan Mitchell Foundation affirme que cette exposition n’impliquait pas une utilisation commerciale. 

En décembre dernier, la fondation avait déjà décliné une première fois la demande de la marque qui souhaitait obtenir l’autorisation d’utiliser les toiles de l’artiste pour une campagne de pub”. Quelques mois plus tard, le conseiller du propriétaire du groupe LVMH, Bernard Arnault, a donc précisé que la demande émanait “d’Arnault lui-même” et que le “milliardaire est prêt à faire un don à la Joan Mitchell Foundation (JMF)”, ajoute le New York Times.

Comme nous pouvons le comprendre, suite à ce refus et à la découverte de la campagne, selon l’AFP, la fondation a menacé d’engager une action en justice si la marque Louis Vuitton ne décidait pas de renoncer à sa campagne. En effet, dans sa déclaration sur son site internet, elle explique que “JMF a refusé cette demande par écrit, conformément à sa politique de longue date selon laquelle les images des œuvres de l’artiste ne doivent être utilisées qu’à des fins éducatives”. Elle ajoute également qu’elle n’a jamais accordé de licence pour l’utilisation des œuvres de l’artiste dans des campagnes commerciales ou pour la promotion d’autres biens ou services.”

Il reste à voir si la marque Louis Vuitton décidera de retirer sa campagne. 

Lili POURHASHEMI

 

Sources :

https://www.konbini.com/popculture/pourquoi-cette-campagne-louis-vuitton-avec-lea-seydoux-fait-elle-beaucoup-parler/

https://www.joanmitchellfoundation.org/journal/statement-on-unauthorized-use-of-mitchell-artworks

https://www.dhnet.be/lifestyle/beaute-mode/2023/02/23/louis-vuitton-accuse-dutiliser-des-oeuvres-de-joan-mitchell-sans-autorisation-dans-des-publicites-NXDHRV7YEFGBJMZM43NPIQ6G4Q/

https://www.lefigaro.fr/arts-expositions/les-ayants-droit-de-la-peintre-joan-mitchell-demandent-le-retrait-d-une-campagne-de-pub-20230223

 

Protection des mineurs pour l’accès aux sites pornographiques : la CNIL valide le système de double anonymat

 

 

Internet, et sa grande diversité de tout type de contenus, sont aujourd’hui très faciles d’accès pour les mineurs. À l’âge de 12 ans, près d’un enfant sur trois a déjà été exposé à du contenu pornographique, chiffre qui monte jusqu’à 62 % pour les jeunes âgés de 15 ans, selon une étude OpinionWay publiée en avril 2018. 

Jusqu’ici, une simple déclaration sur l’honneur, confirmant l’âge minimum de 18 ans, est requise pour accéder aux contenus du site pornographique. L’architecture du web étant celle d’un réseau ouvert, librement accessible sans authentification, il en ressort que la possibilité de contournements de cette « barrière » est loin d’être complexe.

La lutte contre le visionnage de ces contenus par les enfants est un des objectifs du gouvernement, de la CNIL, et sans oublier de la police de l’audiovisuel, l’Arcom. Au cours de l’année 2022, une série de recommandations avait été publiée par ces instances, et l’Arcom avait finalement demandé aux cinq sites pornographiques les plus consultés en France – Pornhub, Xnxx, Tukif, Xvideos et Xhamsterà – de parvenir à une solution pour empêcher les mineurs d’accéder à leurs contenus. 

Pour rappel, le fait de rendre perceptible des images à caractère pornographique par un mineur est proscrit par l’article 227-24 du Code pénal, et puni d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Aucun accord n’ayant été trouvé, l’Arcom avait demandé le blocage immédiat de ces sites. Pour empêcher cela, les avocats de Pornhub s’étaient empressés de poser une question prioritaire de constitutionnalité sur ledit article du Code pénal au tribunal judiciaire, transmise ensuite à la Cour de cassation qui l’avait finalement rejetée pour défaut de caractère sérieux. Cela avait finalement mené à une décision du Conseil d’État donnant raison à l’Arcom sur la nécessité pour les plateformes de bloquer l’accès aux mineurs ; Ainsi, s’ils ne mettaient pas tout en œuvre pour parvenir à ce blocage, l’Arcom les avait menacés de les débrancher. 

C’est finalement le gouvernement, qui, après avoir travaillé sur la mise en place d’un nouveau dispositif, a trouvé une solution ; à partir du mois de mars 2023, des tests vont être lancés sur la subordination de l’accès aux sites pornographiques à une attestation prouvant la majorité de la personne souhaitant consulter le contenu ; celle-ci prendra la forme d’un certificat numérique.

Dans un recommandé du 21 février 2023, cette solution a été validée par la CNIL qui confirme alors que « le RGPD n’est pas incompatible avec un contrôle de l’âge pour l’accès aux sites pornographiques ». 

Mais donc en quoi consiste ce nouveau dispositif de contrôle ? 

Ce nouveau contrôle repose sur la solution la moins attentatoire à la vie privée : le double anonymat. Le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot, l’a parfaitement expliqué : « Celui qui fournit l’attestation de majorité ne sait pas ce pour quoi elle va être utilisée. Ce peut être un opérateur télécom, un fournisseur d’identité numérique ou tout autre organisme susceptibles d’attester de la majorité d’une personne. Et le site sur lequel l’attestation est utilisée ne connaît pas l’identité de la personne ». Il ajoute par ailleurs que ce nouveau dispositif « fonctionnera un peu comme le contrôle demandé par votre banque lorsque vous réalisez un achat en ligne, sauf que ce certificat de majorité sera anonyme ». 

Ainsi, si cette expérimentation porte ses fruits, des vérifications d’âge sur d’autres services soumis à une obligation de contrôle de l’âge pourront être effectuées. 

Louise FOUQUET-CRISTOFINI

 

Sources :

https://www.cnil.fr/fr/controle-de-lage-pour-lacces-aux-sites-pornographiques

https://www.actualitesdudroit.fr/browse/affaires/immateriel/39561/blocage-des-sites-pornographiques-rejet-d-une-qpc-par-la-cour-de-cassation

https://siecledigital.fr/2023/02/07/le-gouvernement-elabore-une-attestation-numerique-pour-acceder-aux-sites-pornographiques/

https://www.avocat.fr/actualites/protection-des-mineurs-sur-internet-que-dit-la-loi

 

La validation par l’OEB du brevet controversé de Syngenta sur le poivron

 

Après dix ans de bras de fer, l’Office européen des brevets (OEB) valide le brevet de la firme suisse Syngenta portant sur un poivron capable de résister aux mouches blanches. En mai 2013, l’OEB avait délivré le brevet EP2140023 à l’entreprise de chimie et d’agroalimentaire sur son invention, préservant alors ses droits exclusifs sur tous les poivrons présentant une ténacité face à ces insectes.

En effet, dans une décision du 16 février 2023, l’OEB a rejeté l’opposition contre le brevet formée par 34 organisations d’agriculteurs, de sélectionneurs et d’ONG de 27 pays. Les demandeurs avaient argué que cette résistance avait été acquise par le croisement d’un poivron sauvage de Jamaïque, possédant une résistance naturelle à ces insectes, avec un poivron commercial. Selon eux, il s’agissait non pas d’une invention brevetable sinon d’une appropriation illégitime « d’une résistance aux insectes copiée d’un poivron sauvage ».

De tels brevets relèvent de la privatisation de la biodiversité ou de la « biopiraterie ». Ils entravent la libre concurrence tout en conservant les agriculteurs dans une situation de dépendance économique aux grandes entreprises. Il a fallu attendre dix ans pour que l’opposition soit traitée en première instance, dix années pendant lesquelles toute personne souhaitant travailler cette variété de poivron devait payer une licence au groupe, et doit encore le faire maintenant.

En décembre 2022, l’OEB a également délivré des brevets sur des melons, des tomates ou encore du pissenlit. Cependant, depuis de nombreuses années, les institutions de l’Union européenne admettent que les brevets sur des propriétés naturelles ne doivent pas être délivrés.

« Les Etats membres du conseil d’administration de l’OEB doivent enfin édicter des règles claires pour empêcher les manigances des avocats spécialisés en propriété intellectuelle et mettre définitivement un terme au brevetage des plantes et animaux obtenus de manière conventionnelle », a souligné Carla Hoinkes de Public Eye.

Ninon VANDEKERCKHOVE

 

Sources :

https://www.heidi.news/alimentation/les-poivrons-de-la-colere-syngenta-gagne-le-droit-de-breveter-la-nature

https://www.publiceye.ch/fr/coin-medias/communiques-de-presse/detail/scandaleux-le-brevet-controverse-de-syngenta-sur-le-poivron-est-confirme

https://www.20min.ch/fr/story/syngenta-gagne-et-conserve-son-brevet-sur-une-variete-de-poivron-704163340336

 

MasterIPIT