Brèves du 26 octobre au 1er novembre 2020

L’Autorité de la concurrence saisie par des associations françaises à l’encontre des outils anti-pistages d’Apple 

 

Le prochain système d’exploitation mobile d’Apple nommé iOS 14 sème le trouble au sein du marché français de la publicité en ligne, en raison d’un changement plus contraignant nécessitant un consentement préalable de l’utilisateur au tracking utilisé à des fins marketing et commerciales. 

Le cœur du conflit concerne un outil nommé IDentifier For Advertisers (IDFA) servant à envoyer à l’utilisateur d’un appareil mobile Apple des publicités ciblées, mais sans avoir connaissance de l’identité de l’individu. Cet outil était déjà sécurisé, mais Apple a décidé de renforcer la protection de la confidentialité des utilisateurs et des données personnelles avec le prochain système d’exploitation. En effet, avec iOS 14 l’outil IDFA sera conditionné au consentement individuel de chaque utilisateur, qui peut être amené à refuser la publicité ciblée.

Or ce changement en faveur de l’anti-pistage sera imposé par Apple et les annonceurs ne pourront y faire face. Ces derniers craignent le rejet massif des publicités par les utilisateurs à la vue de ces pop up, soit ces fenêtres qui s’ouvrent automatiquement devant la fenêtre principale, sollicitant l’avis de l’utilisateur. En conséquence, quatre associations professionnelles françaises de la publicité, le Syndicat des régies internet (SRI), la Mobile Marketing Association (MMA), l’Interactive Advertising Bureau France (IAB France), et l’Union des entreprises de conseil et d’achat média (Udecam), ont déposé plainte auprès de l’Autorité de la concurrence, pour abus de position dominante.

Par ailleurs, les associations reprochent à Apple d’appliquer de manière inégalitaire ce futur recueil de consentement, car la firme américaine exempte ses propres outils publicitaires de ce système anti-pistage ce qui crée une forte inégalité concurrentielle. Le président de MMA, Pierre-Emmanuel Cros, qui reproche la politique anticoncurrentielle d’Apple avait ainsi indiqué « Nous sommes pour la ‘privacy’, mais contre la privatisation de la ‘privacy’ par un seul acteur ».

Ce changement peut sembler anodin, mais impacte en réalité un immense marché, en raison des plus de 900 millions iPhone concernés par ce changement. En outre, l’inquiétude s’étend aux nombreux médias dont les revenus dépendent fortement des publicités. Facebook a même pris part dans le débat en se positionnant contre cet obstacle à la publicité occasionné par Apple. 

En réponse aux critiques, Apple a reporté ce changement du prochain système d’exploitation iOS 14 à 2021, mais maintient fermement son arrivée. Ce renforcement de l’outil IDFA s’inscrit dans la politique d’Apple sur la vie privée qui devient de plus en plus contraignante, au bénéfice des utilisateurs. Ainsi, les défenseurs des données personnelles contre le traçage publicitaire, se placent quant à eux du côté de la firme américaine, et cette dernière n’hésite pas à le prôner. 

Mais il est possible que derrière ce renforcement de la protection de la vie privée des utilisateurs se cache en réalité un outil servant à fragiliser la concurrence, pour accroître la position dominante d’Apple… Il revient désormais à l’Autorité de la concurrence d’apprécier ce conflit et tous les enjeux majeurs qui en découlent. 

 

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Un cadre juridique flou cernant l’usage des drones policiers : La poursuite en justice par la Quadrature du Net

 

Alors que, début mai 2020, La Ligue des droits de l’Homme et la Quadrature du Net n’avaient pas obtenu gain de cause devant le tribunal administratif de Paris, le 18 mai, le Conseil d’État leurs a finalement donné raison en pointant du doigt le caractère illégal de l’usage de ces aéronefs

Les deux associations contestaient l’usage de ces drones dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Le Conseil d’État s’interrogeait alors sur la capacité des zooms optiques permettant l’identification des individus et sur l’absence de dispositifs techniques certifiant que les images collectées ne vont pas être utilisées à des fins d’identification. La juridiction administrative a conclu que cette utilisation constituait « une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée », elle a ordonné par la suite au préfet de « cesser sans délai »

Seulement, la préfecture de police de Paris n’a pas cessé de recourir à ces drones pour des opérations de maintien de l’ordre. En effet, le journal Médiapart rapporte, au soutien de vidéos d’internautes, que la police aurait déployé ces appareils à plusieurs reprises comme le 9 juin, en marge d’un hommage à George Floyd, ou le 4 juillet, lors d’une manifestation LGBT+. L’avocat au barreau de Paris et spécialiste du droit du numérique, Me Thierry Vallet, déclare « La décision du Conseil d’État signifie pour moi qu’il fallait arrêter l’utilisation des drones tant qu’il n’y avait pas de réglementation sur le sujet, on a l’impression que les forces de l’ordre n’en font pas cas ».  

En conséquence, l’association la Quadrature du Net, a décidé d’attaquer la préfecture pour ses actuelles opérations devant le tribunal administratif de Paris. L’association estime que au regard des images collectées lors des manifestations et en l’absence de nouveaux marchés publics concernant l’achat d’aéronefs, les drones utilisés sont les mêmes que ceux employés lors de la surveillance des mesures de confinement. Elle soutient que la préfecture resterait capable d’identifier les individus et pourrait traiter leurs données personnelles. Par un raisonnement a fortiori, les requérants s’appuient sur les textes régissant l’utilisation des caméras de vidéosurveillance fixes afin de souligner la nécessaire mise en place de dispositions assurant le respect des libertés individuelles, du droit à la vie privée, et à l’inviolabilité du domicile. 

L’association ajoute un dernier argument celui des données politiques. Catégorie la plus protégée par le RGPD, elle regroupe les informations révélant l’origine ethnique, les convictions religieuses ou l’appartenance syndicale. Si la personne ne rend pas, par elle-même, publiques ces données ou ne donne pas son consentement libre et éclairé, leur collecte est extrêmement restreinte. 

Baignant dans ce flou juridique, les députés LREM prévoient une proposition de loi sur la « sécurité globale » créant notamment un régime juridique pour ces appareils. 

Ainsi, entre potentielle saisine pour avis, relative à cette proposition de loi, et la nouvelle poursuite en justice, tous les regards sont donc, à nouveaux, tournés vers le Conseil d’État.  

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Google, Twitter et Facebook devant le Sénat des États-Unis : une hypothétique réforme du droit américain vers une responsabilisation de ces derniers sur le contenu qu’ils diffusent

 

Mark Zuckerberg, Jack Dorsey et Sundar Pichai respectivement PDG de Facebook, Twitter et Google étaient ce mercredi 28 octobre 2020 réunis par visioconférence devant la commission spéciale du Sénat des Etats-Unis dans le cadre d’une audience devant examiner « si l’article 230 de la Loi sur la décence des communications a survécu à son utilité à l’ère numérique d’aujourd’hui. »

Cet article définit le régime des responsabilités sur les réseaux sociaux. Ce texte considère ces derniers comme des hébergeurs, de simples intermédiaires techniques, et leurs assure ainsi une protection sur le plan de la responsabilité. Ces derniers ne peuvent en effet être responsables de ce que publient leurs utilisateurs dans la limite de la suppression dans un délai raisonnable des contenus illégaux publiés, les réseaux sociaux pouvant notamment modérer certaines publications qu’ils considèrent comme étant répréhensibles.

Les élus républicains ont depuis plusieurs mois déjà soumis de vives critiques à l’encontre de cet article, et notamment en ce qui concerne les décisions de modérations des publications opérées par Twitter et Facebook dans le contexte tendu de la campagne présidentiel américaine en cours. Ces derniers souhaiteraient donc une modification du texte pour parvenir à une augmentation de la responsabilité des réseaux sociaux concernant les contenus publiés et à une meilleure transparence de ces derniers dans leur gestion de l’affichage des publications réalisées par leurs utilisateurs

Sans grande surprise, on peut assister à une levée de boucliers de la part des réseaux sociaux concernant une  trop grande modification substantielle du texte. Si Mark Zuckerberg affirme que l’article 230 doit « être mis à jour pour s’assurer qu’il fonctionne comme prévu », Jack Dorsey lui met en garde le sénat contre de trop grande modification qui pourrait conduire à «faire s’effondrer la façon dont nous communiquons sur internet, ne laissant qu’un petit nombre de sociétés technologiques géantes et bien financées », propos soutenu par le PDG de Google affirmant que les législateurs doivent «  être très conscients des conséquences que ces changements pourraient avoir sur les entreprises et les consommateurs. »

Cependant malgré les enjeux importants que soulève une modification de ce texte, cette audition des trois PDG menée 6 jours avant l’élection présidentielle n’aura pas conduit à de réels débats sur le fond de ce dernier, parti républicain comme démocrate campant sur leur position habituelle, résumée ainsi par Mark Zuckerberg « Les démocrates nous accusent de ne pas modérer assez, les républicains de trop modérer. »

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Microsoft va ouvrir son premier data center à Taïwan

 

Le 26 octobre 2020, la firme américaine Microsoft a annoncé l’ouverture de son premier data center en 2024 à Taiwan, portant à 66 le nombre de centres d’hébergements de données que possède l’entreprise dans le monde, la plupart étant en Asie. 

Un data center est un endroit physique sécurisé où sont réunis un ensemble d’éléments comme du matériel informatique (ordinateurs, serveurs, unités de stockage..), des équipements réseaux et de télécommunication, des systèmes de contrôles et de sécurité. Il permet le stockage et le traitement de données informatiques à l’usage d’une entreprise exclusivement, ou de plusieurs entreprises lorsqu’il est administré par un tiers.  

Cette nouvelle réjouit les divers acteurs de ce projet, à commencer par le directeur général de Microsoft Taïwan Ken Sun, qui déclarait lors de la conférence à Taipei que « Microsoft est déterminé à renforcer l’innovation et la croissance économique à Taïwan, qui se profile à devenir le prochain pôle technologique asiatique ». Qui plus est, l’établissement du datacenter devrait permettre la création de 30 000 emplois, et la formation de 200 000 taïwanais aux thématiques du digital. 

Présent depuis une trentaine d’années dans le pays, l’entreprise américaine a commencé à soutenir la transformation numérique dans les secteurs publics et privées à Taïwan, notamment par la création d’un centre d’innovation pour l’internet des objets en 2016, et d’un centre R&D sur l’intelligence artificielle en 2018. Par ailleurs, l’entreprise possède un incubateur à Tapei et apporte largement son soutien aux programmes universitaires.  

Les entreprises locales telles que Acer et Asus encouragent également la création du data center qui leurs permettra « d’aider les entreprises dans leur transformation numérique grâce aux technologies intelligentes et de cloud »,  et de remplir  leur mission « de briser les barrières entre les individus et la technologie » (PDG d’Acer). 

Le projet du datacenter est le plus gros investissement de Microsoft à Taïwan jusqu’ici réalisé, et le choix de l’entreprise sur ce pays s’explique par plusieurs raisons, notamment le soutien du gouvernement et la solidité des partenaires. « Microsoft travaillera en collaboration avec des parvenais taïwanais, pas seulement dans les semi-conducteurs et l’industrie technologique, mais également dans les domaines de la finance, de la médecine, et bien d’autres » (Ken Sun).   

L’engagement environnemental de l’entreprise est également une raison pour laquelle Microsoft investit à Taiwan, pays qui partage cet objectif d’une activité plus durable. «Nous nous sommes engagés au début de l’année à que Microsoft ne génère plus aucune émission carbonique d’ici la fin de l’année . D’ici 2050, nous voulons supprimer l’intégralité de notre empreinte carbone depuis notre création en 1975 » déclare Ken Sun. 

Néanmoins, l’emplacement exact du data center ne sera pas révélé pour des raisons de sécurité liés à la sensibilité des données.  

Sources : 

 

Promotion 2020/2021

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