Bonsoir à tous, les brèves de cette semaine par le Collectif sont désormais disponibles. Un de nos camarades a récemment publié un article à l’aune des données personnelles et les élections présidentielles. N’hésitez pas à aller le lire, ce qui est d’autant plus très pertinent en pleine période d’élection.
Très bonne lecture !
Proposition de révision adoptée par la Commission européenne : du mouvement dans le régime des IG
Le 31 mars dernier, la Commission européenne a adopté une proposition de révision du système des indications géographiques (IG) qui touche les vins, les boissons spiritueuses ainsi que les produits agricoles. L’objectif affiché est d’accroître l’utilisation de ces indications géographiques et d’assurer un meilleur niveau de protection notamment en ligne.
Les indications géographiques participent de la protection des patrimoines culturels et gastronomiques locaux tout en assurant une garantie de qualité. Selon Janusz Wojciechowski, membre de la Commission chargé de l’agriculture, les changements devraient profiter « aux économies rurales dans l’ensemble de l’Union, [contribuer] à préserver les traditions et les ressources naturelles locales et [renforcer] la protection de la réputation mondiale des produits agroalimentaires de l’UE » .
Assurer la protection de ces indications apparaît important au vu de leur succès, celles-ci représentent 15,5% des exportations agroalimentaires de l’Union européenne, soit 74,76 milliards d’euros.
La Commission n’entend cependant pas revoir les fondements des indications géographiques avec cette proposition, il s’agit d’une évolution sans changements substantiels.
Il est ainsi proposé de raccourcir et simplifier la procédure d’enregistrement avec notamment la création d’une procédure unique d’enregistrement pour les demandeurs de l’Union et ceux des pays tiers. De cette procédure unique devrait résulter un « raccourcissement des délais entre le dépôt de la demande et l’enregistrement ».
Serait par ailleurs renforcée la protection s’agissant de la vente sur internet en particulier contre « l’enregistrement et l’utilisation de mauvaise foi des IG dans le système de noms de domaines ».
Est aussi visée une augmentation de la qualité des produits protégés par les indications géographiques notamment par le biais de la valorisation des « actions en matière de durabilité sociale, environnementale ou économique » dans le cahier des charges.
Enfin, la proposition souhaite laisser une place plus importante aux groupements de producteurs en particulier en leur octroyant des pouvoirs et responsabilités accrus comme la possibilité de prendre des décisions contraignantes pour leurs membres. La proposition introduit notamment les « groupements reconnus de producteurs » qui auront à leur charge la gestion globale des indications.
Cependant, la révision du régime des indications géographiques fait l’objet de contestations par les producteurs s’agissant de l’implication accrue de l’EUIPO. Cette institution devrait fournir « un soutien technique dans le processus de contrôle afin de contribuer à accélérer les procédures ». Certains groupements objectent que le transfert de compétence au bénéfice d’une institution qui n’a pas les connaissances nécessaires sur les spécificités du domaine agricole mettrait en péril « une politique réussie ».
La Fédération Européenne des Vins d’Origine (EFOW) dénonce notamment une réforme qui pourrait avoir pour effet d’introduire une logique de protection des marques anglo-saxonne en lieu et place de la logique de sauvegarde propre aux indications géographiques.
En outre, est aussi dénoncé le manque de précision de la réforme qui aurait pour conséquence que son fonctionnement « serait défini par Bruxelles dans le cadre d’actes délégués, et non par le Parlement et le Conseil Européen ».
La proposition adoptée par la Commission européenne doit désormais être transmise au Parlement européen qui pourra l’amender.
Léo BERGALASSE
Sources :
https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_2185
Le rôle résiduel du droit d’auteur face à la liberté d’expression: TGI Nanterre 31 mars 2022
Depuis l’arrêt Klasen du 15 mai 2015, le droit d’auteur n’est pas forcément absolu, il doit se concilier avec la liberté d’expression qui est un droit fondamental. Le récent jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 31 mars 2022 s’inscrit dans le continuum de cette jurisprudence notoire.
En l’espèce, une photographie représentant la célèbre actrice Sylvia Kristel a été utilisée sans le consentement du photographe pour la promotion du film « Emmanuelle » réalisé par Just Jaekin. Dès lors, le photographe revendique les droits d’auteur sur son œuvre de l’esprit et assigne la société SAS Marie Claire Album pour contrefaçon de droits d’auteur. En outre, il intente la violation de ses droits moraux, qui rappelons-le sont subdivisés en quatre attributs : le droit de divulgation, le droit de paternité, le droit au respect de l’œuvre, le droit de repentir. Les juges du fond se prononcent sur la contrefaçon du droit d’auteur. Ils ne réfutent pas la matérialité de la contrefaçon qui renvoie « à la reproduction numérisée sans autorisation d’une œuvre seconde incorporant l’œuvre originale en débat sans mention du nom de son auteur. » Nonobstant, celle-ci nécessite d’être concilier avec la liberté d’expression du défendeur et de l’atteinte disproportionné que lui causerait une condamnation pour contrefaçon à ce titre.
Pour résoudre cela, ils vont faire un contrôle de proportionnalité et voir si l’acte litigieux ne constituerait pas une ingérence disproportionnée à un but légitime reconnu par l’article 10 alinéa 2 de la CEDH.
Les juges du fond estiment que celui-ci n’est pas suffisamment caractérisé. En l’espèce, l’acte de reproduction commis par la société a été consulté seulement 76 fois en 6 ans et le site demeure inexistant à ce jour. Dès lors, cela ne relève pas d’une importance majeure, l’objectif de la société SAS Marie Claire Album n’est que purement commercial. De surcroît, les juges du fond estiment que « La condamnation de la SAS Marie Claire Album au paiement de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi par M. X ne se réclamerait d’aucune nécessité, ne répondrait pas à un besoin social impérieux de protection du droit d’auteur, constituerait une atteinte disproportionnée à sa liberté d’expression et serait, partant, contraire à l’article 10 de la CESDH ».
Cette décision est le rappel d’une hiérarchie entre les droits fondamentaux, d’une part la liberté d’expression reconnu par l’article 10 de la CEDH, d’une autre part, le droit d’auteur qui est affilié à un droit de propriété reconnu dans l’article 17 de la DDHC. Mais le contrôle de proportionnalité fait peser pour l’auteur de l’œuvre de l’esprit des exigences probatoires afin de faire valoir sa demande. Ce qui constitue un coup de glaive à l’encontre de la conception personnaliste du droit d’auteur dont le précurseur est le professeur Henri Desbois, celui-ci y attache une valeur absolue.
Cédric Neldé KOSSADOUM
Sources :
Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme : L’Union Européenne veut désanonymiser les transactions de cryptoactifs
Photographie : Kanchanara / Unsplash
Le parlement européen a adopté le 31 mars dernier un projet de loi visant à augmenter la traçabilité des transactions réalisées grâce à des cryptoactifs et à permettre de bloquer celles qui sont suspectes dans le but de lutter contre l’impunité qui existe dans le domaine du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme.
Les crypto-actifs ont représenté dès leur introduction dans le paysage technologique une opportunité pour les personnes souhaitant se livrer à ces activités du fait de la décentralisation des transferts d’argent et donc de l’absence de contrôle par des intermédiaires. Ainsi, l’identification des personnes à l’origine de ces transferts bénéficie d’un anonymat idéal pour les acteurs souhaitant conserver l’anonymat de leurs transactions. De plus, cette décentralisation empêche la localisation des transactions et pose des problèmes en termes de compétence territoriale pour le contrôle des états. Le bitcoin a par conséquent acquis une réputation de « monnaie des truands » qui appelle les organismes étatiques et interétatiques à tenter de mettre en place des réglementations efficaces.
Les états ont commencé à s’intéresser à la question en définissant les éléments de la blockchain et des actifs numériques. Nombre des transferts ont lieu via un prestataire intermédiaire qui permet aux tiers un accès aux blockchain et l’inscription des transactions. Ces intermédiaires représentent une opportunité de contrôle des transactions. En effet, la loi PACTE et l’ordonnance du 9 décembre 2020 ont défini ces prestataires et leur ont imposé un contrôle de leur activité.
L’Union Européenne a aussi choisi de saisir l’opportunité que représentent ces intermédiaires. En effet, pour augmenter la traçabilité des transactions, le parlement européen a adopté un projet de loi qui devrait imposer aux intermédiaires d’inscrire sur les transactions l’identité des personnes qui en sont à l’origine et leurs bénéficiaires. Ces exigences seraient appliquées à l’ensemble des transferts sans seuil minimum relatif à leur valeur dans le but de prévenir le plus de transactions illégales possible.
Cette fin de l’anonymat dans le cadre des transferts de crypto-actifs pourrait cependant constituer un frein au développement des technologies relatives à la blockchain. En effet, l’anonymat et l’absence de contrôle que permet la blockchain constituent les éléments principaux de sa popularité qui permet aux entreprises de s’émanciper du contrôle des banques. Une réglementation et une traçabilité trop forte pourrait donc impliquer un retour à un système équivalent à celui des banques et donc rendre relativement obsolète la blockchain.
Les transactions de personne à personne qui ne sont pas réalisées au moyen d’un prestataire intermédiaire ne sont pas concernées de par la nature de la blockchain. Il sera donc toujours possible pour les activités à la fois licite et illicite d’avoir lieu sans contrôle. Cependant, des craintes ont été relevées quant à ce contrôle des intermédiaires, des acteurs du domaine ont peur qu’il crée une présomption d’illicéité portant sur les transactions de personne à personne ce qui pourrait constituer un véritable frein à l’utilisation de la blockchain pour les transactions.
Jean SOUQUET-BASIEGE
Sources :
https://siecledigital.fr/2022/04/04/lunion-europeenne-veut-mettre-fin-a-lanonymat-des-transactions-en-cryptomonnaies/?fbclid=IwAR1pMAFGVU41DzFz9ETic6bDn_Qol-Wd8iBDq-RWPqD4XT2snJJSvRvCyu8
https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20220324IPR26164/crypto-actifs-de-nouvelles-regles-pour-stopper-les-flux-illicites-dans-l-ue
Clément S., Lelieur J., « La conformité anti-blanchiment face aux crypto-actifs », RSC 2021, Dalloz, p.15
Goldszlagier J., Le Teurnier A., « La lutte contre le blanchiment à l’épreuve de la territorialité des crypto-actifs », AJ pénal 2021, Dalloz, p.465
r/place : édition n°2 par reddit
La page r/place est revenue du 1er au 5 avril sur la célèbre plateforme Reddit, après 5 ans d’absence. Il s’agit d’un concept collaboratif d’une ampleur considérable, où des millions d’internautes ont pu poser des pixels. Ce concept avait déjà été lancé en 2017, mais il s’était avéré moins intéressant que l’édition de cette année. Celle-ci avait eu lieu à l’occasion d’un poisson d’avril sur l’initiative de Josh Warle, l’inventeur du jeu mondial Wordle.
Concrètement, c’est quoi r/place ?
Le principe est relativement simple, puisque chaque utilisateur a la possibilité de placer un pixel de la couleur de son choix toutes les cinq minutes. Cette année de nombreuses communautés se sont organisées sur les plateformes Reddit, Twitch et Discord pour convenir des emplacements et des dessins reproduits. Sauf que le temps est compté pour construire ou détruire sur r/place. En effet, en 2017, il n’était plus possible de poser de pixel au bout de 72h, tandis que cette année, ce fut au bout de 83 heures et 19 minutes. Le jour de fin est connu, mais pas l’heure pour éviter les raid de dé-construction. Il faut noter une particularité tout de même puisque cette fois, il a été possible de tout déconstruire en ne pouvant poser que des pixels blancs sur la fin.
Depuis le 7 avril, Reddit propose de redécouvrir l’œuvre finale, et même de consulter l’évolution de l’œuvre (lien). Il est possible de voir qu’au bout de 8h, la page de 1 million de pixel était déjà remplie. Alors, Reddit a alloué 1 million de pixel supplémentaire au bout de 27h, puis encore 2 millions de pixel additionnel au bout de 54h. Cette observation traduit l’engouement incontesté pour ce concept original.
Possibilité d’une vente en NFT du résultat final ?
Imaginez Reddit il mettent en vente le r/place en NFT après tout ça
— Henry Tran (@superhenrytran) April 4, 2022
Des internautes ont pu légitiment se demander si Reddit comptait mettre en vente l’oeuvre finale sous forme de NFT. Ce n’est actuellement pas le cas, et il est très peu probable que cela se produise étant donné que ce n’était pas l’objectif de la plateforme. Celle-ci a déclaré «Nous n’en avons pas l’intention».
Par ailleurs, il est certain que l’oeuvre éphémère ne puisse recevoir une protection par la propriété intellectuelle pour Reddit, notamment le droit d’auteur. En effet, si l’incorporation d’oeuvres déjà protégées ou non-protégeables (drapeaux) n’empêchent pas l’accès à la protection, il en est autrement de l’empreinte de personnalité qui est difficile à rapporter ici. D’une part, tant les contributions sont multiples et d’autre part, en raison de l’absence de directives suffisamment importantes par la plateforme Reddit, qui ne peut alors prétendre au régime de l’oeuvre collective. En revanche, il serait possible pour les oeuvres intégrées de bénéficier de la protection du droit d’auteur, sous réserve de répondre aux conditions d’accès. Et là encore, se pose nécessairement des questions sur le régime à appliquer, puisqu’aucune des contributions n’a été créée par un seul utilisateur, mais par la coopération.
Il est intéressant de voir que les créations numériques peuvent encore dans certains cas susciter beaucoup d’interrogations juridiques sur leur qualification. Surtout lorsque de nombreux régimes peuvent s’appliquer en raison de la dimension internationale présente.
Une belle représentation du streaming français sur internet
Certains pays se sont particulièrement illustrés au cours de ces quelques jours. Parmi eux, l’Allemagne et la France se sont intensément investis. Et il est même possible de citer quelques coopérations entre les deux pays.
À d’autres moments, il y a eu des affrontements également intenses entre les communautés twitch françaises, hispaniques et américaines.
Finalement, les contributions françaises ont su « s’imposer » à l’issue de cette « pixel war », dont internet s’était massivement saisi. Ce fut une belle occasion pour l’internet français de s’illustrer sur la toile, et notamment de montrer l’engouement des français autour du divertissement numérique.
Il ne reste plus qu’à attendre la prochaine édition (probablement dans 5 ans) pour connaître les évolutions et suites du concept.
Anthony THOREL
Source :
https://www.reddit.com/r/place/?cx=1424&cy=873&px=622&ts=1649109947221
https://www.youtube.com/watch?v=sDU8WELShfs
https://www.youtube.com/watch?v=hGagYHTIO1M