Bonsoir, voici les brèves de la semaine. Très bonne lecture à tous !
Pascal Obispo : récit d’un artiste essayant de « trouver une solution face aux plateformes de streaming »
« Je suis dans une dimension de liberté » tels furent les mots de l’auteur, compositeur, et interprète de 56 ans au micro de France Inter le vendredi 8 janvier au moment de se lancer dans son futur projet. Pascal Obispo lance en effet sa propre application « Obispo All Access ». Par cet intermédiaire, l’interprète de Mourir Demain met un terme à son contrat avec sa maison de disques, Sony Music, afin de prendre le contrôle de sa carrière et de mettre son catalogue à disposition du public.
L’industrie du disque est connue pour aller vite, très vite. Les chanteurs signés doivent enchaîner les séances d’enregistrement, les tournées des médis et une pause de généralement quelques mois afin de garder l’intérêt du public et de réussir leurs ères. Ce phénomène s’est considérablement accru avec l’arrivée d’un nouveau phénomène de consommation : le streaming.
Le streaming (formé de l’anglais to stream – diffuser) permet la lecture de flux audio ou vidéo en direct, sans passer par l’intermédiaire d’un téléchargement, via internet ; la musique se consomme donc en instantané.
Aujourd’hui, les artistes sont rémunérés grâce à leur droit d’auteur ; mais le streaming, bien que représentant la moitié du chiffre d’affaires du marché mondial de la musique (à savoir 19 milliards de dollars en 2019), est considéré par beaucoup comme un danger. En effet, un certain nombre d’écoutes ne rapporte que quelques centimes à l’auteur et faire un bon vieux CD par exemple permet une meilleure rémunération de l’artiste.
Pour Pascal Obispo, le droit d’auteur est en perte constante de vitesse depuis l’arrivée des plateformes de streaming dans nos modes de consommation. « Les droits d’auteur, c’est la possibilité de vivre et d’exister. Au moment de la création des plateformes de streaming, nous les artistes avons été mal représentés. Il n’y a pas eu de consultation pour savoir quelle était la juste rémunération. »
Ainsi, selon lui, les artistes n’ont pas eu droit à la parole (seulement celui de chanter). Les plateformes de streaming avantagent de manière accrue la nouvelle génération et les artistes plus rodés sont moins mis en lumière.
Les recettes destinées aux artistes semblent pour beaucoup insuffisantes. Bien que la SACEM soit en accord avec ces différentes plateformes, elle ne reçoit que 12% des revenus générés pour ensuite les redistribuer aux auteurs, compositeurs et éditeurs. Le reste revient aux maisons de disques tachées de redistribuer à leur tour aux artistes avec qui elles sont sous contrat.
Le défi que doit relever l’ère du streaming et du numérique est donc colossal : parvenir à l’établissement d’une juste rémunération allouée aux artistes pour leurs travail et leurs créations afin de respecter leur droit d’auteur.
« L’idée c’est d’être résilient, et de trouver une solution face aux plateformes de streaming ». Mr. Obispo, face aux « miettes » de rémunérations octroyées, a décidé de retirer l’intégralité de son répertoire des sites de streaming. Peut-être est-ce là un premier pas vers une prise de conscience générale.
Sources :
- Tempo Obispo, par Augustin Trapenard le vendredi 8 janvier 2021 – France Inter
- Monde I Les chiffres du streaming musical à travers le monde – Le Bureau Export-Paris du 24 janvier 2020
- La Parisien « Tout Obispo sur une appli » du vendredi 8 janvier 2021
- Istock photo – concept de marketing du streaming
- PureCharts / Purebreak charts – Pascal Obispo
WhatsApp impose un partage de données personnelles à Facebook en défaveur de la préservation de la vie privée des utilisateurs
L’application de messagerie WhatsApp appartenant à Facebook, continue à être sous l’emprise des choix de ce dernier comme l’illustre le projet de nouvelles règles d’utilisation, défavorables à la vie privée des utilisateurs.
Facebook a depuis février 2014 racheté WhatsApp pour la modique somme de 22 milliards de dollars. Mais quelques années plus tard, le cofondateur de WhatsApp, Brian Acton, exprimait ses regrets en indiquant notamment lors d’une interview de Forbes en 2018 « J’ai vendu la vie de mes utilisateurs ». Effectivement le modèle économique de WhatsApp, initialement protecteur des données personnelles et donc très opposé à celui de Facebook, a finalement été orienté sur les mêmes principes, tels que la publicité ciblée.
L’application de messagerie a annoncé le 7 janvier 2021 qu’à partir du 8 février 2021, les utilisateurs, hors Europe, seront forcés d’accepter le transfert de nombreuses données personnelles au profit de Facebook. Cette annonce a très rapidement fait scandale, notamment au vu du très grand nombre de personnes concernées. En effet, cette application de messagerie à succès regroupe plus de deux milliards d’utilisateurs dans le monde entier.
Parmi les changements majeurs figurent notamment une transmission obligatoire des numéros de téléphones des utilisateurs de la messagerie, ou encore le partage de l’adresse IP de l’appareil de l’utilisateur. Par ailleurs Facebook détient également Messenger et Instagram, qui obtiendront corrélativement ces données sensibles.
Actuellement, la mise à jour prochaine exclurait les utilisateurs des pays membres de l’Union européenne. Effectivement, en raison du RGPD, ces conditions très nuisibles n’ont pas pu être mises en place de manière générale. Toutefois, ces changements ont été prévus au sein de l’Union européenne, uniquement pour déployer de nouvelles fonctionnalités pour les comptes professionnels de WhatsApp Business.
L’intérêt de Facebook est évidemment de retirer davantage de revenus de cette application, en exploitant au maximum les données renseignées. Facebook impose de plus en plus ses politiques à visée économique, dans l’ensemble des applications détenues, sans prendre en considération la prise en compte des utilisateurs quant à la manipulation de leurs données personnelles, et justement leur souhait grandissant de protéger celles-ci. Nombre d’entre eux ont ainsi été scandalisés par cette mise à jour des politiques de confidentialité particulièrement intrusive.
A la suite de cette annonce, diverses alternatives ont été mises en lumières. Ont ainsi été mentionnées les applications Telegram ou encore Viber, qui chiffrent tous les messages et proposent même l’autodestruction de certains d’entre eux. Par ailleurs l’application Signal, a fait grand bruit. Cette application utilisée par divers lanceurs d’alertes, tels qu’Edward Snowden, est connue pour son importante confidentialité, assurée par un protocole de cryptographie.
Le célèbre entrepreneur Elon Musk, et qui depuis le 8 janvier 2021 est l’homme le plus riche du monde, n’a pas hésité à réagir sur cette décision de WhatsApp en postant sur Twitter « Use Signal ». L’application Signal a d’ailleurs avoué avoir subitement connu des soucis techniques le jour même de l’annonce de WhatsApp, en raison d’une arrivée massive de nouveaux utilisateurs. Il convient aussi de rappeler que Signal avait eu l’honneur de recevoir en 2018, de la part du cofondateur de WhatsApp Brian Acton, un généreux don de 50 millions de dollars. Brian Acton, et de nombreux autres acteurs semblent donc décidés à contrer les changements de conditions d’utilisation de WhatsApp opéré par Facebook.
Sources :
- https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/01/07/whatsapp-revoit-ses-conditions-d-utilisation-sur-le-partage-des-donnees-utilisateurs-avec-facebook_6065529_4408996.html
- https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/facebook/whatsapp-veut-partager-plus-de-donnees-avec-facebook-les-utilisateurs-s-inquietent_4248591.html
- https://www.01net.com/astuces/3-alternatives-a-whatsapp-pour-discuter-sans-brader-votre-vie-privee-2027415.html
- https://www.bfmtv.com/tech/nouvelles-conditions-de-whats-app-elon-musk-recommande-d-utiliser-signal_AN-202101080140.html
Microsoft dépose un brevet sur un chatbot permettant d’échanger avec les personnes décédées
Récemment, un brevet déposé par Microsoft a été découvert, lequel permettrait de créer des chatbots à partir de véritables personnes, vivantes ou décédées. En effet, l’intelligence artificielle du robot utiliserait des « données sociales », pour établir un profil personnel numérique. Parmi ces données figurent des images, des données vocales, des messages sur les réseaux sociaux, des messages électroniques, ou encore des lettres manuscrites.
Le brevet est un titre de propriété industrielle temporaire, délivré par un office, qui confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation d’une invention. La demande de brevet doit préciser plusieurs informations, notamment une description de l’invention et des revendications.
Le brevet de Microsoft indique notamment que : « Les données sociales peuvent être utilisées pour créer ou modifier un index spécial sur le thème de la personnalité d’une personne spécifique. L’index spécial peut être utilisé pour former un chatbot à converser et à interagir selon la personnalité d’une personne ».
Ces chatbots (ou agents conversationnels), pourraient même ressembler à la personne imitée, notamment reproduire sa voix et sa diction, à l’aide d’enregistrements et de données sonores liées à cette personne. Le brevet ajoute que les sujets de ses chatbots pourront être morts ou vivants, (ami, parent, connaissance, célébrité, personnage fictif, personnage historique, entité aléatoire). Un tel brevet donnerait la possibilité de « ressusciter » en quelque sorte, et numériquement, des personnes décédées. De même, des personnes pourraient former une version numérique d’elles-mêmes avant de mourir…
Cette idée n’est pas nouvelle. Une personne avait déjà déjà créé un « Dadbot » qui lui permettait de communiquer avec son père décédé (How a Man Turned His Dying Father Into AI | WIRED).
Le brevet portant essentiellement sur l’invention et ses détails techniques, les problématiques éthiques ne sont pas abordées, et pourtant elles sont nombreuses : Quels sont les droits des données numériques d’une personne décédée ? Celle-ci devrait-elle donner son accord avant qu’un chatbot ne soit créé à son image ? Les proches auraient-ils le droit de partager publiquement ce chatbot ? Les proches d’un défunt pourront-ils empêcher d’autres personnes de transformer leurs proches décédés en robots conversationnels?
En plus de ces questions, le risque de vol de données en cas de piratage de l’intelligence artificielle est également un problème à envisager… Ce projet de Microsoft n’étant qu’au stade de brevet est néanmoins à relativiser, car il n’y a aucune certitude quant au fait qu’il verra le jour… et cela est-il vraiment souhaitable?
Certes, l’envie peut être tentante de pouvoir « parler » à un défunt proche , mais l’idée d’un chatbot, si elle peut paraître réconfortante, n’en semble pas moins étrange et inquiétante… elle nous rappelle l’épisode « Bientôt de retour» de Black Mirror, qui met en scène une veuve recourant à un service pour simuler une communication numérique avec son défunt mari. Et vous, qu’en pensez-vous?
Sources :
- https://www.forbes.fr/technologie/microsoft-pourrait-nous-ressusciter-sous-forme-de-chatbots/
- https://www.tomsguide.fr/microsoft-un-chatbot-pour-parler-avec-les-morts-grace-a-lintelligence-artificielle/
- https://www.begeek.fr/microsoft-imagine-un-chatbot-qui-nous-permettrait-de-parler-a-nos-proches-disparus-351411
- https://www.freepik.com/free-photo/blonde-smiling-young-woman-demonstrating-white-teeth-using-cell-phone-messaging_9117302.htm#page=1&query=chat&position=36
- Cours « Introduction au droit de la propriété intellectuelle » du Professeur Jean Lapousterle
Quand un outil de lutte contre le Coronavirus se transforme en outil de surveillance masse de la population à Singapour
Ces derniers mois nos vies à tous ont été bouleversées par la pandémie mondiale du coronavirus et si les premières vaccinations donnent l’espoir de retrouver dans les prochains mois « une vie normale » il faut pour le moment continuer de vivre avec ce virus et tenter de contrôler au mieux l’épidémie. C’est dans ce cadre que plusieurs Etats ont notamment mis au point des applications de traçages afin de remonter les chaînes de contaminations et isoler les personnes potentiellement contaminées. Devant être utilisé par une large majorité de la population pour être efficace ces applications rencontrent néanmoins un succès plus ou moins varié en fonction des États de nombreuses questions se posant notamment sur le respect de la vie privée. Les dernières évolutions à Singapour ne sont pas des plus rassurantes sur ce dernier point.
La Cité-Etat a depuis le début de la crise fait l’objet d’exemple mondial dans la gestion de la pandémie avec très peu de cas et de décès malgré ses plus de 5 millions d’habitants. Lancée mi-mars, l’application de traçage de Singapour nommée « TraceTogether » ne rencontre pas un franc succès et compte environ 1 million d’utilisateurs en avril.
Les autorités Singapouriennes avaient pourtant pour rassurer la population sur les inquiétudes concernant la protection de leur vie privée. Le gouvernement Singapourien avait en effet été assuré à plusieurs reprises à la population que les données récoltées via l’application ne seraient utilisé que dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus en assurant que celles-ci ne seraient « jamais consultées à moins que l’utilisateur ne soit testé positif » et que dans ce cas-là « seule une équipe très limitée de médecins auront accès aux données ». Ainsi à en croire les autorités Singapouriennes les Singapouriens n’avaient pas à s’inquiéter quant à la confidentialité des données récoltées par TraceTogether. Une bonne nouvelle pour ces derniers alors que l’application devait selon une annonce du gouvernement devenir obligatoire en ce début d’année pour se rendre au travail ou aller au supermarché cette dernière étant déjà obligatoire pour se rendre dans certains lieux. Autant de raisons qui expliquent probablement pourquoi en ce début d’année 78% de la population avait finalement installé l’application.
Cependant le gouvernement local à changer sa position cette semaine sur l’usage pouvant être fait des données récoltés par TraceTogether affirmant que le Code de procédure pénale en vigueur permettait à la police de Singapour de récolter les données issues de l’application dans le cadre de ses enquêtes criminelles en dépit de la confidentialité des données le ministère de l’Intérieur de la Cité-Etat affirmant que « la sécurité de nos citoyens est plus importante et c’est pour cette raison que nous n’excluons pas l’utilisation des données issues de TraceTogether dans des circonstances où cette sécurité serait affectée ».
Ainsi le gouvernement Singapourien justifie la violation de la vie privée de ses concitoyens par la nécessité de sécurité de ces derniers transformant l’application de traçage en un outil de surveillance de masse de la population. Situation qui suscite de nombreuses réactions comme celle de l’organisation Human Rights Watch dont le directeur pour l’Asie, Phil Robertson affirme que ces informations « révèlent comment le gouvernement a exploité secrètement la pandémie pour renforcer sa surveillance et son contrôle sur la population » tandis que la journaliste indépendante Singapourienne Kristen Han affirme qu’« il est injuste que notre vie privée soit aussi peu protégée face au gouvernement ».
Ce revirement de position du gouvernement Singapourien en plus d’être préjudiciable pour les citoyens de la Cité-Etat n’encouragera pas les personnes déjà septiques à installer une application fonctionnant sur un système similaire. Ces dernières ont pourtant besoin d’être utilisées par d’un maximum d’utilisateurs afin d’être efficaces pour leur mission première et qui aurait dû rester la seule : garder le contrôle sur la pandémie.
Sources :
- TraceTogether : la police singapourienne peut désormais accéder aux données de traçage dans le cadre des enquêtes criminelles (siecledigital.fr)
- Les autorités de Singapour s’arrogent l’accès aux données du contact tracing – ZDNet
- Singapour : les données de l’appli anti-Covid accessibles à la police – Le Point
- Singapour reconnaît que la police a accès aux données de son application anti-Covid (lefigaro.fr)