Brèves du 6 au 12 décembre 2021

Bonsoir à tous, voici les brèves d’actualité de la semaine du 6 au 12 décembre 2021 par le Collectif M1 PIDN 2021/2022.

Très bonne lecture à tous et bonne fin de semaine.

 

De nouvelles manoeuvres de la part du géant de l’e-commerce Amazon : les écrivains et les libraires sont concernés aujourd’hui 

 

Source : Pixabay

Une enquête du journal The New York Times, publiée le 3 décembre 2021, révèle qu’Amazon permet à ses vendeurs de modifier frauduleusement la date de publication de certains ouvrages vendus sur la plateforme numérique. M. Boland, ancien journaliste et auteur depuis 2009 auto-publié sur Amazon, a assigné le géant du commerce en justice, après avoir constaté que certains de ses ouvrages, revendus par des indépendants, étaient datés de 1876, 1842 et 1774. L’objectif des petits vendeurs était d’augmenter la valeur des livres délaissés du commerce de masse et par conséquent de récupérer la marge réalisée, en échappant à tout contrôle. 

De façon plus flagrante, une brochure de la campagne présidentielle de Barack Obama, datant de 2008, est vendue 25 centimes de dollars. Sur Amazon, cette même brochure est frauduleusement datée de 1725 et ainsi vendue 45 dollars.  Cette pratique malhonnête fait réagir les nombreux ayant-droits concernés. 

Amazon, accusé d’atteinte au droit d’auteur, se réclame de ne pas autoriser ce genre de manœuvre et laisse la responsabilité aux vendeurs indépendants. La plateforme reconnaît cependant le problème de l’absence de contrôle de ces vendeurs, ce qui laisse place à de multiples cas de fraude, de contrefaçon, et d’abus de droit d’auteur. Mais selon M. Boland, le problème n’a jamais été résolu et aura du mal à l’être avec les lois en vigueur. Les plateformes numériques aux Etats-Unis sont protégées par une barrière impénétrable, les ayants-droits ne peuvent jamais obtenir la responsabilité directe de la plateforme pour réprimer les fraudes faites par des tiers sur le réseau : le même problème a été soulevé contre Twitter ou Facebook.

Amazon, géant du livre mais participant également au déclin des auteurs et des libraires ?

Une autre difficulté a été soulevée, impactant cette fois directement la France. Le 25 août 2021, Amazon propose à la France de plafonner le prix de la livraison des livres à 2€, lors d’une rencontre entre le vice-président du service littéraire d’Amazon, David Naggar, et la Ministre de la culture, Roselyne Bachelot. Mais cette augmentation des frais n’est pas sans contrepartie : l’enjeu pour Amazon est que le Parlement français renonce à la proposition de loi visant à obtenir une contrepartie financière suffisante pour les libraires. Le texte de loi déposé par la sénatrice Laure Darcos assure notamment le soutien des petites librairies par les communes, un tel procédé étant déjà prévu pour les petites salles de cinéma.

La loi sera votée le 19 décembre prochain, indépendamment des menaces d’Amazon d’augmenter le prix des livres pour les consommateurs français. Cette contrepartie permettrait  justement aux petits libraires de survivre aux géants de la vente en ligne, tels qu’Amazon ou la FNAC, qui pratiquent des livraisons “quasi-gratuites”, favorisant l’e-commerce.

La protection des libraires français semble donc être acquise, au dépend, peut-être, des consommateurs. 

Héloïse JAN

 

Sources :

https://www.presse-citron.net/amazon-on-sait-enfin-pourquoi-de-plus-en-plus-de-livres-sont-vendus-a-des-prix-delirants/

https://www.nytimes.com/2021/12/03/technology/amazon-bookstore.html

https://www.reuters.com/business/retail-consumer/exclusive-amazon-offered-france-deal-have-bill-protecting-bookshops-pulled-2021-12-07/

https://www.vie-publique.fr/loi/281850-proposition-de-loi-darcos-economie-du-livre-equite-entre-acteurs

 

L’ordonnance du 24 novembre 2021 : dernier acte de transposition de la directive de 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

 

La dernière ordonnance de transposition de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique a été publiée au Journal officiel, le 25 novembre dernier. 

Cette directive a pour objectif principal de permettre une meilleure rémunération des auteurs et éditeurs de contenus en instaurant des règles modernisées et adaptées à l’ère du numérique. Un encadrement des plateformes telles que Youtube ou Google sur le respect du droit d’auteur dans leur contenu y est notamment consacré. Une ordonnance du 12 mai 2021 a déjà transposé les articles 17 à 23 de la directive. 

L’ordonnance du 24 novembre transpose cette fois les dispositions visant à faciliter l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur à des fins liées à l’accès au savoir

Elle consacre ainsi dans un nouvel article L. 122-5-3 du CPI de nouvelles exceptions au droit des auteurs et fabricants de bases de données : ces derniers ne peuvent s’opposer aux  fouilles de textes et de données réalisées, par des organismes de recherche et des institutions du patrimoine culturel , à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement et de la formation professionnelle.

L’ordonnance étend l’exception dite « pédagogique », prévue à l’article L. 122-5 du CPI, aux activités numériques, auteurs de logiciels, titulaires de droits voisins et producteurs de bases de données afin de favoriser l’utilisation d’extraits d’œuvres à des fins d’illustration dans le cadre de l’enseignement et la reproduction des œuvres. 

Un nouveau système d’octroi de licences collectives est mis en place pour permettre l’accès à certaines œuvres. Ce système permettra aux bibliothèques, musées, archives et autres institutions du patrimoine culturel de numériser et diffuser ces œuvres dont ils disposent mais indisponibles dans le commerce. 

Enfin, l’ordonnance consacre un système spécifique de licence instauré au profit des organismes de gestion collective qui pourront négocier des accords dans certains domaines  pour ses membres mais aussi pour des auteurs non adhérents (qui pourront se retirer du dispositif). Dans ce cas, l’organisme devra être « suffisamment représentatif ». Une nouvelle mission de taille pour ces organismes qu’il ne reste plus qu’à identifier.

Raphaël DULION

 

Sources : 

https://kiosque.bercy.gouv.fr/alyas/msite/home/lettre-daj/329/numerique (image)

https://www.vie-publique.fr/loi/282569-ordonnance-completant-transposition-directive-droits-dauteur

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044362034

 

La plateforme de streaming Molotov condamnée à verser une amende de 7 millions d’euros à M6.

 

 

Le 2 décembre 2021, la plateforme de streaming Molotov a été condamnée par le tribunal judiciaire de Paris à verser une amende de 7 millions d’euros au groupe audiovisuel M6.

Cette condamnation émerge suite à la contrefaçon des droits voisins de l’entreprise de communication visuelle. À cela s’ajoutent 15 000 euros  au titre de la contrefaçon de marques suite à la reproduction sans autorisation de M6 des logos et signes liées à ses chaînes, ainsi que 100 000 euros pour parasitisme pour avoir tiré  profit déloyalement et sans bourse délier des investissements et du savoir-faire  de M6. Les trois chaînes du groupe M6 (M6, W9, 6ter) vont disparaître du catalogue de la plateforme de streaming dans les 8 prochains jours à compter de la signification du jugement.

Dans les faits, en Mars 2018, le contrat de diffusion liant M6 et Molotov a expiré. A cette époque le groupe M6 souhaitant renégocier le montant des droits , demande à laquelle Molotov n’a pas voulu donner et a poursuivi la diffusion des contenus M6, W9 et 6ter mais sans régler aucun droit à la plateforme.

Toutefois, ce n’est pas le seul problème auquel Molotov est confronté. Des faits similaires feront l’objet d’un procès intenté par le groupe TF1.  Entre 2016 et 2021, l’application a très bien marché, par conséquent TF1 et M6 ont voulu passer des contrats plus chers avec Molotov que celle-ci à refusé. 

Le procès est attendu pour le 1er trimestre 2022 et la chaîne TF1 réclame 8 millions d’euros. Les sommes réclamées ne devraient théoriquement pas représenter de troubles importants pour la plateforme de streaming car elle vient d’être rachetée pour 164,3 millions d’euros.

En revanche, le problème réside dans la perte d’attrait que représenterait la disparition conjointe des groupes M6 et TF1 au sein de son catalogue créant un déficit pour la poursuite de ses futurs activités en France. 

 Si Molotov est dépourvu des chaînes de M6 et TF1, cela risque d’être compliqué car son avenir sera très compromis en France s’il ne trouve pas d’arrangement. En effet, pour les téléspectateurs cela sera une offre qui ne sera plus du tout attrayante, c’est important de le souligner car la plateforme compte à peu près 13 millions d’utilisateurs.

Toutefois,  Molotov a une très grande puissance de frappe suite à son très grand nombre d’utilisateurs qui est à peu près de 13 millions. Cela peut pencher de son côté car M6 et TF1 auront besoin de Molotov réciproquement pour la diffusion de leurs contenus. Surtout dans l’hypothèse de la concurrence face à d’autres plateformes de streaming comme Netflix ou Amazon. Sans oublier que la génération actuelle est de moins en moins orientée vers la télévision au détriment des plateformes de streaming.

Cédric Kossadoum 

Sources : 

https://www.ouest-france.fr/medias/television/la-plateforme-molotov-sommee-de-cesser-la-diffusion-des-chaines-du-groupe-m6-1aa0dc7e-581c-11ec-9a47-41ee58d6a88

https://www.franceinter.fr/emissions/net-plus-ultra/net-plus-ultra-du-vendredi-10-decembre-2021

https://www.20minutes.fr/arts-stars/medias/3193731-20211209-streaming-plateforme-molotov-condamnee-verser-plus-7-millions-euros-m6

https://www.phonandroid.com/molotov-na-plus-le-droit-de-diffuser-m6-w9-6ter-et-ecope-de-7-millions-deuros-damende-pour-contrefacon.html (source image) 

Avancée de l’enquête sur une possible violation par Instagram du RGPD : le groupe Meta à nouveau au cœur de la polémique.

 

 

L’actualité d’Instagram est bien chargée. D’une part, le conseil de protection des données (CNIL irlandaise) a annoncé qu’elle allait partager aux autres CNIL européennes une décision rendue à partir d’enquêtes sur des violations du RGPD relatives à « son traitement des données personnelles des mineurs » et d’autre part, suite au révélations sur le groupe Meta de Frances Haugen (voir notre brève d’actualité à ce sujet : http://master-ip-it-leblog.fr/breves-du-15-au-21-novembre-2021/), le patron de la plateforme a dû défendre 3h durant les effets de celle-ci sur le bien être des adolescents.

L’enquête du conseil de protection des données porte entre autres sur la capacité ouverte aux mineurs de « changer leurs comptes personnels en comptes professionnels ». La création d’un compte professionnel, anciennement réservée aux adultes, impose à l’utilisateur de rendre ses données personnelles publiques et donc accessibles à tous.

Le RGPD reconnaît pour les mineurs d’au moins 16 ans la licéité du traitement des données à caractère personnel. Pour les adolescents plus jeunes, elle laisse aux autorités étatiques le choix d’abaisser cette limite d’âge jusqu’à 13 ans. Par exemple, la CNIL française dans son interprétation de ce règlement et de la loi Informatique et Libertés reconnaît la capacité pour les mineurs de plus de 15 ans de « décider seul d’accepter les cookies pour consulter un site internet, d’opter pour un profil public ou privé sur un réseau social ou d’activer une fonctionnalité optionnelle de géolocalisation sur une application.

Cependant, la CNIL française interprète aussi que ces textes « ne reconnaissent pas une majorité numérique globale à 15 ans », appliquant à la matière le droit commun de la majorité. L’ouverture de comptes professionnels paraît cependant nécessiter pour les mineurs la capacité de conclure des contrats numériques, capacité que le RGPD ne paraît pas leur accorder. En permettant celle-ci dans ces conditions, Instagram pourrait donc s’ouvrir à une condamnation par les autorités européennes de protection des données pour violation de l’article 8 du RGPD. De plus, l’enquête semble s’intéresser plus particulièrement à l’ensemble du système de gestion des données des jeunes utilisateurs.

Pour connaître le résultat de cette enquête, il faudra attendre l’avis des autres autorités de protection des données qui devrait être publié d’ici quelques mois. Cette enquête et les décisions qui la suivront font cependant écho à la condamnation de 225 millions d’euros de WhatsApp pour ses atteintes au même règlement. Meta semble ainsi ne pas emporter l’unanimité devant les différents législateurs et autorités de contrôle. Cette dynamique lui imposera ainsi de retarder l’ouverture de sa plateforme « Instagram kids » qui pourrait aggraver les situations constatées par le conseil de protection des données et par les déclarations de la lanceuse d’alerte Frances Haugen.

 

Jean SOUQUET-BASIEGE

 

Sources :

https://siecledigital.fr/2021/12/09/instagram-europe-rgpd/?fbclid=IwAR3SzXwWLw8qIVHgeTg3XZ4amdXdg7IdwruLRk8EiLtxqpq28XvhjJy_kCs (image)

https://siecledigital.fr/2021/09/03/whatsapp-amende-225-millions-euros-rgpd/ 

https://siecledigital.fr/2021/12/10/le-patron-dinstagram-devant-le-senat-americain/ 

https://www.cnil.fr/fr/recommandation-1-encadrer-la-capacite-dagir-des-mineurs-en-ligne 

https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees/chapitre2#Article8 

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