Brèves du 8 au 14 mars 2021

Bonsoir, voici les brèves de la semaine. Très bonne lecture à tous !

 

Une œuvre de Banksy brulée puis vendue sur la blockchain en tant que NFT : Une solution durable contre le Value Gap pour les artistes ?

« Morons », une œuvre de Banksy brûlée par un groupe d’artistes experts en cryptologie, s’est vendue à 228,69 ETH [devise de la cryptomonnaie Ethereum], soit environ 380 000 dollars à l’achat (soit un bénéfice de 280 000 euros pour le groupe). Si l’idée de brûler une œuvre de Banksy a pu faire grincer à première vue, le succès économique de la manœuvre est indiscutable. Mais si ces chiffres ne sont pas étrangers au marché de l’art, ce n’est pas le cas des œuvres musicales ou vidéos, qui peinent à être rémunérées en tant que « œuvres d’art ». Des tentatives existent, notamment l’album « Once Upon a Time in Shaolin » du Wu-Tang Clan, dont l’unique exemplaire au monde s’est vendu à 2 millions de dollars en 2015. Mais mise à part cet exemple, les artistes peinent à vendre à des prix élevés, des œuvres dont l’accès est en grande partie assuré gratuitement par les plateformes, amenant à un « Value Gap ».

Le « Value Gap » représente la disproportion entre les revenus générés par la mise à disposition des œuvres protégés par les grandes plateformes et les revenus finalement reversés aux artistes et ayants-droits. L’ADAMI, organe de gestion collective des droits des artistes interprètes en France, par un communiqué du 23 Novembre 2020, rappelle que dans l’hypothèse d’un abonnement de 9,99 euros par mois à une plateforme de streaming musical, seulement 4,6 % de cette somme sont allouées aux artistes-interprètes. Pour faire simple, en 2020, l’ensemble des artistes que vous avez écoutées via Spotify Premium ont dû se partager la somme de 46 centimes chaque mois.

Si le droit tente de remédier à cette situation, notamment à travers la fameuse directive sur le droit d’auteur du 17 Avril 2019, incitant les plateformes à passer des accords de licences avec les ayants-droits, la lenteur de sa transposition et l’éventail de dérogations attribuées aux fournisseurs de services en ligne résultent en un sentiment d’injustice pour les artistes. Mais la solution à leurs maux vient peut-être d’apparaître du côté des nouvelles technologies, à travers ces fameux NFT.

Le terme « NFT » signifie « non-fungible token » ou littéralement « jeton non-fongible » ou « non interchangeable ». L’idée novatrice de cette technologie est la numérisation d’actifs uniques sur la blockchain [registre en ligne des transactions passées entre plusieurs personnes garantissant l’intégrité et traçabilité de celles-ci], pouvant prendre la forme d’images, de fichiers sonores, de vidéos, de tweet, ou encore de biens réels tels que des peintures ou des biens immobiliers. En substance, les NFT vont permettre à leur acquéreur de se prévaloir d’un titre de propriété sur un actif numérique unique.  L’intérêt se trouve dans le fait que, comme toute œuvre d’art, ces actifs peuvent voir leur valeur augmenter dans le temps. De manière cynique, il peut s’agit de créer artificiellement la rareté de l’œuvre en dissociant, l’œuvre « tokénisée » de ces copies par un titre de propriété.

Cette technologie a tout de suite été perçue comme une opportunité pour les artistes, comme l’illustre la démarche du groupe Kings of Leon qui le 5 Mars dernier, a sorti le premier album sous forme de NFT de l’histoire.

En théorie, grâce aux NFT, un artiste-interprète utilisant une plateforme pour partager ses œuvres ne sera plus contraint de courir le risque de perdre ses possibilités de rémunération par la diffusion illicite de copie de celles-ci, mais pourra mettre aux enchères l’original sur la blockchain. Et grâce à cette technologie, il pourra continuer de se rémunérer sur les acquisitions successives de son œuvre, amenée à prendre de la valeur dans le temps, en subordonnant à l’actif numérique une clause analogue à un droit de suite.

Si le caractère volatil des actifs numériques rend nécessaire une certaine prudence quant à la généralisation de son application, les NFT représentent une solution à la dévalorisation du contenu dématérialisé par les grandes plateformes et un outil dans la lutte contre le piratage pour les artistes. Utilisée à bon escient, cette technologie permet, dès aujourd’hui, aux artistes-interprètes une rémunération exponentiellement supérieure aux 0,0048 dollars (ou un peu plus d’un tiers de centimes) que paye les services de streaming à chaque écoute.

Brûler l’œuvre de Banksy va plus loin qu’un coup marketing. En se défaisant de l’œuvre physique au profit d’un token, les acquéreurs soulignent qu’une alternative existe désormais pour tout type d’artiste. Grâce à la blockchain, et la rareté – même artificielle – retrouvée des créations, il est possible d’espérer que tout type d’œuvre puisse accéder à un marché vaste de collectionneurs ou investisseurs, de manière sécurisée, rémunératrice et respectueuse des droits d’auteurs.

Olivier BIKILI

 

Sources

 

 

 

Port du masque dans les transports, quand la RATP fait appel à la vidéosurveillance

Dans un décret publié au journal officiel le 10 mars 2021, le gouvernement a autorisé l’utilisation de la vidéosurveillance dans les gares parisiennes pour évaluer le taux de port du masque des voyageurs. Ce décret va être mis en place pour une durée d’un an et à des fins de statistiques en cette période de crise sanitaire.

Cette mesure intervient près de 10 mois après la suspension d’un premier projet similaire. En effet, en mai 2020, un dispositif visant à contrôler le port effectif du masque par les usagers, dans la station Châtelet les Halles, avait été arrêté par la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Cette dernière avait à l’époque retenue une atteinte aux données personnelles des usagers en raison du caractère intrusif de cette technologie qui aurait comme conséquence d’engendrer une surveillance accrue.

Le décret publié ce jeudi se veut plus rassurant que le précédent. En effet, le gouvernement a assuré que ce dispositif ne pourra servir, ni à identifier, ni à verbaliser les usagers. De plus, aucune image ne sera stockée et l’algorithme ne s’intéresse pas aux visages, il doit uniquement percevoir le port du masque. Selon Xavier Fischer, le cofondateur de l’entreprise d’intelligence artificielle ayant mis en place ce dispositif : « On gardera uniquement deux chiffres : un nombre de personnes et un pourcentage de port de masque. La grande nouveauté d’ailleurs, c’est qu’on est maintenant capable de détecter si le masque est plus ou moins bien porté, en dessous du nez, au-dessus du nez, etc. » Ce projet tente donc de concilier des impératifs de santé publique avec la protection des données personnelles.

La CNIL a cette semaine publié un avis, dans lequel elle ne relève pas d’atteinte particulière aux données personnelles des voyageurs dans la mesure où « le dispositif n’a pas vocation à traiter des données biométriques et ne constitue pas davantage un dispositif de reconnaissance faciale ». De plus, elle reconnait que la limitation de ces mesures dans le temps ainsi que l’anonymisation immédiate des données sont des garanties suffisantes permettant la mise en place de ce dispositif. Cependant, la commission précise qu’elle fera preuve de vigilance à l’égard de la mise en place de ce projet.

Ce dispositif devrait voir le jour très prochainement dans les gares RATP, même si jusqu’à présent aucune date de mise en service n’a été fixée.

                                                                                                          Alexandre HALIMI

 

Sources :

 

 

 

Etat des lieux après l’incendie du data center OVHCloud

L’heure est au bilan. L’incendie déclaré dans la nuit du 9 au 10 mars sur le site strasbourgeois du plus  important hébergeur web européen, OVHCloud, a fait grand bruit en détruisant une partie de son centre de données. Au total : 3,6 millions de sites internet répartis sur 464 000 domaines distincts ont été touchés.

En effet, parmi les sites utilisant un domaine rattaché à la France avec le « .fr », on compterait 184 000 sites web atteints. Cela représente 1,9% de tous les domaines « .fr » dans le monde. La France n’est pas le seul pays à en pâtir, d’autres domaines nationaux tel le « .uk » et d’autres sites officiels en Pologne, en Côte d’Ivoire, ou au Pays de Galles en ont subi les conséquences. 

En bref, un des quatre datacenters du campus a complètement été ravagé, un second partiellement. Par précaution, l’électricité a été coupée sur toute l’implantation, touchant, par ricochet, les deux derniers datacenters.

Dans une vidéo de 8 minutes diffusée sur Twitter, le PDG d’OVHCloud, Octave Klaba, avance que les enquêteurs écartent pour l’instant la piste criminelle : « Quand les pompiers sont intervenus avec des caméras thermiques, ils ont vu deux équipements, des onduleurs, en feu. Sur l’un des deux onduleurs, nous avons eu des interventions dans la matinée. Un technicien qui devait faire des maintenances a changé des pièces à l’intérieur. Le matériel a été ensuite remis en route dans l’après-midi ». 

Pour information, un onduleur est un dispositif venant protéger les équipements électroniques des risques comme une surtension. Il semblerait donc que la cause de l’incendie soit un équipement défectueux. Une enquête est tout de même encore en cours afin d’identifier les conditions exactes du départ de feu.

Quel plan de redémarrage OVHCloud envisage-t-il ? 

Le PDG a annoncé sur Twitter un calendrier de reprise. La remise en fonction progressive des serveurs est prévue entre le 21 et 25 mars. Des travaux de raccordements électriques vont être relancés et les salles de réseau vont être reconstruites.

A ce jour, un doute subsiste, les données ont-elles été sauvegardées ?

Pour l’heure, les locaux sont actuellement nettoyés pour évaluer la portée globale des dégâts causés. Cependant, si les clients n’avaient pas souscrit à une option de sauvegarde, il semble difficile d’espérer récupérer des données. Par exemple, au sein du centre de données le plus endommagé, était hébergé du Private Cloud ainsi que ces sauvegardes dans deux salles différentes, les deux détruites. 

Pour le futur, Numerama conseille de faire des sauvegardes dans plusieurs hébergeurs distincts afin de ne plus revoir ce triste scénario se jouer à nouveau.

Pierrine CERVI 

 

Sources :

 

 

 

Moulinsart poursuit un peintre ayant illustré la vie sentimentale de Tintin dans l’univers d’Hopper : Véritable atteinte au droit d’auteur ou exception de parodie ?

Xavier Marabout est un artiste peintre et sculpteur, ayant un attrait particulier pour les combinaisons surprenantes d’œuvres d’arts, en mélangeant par exemple les univers de Picasso et Tex Avery !

Mais il convient dans cette brève de s’intéresser à un autre mashup étonnant. Cet artiste a en effet débuté en 2014, une série de peintures sur la vie amoureuse  du personnage de Tintin, représenté dans des décors issus de toiles du peintre américain Edward Hopper. L’idée de Xavier Marabout était donc, d’après ses mots « d’imaginer une vie sentimentale à ce héros qu’on juge asexué », et cela en fusionnant deux mondes artistiques très distincts. Depuis, le peintre a réalisé pas moins de 24 tableaux, retraçant les aventures inattendues de Tintin… avec ses charmantes dames. Celles-ci ont eu un certain succès et des galeristes les ont même exposés.

Mais ces œuvres ne sont pas du goût de tout le monde, et cela a notamment (évidemment) déplu à Moulinsart, la société de droit belge, chargée de l’exploitation commerciale des œuvres d’Hergé. En 2015, Moulinsart a envoyé un courrier à l’artiste en question, pour l’informer qu’il n’avait pas le droit d’utiliser le personnage sans autorisation. Xavier Marabout « estime ne pas porter préjudice à l’œuvre d’Hergé ». Mais en 2017 Moulinsart l’a donc assigné en justice, en invoquant la contrefaçon et atteinte au droit moral. La première audience s’est déroulée le lundi 8 mars dernier.

Marabout a rappelé qu’ « il n’y a pas confusion possible ». Aussi, sur l’atteinte au droit moral il a pris un exemple très explicite et a indiqué « Vous imaginez un imitateur qui parodie Johnny demander l’autorisation avant ? ». L’avocate de la défense a ainsi prôné la liberté artistique, et surtout l’art de la parodie. Effectivement, en droit d’auteur, la parodie est le détournement d’une œuvre à des fins humoristiques. Cette exception est présente à l’article L 122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle, cet article exemptant d’autorisation préalable « la parodie, le pastiche et la caricature compte tenu des lois du genre ». Deux conditions majeures sont requises : l’absence de risque de confusion, et l’intention de faire rire.

L’intérêt de faire figurer ces œuvres comme parodies serait donc particulièrement intéressant. D’ailleurs, le 18 février 2011 la cour d’appel de Paris avait reconnu les romans « Saint Tin » de Gordon Zola, non pas comme contrefaçon comme le prétendait Moulinsart, mais comme exception de parodie. La piste de l’exception de parodie peut donc être concluante pour Xavier Marabout.

Mais l’avocate des ayants droits n’est bien évidemment pas de cet avis, et a plaidé devant le tribunal de Rennes que « Profiter de la notoriété d’un personnage pour le plonger dans un univers érotique n’a rien à avoir avec l’humour ». 12 500 euros sont demandés en dédommagement. Une éventuelle critique pourrait être ici faite : le droit moral pourrait en l’espèce être invoqué à des fins détournées, c’est-à-dire à des fins purement financières. D’autant plus que la société Moulinsart est quasiment devenue experte en poursuite judiciaire et traque les artistes dès qu’ils osent faire figurer le personnage de Tintin sur des œuvres de toutes sortes.

Le délibéré sera rendu le 10 mai 2021 : Affaire à suivre

Mélinda GUREN

 

Sources :

 

Promotion 2020/2021

 

MasterIPIT