Conférence « Le système juridictionnel chinois »

Présentation de l’université Tsinghua de Pékin et du professeur Shujie Feng

L’université Tsinghua a été créée en 1911 et se situe dans un ancien parc impérial. Elle résulte d’un traité entre la Chine et les Etats Unis signé suite aux guerres de l’opium s’étant déroulées durant la seconde moitié du 19ème siècle. En effet, les Etats-Unis, au sein du traité avaient obtenus des dommages et intérêt de la part du gouvernement chinois. En échange d’un remboursement d’une partie de la somme, la Chine devait créer des universités afin de former une élite intellectuelle qui pourrait par la suite venir étudier aux Etats Unis. Il faudra attendre 1928 pour que l’école devienne une université à part entière.

Aujourd’hui l’université compte environ 3400 enseignants, 47 000 étudiants et pas moins de 80 spécialités différentes. Elle est aujourd’hui considérée comme l’université la plus prestigieuse dans le domaine des sciences naturelles en Chine. Au milieu des années 1990, l’université a créé un programme d’enseignement du droit, de la sociologie et aussi une école de commerce. Aujourd’hui elle fait partie des trois meilleures universités en Chine étant reconnue pour la propriété intellectuelle et pour ses différents LLM dont les cours sont dispensés en anglais afin d’attirer un public international.

Le professeur Shujie Feng enseigne le droit de la propriété intellectuelle ainsi que le droit des affaires au sein de l’université Tsinghua. Docteur en droit de l’université Paris 1, il est un spécialiste reconnu dans le domaine de la propriété intellectuelle notamment dans les domaines concernant les relations franco-chinoises

Le système juridictionnel chinois

A partir des années 70, le système juridictionnel moderne a été établi en Chine. La Constitution définit le pouvoir des procureurs et des juges au sein des tribunaux. De plus, il y a une loi sur l’organisation des tribunaux. Ce sont les sources principales encadrant les juridictions et leurs fonctionnements. A cela s’ajoute des décrets judiciaires qui précisent l’organisation juridictionnelle. La Chine est un pays unitaire comptant environ 1.37 milliards d’habitants répartis sur 9,6 millions de km². Le système juridictionnel doit donc s’adapter à ces conditions particulières.

Selon la Constitution, les institutions étatiques s’organisent en 5 niveaux :

  • National
  • Province (23+4+5)
  • Régions (330)
  • Districts (2 800)
  • Towns (40 000)

Il existe aussi un sixième niveau qui n’existe pas partout que l’on nomme village et qui permet une ultime subdivision lorsque cela est nécessaire.

A chaque niveau, il existe un Congrès du peuple l’équivalent d’un Parlement. C’est le peuple qui se fait représenter au sein du Congrès. Le Congrès du peuple dans les villes est directement élu par les citoyens. Dans les niveaux supérieurs, il est élu de manière indirecte par les membres des Congrès inférieurs. Au sein du Congrès du peuple,des élections se tiennent pour nommer les membres du gouvernement local et central. Le comité permanent du Congrès organise l’élection et la nomination des juges, procureurs et aussi du président des Cours. De plus, le président et les procureurs rendent un rapport de travail annuel devant le Congrès.On voit donc le rôle fondamental du Congrès dans l’organisation judiciaire chinoise.

Hong Kong ou encore Taiwan ont leur propre système d’organisation locale. Ce sont des juridictions différentes de celles du continent chinois, les lois y sont aussi différentes. La Cour suprême du continent chinois ne traite pas des cassations ou appel des décisions des Cours supérieurs de Hong Kong, Macao ou Taiwan. En propriété intellectuelle, lorsque l’on dépose une marque ou un brevet auprès de l’office de Pékin, ce dernier n’est valable que sur le continent chinois. Hong Kong et Macao ont aussi leur office de dépôt.

In fine, en Chine, il existe une Cour Suprême située à Pékin, une Cour supérieur dans chaque province, des Cours intermédiaires dans chaque région (certaines villes comme Pékin ou Shanghai comptent 3 ou 4 Cours intermédiaires) et une Cour par district. Il faut relever que les Cours de districts ont la possibilité de créer des antennes dans les villes afin de fournir un meilleur service aux habitants locaux. Les habitants pourront alors saisir soit le tribunal antenne, soit la Cour du district. Cette subdivision est devenue nécessaire du fait du nombre d’affaires qui s’est considérablement accrue ces dernières années. On peut par exemple observer la ville de Pékin qui compte environ 10 districts, chacun possédant sa propre Cour.

A part les Cours locales, il existe aussi des Cours spécialisées : militaires, maritimes ou encore visant le transport lié aux chemins de fer. Ces Cours n’étaient pas initialement incluses dans le système commun, ce n’est qu’en 2009 que ces Cours ont été introduites dans le système général de juridictions chinoises. Aujourd’hui il y a des projets de réformes, par exemple vis à vis des Cours de transport de chemin de fer qui pourraient avoir comme nouvelle mission de traiter des sujets environnementaux, aussi bien en matière civile que pénale.

Organisation interne des Cours

Chaque province peut avoir une politique différente et les tribunaux jouissent de certaines libertés sur l’organisation intérieure des Cours. En général on distingue les tribunaux civil, pénal, administratif et le bureau d’exécution des décisions. Au sein des tribunaux civils, on trouve la première chambre pour les affaires civiles, la seconde pour les affaires commerciales, la troisième pour les affaires de propriété intellectuelle et enfin la quatrième pour les affaires internationales. C’est par exemple le cas de la Cour suprême.

Les compétences des juridictions

La procédure civile n’a été apposée dans une loi que tardivement en 1991.Depuis, cette loi a été révisée de nombreuses fois. La dernière révision en date ayant eut lieu en 2017.

En première instance, la Cour suprême ne traite que des affaires les plus importantes (financièrement ou politiquement) sinon elle n’est en charge que d’appels. Les Cours supérieures de provinces fonctionnent de manière assez similaire ne traitant que des affaires jugées importantes à son échelle. Les Cours intermédiaires sont spécialisées dans les affaires internationales importantes. Avant, elles se chargeaient de l’ensemble des affaires internationales, cependant, avec le développement du commerce extérieur et des investissements par des sociétés étrangères, le contentieux dans ce domaine s’est multiplié. Ainsi donc, la politique dans ce domaine a changée et les Cours de districts ont récupéré les affaires internationales peu importantes.

Sur la compétence des tribunaux, les règles en droit chinois sont similaires à celles des pays du droit continental. On peut porter la plainte au tribunal où le défendeur a son siège ou son domicile, du lieu du délit ou du lieu où le contrat a été exécuté.

En Chine, il y a environ 120 000 juges en 2017 alors qu’ils étaient 200 000 en 2016. Cette baisse du nombre de juge vient d’une réforme adoptée par le Partie et la Cour suprême visant à sélectionner uniquement les juges les plus qualifiés. Ces derniers gardent le titre de juge. Les autres ont obtenus un titre de juges assistants. Dans la pratique leurs taches restent très similaires à ce qu’elles étaient avant la réforme peu important le titre. Cette réforme a été largement critiquée, en effet, diminuer le nombre de juge alors que le nombre d’affaires pendantes augmente n’est à première vue pas une solution idéale. De plus, une partie de la profession a vu dans cette réforme une atteinte à leurs activités, de ce fait, certains ont quitté leur fonction. Historiquement, les juges étaient d’anciens militaires à la retraite qui obtenaient une « mutation » afin d ‘exercer ce métier. Aujourd’hui, cette génération de juge part à la retraite et presque 70% des juges nouvellement en place sont des juristes ayant fait leurs études en droit.

Il y a environ 110 000 procureurs en Chine selon une étude de juillet 2017. Le rôle d’un procureur en Chine est très similaire à celui existant en France aujourd’hui. Il faut cependant relever l’existence d’un projet de réforme visant à réviser la Constitution Chinoise afin de fusionner le métier de procureur à celui de superviseur du gouvernement. Cette réforme vise à améliorer la campagne de lutte contre la corruption qui a été mise en place par le président chinois depuis quelques années.

En 2016 la Chine comptait environ 300 000 avocats. Tout comme en France, il existe un concours à passer pour pouvoir exercer cette profession. Le taux de réussite est compris entre 10 et 15 %. Cette profession jusque dans les années 80 était très limitée, ainsi, il avait été choisi d’ouvrir le concours à n’importe quelle personne disposant d’un Bac +4 peu important le domaine d’étude. La réforme actuelle semble se diriger vers la nécessité d’un diplôme dans le domaine du droit afin que les personnes exerçant cette profession aient les connaissances requises dans l’ensemble des matières juridiques.

Depuis 10 ans, les juges, avocats et procureurs passent tous la même qualification afin de pouvoir exercer leurs professions. Aujourd’hui dans les villes telles que Pékin ou Shanghai, il est assez commun que les personnes occupants ces postes aient faits 7 ans d’études ou plus. De ce fait, les compétences de ces différents acteurs ont considérablement augmentées. Enfin on peut relever que de plus en plus de personnes se tournent vers la carrière d’avocat en Chine.

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