Copyright et Mickey Mouse : quête d’une réelle protection ou activité lucrative ?

 

Alors que Winnie l’ourson vient d’entrer dans le domaine public le 1er janvier dernier, Mickey Mouse connaîtra le même sort dès le 1er janvier 2024, et cela, malgré plusieurs prolongations de la protection par divers Copyright Acts. Revenons sur ces 96 années de protection.

 

Le copyright, qu’est-ce que c’est ? 

Issu du common law, le copyright permet de protéger une œuvre de l’esprit. Alors que le droit d’auteur protège la création du seul fait de sa naissance, le copyright nécessite une procédure d’enregistrement. Par ailleurs, l’objectif du copyright réside dans la protection de la création elle-même, le droit d’auteur, quant à lui, accorde une place importante à la protection de l’auteur. Ainsi, le copyright ne connaît pas de droit moral, à l’inverse du droit d’auteur, mais appréhende seulement des droits patrimoniaux.

 

Et Mickey Mouse dans tout cela ?

Enregistrée en 1928, la mascotte de The Walt Disney Company vaut des milliards. Chaque année, ce sont environ 5,8 milliards de dollars que cette souris rapporte, et son taux de notoriété mondiale auprès des enfants de 3 à 11 ans avoisine les 95 %. Pour toutes ces raisons, la compagnie a souhaité protéger le plus longtemps possible sa légendaire souris. 

Mickey Mouse hérite de son copyright en 1928, la durée de la protection étant alors de 56 ans selon la loi américaine en vigueur. L’année 1984 aurait dû marquer la fin du monopole de Disney sur sa souris. Cependant, dans les années 1970, The Walt Disney Company va commencer un lobbying actif auprès du Congrès américain et réclame un allongement de la durée de la protection, afin que celle-ci se calque sur la durée de protection alors en vigueur en Europe. C’est ainsi qu’en 1976, un nouveau Copyright Act est adopté et prolonge la durée du copyright à 75 ans. Ce nouveau délai bénéficie à l’ensemble des créations postérieures à 1922. Mickey Mouse gagne alors 19 années de répit. 

Toutefois, la protection cessant en 2003, la même problématique se pose à nouveau dans les années 1990. Michael Eisner, PGD de la firme à l’époque, va alors commencer un important lobbying auprès du Sénat pour obtenir une nouvelle extension. Au total, 149 600 dollars ont été versés aux élus lors de cette campagne et 1 000 dollars au leader des Républicains du Sénat, Trent Lott, au jour du vote du nouveau Copyright Act. Ainsi, le Copyright Term Extension Act est adopté en 1998. Cette loi, également surnommée Mickey Mouse Protection Act, est venue étendre la durée de la protection du copyright à 95 ans

 

OpenSecrets, un groupe de recherche américain dont le but est de suivre l’argent aux États-Unis et d’analyser ses effets sur les élections et les politiques publiques, estime que 87,6 millions de dollars ont été dépensés par Disney afin de protéger ses différents copyrights.

C’est ainsi que, le 1er janvier 2024, la célèbre souris tombera dans le domaine public et sera donc à la libre disposition du public. Et, même si la firme demandait une nouvelle extension, rien ne prouve que celle-ci lui serait accordée. En effet, la dernière modification de la loi était désignée comme le Mickey Mouse Protection Act, et est venue écœurer même les plus fervents défenseurs du copyright. Ces derniers ont pour objectif de protéger les créations et, indirectement, leurs auteurs et ayant-droits. Or, cette dernière loi a été, sans nul doute, adoptée dans l’intérêt de la firme, comme le laisse entendre son surnom. Disney est un empire à n’en plus douter, et rien n’indique que c’est Mickey Mouse que les studios souhaitent protéger, tout porte à croire que ce sont les retombées économiques que lui rapporte cette souris que la firme souhaite protéger.

 

Même si la fin de la protection approche à grands pas, il faut toutefois atténuer les propos : le personnage de Mickey a évolué au fils des décennies, et le « Mickey moderne est toujours protégé », comme le relève le Professeur J. Grimmelmann. Certes, les changements physiques de Mickey Mouse ont été plus ou moins subtiles, mais peuvent, juridiquement, avoir un certain intérêt. 

Ainsi, si une personne souhaite, en 2024, vendre un Mickey avec des gants blancs, qu’il ne portait pas dans le « Steamboat Willie » de 1928, elle devra attendre 2025, date d’expiration du copyright de Mickey Mouse de « The Opry House », où il portait pour la première fois lesdits gants.

En outre, une autre nuance est à apporter : The Walt Disney Company a, dès le départ, enregistré Mickey Mouse à titre de marque. La protection par le droit des marques est infinie. 

À l’expiration du copyright, la firme pourrait potentiellement utiliser le droit des marques comme arme contre les produits Mickey Mouse non-autorisés. Elle devra, pour se faire, prouver qu’il y a un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs quant à l’origine du produit. 

 

Ces différentes extensions de la protection sont critiquables. L’idée initiale de la protection par le copyright était de garantir des revenus à deux générations. Certes, l’espérance de vie s’est allongée, mais cette raison pourrait apparaître comme une excuse, le copyright favorisant l’esprit entrepreneurial et générant d’importants revenus pour The Walt Disney Company et ses ayants-droit. 

De plus, la société est prête à se battre corps et âme pour protéger sa souris, mais bénéficie grandement d’œuvres tombées dans le domaine public qui viennent générer de conséquentes sommes d’argent. Tel est le cas de la Reine des Neiges, un conte de Hans Christian Andersen paru en 1844 et actuellement libre de droit. Sa seule exploitation par le studio lui a permis de générer 1,27 milliard de dollars. Surprenant, non ? 

Loriane LAVILLE

Sources :

https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/culture-loisirs/pourquoi-a-90-ans-mickey-n-est-toujours-pas-tombe-dans-le-domaine-public_AN-201601230080.html

https://www.mediacritik.com/mickey-mouse-sera-bientot-dans-le-domaine-public-voici-ce-que-cela-signifie/

https://arstechnica.com/tech-policy/2019/01/a-whole-years-worth-of-works-just-fell-into-the-public-domain/

https://actualitte.com/article/46492/distribution/quand-l-039-industrie-du-copyright-se-refugie-derriere-mickey-mouse

https://www.lesechos.fr/2014/03/comment-disney-a-protege-mickey-275534

 

https://www.disneyphile.fr/le-design-de-mickey-mouse-a-travers-les-ages/ (photo 1)

https://www.statista.com/statistics/678813/disney-lobbying-expense/ (photo 2)

https://plan9surlaplanetegeek.wordpress.com/2018/02/27/mickey-mouse-une-souris-et-des-hommes/ (photo 3)

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