Et si le terme « Brexit » constituait une marque nominale ?

 

 

Si la question ne semble pas se poser tant le terme est connu du grand public, il n’empêche que le 8 juillet 2016, la marque nominale « Brexit » a été déposée, pour les classes 5, relatives notamment aux compléments alimentaires et boissons vitaminées, 32, concernant les boissons énergétiques, les bières ou encore les jus de fruits, et 35, en matière de cigarettes et cigarettes électroniques.

Si la démarche est osée, tout autant qu’ingénieuse, offrant la possibilité à son propriétaire de jouir de la renommée du terme, elle est tout de même sujette à des questions.En effet, est-il possible de déposer une telle marque ? Cela ne représente-t-il pas un risque de confusion, tant le terme a fait l’objet d’une grande diffusion médiatique ?

C’était la position initiale de l’Institut européenne de la propriété intellectuelle qui, le 5 Octobre 2016, avait décidé de rejeter le dépôt de la marque, considérant notamment que cela aurait un impact négatif dans l’esprit de la majorité des consommateurs européens, notamment dans l’esprit des anglais défavorables au Brexit.
Etait aussi soulignée l’idée selon laquelle le terme manquait peut-être de distinctivité dans la mesure où il serait vu comme désignant le retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne et non comme un indicateur d’origine de certains biens ou services.

Il n’en reste pas moins que juridiquement le dépôt était recevable.C’est ainsi que le dépôt fut accepté en appel, aux motifs que le terme était distinctif et n’était pas offensant. En outre, l’ensemble des conditions permettant l’enregistrement de la marque étaient remplies.

Pour comprendre la position de l’Institut européenne de la propriété intellectuelle, il revient de se pencher plus en détail sur les quelques éléments semblant discutables.

Pour être enregistrée, une marque doit remplir un certain nombre de conditions. Ainsi, celle-ci doit être susceptible de représentation graphique, distinctive, non déceptive, licite et disponible.

S’il est certain, qu’en tant que marque nominale et inexistante en matière alimentaire, il n’est pas nécessaire de s’intéresser à la condition relative à la représentation graphique, ou au caractère disponible, il convient de se pencher sur les caractères distinctifs, non déceptifs et licite du dépôt.

 

Une marque distinctive

 

Principal questionnement, le caractère distinctif de la marque semblait être un des points les plus discutables pour le dépôt de cette marque. En effet, le terme « Brexit » ne pouvait-il pas être considéré comme étant un terme générique ou usuel ?
En réalité non. En effet, aucun lien n’existe entre le secteur dans lequel la marque est déposée et le terme en question. S’il est certain que ce mot jouit d’une certaine notoriété et d’une application très forte dans le monde politique, il n’en est rien dans la vente de produits alimentaires. Dès lors, la marque peut être jugée distinctive dans la mesure où elle n’est ni descriptive, ni constituée exclusivement par la forme imposée par la nature du produit. Aucun doute ne surviendrait dans l’esprit d’un individu moyen sur le fait que des boissons « Brexit » ait un rapport quelconque avec la politique.

 

Une marque non-déceptive

 

Il serait possible de s’intéresser au caractère déceptif ou non de la marque. En effet, le terme brexit laisserait penser à un certain domaine, celui de la politique, ce terme ne rend pas pour autant la marque déceptive.

En effet, l’article L.711-3 du Code de la propriété intellectuelle interdit l’adoption comme marque des signes de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.

Or, la marque « brexit » a été déposée par une société britannique, Brexit drinks Ltd, ce qui ne présente aucun caractère déceptif eut égard à l’origine des produits. Quant à leur qualité ou à leur nature, le terme « brexit » ne laisse penser à aucun type de produit particulier de nature à engendrer un doute dans l’esprit du consommateur.

 

Une marque licite 

 

Sur le plan de licéité, la véritable interrogation reposait surtout sur le fait que cette marque pouvait être perçue négativement. Or, comme l’a soulignée l’Institut européenne de la propriété intellectuelle, « les examinateurs manquent d’objectivité ». S’il est certain que le caractère déceptif d’une marque est laissé à l’appréciation des juges, pour la licéité, ce contrôle est moins subjectif. Or,
il n’y a en aucun cas une quelconque contrariété à l’ordre public, dans la mesure où le terme « Brexit » servait à exprimer la volonté de retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne et non à exprimer une quelconque situation immorale ou illégale.

 

Dès lors, l’ensemble des conditions permettant le dépôt étant remplies, le refus de dépôt ne pouvait que faire l’objet d’une remise en cause. La marque était licite et distinctive. Certes, le déposant pouvait jouir de la notoriété incontestable du terme, toutefois, son utilisation à titre de marque était possible. Le dépôt a donc été accordé.

Si « Brexit » est employé en matière de politique, rares sont les chances pour qu’il devienne un mot usuel concernant les produits alimentaires, si bien que les risques de dégénérescence de la marque sont faibles. Rien ne s’oppose à une utilisation du mot à titre de marque d’un côté et afin d’exprimer le retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne de l’autre.

Jérome Amory

 

http://www.novagraaf.com/fr/actualite/l-actualite-des-marques?newspath=/NewsItems/fr/brexit-passe-le-test-pour-une-marque-de-l-ue

https://euipo.europa.eu/eSearchCLW/#basic/*///number/R2244%2F2016

https://bases-marques.inpi.fr/Typo3_INPI_Marques/listeClasseNice?limite=false&allClasse=true

https://euipo.europa.eu/eSearch/#details/trademarks/015623631

http://www.publicdomainpictures.net

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