Fast fashion : enjeux et perspectives pour une industrie textile écoresponsable

 

I) Introduction

Depuis l’avènement de la révolution industrielle, l’industrie de la mode a connu des transformations majeures, passant d’une production artisanale à grande échelle à un modèle économique axé sur la production de masse et la consommation rapide, connu sous le nom de « fast ». Parmi les évolutions les plus marquantes de ces dernières décennies figure l’émergence fulgurante de la fast fashion, un concept qui a redéfini la manière dont les consommateurs interagissent avec les vêtements, le textile et les tendances.

La fast fashion, ou mode rapide, est bien plus qu’une simple tendance éphémère ; c’est un phénomène socioculturel et économique profondément enraciné dans notre société moderne. Ce modèle commercial repose sur la production et la commercialisation de vêtements bon marché, souvent en réponse aux dernières tendances de la mode, et se caractérise par des cycles de production accélérés et des renouvellements fréquents des collections. Les marques de fast fashion proposent ainsi une offre constamment changeante de vêtements à des prix attractifs, incitant les consommateurs à acheter davantage et bien plus souvent.

Cependant, derrière cette façade de nouveauté et de bonnes affaires se cachent des réalités moins reluisantes. La fast fashion est désormais largement reconnue comme l’une des industries les plus polluantes et les plus néfastes pour l’environnement. La production intensive de vêtements implique une utilisation massive de ressources naturelles non renouvelables, telles que l’eau et le pétrole, ainsi qu’une émission importante de gaz à effet de serre. De plus, le modèle économique de la fast fashion repose souvent sur l’exploitation de travailleurs dans des conditions parfois atroces, en particulier dans les pays en développement où les normes sociales et environnementales sont moins contraignantes.

Face à ces défis croissants, les gouvernements, les organisations internationales et la société civile ont commencé à prendre des mesures pour réguler l’industrie de la fast fashion et atténuer ses impacts négatifs. Dans cette optique, des législations nationales, européennes et internationales ont été adoptées pour encadrer les pratiques des entreprises et promouvoir une mode plus durable et éthique.

L’encadrement juridique de l’industrie de la fast fashion est un défi complexe, et est encore en plein essor. À travers le globe, diverses initiatives législatives et réglementaires cherchent à répondre à cet enjeu croissant (II). Leur objectif principal est de réguler les impacts environnementaux et sociaux de la fast fashion (III), face aux défis multiples rencontrés par les acteurs de ce secteur (IV). Mais au-delà de ces mesures, se profilent des perspectives d’avenir et des pistes pour une transition vers une mode plus durable et respectueuse de l’environnement.

 

II) L’encadrement juridique de la fast fashion

A) Législation nationale

En France, l’Assemblée nationale a adopté une législation novatrice ce 14 mars 2024, visant à réguler l’ultra-fast fashion et à freiner les excès de la surconsommation dans l’industrie de la mode. Cette initiative législative, portée par le groupe politique Horizons, intervient dans un contexte où l’industrie de la mode est largement critiquée pour son modèle économique axé sur la production rapide et la commercialisation de vêtements à bas prix.


Cette loi fait suite à une prise de conscience croissante des impacts environnementaux et sociaux de la fast fashion dans le pays. L’industrie de la mode est devenue l’un des secteurs les plus polluants au monde, contribuant significativement aux émissions de gaz à effet de serre et à la pollution des ressources naturelles. L’objectif principal de la loi est donc de limiter cet impact environnemental en encourageant des pratiques plus durables tout au long de la chaîne d’approvisionnement textile.


La loi anti-fast fashion comprend plusieurs mesures clés pour atteindre ces objectifs. Elle prévoit notamment l’instauration d’un système de « bonus-malus » pour les entreprises de mode. Ce système impose une taxe pouvant aller jusqu’à 10 euros par article vendu d’ici 2030, avec un plafond de 50% du prix de vente. Cette taxe vise à compenser l’empreinte écologique des vêtements et à inciter les producteurs à adopter des pratiques plus durables.


En outre, la loi interdit la publicité pour les produits et entreprises relevant de la fast fashion. Cette mesure vise à limiter le marketing agressif qui est une pratique souvent utilisée par ces enseignes pour promouvoir leurs produits à bas prix. Des messages de sensibilisation et des mentions légales encourageant le réemploi et la réparation des produits seront également exigés sur les sites de vente en ligne de ces marques.


La loi prévoit des sanctions sévères pour les entreprises qui ne respectent pas ces dispositions. Les entreprises contrevenantes seront passibles d’amendes substantielles et pourraient même faire l’objet de poursuites judiciaires en cas de récidive. Pour assurer une mise en œuvre efficace de la loi, des organismes de surveillance seront chargés de contrôler le respect des dispositions législatives et de sanctionner les contrevenants.


Cette proposition législative cible particulièrement les enseignes telles que Shein et Temu, réputées pour proposer une quantité impressionnante de vêtements à des prix dérisoires. Shein, en particulier, a été citée comme exemple dans le préambule de la proposition de loi pour son catalogue massif qui comprend plus de 7 200 nouveaux modèles de vêtements par jour. Ces entreprises sont emblématiques du modèle de fast fashion de nos jours, et sont directement concernées par les mesures de régulation mises en place par cette nouvelle loi. 


Mais l’adoption de cette nouvelle législation a suscité des réactions mitigées au sein de l’industrie de la mode et de la société civile. Si certains saluent cette initiative comme une avancée majeure dans la lutte contre la surconsommation et l’exploitation environnementale, d’autres expriment des réserves quant à son application pratique et à son impact réel sur les comportements d’achat des consommateurs. Il reste donc à voir comment cette législation sera mise en œuvre et si elle parviendra à changer les pratiques de l’industrie textile en France et au-delà.

 

B) Législation européenne

La lutte contre les excès de la fast fashion ne se limite pas aux frontières nationales. Au niveau européen, des initiatives sont également mises en œuvre pour encadrer cette industrie et promouvoir des pratiques plus durables. La législation européenne adoptée dans ce domaine reflète une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux et sociaux associés à la production et à la consommation de vêtements à bas prix.


Le 1er juin 2023, le Parlement européen a proposé une législation ambitieuse visant à réguler les activités des multinationales dans le secteur textile. Le cœur de ce projet législatif européen vise à empêcher les géants de l’industrie d’échapper à toute forme de responsabilité et d’exploiter les travailleurs, renforçant ainsi le devoir de vigilance. Inspirée de la loi française du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (n° 2017-399), cette législation est une avancée significative dans la lutte contre la dégradation de l’environnement et les violations des droits de l’Homme. Elle rend les géants du textile responsables des préjudices qu’ils causent ou auxquels ils contribuent en négligeant leurs obligations de vigilance. Ces mesures ont vocation à s’appliquer tant aux entreprises de l’Union européenne qu’aux entreprises de pays tiers actives dans l’UE, en fonction de certains critères tels que le chiffre d’affaires net mondial ou net généré dans l’UE et/ou le nombre de salariés.

En parallèle, le Parlement européen a adopté une stratégie pour des textiles durables et circulaires cette même journée (n° 2022/2171). Cette stratégie vise à répondre aux défis environnementaux et sociaux croissants associés à l’industrie textile, notamment la hausse de la production mondiale, la diminution de la durée de vie des vêtements et l’augmentation de la consommation. Elle promeut des objectifs de neutralité climatique, de durabilité sociale et de traçabilité des produits, encourageant notamment l’écoconception, la promotion de modèles commerciaux durables et le soutien au recyclage des vêtements. De plus, elle souligne l’importance du respect des droits des travailleurs et de l’équité sociale dans le secteur textile, appelant les États membres et l’Union européenne à prendre des mesures législatives supplémentaires pour atténuer les effets sur les pays tiers.

 

Ce projet se concrétise finalement le 15 mars 2024, après que les Etats-membres de l’Union européenne le valident enfin. Ainsi les multinationales de l’Union européenne vont devoir prévenir l’impact négatif de leurs activités sur les droits de l’Homme, et sur l’environnement, et associer à cette démarche leurs sous-traitants du monde entier. Le texte aura nécessairement des implications significatives pour l’industrie textile dans son ensemble. Les entreprises seront tenues de revoir leurs pratiques de production et de distribution pour se conformer aux nouvelles normes environnementales et sociales. Cela pourrait entraîner des changements importants dans les modèles d’affaires et les stratégies de marketing des entreprises pratiquantes de ce mode de fast distribution.


C) Initiatives internationales

Les enjeux liés à la fast fashion sont également sérieusement pris en compte à l’international, notamment au niveau d’organisations telles que les Nations unies et l’Organisation internationale du travail (OIT). Ces dernières jouent un rôle crucial dans la promotion de normes sociales et environnementales équitables à l’échelle mondiale, et leur action contribue à façonner le cadre réglementaire et les pratiques de l’industrie textile.

Concernant les Nations Unies et les objectifs de développement durable (ODD) :
Les Nations unies ont intégré la durabilité et la responsabilité sociale dans leur programme de développement durable à l’horizon 2030, à travers les ODD. Plusieurs ODD sont directement liés aux défis posés par la fast fashion, notamment l’ODD 12 sur la consommation et la production responsables, ainsi que l’ODD 8 sur le travail décent et la croissance économique. L’ODD 12 appelle notamment à une consommation et une production durables, en encourageant les entreprises à adopter des pratiques de gestion durable des ressources et à réduire leur empreinte environnementale. L’ODD 8 vise quant à lui à promouvoir le travail décent et la protection des droits des travailleurs, en particulier dans les industries à forte intensité de main-d’œuvre comme l’industrie textile. Les Nations Unies coordonnent également des initiatives spécifiques, telles que l’Alliance des Nations Unies pour une mode durable, qui réunit des acteurs de l’industrie de la mode autour de l’objectif commun de rendre la mode et l’industrie textile davantage durable sur le plan social, environnemental et économique.

Concernant l’Organisation internationale du travail (OIT) :
L’OIT joue un rôle central dans la promotion du travail décent et de bonnes conditions de travail à l’échelle mondiale. Elle élabore des normes internationales du travail et accompagne les États membres dans leur mise en œuvre à travers des programmes et campagnes de sensibilisation. Dans le contexte de l’industrie textile, l’OIT intervient notamment pour lutter contre le travail des enfants, le travail forcé et d’autres formes d’exploitation dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Elle collabore avec les gouvernements, les entreprises et les organisations de travailleurs pour promouvoir des pratiques équitables en entreprise et améliorer les conditions de vie des travailleurs du textile. C’est après des catastrophes tragiques au Bangladesh et au Pakistan que cette organisation a ouvert les yeux sur la nécessité d’un travail décent dans l’industrie du textile, de l’habillement, du cuir et de la chaussure. L’OIT aborde le sujet en affirmant que « L’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh en 2013 et l’incendie d’une usine au Pakistan en 2012 ont marqué un tournant dans le monde du travail. Ces accidents tragiques ont attiré l’attention du monde entier sur les conditions de travail des travailleurs du textile en général. Depuis lors, l’amélioration de la coopération entre les mandants tripartites et d’autres parties prenantes s’est soldée par la négociation de nouvelles initiatives aux niveaux mondial et national. » Ainsi, l’OIT vise aujourd’hui à renforcer le dialogue social, à promouvoir la sécurité et la santé au travail, et à lutter contre le travail des enfants et le travail forcé dans cette industrie.

 

III. Impacts de la fast fashion sur l’environnement et les droits fondamentaux

A) Impacts Environnementaux

L’industrie textile, et en particulier le modèle de fast fashion, exerce une pression considérable sur l’environnement, contribuant aux émissions de gaz à effet de serre (GES), à la pollution de l’air, de l’eau et des sols, ainsi qu’à la surconsommation et au gaspillage de ressources.

En effet, l’industrie textile est un contributeur majeur aux émissions de GES, principalement en raison de la production de fibres synthétiques et de la consommation d’énergie dans les processus de fabrication. Selon des rapports statistiques de l’INSEE, cette industrie représente environ 10% des émissions mondiales de GES, un chiffre qui  ne cesse de croître. Cette augmentation est attribuée à la demande croissante de vêtements bon marché, favorisée par le modèle de fast fashion. Le processus de production de fibres synthétiques comme le polyester génère des émissions significatives de GES, principalement en raison de l’utilisation de combustibles fossiles dans la fabrication. De plus, la combustion de déchets textiles contribue également aux émissions de GES. Ces émissions contribuent au changement climatique en augmentant la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ce qui entraîne des conséquences néfastes telles que l’élévation des températures mondiales, la fonte des glaciers et l’acidification des océans.

Selon les données disponibles, l’industrie textile est responsable de l’émission d’environ 1,2 milliard de tonnes de GES chaque année, ce qui représente environ 2% des émissions mondiales de GES. Si les tendances actuelles se maintiennent, il est estimé que cette industrie pourrait représenter jusqu’à 26% des émissions mondiales de GES d’ici 2050, ce qui souligne l’urgence d’agir pour réduire son empreinte carbone. Les émissions de GES provenant de l’industrie textile contribuent non seulement au changement climatique, mais elles ont également des répercussions sur la qualité de l’air et la santé humaine. Les particules fines et les polluants atmosphériques émis lors de la production de fibres synthétiques peuvent entraîner des problèmes respiratoires et cardiovasculaires chez les populations locales. De plus, la déforestation et la destruction des écosystèmes pour l’exploitation de matières premières telles que le bois contribuent à la perte de biodiversité.

En outre, l’industrie textile dépend fortement de l’utilisation de ressources non renouvelables telles que le pétrole ou le polyester pour la production de fibres synthétiques. De plus, la culture intensive du coton nécessite des quantités importantes d’eau et l’utilisation intensive de pesticides et d’engrais chimiques, ce qui entraîne une pression considérable sur les ressources naturelles et contribue à la pollution de l’eau et des sols. La production de polyester, matériau largement utilisé dans l’industrie textile, est extrêmement énergivore et dépendante des ressources fossiles. Environ 70% du polyester mondial est dérivé du pétrole, une ressource non renouvelable qui contribue aux émissions de GES et à la dégradation de l’environnement. De même, la culture intensive du coton est associée à la déforestation, à la perte de biodiversité et à la pollution de l’eau et des sols.

De plus, la surconsommation de vêtements, encouragée par le modèle de fast fashion, entraîne un gaspillage important de ressources et une augmentation des déchets textiles. Les consommateurs sont incités à acheter toujours plus de vêtements à bas prix, souvent portés seulement quelques fois avant d’être jetés. Ce cycle de consommation rapide contribue à l’épuisement des ressources naturelles et à la production de déchets, exacerbant ainsi les problèmes environnementaux associés à l’industrie textile.

Face à ces défis, de nombreuses initiatives et solutions durables émergent dans l’industrie textile. Des marques éthiques et durables se développent, proposant des vêtements fabriqués à partir de matériaux écologiques et éthiques, ainsi que des pratiques de production respectueuses de l’environnement et des droits des travailleurs. Aujourd’hui de plus en plus de consommateurs se tournent vers la mode éthique et responsable, encourageant ainsi une transition vers un modèle de consommation plus durable et équitable. La promotion de l’économie circulaire et du recyclage des textiles est également au cœur des solutions durables, permettant de réduire la dépendance aux ressources vierges et de minimiser les déchets textiles. Des initiatives visant à prolonger la durée de vie des vêtements, à promouvoir la réutilisation et la réparation, ainsi qu’à sensibiliser les consommateurs aux enjeux environnementaux de l’industrie textile jouent un rôle crucial dans la transition vers un modèle de mode plus durable et éthique.

 

B) Impacts sur les droits fondamentaux

L’industrie du fast fashion est associée à de nombreuses violations des droits fondamentaux des travailleurs, en particulier dans les pays en développement où la réglementation du travail est souvent laxiste et les normes de sécurité minimales. Les travailleurs de l’industrie textile sont souvent confrontés à des conditions de travail dangereuses, des salaires de misère, des heures supplémentaires non rémunérées et des restrictions de leurs droits syndicaux. Les femmes, les enfants et les migrants sont particulièrement vulnérables à l’exploitation et aux abus dans cette industrie.

En effet, dans de nombreux pays producteurs de textile, les salaires des travailleurs sont bien en deçà du seuil de subsistance, ne leur permettant pas de subvenir à leurs besoins de base tels que la nourriture, le logement et les soins de santé. Les travailleurs sont souvent payés à la pièce ou au rendement, ce qui les incite à travailler de longues heures pour un salaire insuffisant. De plus, les entreprises de fast fashion ont recours à des pratiques d’externalisation et de sous-traitance pour réduire les coûts de main-d’œuvre, ce qui entraîne une pression supplémentaire sur les salaires et les conditions de travail des employés.

Également, les travailleurs de l’industrie textile sont souvent confrontés à des conditions dangereuses en entreprise et à un manque de protection sociale. Les accidents du travail sont fréquents, en particulier dans les usines mal équipées et surpeuplées. Les incendies d’usines et les effondrements de bâtiments sont des événements tragiques qui se produisent régulièrement, mettant en danger la vie des travailleurs (c’était notamment le cas dans les catastrophes précitées). De plus, les travailleurs ont souvent peu, voire pas accès à une couverture santé, à des congés payés et à d’autres droits qui peuvent sembler fondamentaux dans le monde du travail au sein d’autres pays plus développés.

Pire encore, l’industrie textile emploie un nombre important d’enfants, en particulier dans les pays en développement où la main-d’œuvre bon marché est abondante. Pour l’exemple de la récolte du coton, l’US Department of Labor recense seize nations ayant encore recours au travail des enfants ou au travail forcé pour la récolte du coton (l’Argentine, l’Azerbaïdjan, le Bénin, le Brésil, le Burkina Faso, la Chine, l’Egypte, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Pakistan, le Paraguay, le Tadjikistan, la Turquie, le Turkménistan, l’Ouzbekistan et la Zambie). Ces enfants sont souvent contraints de travailler dans des conditions dangereuses et insalubres, privés de leur droit à l’éducation et exposés à des risques pour leur santé et leur bien-être. Bien que le travail des enfants soit interdit par la loi dans de nombreux pays, et prohibé au niveau international par l’OIT et ses conventions sur le travail des enfants, sa mise en oeuvre est souvent bien plus laxiste et les entreprises de fast fashion continuent d’exploiter la main-d’œuvre infantile pour réduire les coûts de production.

Face à ces défis, de nombreuses initiatives et réglementations ont été mises en place pour protéger les droits fondamentaux des travailleurs de l’industrie textile. Des conventions internationales telles que les conventions de l’OIT sur le travail des enfants pré-cités, ainsi que les conventions sur le travail forcé, la sécurité et la santé au travail fournissent un cadre juridique pour protéger les droits des travailleurs. En outre, de plus en plus de pays visent à intégrer à leur ordre national des législations pour réglementer le secteur textile et à garantir des conditions de travail décentes pour les travailleurs.

Au niveau interne, la responsabilité des entreprises dans le respect des droits fondamentaux des travailleurs est de plus en plus reconnue, et de nombreuses entreprises sont tenues de respecter des normes de travail éthiques et de rendre des comptes pour leurs pratiques commerciales. Des réglementations telles que la loi sur le devoir de vigilance de 2017, ou les dernières législations européennes, obligent les entreprises à surveiller et à prévenir les violations des droits de l’Homme tout au long de leur chaîne d’approvisionnement, notamment dans l’industrie textile. Les entreprises sont tenues de mettre en œuvre des mesures de diligence raisonnable pour identifier, prévenir et atténuer les risques de violations de droits fondamentaux, et de rendre compte publiquement de leurs efforts dans ce domaine.

Enfin, de nombreuses initiatives de certification et de surveillance ont été mises en place pour garantir le respect des droits fondamentaux des travailleurs dans l’industrie textile. Des labels tels que le Fair Trade, GOTS (Global Organic Textile Standard) et SA8000 certifient les produits textiles qui respectent des normes sociales et environnementales élevées. De plus, des organisations non gouvernementales telles que Clean Clothes Campaign et Human Rights Watch surveillent les pratiques commerciales des entreprises de fast fashion et font pression pour des réformes visant à garantir des conditions de travail décentes pour les travailleurs.

 

IV) Perspectives et Défis

La surconsommation dans l’industrie de la mode, en particulier dans le contexte de la fast fashion, demeure un défi de taille, ayant des répercussions significatives sur l’environnement et les droits fondamentaux des travailleurs. Pour répondre à cette problématique, la sensibilisation et la prévention des consommateurs s’avèrent être des leviers essentiels. Éduquer les consommateurs sur les impacts néfastes de la surconsommation à travers des campagnes d’information est indispensable. En mettant en lumière les conséquences environnementales, sociales et économiques de l’achat excessif de vêtements, de telles initiatives favorisent une réflexion plus critique sur les habitudes de consommation.

Promouvoir une consommation responsable constitue également une stratégie efficace pour contrer la surconsommation. Encourager les consommateurs à privilégier la qualité plutôt que la quantité, en mettant en avant la durabilité, la longévité et la qualité des produits, peut influencer positivement leurs choix. De plus, promouvoir le réemploi, la réparation et le recyclage des vêtements peut contribuer à réduire la demande de nouveaux produits et à limiter les déchets textiles. Des initiatives de consommation de « seconde main » sont aussi à favoriser avec des applications comme Vinted ou LeBonCoin. Néanmoins il est important de préciser que le fast fashion de seconde main reste du fast fashion. En effet revendre de la fast fashion pour acheter de la fast fashion n’a rien de vertueux. Comme le souligne le média TheGoodGoods « Le vêtement le moins polluant étant celui qu’on ne produit pas, on pourrait donc penser que ces reports de pouvoir d’achats contribuent positivement à la réduction des quantités de produits neufs mis sur le marché. Les prix attractifs et l’offre massive de seconde main en font pour les acheteurs une alternative de choix à la fast fashion…. On serait là dans un monde idéal. La seconde main est une fausse solution, l’envers du décor est encore l’hyperconsommation. » Les premiers acteurs sont les marques de mode elles-mêmes, qui ont un rôle crucial à jouer dans la promotion d’une consommation plus responsable. En adoptant des pratiques commerciales durables, en proposant des options de recyclage et de réutilisation, et en mettant en avant la transparence dans leur chaîne d’approvisionnement, les entreprises peuvent influencer positivement le comportement des consommateurs et contribuer à réduire la surconsommation.

Parallèlement à ces efforts, des actions de boycott ciblées émergent en réponse aux préoccupations concernant les violations des droits de l’Homme, notamment celles impliquant des populations telles que les Ouïghours. Les consommateurs sont de plus en plus sensibilisés aux conditions de travail inhumaines et à l’exploitation des travailleurs dans certaines régions, ce qui conduit à des appels au boycott de marques impliquées dans ces pratiques. Ces actions visent à exercer une pression économique sur les entreprises pour qu’elles adoptent des pratiques plus éthiques et respectueuses des droits de l’Homme et des travailleurs dans leur chaîne d’approvisionnement.

Enfin, la collaboration entre les parties prenantes est essentielle pour lutter efficacement contre la surconsommation. Les gouvernements, les entreprises, les organisations de la société civile et les consommateurs doivent travailler ensemble pour partager les bonnes pratiques, mettre en œuvre des programmes de sensibilisation et créer des incitations pour encourager des comportements d’achat plus durables. En adoptant une approche holistique et concertée, il sera possible de réduire drastiquement l’impact de la fast fashion sur l’environnement et les droits fondamentaux des travailleurs.

 

V) Conclusion

L’examen approfondi des implications de la fast fashion sur l’environnement et les droits des travailleurs révèle une réalité complexe et clairement préoccupante. La situation actuelle met en évidence les défis majeurs posés par la surproduction et la surconsommation de vêtements, ainsi que les conséquences néfastes sur les ressources naturelles et les conditions de travail dans les pays producteurs.

Cependant, au milieu de ces défis, des lueurs d’espoir émergent. Les initiatives réglementaires et les actions des entreprises en faveur de pratiques plus durables montrent un changement progressif vers une industrie de la mode plus responsable. Des normes plus strictes en matière de transparence et de durabilité, ainsi que des collaborations entre les différents acteurs de l’industrie, sont des signes positifs dans cette direction. En outre, de plus en plus de nouvelles entreprises de textile garantissent se lancer dans une activité durable et responsable. Par exemple, le site français WeDressFair met à la disposition de ses utilisateurs 3 étapes cruciales pour reconnaître un vêtement éco-responsable, et propose une sélection de plus de 100 marques de mode éthiques et durables.

Ainsi, la transformation vers une mode plus durable nécessite une approche collective et coordonnée. Les gouvernements, les législateurs, les entreprises et les consommateurs ont tous un rôle à jouer dans cette transition. En sensibilisant davantage, en encourageant l’innovation, en travaillant en commun et en exigeant des normes éthiques plus élevées, il sera possible de progressivement remodeler l’industrie de la mode et du textile pour qu’elle soit plus respectueuse de l’environnement et des droits de l’Homme.

Lucas SANFILIPPO

Sources : 

https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?lang=fr&reference=2022/2171(INI)

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034290626/

https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20230424IPR82040/fast-fashion-des-regles-plus-strictes-pour-lutter-contre-la-surproduction

https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20240318IPR19415/premier-feu-vert-au-projet-de-texte-sur-le-devoir-de-vigilance

https://open.lefebvre-dalloz.fr/actualites/esg/devoir-vigilance-europeen-commission-affaires-juridiques-parlement-europeen-donne-feu-vert_f41b20d33-570d-4498-bd09-22478a6b551d

https://dreamact.eu/fr/blog/article/264/mode-ethique-fast-fashion-problemes

https://www.vie-publique.fr/loi/293332-proposition-de-loi-fast-fashion-impact-environnemental-mode-jetable

https://fr.fashionnetwork.com/news/Mesures-contre-la-fast-fashion-un-premier-pas-historique-mais-un-flou-qui-divise,1615482.html

https://www.elle.fr/Mode/Les-news-mode/Projet-de-loi-anti-fast-fashion-qu-est-ce-qui-pourrait-changer-4224880

https://www.cliniquedudroitrouen.fr/2023/06/06/limpact-de-la-fast-fashion-sur-lenvironnement-et-sur-les-droits-fondamentaux/

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/effondrement-rana-plaza-fast-fashion-mondialisation

https://linsoumission.fr/2023/06/01/devoir-de-vigilance-europe-rn-victoire/

https://fr.euronews.com/culture/2023/08/07/la-fin-de-la-mode-rapide-lue-lespere

https://www.oxfamfrance.org/inegalites-et-justice-fiscale/loi-devoir-de-vigilance-grandes-entreprises/

https://www.ilo.org/global/industries-and-sectors/textiles-clothing-leather-footwear/lang–fr/index.htm

https://bettercotton.org/fr/spotlighting-how-traceability-can-support-sustainable-cotton-at-wto-public-forum/

https://www.thegoodgoods.fr/labels/gots/

https://www.thegoodgoods.fr/media/economie/circularite-services/la-seconde-main-ne-sauvera-pas-la-planete/

https://www.academieduclimat.paris/les-impacts-de-lindustrie-du-textile/

https://fr.fashionnetwork.com/news/Coton-16-pays-utilisent-le-travail-force-ou-infantile,142631.html

https://www.patteblanche-atelier.com/blogs/journal/vinted-et-la-face-cachee-de-la-seconde-main

https://www.wedressfair.fr/blog/29-marques-ethiques-pour-un-dressing-responsable

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