Huawei : un géant sur tous les fronts

« Un temps d’avance », voici le slogan choisi par la compagnie Huawei pour la promotion de son nouveau smartphone android mate 40 Pro doté de la 5G (1). En effet, Huawei fondée en 1987 à Shenzhen en Chine, fournit aujourd’hui des solutions dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, et ne cesse d’innover pour maintenir son leadership.

La 5G est l’abréviation de « cinquième génération » de standards en matière de réseau mobile. Elle promet avant tout des débits de téléchargements jusqu’à 10 fois plus élevés que ceux de la 4G, soit un temps de latence divisé par 10. Pour les consommateurs, cette technologie permettra de visualiser n’importe quel contenu audiovisuel en très haute définition sur un mobile, en supportant à la fois un nombre important de connexions simultanées. La 5G est également attendue pour le développement de jeu à la demande, de la réalité augmentée. Pour les entreprises, c’est aussi une avancée importante grâce à son utilisation en matière de robotique, de voiture autonome ou encore de télé-chirurgie (2).

https://www.gsmarena.com/sprint_and_tmobile_might_drop_huawei_to_appease_us_merge_regulators-news-34718.php

Après avoir atteint un seuil de vente mondiale de 1 350 % en 2020, la fourniture de smartphones 5G par Huawei devraient continuer à croitre d’environ 120 % à près de 600 millions d’unités en 2021 selon les chiffres du cabinet Strategy Analytics (3). Mais cette compagnie ne s’arrête pas là et fait parler d’elle dans bien des domaines.

Huawei en tête de la bataille pour la 5G

Strategy Analytics prévoit que la Chine, suivit de près par les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest formeront les trois plus gros marchés de smartphones compatibles à la 5G. Cette technologie a d’ailleurs convaincu les consommateurs puisque plus d’un smartphone sur trois vendu cette année est compatible à la 5G. Alors qu’en 2020, Huawei était numéro trois mondial en commercialisation des smartphones derrière Samsung et Apple, il est aujourd’hui le grand gagnant de la transition du marché vers la 5G. Il a fait le choix de développer cette technologie au moment où les États-Unis plutôt sceptiques réfléchissaient encore à cet investissement.

En réalité derrière cette guerre technologique, se cache un affrontement politique entre les deux puissances, Huawei étant d’ailleurs sous protection du Parti Communiste Chinois (PCC). De son côté, la Federal Communications Commission (FCC), l’équivalent américain de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (Arcep) a sommé fin 2019, les opérateurs étatsuniens de cesser toute collaboration et recours aux équipements fournis par les constructeurs chinois. Dans le cas contraire, ils se verraient retirer toute éligibilités aux subventions fédérales.

Accusé par Donald Trump d’espionnage industriel et de vol de propriété intellectuelle, le motif invoqué par la FCC a été la « menace » qu’Huawei et ZTE représentent pour la sécurité nationale des Etats-Unis (4). Malgré l’embargo américain mis en place par l’ex-Président américain contre l’entreprise chinoise, Huawei a su profiter du déploiement massif de la 5G en Chine et s’est imposé comme numéro un des smartphones 5G dans le monde avec 29 % des ventes devant Apple (19 %) et Samsung (14 %). (5)

https://www.zdnet.fr/actualites/apres-huawei-et-zte-washington-cible-desormais-china-telecom-39902087.htm

De la même façon, l’état français a décidé d’imposer des restrictions à l’équipementier chinois quant au déploiement de la 5G en France. Guillaume Poupard, le directeur général de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI), chargée d’autoriser ou non l’utilisation d’équipements conçus pour la 5G, a ainsi choisit à son tour de freiner l’essor du géant chinois. Guillaume Poupard motive sa décision en particulier par des enjeux de souveraineté nationale (6). Mais ce choix n’est pas sans conséquences, en plus de devoir payer pour développer leur parc d’antennes-relais avec un nouvel équipementier, les leaders du marché français SFR et Bouygues pourraient endurer un retard face à leurs concurrents dans le déploiement 5G.

Pourtant Huawei garde sa place de numéro un sur le marché grâce à ses prix compétitifs et sa maitrise des équipements. L’entreprise n’a pas non plus hésité à promouvoir son image en réponse au communiqué de l’ANSSI en juillet 2020, par une nouvelle compagne de publicité « L’ambition de Huawei ? Continuer de contribuer à l’économie française » ou encore « Que fait Huawei en France ? Il crée des emplois ? ».

Le marché africain, nouvelle « conquête » du géant Huawei

L’Afrique est un continent extrêmement prometteur par son développement économique et sa très forte croissance démographique ces dernières années. Le territoire est alors devenu un marché très convoité par les entreprises de la télécommunication.

La Chine a été parmi les premiers à saisir l’opportunité et dès le début du XXIe siècle, elle s’est implantée comme acteur économique fondamental au développement de l’Afrique. Elle a notamment fourni les financements et infrastructures nécessaires au déploiement de la téléphonie et de l’Internet. Cela s’est concrétisé par l’arrivée de Huawei à la fin des années 1990, lorsque l’équipementier a ouvert un premier bureau en 1997 en Egypte, puis au Zimbabwe et en Afrique du Sud dès 1998. « Huawei, contrairement à ses concurrents, a bien pris en compte les critères du marché africain, et propose des smartphones et des services 15 % moins cher que Nokia et Ericsson, permettant dès lors d’acquérir une plus grande part de marché » (7). La compagnie est de nos jours présente dans les 63 pays que compte le continent africain où elle propose un grand nombre de services :  vente de smartphone, service de cloud, réseau internet, système de surveillance, mais aussi la construction de ville intelligente et la formation universitaire.

https://startupbrics.com/veille-zleca-et-huawei-ai-africa-week-fibre-optique-data4covid19-lactu-tech-en-afrique-par-startupbrics/

Le choix de fournir des services de haute qualité à bas prix est la grande force de Huawei qui couvre actuellement plus de 60% des installations 3G-4G en Afrique. Certes, l’équipementier traverse une période de tumultes en raison de la guerre commerciale avec les Etats-Unis et des accusations d’espionnage qui en sont suivit. En réalité, il en faudra davantage pour déstabiliser le marché de l’entreprise qui compte 9 000 employés en Afrique, dont 75 % d’employés locaux sur 188 000 dans le monde (8). Son chiffre d’affaires sur le continent s’élève à 5,8 milliards de dollars, c’est-à-dire 5 % de son chiffre d’affaires mondial. Et le géant ne s’arrête pas là, puisque récemment Huawei a fait le choix de rejoindre l’OIN, étonnant au regard de l’origine américaine du groupe !

Huawei s’engage dans l’Open Source pour la protection des brevets

Huawei a rejoint Linux and Open Invention Network (OIN), le principal groupe de défense des brevets et de la protection intellectuelle en Amérique. L’OIN permet à Linux et à ses logiciels connexes de développer et de monétiser ces logiciels à source ouverte sans être impacté par des revendications de brevets. Pour cela, le groupe utilise la non-agression des brevets sur le noyau de Linux et les autres technologies open-source.

Les membres de l’OIN acceptent de ne pas déposer de revendications de brevet et en contrepartie sont libres d’utiliser des technologies propriétaires dans des projets liés à l’écosystème Linux. Huawei détient ainsi un grand nombre de brevets dans les domaines des communications, du cloud, des appareils intelligents et de l’électronique. Tous les membres de l’OIN sont libres d’utiliser ces brevets et par exemple Microsoft avait transféré le droit d’utiliser plus de 60 de ses brevets aux membres de l’OIN lors de son adhésion, en acceptant de ne pas les utiliser contre Linux et les logiciels open source.

Jim Zemlin directeur exécutif de la Fondation Linux a déclaré à ce sujet qu’« En rejoignant la communauté de l’Open Invention Network, Huawei démontre une fois de plus son ferme soutien à la défense de l’open source et de la collaboration ouverte ». En vérité, ce choix est plutôt judicieux pour la protection des brevets que détient l’entreprise chinoise. Huawei a en effet, reçu 6 milliards de dollars en redevances de brevets depuis 2001. Son adhésion au réseau Open Invention Network (OIN), lui permet ainsi de protéger cet investissement, puisque près de 80 % de ses redevances proviennent d’entreprises américaines.

https://ubunlog.com/en/huawei-joins-the-open-invention-network-and-as-a-linux-patent-defender/

Jianxin Ding, le responsable de la propriété intellectuelle mondiale de Huawei s’est également exprimé sur le sujet : « Nous sommes toujours ouverts à coopérer avec différents types d’organisations industrielles, qu’elles soient basées aux États-Unis ou ailleurs, afin de promouvoir le développement technologique. C’est pourquoi nous sommes très heureux de rejoindre l’OIN, qui garantit la capacité de la communauté du logiciel libre à innover sur les plateformes actuelles et de prochaine génération.  Cela donne à la communauté mondiale du logiciel libre l’avantage de s’assurer que les meilleures technologies l’emportent et ne sont pas étouffées par des agresseurs de brevets ». Enfin, Huawei n’a pas fait parler uniquement sur le terrain des brevets, l’entreprise s’est dernièrement retrouvée dans un conflit concernant le dépôt d’un nouveau logo.

Pas de plagiat de la part de la firme chinoise

La marque de luxe française Chanel avait attaqué le géant de la technologie chinoise qui souhaite déposer en 2017 un logo estimé trop proche du sien. L’Office de l’Union Européenne pour la propriété intellectuelle ayant rejeté la demande de la marque française, puisqu’il n’y avait pas de risque de confusion pour le public entre les deux logos, cette dernière avait alors engagé un recours auprès du Tribunal européen.

Chanel faisait valoir que les deux arcs de cercle entrelacés verticalement pour former un H étaient similaires à son propre logo composé horizontalement de C. Les juges européens ont cependant rejeté en avril dernier la demande de Chanel d’interdire à Huawei l’utilisation de ce logo (9).

Selon les juges, « les traits de Chanel ont des courbes plus arrondies, des lignes plus épaisses et une orientation horizontale ». De plus, « Deux demi-cercles pris l’un dans l’autre ne sont pas l’apanage de Chanel ». Une bataille que gagne encore une fois la compagnie chinoise. Reste à savoir si Chanel fera le choix d’un recours devant la Cour européenne de justice.

Finalement, Huawei s’est imposé comme un acteur de premier plan de la « tech mondiale ». Certes, la Silicon Valley a souvent été le terrain propice aux innovations mais aujourd’hui, l’innovation se joue aussi en grande partie en Asie. Huawei a mis seulement 30 ans pour passer du statut d’une PME de Shenzhen en 1980, à un leader mondial des équipements télécom et de la téléphonie mobile (10). Et comme l’explique Vincent Ducrey dans son ouvrage « Un succès nommé Huawei » paru en 2020, le leadership de Huawei est compréhensible au regard de sa résistance et sa gestion des crises. Cette entreprise a su faire face à l’éclatement d’Internet au moment du développement des services aux entreprises, à l’affaire Cisco, et enfin aux tensions avec les Etats-Unis.

Emma MIQUEL 

Sources : 

(1)  https://consumer.huawei.com/fr/phones/mate40-pro/

(2) Cour du droit de l’Espace, des télécommunications et des médias par Monsieur Philippe Achilleas, 2021,Université Paris-Saclay.

(3) https://www.zdnet.fr/actualites/comment-huawei-cherche-a-proteger-ses-brevets-39901685.htm

(4) https://www.zdnet.fr/actualites/etats-unis-huawei-et-zte-exclus-des-fonds-de-subventions-publiques-de-la-fcc-39894539.htm

(5) https://www.usinenouvelle.com/article/qui-va-profiter-de-l-envolee-des-ventes-de-smartphones-5g-en-2021.N1088864

(6) https://www.leparisien.fr/high-tech/5g-cinq-minutes-pour-comprendre-la-mise-a-l-ecart-de-huawei-en-france-08-07-2020-8349573.php

(7)  https://www.ege.fr/infoguerre/2020/11/controle-telecommunications-afrique

(8) https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/09/26/selon-huawei-la-chine-n-a-aucun-interet-a-espionner-l-afrique_6013127_3212.html

(9)  https://www.ieepi.org/logos-chanel-perd-son-proces-contre-huawei/

(10) https://www.forbes.fr/technologie/huawei-les-cles-de-lincroyable-succes-du-leader-mondial-des-telecoms/

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