Bonjour Maxime
Bonjour
Je vous remercie de m’accorder un peu de votre temps pour cette interview. Pourrions-nous commencer par une brève présentation de vous ?
Bien sûr ! Je m’appelle Maxime Dormeau, j’ai 27 ans et je suis auteur dans l’audiovisuel depuis 6ans. Je suis actuellement auteur sur l’émission « Touche Pas à Mon Poste » présentée par C. Hanouna sur C8 depuis 10 mois.
Pourriez-vous nous parler de votre formation ?
J’ai commencé par un BTS audiovisuel dans le but de devenir animateur radio ou journaliste. Finalement, après de multiples stages dont Chérie fm et NRJ j’ai eu la chance qu’on me propose de devenir auteur pour l’émission du soir de Cauet et ce métier est devenu une passion pour moi.
En quoi consiste exactement votre métier ?
Mon métier consiste à trouver des concepts d’émissions, des mécaniques de jeux, écrire des sketchs, écrire des interviews etc. En soi, j’écris des émissions quotidiennes tant pour la télévision que pour la radio.
Rentrons dans le vif du sujet. Le droit d’auteur s’est construit à travers une vision romantique de l’autorat ce qui a amené certains auteurs à parler d’un cordon ombilical reliant l’auteur à son œuvre, pensez-vous qu’il est toujours possible de parler d’un tel attachement aux œuvres, surtout dans le cadre de votre emploi ?
Cela dépend de l’oeuvre que je crée, pour qui et si l’oeuvre me correspond. Effectivement, plus l’oeuvre que j’écris me ressemble et plus j’y suis attaché et je peux dire que j’en suis fier. J’y suis également d’autant plus attaché dès lors que mon œuvre est reconnue et saluée dans mon milieu. Toutefois, la plupart du temps, l’écriture devient alimentaire et de ce fait, j’écris pour satisfaire une commande. Ainsi, dans ces cas particuliers, je ressens un total détachement pour mon œuvre.
Ce détachement pour cette œuvre est-il lié au fait que votre liberté d’écriture soit bridée ? Si oui, comment ressentez-vous l’encadrement de votre liberté de créer ?
Pour ce qui est de la première partie de votre question, je ne peux que répondre oui car m’adaptant à la demande de la personne qui m’emploie, mon rôle est plus celui d’un prestataire de service et de ce fait je dois satisfaire la demande de mon client. Il y a des fois où je ressens mal cet encadrement de ma liberté de créer. Effectivement, mes idées ou mes créations ne sont pas toujours en adéquation avec la demande de mon employeur et de ce fait, je suis dans l’obligation de me plier à ses demandes. Dans ce cas, ma liberté de créer se réduit à peau de chagrin.
Dans le cadre de votre emploi vous bénéficiez plus ou moins des avantages d’un salarié lambda. Pensez-vous que votre statut d’auteur salarié est plus protecteur que le statut des auteurs indépendants ?
Dans un sens oui. Effectivement, je bénéficie de nombreux avantages comme par exemple le fait d’avoir un salaire fixe tous les mois contrairement à certains de mes amis auteurs qui n’ont pas cette chance là et qui ne vivent que des éventuels bénéfices de leur œuvre qui sont la plupart du temps assez maigres et fluctuants. Donc dans une certaine mesure, j’ai la chance d’avoir la sécurité de l’emploi et les avantages qui vont avec. Toutefois, comme évoqué précédemment, ce statut d’auteur salarié et cette tranquillité n’est pas compatible avec une totale liberté de création et de ce fait, cette liberté bridée est le prix à payer.
A part la différence de liberté entre les statuts d’auteur salarié et celui d’auteur indépendant, vous qui avez été les deux, pouvez-vous nous décrire les différences pratiques ou les différents avantages entre ces deux statuts ?
C’est une question difficile. Pour ce qui est des avantages à être un auteur indépendant c’est que premièrement, et c’est logique, la rémunération est assez différente. Effectivement, il est possible d’être mieux payé quand on est indépendant dans le cadre d’une mission d’écriture où l’on est appelé pour notre talent, ou dans certains cas, car c’est nous qu’ils veulent en particulier (cela signifie que l’on nous appelle pour écrire quelque chose en particulier de façon ponctuelle) toutefois, l’inverse peut également se produire quand notre rémunération est proportionnelle au succès de notre œuvre et que celle-ci n’a pas été plébiscitée. De plus, quand l’on est un auteur indépendant, il nous est possible de gérer notre temps comme bon nous semble alors que ce n’est pas le cas lorsque nous sommes employés puisque comme tout salarié, il faut respecter les horaires inscrits sur le contrat. Toutefois, il existe également des avantages considérables à être un auteur salarié effectivement, dans un premier temps on a la chance d’être associé à une « marque » , dans certains cas à un succès audiovisuel qui est connu de tous. De plus, ceci nous permet de rencontrer plus facilement des gens influents dans ce domaine et ainsi développer notre réseau de connaissance et ainsi pouvoir retrouver du travail plus facilement.
Après de nombreux débats, il a été décidé que l’oeuvre audiovisuelle était une œuvre de collaboration c’est à dire qu’il existe un rapport horizontal entre les différents auteurs toutefois, une partie de la doctrine était en faveur de la qualification d’œuvre collective, en pratique quelle qualification trouvez-vous la plus adaptée à votre œuvre ?
En fait je dirais que dans ce cas-là l’oeuvre audiovisuelle est hybride. Effectivement, à travers mes contrats de travail je cède mes droits patrimoniaux à mon employeur (toutefois, ceux-ci étant compensés par des droits d’auteur que me verse la Sacem en fonction du succès de l’émission), cependant, il existe tout de même une vraie démarche inventive entre les auteurs et nous sommes pour la plupart sur un strict pied d’égalité quant à la rémunération et à nos contributions pour l’émission quotidienne. Effectivement, la création en elle-même peut ne pas être à l’initiative de l’employeur de ce fait, dès lors qu’il nous fait confiance il arrive que nous soyons totalement libres dans notre écriture.
Aux Etats-unis dans le cadre de la création salariée, il existe le principe du copyright c’est-à-dire que l’employeur possède la qualité d’auteur, si un régime de l’auteur salarié émergeait en France cela vous gênerait-il que l’on vous dénie votre qualité d’auteur ?
Oui cela me gênerait de ne plus avoir la qualité d’auteur car ceci impliquerait que je ne serais plus associé à mon œuvre et de ce fait je perdrais mon « titre » particulier et je serais donc assimilé à un salarié lambda. Je ne suis pas pour que l’on dénie la qualité d’auteur au gens qui écrivent, dans mon cas, des œuvres audiovisuelles bien que le fait de céder mes droits patrimoniaux ne me dérange pas. Je pense que la qualité d’auteur éveille une certaine fierté et nous permet de nous associer à nos créations.
Un mot pour la fin?
Le métier d’auteur mérite à être connu et reconnu mais pas trop non plus pour me laisser un peu de travail (rire).
Je vous remercie de m’avoir laissé vous interviewer.
Mais ce fût un plaisir.
Emeline Goumidi
1ère année Master IP/IT