La blockchain nous mène-t-elle dans nouvelle ère concernant la preuve en propriété intellectuelle ?
La blockchain (chaine de blocs en français) est une technologie permettant le stockage et la transmission d’informations. Elle est transparente car consultable par n’importe qui, sécurisée et fonctionne sans organe central de contrôle. C’est une base de données numérique infalsifiable qui enregistre tous les échanges entre ses utilisateurs sous forme de blocs de transaction.
Elle est dite doublement sécurisée car elle repose sur un système de cryptographie asymétrique et sur un système de « minage » qui permet par le biais de mineurs vérifiant les blocs de transactions de certifier l’authenticité des transactions, l’identité des parties, etc.
Historiquement créée en 2008 pour le bitcoin (une monnaie virtuelle), on observe que la blockchain peut avoir de nombreuses autres applications, notamment en droit. Elle émerge principalement en 2015 après que le magazine The Economist lui ait consacré sa une en annonçant « la technologie derrière le bitcoin pourrait changer le monde ».
L’Etat français tente de règlementer ce mécanisme mais s’est pour l’instant principalement intéressé avec son l’ordonnance du 9 décembre 2016 à la monnaie électronique. Elle a une définition légale depuis l’ordonnance d’avril 2017 qui la qualifie de « dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification d’opérations sur titres spécifiques, destinés à être échangés sur les plateformes de financement participatif : les minibons ». La définition est donc limitée à une certaine utilisation de la blockchain.
Un moyen de preuve
En matière de propriété intellectuelle, la blockchain peut être utile principalement au niveau de la preuve, et constituerait même selon certains auteurs une nouvelle « révolution numérique ». Tant en matière de propriété littéraire et artistique, qu’en matière de propriété industrielle, la technologie blockchain permet de prouver la titularité d’une œuvre, son contenu et sa date. De manière générale, établir la preuve de la date de la conception d’une œuvre est difficile car elle n’est pas forcément la même que la date de divulgation, notamment en droit d’auteur. La blockchain pourrait permettre à l’auteur d’enregistrer de manière fiable la date à laquelle son œuvre a été créée afin de garantir l’existence de son droit. Le mécanisme de la blockchain est qualifié de quasi infalsifiable car la modification d’une donnée enregistrée créé une nouvelle empreinte juridique, il est donc facile de vérifier s’il y a modification ou non. Dans le cadre de la propriété industrielle ou un dépôt est nécessaire, prouver la date de création d’une invention est d’autant plus important. Grâce à la blockchain il est possible d’enregistrer tout le processus de création et de prouver l’antériorité d’une invention.
La fonction de registre de la blockchain permettrait également de sécuriser le consentement dans les contrats et de voir s’il remplit bien toutes les conditions nécessaires. Pour cela, il faut vérifier que l’enregistrement sur la blockchain assure l’intégrité et l’authenticité de l’information enregistrée et que la personne qui enregistre l’information est bien celle qui prétend être l’auteur de l’enregistrement. Cependant, des questions se posent quant à la compatibilité de la transparence de la blockchain et la protection des données personnelles.
L’application aux smart contracts:
Les smart contracts sont des contrats qui s’appuient sur la technologie blockchain pour rendre infalsifiable leur termes et conditions d’exécution. Ils sont codés sur la blockchain qui les exécute de manière automatique et indépendante, sans intervention humaine. Ainsi, des contrats d’édition ou de licence pourrait être codés dans la blockchain et être exécuté fidèlement en reversant automatiquement les redevances selon les modalités du contrat. Le système de répartition des droits d’auteur pourrait ainsi être facilité grâce à la blockchain.
Exemples d’utilisation de la blockchain par les entreprises :
La startup BlockchainyourIP propose ainsi de protéger différents types de créations relevant de la propriété intellectuelle par le biais de la blockchain.
De même, la société Ascribe utilise la blockchain pour permettre à des créateurs de disposer et de partager en toute sécurité leur travail. Ainsi, le lien entre l’auteur et son œuvre est enregistré ce qui garantit la traçabilité et l’authenticité de l’œuvre.
L’entreprise Porsche a par exemple annoncé qu’elle allait utiliser la blockchain afin de sécuriser ses véhicules connectés. Elle teste d’intégrer la blockchain notamment dans les protocoles de communication. Pour le moment, la blockchain pourrait être utilisée pour le verrouillage et le déverrouillage du véhicule, et pour les autorisations d’accès temporaire pour prêter sa voiture.
Kodak voudrait utiliser la blockchain pour aider les photographes contre le vol d’image, et donc la violation de leur droit de propriété intellectuelle. Les photographes peuvent enregistrer leurs créations dans le système et Kodak vérifie sur internet si les photos ne sont pas utilisées illégalement.
En conclusion, devant les enjeux importants et la rapidité de l’évolution des technologies, la blockchain pourrait devenir un véritable outil de la propriété intellectuelle. On peut se demander comment le législateur réagira face à cela.
Marie Rouxel
Bibliographie :
- Contrats et obligations : la preuve du consentement à l’ère du RGPD et de la blockcahin, Noémie Weinbaum, La Semaine juridique Entreprise et Affaires
- La blockchain, future preuve de la propriété intellectuelle, Les Echos
- L’ordonnance Blockchain, bitcoin.fr
- http://blog.aboutinnovation.com/2017/08/16/4964/