« La beauté du cinéma, c’est de pouvoir tenter quelque chose de nouveau. » a affirmé Clint Eastwood. Loin de vouloir nier cette affirmation, on peut observer qu’il est des cinéastes qui se sont attachés à emprunter un autre chemin.
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Le cinéma est né à la fin du XIXème siècle et s’est développé pendant tout le siècle suivant pour passer d’une technique expérimentale n’intéressant que quelques amateurs à une forme d’art à part entière qui touche toute la société. Aujourd’hui tout le monde regarde des films, va au cinéma, faisant du 7ème art un véritable enjeu économique, capable de générer des revenus astronomiques.
Conscients de ce potentiel, certains ont tenté l’aventure cinématographique avec des motivations relevant plus du commercial que de l’artistique : ainsi est né le cinéma d’exploitation.
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L’idée est simple : produire des films en évitant les coûts trop importants et en visant la rentabilité rapide, notamment en jouant sur la popularité auprès du grand public d’un film ou d’un genre. Des sous-genres cinématographique feront ainsi leur apparition : les films jouant sur la culture afro-américaine formeront le sous genre de la blaxploitation, les films intégrant des Nazis comme protagonistes engendreront la nazisploitation et ainsi de suite.
Cette approche du cinéma fait l’objet de beaucoup de critiques car la qualité est souvent laissée de côté au profit de la rentabilité financière. Dans l’opinion publique le cinéma d’exploitation évoque souvent des nanars au budget misérable, avec un scénario quasi-inexistant et des acteurs en roue libre.
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Néanmoins cet article est consacré au droit d’auteur, celui-ci méconnaissant la qualité d’une œuvre, nous ne parlerons pas du mérite (ou de l’absence de mérite) des films d’exploitation mais bien des hypothèses d’atteinte à ce droit : la contrefaçon.
Pour boucler un film en un temps record pour le prix d’un paquet de cigarettes, réalisateurs et producteurs rivalisent d’inventivité. Dans ce contexte le droit d’auteur ainsi que les droits voisins sont les dommages collatéraux (quand ils ne sont pas clairement la cible) de manœuvres peu scrupuleuses. Il y a beaucoup à dire en la matière et nous allons nous attaquer à une pratique particulière qui n’est pas en elle même une contrefaçon mais peut en devenir une (voire plusieurs) comme on va le voir.
Le « Deux-en-Un »
Faire un film nécessite des moyens et de nombreux réalisateurs ne disposant pas d’un capital personnel, peinent à trouver des producteurs prêts à investir dans des projets risqués avec des réalisateurs inconnus.
Résultat : certains se retrouvent avec un budget permettant de tourner 20 minutes de films pour tourner un long métrage d’1h30. Mission impossible, vous me direz. Des réalisateurs ingénieux l’ont pourtant fait. Pourquoi tourner un film entier quand on peut utiliser des morceaux d’autres films ? C’est là que repose tout le concept du deux-en-un, expression inventée par le site Nanarland : tourner quelques scènes à la sauvette auxquelles seront apposés des morceaux d’un (ou plusieurs) autres films préexistants pour obtenir quelque chose correspondant aux standards de durée du métrage moyen.
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Au delà du résultat dont la qualité est… contestable (l’auteur de ces lignes ayant vu certains de ces métrages, il peut attester des incohérences scénaristiques rendant l’ensemble difficile à suivre), cette technique méconnaît parfois le droit d’auteur. Si les créateurs du nouveau film ont régulièrement acquis les droits sur les extraits de film utilisés pour « compléter » leur création, aucun problème juridique ne se pose (par contre sur le plan artistique il y a des choses à dire). Cependant certains réalisateurs particulièrement truands vont utiliser ces morceaux de films à l’insu de leurs ayants-droit et c’est donc de la contrefaçon. En effet, certains vont aller chercher des pellicules de petits films sortis quelques années auparavant et n’ayant pas fait grand bruit (même si on trouve parfois des exceptions) et vont les intégrer dans leur propre film sans en informer les ayants droits. Cela est possible car dans certaines parties du globe, la production cinématographique est très importante. Ce sont plus de 1000 films qui sortent chaque année en Inde. Dans ce contexte, de nombreux films ont un succès très modeste quand il ne passent pas totalement inaperçu. Il est alors possible pour une personne suffisamment habile d’utiliser des morceaux de ses films dans de nouveaux métrages qui seront exploitées ailleurs.
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Ici le juriste spécialisé en droit de la propriété intellectuelle pourra dénombrer de nombreuses atteintes au droit d’auteur présentes dans le film deux-en-un. Naturellement les droits de reproduction et de représentation sont les premiers à être bafoués puisque des parties entières du film originel sont diffusés dans les salles, fixés sur des supports vidéos et ainsi communiqués au public. Mais on peut aussi caractériser une atteinte à l’œuvre, puisque des morceaux du film sont purement et simplement amputés de l’œuvre d’origine et sont apposés ça et là dans le nouveau métrage. Par ailleurs le doublage est souvent modifié pour essayer de donner une cohérence à l’ensemble, ce qui porte davantage atteinte à l’œuvre « empruntée ». Le juriste pointilleux dirait même qu’il y a une atteinte à l’esprit de l’œuvre puisque les morceaux de films sont intégrés dans un nouvel ensemble qui ne respecte souvent pas le message, la dialectique que le réalisateur a employé.
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Il faut citer le travail du réalisateur hongkongais Godfrey Ho et de la société de production IFD. Dans les années 80, cet artisan du cinéma d’exploitation s’est fait une spécialité des films deux-en-un que l’on a pu retrouver un peu partout dans le monde. Il aurait apparemment réalisé plus d’une centaine de films et on comprend mieux pourquoi. M. Ho a souvent utilisé des vieux métrages asiatiques, philippins pour compléter ses réalisations. Bien que nous manquons de sources pour affirmer dans quelles mesure il a eu recours à des morceaux d’œuvres protégées, il semble qu’il se soit permis assez souvent de commettre quelques entorses au droit d’auteur. Par ailleurs, ses méthodes de travail ne plaident pas en sa faveur, le réalisateur ayant l’habitude d’utiliser les scènes tournées par lui-même dans plusieurs métrages différents sans en informer les acteurs qui se retrouvaient crédités dans plus de films que ce qu’ils pensaient. L’acteur Richard Harrison qui a notamment joué dans le nullissime Ninja Terminator de Godfrey Ho a témoigné de cette expérience qui l’a définitivement dégoûté du cinéma.
Aujourd’hui ces films tournés selon la technique du « deux-en-un » font la joie des amateurs de cinémas bis et nanars en tout genre. Néanmoins cette technique lorsqu’elle est utilisée à des fins frauduleuses montre la nécessité d’une bonne protection des droits d’auteur. Encore une fois, dans de nombreux cas, les extraits de films utilisés pour créer une nouvelle œuvre ont été acquis régulièrement, mais quand ce n’est pas le cas cela constitue une contrefaçon et l’auteur qui, de par son ignorance ou son apathie, n’a pas agi est le premier à souffrir de la diffusion de ce film.
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L’auteur de ces lignes remercie Régis du site Nanarland.com pour les informations qu’il lui a donné et qui l’ont aidé à rédiger cet article et conseille vivement leur site à tous les amateurs de cinéma bis !
Pierre Roubaud
1ère année Master IP/IT
Sources
- nanarland.com
- IMDB
- Wikipédia