La propriété intellectuelle et l’espace

 

 

 

 

Il existe de nombreuses œuvres et inventions créées à travers le monde et protégées par des droits de propriété intellectuelle. Si des règles existent pour une grande majorité des États, qu’en est-il lorsque l’on sort de la territorialité d’un État ? Plus précisément, lorsque l’on sort de sa territorialité pour rejoindre l’espace atmosphérique ?

En temps normal, une œuvre créée en France sera protégée par le droit français. Répondre à la question est plus compliquée pour une œuvre ou une invention créée dans l’espace car, selon l’article I et II du Traité de l’espace, ce dernier est inappropriable [1] et la territorialité ne peut donc en principe pas jouer. Nous verrons alors les règles de propriété intellectuelle applicables dans l’espace extra-atmosphérique, du point de vue de la propriété littéraire et artistique, puis du point de vue de la propriété industrielle et plus particulièrement concernant les inventions.

 

I – La propriété littéraire et artistique

 

Pour répondre à la question de l’œuvre créée dans l’espace, il faut prendre en compte plusieurs éléments. Comme dit précédemment, l’espace est inappropriable. Il existe cependant certains objets spatiaux où l’on retrouve une question de territorialité, c’est notamment le cas de la station spatiale internationale (ISS), composée de différents objets réunis, chacun sous le joug de sa nationalité.

Il a été prévu en premier lieu par l’article VIII que « l’objet lancé dans l’espace extra-atmosphérique conservera sous sa juridiction et son contrôle ledit objet et tout le personnel dudit objet. »[2]

La suite de l’article nous apprend que « Les droits de propriété sur les objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique, y compris les objets amenés ou construits sur un corps céleste, ainsi que sur leurs éléments constitutifs, demeurent entiers ».

Le problème est qu’il n’y avait pas de distinction entre la propriété corporelle et la propriété intellectuelle. Ce problème a été résolu par l’accord du 29 septembre 1988[3], signé à Washington, son article 21 prévoit que « Pour l’application du droit en matière de propriété intellectuelle, et sous réserve des dispositions du présent article, une activité se déroulant dans ou sur un élément de vol de la Station spatiale est réputée n’avoir eu lieu que sur le territoire de l’État partenaire ayant immatriculé cet élément, à ceci près que, pour les éléments immatriculés par l’Agence spatiale européenne, chaque État partenaire européen peut estimer que l’activité s’est déroulée dans les limites de son territoire ».

Pour déterminer le droit applicable il faudra alors s’intéresser à la question de l’immatriculation car, selon l’immatriculation des objets spatiaux, l’œuvre créée par ces objets sera protégée par un droit national prédéfini. Prenons l’exemple de la prise de photographies dans l’espace. Selon l’immatriculation du matériel utilisé, les photographies seront sous la juridiction d’un droit national. Si l’objet n’est cependant pas immatriculé, il existera des incertitudes sur le droit applicable pour les clichés pris.

Les questions sur la propriété littéraire et artistique dans l’espace sont pour le moment applicables pour les astronautes, il sera nécessaire de légiférer plus rigoureusement lorsque des particuliers pourront séjourner dans l’espace et créer des œuvres.

 

II – La propriété industrielle

 

Les règles concernant la propriété industrielle sont quant à elles réglées car plus importantes dans l’espace extra atmosphérique. En effet, le Code de la propriété intellectuelle prévoit que « Toute invention peut faire l’objet d’un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle qui confère à son titulaire ou à ses ayants cause un droit exclusif d’exploitation »[4]

Le 4ème alinéa dispose cependant que « sauf stipulation contraire d’un engagement international auquel la France est partie, les dispositions du présent article s’appliquent aux inventions réalisées ou utilisées dans l’espace extra-atmosphérique y compris sur les corps célestes ou dans ou sur des objets spatiaux placés sous juridiction nationale en application de l’article VIII du traité du 27 janvier 1967 sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes. »

Les règles sur les inventions sont donc assez similaires à celles concernant la propriété littéraire et artistique, si l’invention est créée par des objets immatriculés par un État, le brevet de cette invention sera protégé selon les règles de l’État qui immatricule ces objets spatiaux.[5]

 

Rémi CORBINAUD

 

[1] Article I et II des TRAITÉS ET PRINCIPES DES NATIONS UNIES RELATIFS À L’ESPACE EXTRAATMOSPHÉRIQUE, 2002.

[2] Article VIII des Traités de l’espace

[3] Accord de Washington, 1989.

[4] Article L611-1 du Code de la propriété intellectuelle.

[5] https://www.wipo.int/patent-law/fr/developments/inventions.html

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