La naissance de la reconnaissance faciale
L’essor de la reconnaissance faciale est du au développement du deep learning et du big data. Le big data consiste en la description élémentaire d’une information brute, n’ayant pas encore été interprétée ni conceptualisée, lisible par une machine. Il s’agit d’une grande masse de données. Le machine learning, application de l’intelligence artificielle, s’est développé depuis quelques années et permet un apprentissage automatique de la machine grâce à cette grande quantité de données. Ainsi, la machine va apprendre, par le biais de la masse d’exemples qui lui a été fournie, le logiciel va assembler les pixels des images par grappe pour reconnaitre des sous-ensembles afin de, soit identifier des images, soit en créer. Le deep learning est l’un des exemples de machine learning le plus performant.
Ce processus est au cœur des algorithmes de dernière génération concernant la reconnaissance faciale. Le roboticien australien Peter Corke explique qu’il va s’appuyer sur « un réseau de neurones artificiels imitant le fonctionnement du cerveau humain ». Plutôt que de donner une méthode de reconnaissance spécifique à un algorithme, on va lui donner des exemples de données classifiées : il va alors pouvoir chercher des corrélations statistiques, et les appliquer sur de nouvelles données non-classifiées¹.
Mais comment fonctionne concrètement cette IA ?
La reconnaissance faciale fonctionne par l’intermédiaire de la biométrie permettant d’identifier et d’authentifier une personne sur la base d’un ensemble de données (caractéristique du deep learning). Système complexe, réalisé à partir d’images fixes ou animées, le système de reconnaissance va utiliser des données biométriques afin de « retenir » les caractéristiques du visage de certaines personnes pour les reconnaitre. La machine va comparer ces données enregistrées, avec les modèles calculés en direct sur les visages présents sur l’image, et permettre d’authentifier ou d’identifier un individu. Elle ne doit pas être confondue avec la détection du visage, qui reconnait l’existence d’un visage sans pour autant déterminer à qui il appartient.
Ainsi, deux étapes sont nécessaires : la première étape de l’identification permet d’identifier une personne parmi d’autres : ses données personnelles sont comparées aux données d’autres personnes contenues dans la même base de données. La seconde étape est l’authentification qui permet de certifier l’identité d’une personne en comparant les données qu’elle va présenter avec les données enregistrées sur la personne qu’elle prétend être². Ces systèmes automatisés permettent d’identifier ou de vérifier l’identité d’individus seulement à partir des caractéristiques de leur visage : écartement et couleur des yeux, arêtes du nez…
L’un des premier deep learning à reconnaitre les visages a été le deepface de Facebook. En utilisant les images stockées par les utilisateurs sur l’ordinateur, ce logiciel est capable de déterminer si deux visages photographiés appartiennent à la même personne, avec une précision de 97,25%. De même l’algorithme GAN a réussi à générer des images et à créer une peinture en 2018 intitulée « portrait d’Edmond Bellamy » : en lui intégrant un grand nombre de portraits de familles, il a lui-même créé son propre portrait.
Depuis son invention dans les années 70, la reconnaissance faciale a énormément progressé. En effet, pendant longtemps la reconnaissance faciale fonctionnait bien avec des visages statiques. Désormais avec l’intelligence artificielle, les caméras reconnaissent maintenant des individus en mouvement : en train de marcher ou au volant de leur véhicule.
Applications pratiques de la reconnaissance faciale
La reconnaissance faciale est aujourd’hui très utilisée dans les domaines de la sécurité, la santé et le commerce. En matière de sécurité, la police nationale française utilise, depuis 2016, le dernier logiciel de reconnaissance faciale Morpho, dans le cadre des enquêtes anti-terroristes. De même, son utilisation récente lors du concert de Taylor Swift a permis de reconnaitre ses harceleurs dans la foule, sans que le public n’en soit informé³.
En matière médicale, elle permet d’apporter une aide précieuse à la détection de certaines maladies, notamment des maladies génétiques rares qui souvent n’étaient décelées par les médecins qu’après plusieurs années de diagnostic⁴.
Enfin, en matière de commerce, elle permet le développement de nouvelles stratégies de marketing. A titre d’exemple, l’entreprise l’Oréal s’est emparée en mars 2018 de dizaines de brevets en Intelligence Artificielle et réalité augmentée, afin d’utiliser la reconnaissance faciale pour vendre ses produits de beauté : les client(e)s pourront tester virtuellement différents types de rouges à lèvres, fonds de teint ou fards. De même Walmart a déposé un brevet afin d’utiliser la reconnaissance faciale pour mesurer la satisfaction de ses clients à l’aide de caméras. Par l’étude des expressions du visage de ses clients, le leader mondial du retail pourra évaluer leur satisfaction insatisfaction et y remédier avant la fin de leur passage en caisse⁵. En matière bancaire également, la banque Boursorama offre désormais la possibilité d’ouvrir des comptes bancaires grâce à la reconnaissance faciale.
Les difficultés juridiques et éthiques liées à la reconnaissance faciale
Si elle peut fasciner par ses performances dignes de science-fiction et son caractère futuriste, elle constitue à elle seule un véritable enjeu juridique, éthique et social. Brad Smith le président de Microsoft a d’ailleurs appelé à réguler la reconnaissance faciale⁷ : « Il est temps que les gouvernements commencent à adopter des lois pour réguler cette technologie. Si nous n’agissons pas, nous risquons de nous réveiller dans cinq ans pour nous apercevoir que la reconnaissance faciale s’est diffusée en exacerbant les problèmes de société. »
Ce qui inquiète particulièrement, ce sont les informations données aux algorithmes de reconnaissance. En effet, étant majoritairement « entrainés » sur des photos d’hommes blancs, on remarque que les erreurs de reconnaissance sont beaucoup plus importantes chez les femmes et chez les minorités ethniques : or il ne faut surtout pas que la technologie justifie des discriminations. Si la machine fait elle-même ces corrélations, c’est l’humain lui-même qui va sélectionner et classifier la donnée en amont qui sera fournie à la machine : la donnée déformée amènera forcément à des résultats fallacieux.
Est tout aussi préoccupant le problème lié à la protection des données personnelles : puisque finalement la matière première de ces machines se trouve dans nos visages et nos informations personnelles : comment éviter l’utilisation de nos données par ces algorithmes et assurer la protection de notre vie privée ? En France, c’est la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) qui encadre son utilisation dans l’espace public, ainsi, les personnes dont l’image est capturée en sont toujours avisées. D’autre part, la directive européenne 95/46/CE sur la protection des données s’applique également au système de reconnaissance faciale⁸.
Quelles sont les évolutions possibles de la reconnaissance faciale ?
Il est fort possible que dans l’avenir, les outils de reconnaissance faciales soient capables de déchiffrer les émotions et l’état d’esprit d’un individu. L’objectif commercial à terme sera d’utiliser des logiciels permettant de mieux décrypter les émotions du public et créer des spots publicitaires correspondant aux émotions du client.
Tous les systèmes d’identification actuels (clés, codes…) seront probablement remplacés par des dispositifs de reconnaissance faciale. De même, la sécurité sera d’autant plus renforcée : plus besoin de bracelets électroniques équipés de GPS, les caméras se chargeront de la surveillance.
Affaire à suivre…
Fanny COIGNARD
¹ cours de Mme CAPESTAN Isabelle sur la théorie et pratique des T.I.C
²https://www.gemalto.com/france/gouv/biometrie/reconnaissance-faciale
³https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/quand-taylor-swift-utilise-reconnaissance-faciale-dans-concerts-n81589.html
⁴https://www.presse-citron.net/ia-et-reconnaissance-faciale-pour-detecter-les-maladies-genetiques-rares/
⁵https://www.lsa-conso.fr/walmart-va-utiliser-la-reconnaissance-faciale-pour-mesurer-la-satisfaction-de-ses-clients,263182
⁶https://www.usine-digitale.fr/article/validation-du-systeme-d-identification-par-reconnaissance-faciale-de-boursorama-par-la-cnil.N677574
⁷https://www.usinenouvelle.com/editorial/microsoft-appelle-a-reguler-la-reconnaissance-faciale.N784664
⁸https://www.netatmo.com/fr-fr/glossaire/reconnaissance-faciale