La réglementation de la publicité en ligne : condamnation du site LeGuide.com pour défaut d’identification du caractère publicitaire de ses contenus

Cour d’appel de Paris, 17 mars 2017

S’il existe certaines dispositions spécifiques à la publicité en ligne, le droit de la publicité va de manière globale s’exporter au monde du commerce électronique et aura ainsi vocation à s’appliquer à la publicité réalisée sur un site internet. Le site LeGuide.com en a fait dernièrement les frais…

 

 

La publicité est définie comme toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services[1]. Cette définition large issue de la législation européenne ne faisant pas du vecteur de communication de la publicité un critère de sa qualification permet donc d’embrasser l’ensemble de la publicité via réseaux numériques. Dès lors, le titre 1 du Code de la consommation relatif à l’information des consommateurs est applicable, notamment ses dispositions concernant la réglementation de la publicité.

 

Ainsi, la publicité doit notamment pouvoir être identifiée comme étant une publicité, ce qui traduit une exigence de transparence dans l’activité prospective. Dans le monde physique, cette obligation trouve sa source dans la loi de 1986 relative à la liberté de communication au regard de laquelle « toute forme de publicité accessible par un service de communication audio-visuelle doit être clairement identifiée comme telle, elle doit également permettre d’identifier la personne pour le compte de laquelle elle est réalisée »[2]. Cette obligation est par ailleurs spécifiquement rappelée en matière de publicité en ligne au sein de la LCEN[3].

 

A cet égard, la Cour d’appel de Paris a confirmé dans un arrêt du 17 mars dernier le jugement du tribunal de commerce de Paris ayant condamné le site Leguide.com pour défaut d’identification du caractère publicitaire de ses contenus[4].

 

Leguide.com est un comparateur de prix en ligne et guide d’achat appartenant au groupe LeGuide, société de droit français fondée en 1998 et implantée dans différents états de l’Union européenne. Le groupe est aujourd’hui considéré comme le leader européen des comparateurs de prix et guide de shopping en ligne et dispose à cet effet de nombreux sites web. Leguide.com est donc un guide de shopping pour les internautes, proposant d’accompagner ces derniers dans leurs différents achats sur le net en leur permettant de comparer les prix des différents vendeurs. Néanmoins, il est important à ce stade de préciser que l’interface ne vend pas de produits mais à vocation à mettre en lien consommateurs et marchands, que ceux-ci soient professionnels ou non.

 

En 2011 un jugement avait déjà été rendu à l’encontre du groupe. En effet, une action avait été exercée par la société Pewterpassion.com spécialisée dans la promotion et la vente sur internet des produits de la société Saumon’s à l’encontre de la société LeGuide.com dans le but de voir cette dernière condamnée à identifier ses sites comme étant des sites publicitaires et ainsi réparer le préjudice découlant de ces pratiques commerciales déloyales et trompeuses. Saisie sur pourvoi exercé par la société Leguide.com, la Cour de cassation fait droit à la solution de la Cour d’appel ayant condamné le groupe pour défaut d’identification au motif que « l’absence d’identification claire du référencement prioritaire est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur qui est orienté d’abord vers les produits et offres des e-marchands payants et ne dispose pas ainsi de critères objectifs de choix »[5].

 

Le jugement de la Cour d’appel de Paris du 17 mars 2017 s’inscrit donc dans la continuité de la jurisprudence de la chambre commerciale. En effet, cette dernière décision est venue condamner une nouvelle fois le site web sous astreinte à identifier le caractère publicitaire des contenus payants  sur le service « shopping » qu’il édite et propose sur des sites de presse en ligne et autres sites partenaires. Le site a également reçu l’obligation d’identifier un tel caractère publicitaire sur les différentes balises titres utilisées en vue de leur indexation sur le moteur de recherche Google, celles-ci constituant également une publicité au sens des directives européennes[6].

 

En l’espèce, cette même société Saumon’s, dont les produits sont promus et vendus sur le site Pewterpassion.com, reprochait au site internet LeGuide.com de ne pas identifier de manière claire le caractère publicitaire des contenus proposés sur son espace « shopping » apparaissant sur différents sites de presse partenaires tels que Parismatch.com. De même, il est reproché au groupe d’avoir intégré sa base de données de sites partenaires tels que Voilà.fr sans là encore identifier clairement le caractère publicitaire des différentes annonces réalisées.

 

Or, l’absence d’identification du caractère publicitaire du contenu proposé par le site est considéré par les juges comme pouvant influer sur le comportement du consommateur dans son achat et ainsi aboutir à la captation, par des concurrents bénéficiant d’un référencement prioritaire, de la clientèle potentielle d’un commerçant dont les produits sont également mentionnés par la comparateur mais qui ne bénéficie pas de ce même privilège.

Dès lors, la Cour d’appel assimile ce procédé à une pratique commerciale trompeuse sur le fondement de l’article L-121-2 du Code de la consommation et retient que « les termes utilisés par Leguide.com demeurent ambigus et ne permettent pas de déterminer qu’il s’agit d’une publicité ; qu’en outre, les contenus « shopping » diffusés sur les sites de presse des partenaires se présentent sous une forme rédactionnelle, l’information y étant présentée sous forme d’image ou de texte, de façon objective et sans mention de l’annonceur ».

Océane Patte

1ère année Master IP/IT


[1]Art. 2§1 de la directive européenne du 10 décembre 1984 relative à la publicité trompeuse

[2]Art. 43 de la loi du 20 décembre 1986 relative à la liberté de communication

[3]Art. 20 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004

[4]CA de Paris, Pôle 5, Ch.11, 17 mars 2017

[5]COM, 4 décembre 2012

[6]CJUE, 11 juillet 2013

MasterIPIT

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