L’industrie de l’automobile est un secteur économique important dans de nombreux pays et contribue particulièrement à la croissance économique ainsi qu’à l’emploi.
Dans un monde où les questions environnementales sont nombreuses et préoccupantes, ce domaine est au cœur de l’actualité. Actuellement, l’industrie de l’automobile est confrontée à des défis tels que la transition vers des véhicules plus écologiques et la concurrence croissante liée aux véhicules autonomes ou la mobilité partagée.
L’innovation est donc un véritable moteur du développement de cette industrie et du succès de ses entreprises. Particulièrement actives et en constante évolution, elles créent des concepts technologiques et artistiques, toujours plus innovants. Néanmoins, ces multiples créations doivent être contrôlées et protégées pour permettre à l’industrie de ne pas perdre de temps et de « tracer sa route ». Ce défi est relevé par le droit de la propriété intellectuelle, à l’aide de plusieurs disciplines, telles que les marques commerciales, les dessins et modèles, les œuvres artistiques et littéraires, et les brevets.
Le 14 juin 2022, l’INPI a publié un communiqué de presse relatif aux dépôts de brevets en France. On y découvre notamment que parmi les cinq déposants les plus actifs, trois sont des groupes automobiles. À eux seuls, ils cumulent en 2021 plus de 2 200 demandes de brevets publiées. A titre de comparaison, cela représente plus de 15% de l’ensemble des demandes de brevets publiées sur la même période. Suite à ce constat, la protection de l’automobile semble avant tout passer par les brevets qui ne sont, pourtant, pas les seuls garants de protection pour les automobiles.
Dès lors, comment s’organise cette protection ? Cette dernière repose sur plusieurs branches de la propriété intellectuelle. Il convient d’apprécier ces dernières.
Brevets
Le brevet est décrit selon l’INPI comme celui qui « protège une invention technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé qui apporte une nouvelle solution technique à un problème technique donné ».
Aujourd’hui, les voitures sont composées d’environ 30 000 pièces, leur haut degré de technicité d’une automobile n’est nullement à remettre en cause. Au contraire, cela permet parfaitement d’illustrer l’importance des brevets dans ce secteur. Ces derniers servant non seulement à protéger la partie mécanique de la voiture mais également son habitacle. Si la majorité des voitures produites chaque année ne constitue pas de révolution technologique nécessitant un grand nombre de dépôts de brevets, l’essor de l’électrique et la recherche relative aux véhicules autonomes conduisent eux à un constat opposé.
Les brevets sont alors les outils de la protection des avancées technologiques liées à l’automobile. Pour autant, ces derniers ne sont pas plébiscités par tous les secteurs de l’automobile. En effet, le brevet s’oppose au secret des affaires. Pour cause, afin de bénéficier de la protection, il faut expliquer le fonctionnement de l’objet breveté. Ainsi, notamment en Formule 1, les écuries font le choix de ne pas breveter leurs inventions, dans le but de protéger à tout prix le secret. De plus l’essence du sport repose sur la possibilité de copier librement les inventions des autres écuries, dans un but commun mais concurrentiel pour développer toujours plus les voitures.
Dessins et modèles
Le droit des dessins et modèles vise à protéger l’apparence d’un produit et son identité visuelle. Il est défini par le Code de la propriété intellectuelle en son article L511-1 tel que la protection de « l’apparence d’un produit, ou d’une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation. Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe ».
Le secteur automobile apparait, alors, comme propice à bénéficier d’une telle protection. En effet, l’esthétique des voitures est primordiale et correspond bien à des pièces « industrielles » destinées pour être « assemblées en un produit complexe ».
Aujourd’hui, le droit français protège au titre des dessins et modèles les pièces détachées des automobiles, lesquelles bénéficient d’ailleurs cumulativement d’une protection par le droit d’auteur. Concernant, le droit en vigueur à propos des pièces détachées, il est possible de se référer à un arrêt de la CJUE du 28 octobre 2021. Dans cet arrêt, la Cour dresse un tableau général de la protection afférente aux pièces détachées par le biais du droit des dessins et modèles tout en précisant certains points.
A ce titre, la Cour vient rappeler qu’à défaut d’enregistrement du dessin ou modèle, ce dernier bénéficie d’une protection s’il a été préalablement divulgué au public de façon à permettre une identification claire. Si ce sont bien des pièces détachées qui sont protégées (chacune de par leur caractère individuel), il n’est pas nécessaire pour bénéficier de la protection de les divulguer séparément. Une présentation d’ensemble suffit dès lors que les objets de la protection sont « clairement identifiables ».
Enfin, cette fois-ci à l’échelle nationale, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, relative à la lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dispose que depuis le 1er janvier 2023, la reproduction de pièces détachées, déjà divulguées au public, dans le but de redonner un aspect d’origine à un véhicule, ne pourra être sanctionnée. Aucune violation des droits d’auteurs ou des dessins et modèles ne pourra être retenue.
Les marques commerciales
Le droit des marques est fondamental dans l’industrie automobile.
En effet, il est nécessaire pour les constructeurs d’innover pour créer de nouveaux produits de grande valeur dont la protection est assurée par les droits de la propriété intellectuelle, afin d’assurer l’utilisation effective et sans risque de marques ayant un caractère distinctif.
La protection et la gestion des actifs de l’entreprise en matière d’innovation nécessitent une collaboration avec des offices de protection des marques dans le monde entier.
Deux axes se dégagent dans ce cadre :
D’abord, l’évaluation de la stratégie de propriété intellectuelle la plus appropriée pour une innovation, un produit ou un service donné ; la préparation et le dépôt des demandes de marques et la gestion des procédures associées.
Enfin, la surveillance et le suivi de toute utilisation abusive des actifs de propriété intellectuelle de l’entreprise, notamment grâce à un programme complet de protection des marques.
En effet, les contrefaçons (ou imitations) ont beaucoup augmenté ces dernières années et se sont à la fois diversifiées et spécialisées, rendant les produits contrefaits de plus en plus difficiles à identifier pour les propriétaires, comme pour les consommateurs. Ces activités illégales sont également synonymes de manque à gagner. Elles peuvent aussi porter gravement préjudice à la réputation et à l’image de marque des industries du monde automobile. Enfin, les produits contrefaisants constituent une sérieuse menace pour la sécurité publique car les imitations de mauvaise qualité ne sont pas soumises à des normes de sécurité ou à des tests rigoureux.
Les sociétés du secteur automobile mettent en place des programmes de protection des marques autour de trois piliers : la coopération avec les enquêteurs, la coopération avec les autorités douanières et la surveillance de l’Internet.
Les constructeurs automobiles possèdent de vastes portefeuilles de marques afin de promouvoir leurs différents modèles incluant les marques historiques (pour les plus anciennes) et les modèles actuels.
Ces appellations, chacune ayant sa propre forme graphique, sont enregistrées en tant que marques textuelles et utilisées notamment à des fins de promotion.
Beaucoup d’efforts sont consacrés pour concevoir des marques attractives, aisément mémorisables, plaisantes sur le plan esthétique et faciles à prononcer (dans toutes les langues).
Des marques sont également enregistrées pour certaines descriptions de produits ayant un caractère distinctif, de même que pour des marques de services.
Enfin, certaines marques correspondent aux variantes « sport » ou autres séries spéciales de différents modèles, de moteurs et d’habillages intérieurs.
Les départements de propriété intellectuelle internes des grands groupes automobiles ont également à gérer la commercialisation en termes de contrats de licence de leurs marques.
Cela permet un meilleur développement des produits mais aussi le renforcement des marques en évitant autant que possible les contentieux pour utilisation illicite des technologies de l’entreprise. Ces licences sont utilisées de multiples manières pour l’exploitation de produits dérivés, les services financiers, la coopération avec les importateurs automobiles, la production automobile, les cessions partielles de marques…
Une industrie traditionnelle en pleine mutation
Un exemple frappant de cette mutation est celui de l’arrivée de l’Intelligence Artificielle au sein des différentes activités économiques.
En particulier, dans l’industrie automobile, l’IA joue un rôle prépondérant et permet de développer des véhicules autonomes, des systèmes de conduite assistée et des technologies de connectivité.
Cependant, il existe des défis importants à relever tels que la sécurité des véhicules autonomes, la réglementation et la protection des données.
Il est également important de s’assurer que l’IA est utilisée de manière éthique et responsable pour éviter les discriminations. Les entreprises de l’industrie automobile doivent continuer à investir dans la recherche et le développement pour relever ces défis et tirer parti des avantages de l’IA.
L’Union européenne a une vision ambitieuse pour l’utilisation de l’IA dans l’industrie automobile. Elle vise à utiliser cette dernière pour améliorer la sécurité routière, réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer l’efficacité énergétique des véhicules.
L’UE travaille également sur des projets pour développer des véhicules autonomes et connectés pouvant communiquer entre eux et avec les infrastructures routières, afin améliorer la circulation et réduire les embouteillages.
En outre, l’UE soutient des initiatives visant à stimuler la recherche et l’innovation dans le domaine de l’IA pour l’automobile, y compris en favorisant la collaboration entre les entreprises, les universités et les gouvernements. Une étude mondiale, réalisée pour KPMG, a mis en lumière une certaine tendance : les constructeurs ont compris les enjeux des innovations technologiques pour l’avenir de cette industrie traditionnelle en pleine mutation (notamment pour l’IA). Cet intérêt est illustré, « puisque 60 % des dirigeants s’estiment très ou extrêmement préparés à ces innovations ».
Toutefois, actuellement, les juridictions européennes comme américaines peinent à suivre le rythme du marché des progrès technologiques. Dans le futur, il sera important de voir si le droit de la propriété intellectuelle, par l’impulsion de l’Union européenne, se prononce clairement pour une meilleure régulation de ce milieu en constant développement.
Théo Houdayer et Guillaume Chemin
Sources :
https://www.jurisportiva.fr/articles/le-brevet-et-la-formule-1-linversion-dun-paradigme/
https://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2015/06/article_0006.html