Eloigné du mode de communication traditionnelle, l’univers des mèmes a, depuis quelques années, envahi la toile. Illustrations désopilantes un brin déconcertantes et parfois énigmatiques, les mèmes sont également appelés « imitations ». La plupart du temps, ils tirent leurs origines d’images ayant un certain impact sur Internet – par exemple, la photographie du sénateur Bernie Sanders et ses moufles –, images qui seront déclinées afin de transmettre un message. Par un effet boule de neige, les mèmes pourront ensuite être modifiés par les utilisateurs des réseaux sociaux et de nouveau retouchés par eux pour adapter le message de leur choix.
Bien qu’il n’existe pas encore de véritables contentieux autour des mèmes, leur conception n’est pas sans risques juridiques et doit être encadrée.
En effet, le droit d’auteur confère à l’auteur d’une œuvre de l’esprit un monopole d’exploitation, un droit d’usus, de fructus et d’abusus. De fait, le mème constitue-t-il une œuvre originale, et corrélativement, une œuvre de l’esprit susceptible d’accéder à la protection par le droit d’auteur ? (I) De plus, un mème est, par sa nature, une reproduction d’une œuvre préexistante modifiée. Œuvre composite à la limite de la parodie et de la reproduction illicite, s’agit-il d’une exception ou d’une contrefaçon ? (II)
I. Le mème : une œuvre de l’esprit ?
Pour être protégée par le droit d’auteur, toute création doit être originale (i) et mise en forme (ii). L’accès à la protection par le droit d’auteur attribue ainsi à l’auteur de l’œuvre un droit patrimonial et un droit moral.
Selon le dictionnaire Larousse, un mème est un « concept (texte, image, vidéo) massivement repris, décliné et détourné sur Internet de manière souvent parodique, qui se répand très vite, créant ainsi le buzz ».
Certains considèrent que les mèmes sont des œuvres à part entière, originales laissant transparaître l’empreinte de la personnalité de l’auteur par ses choix de déclinaison de l’œuvre initiale. D’autres pensent au contraire que la conception d’un mème ne correspond qu’à une appropriation et adaptation de l’œuvre initiale sans réel travail du concepteur. Celui-ci n’y ajouterait qu’un texte ou qu’un effet. En outre, selon eux, la condition de la mise en forme ferait défaut puisque le droit d’auteur ne protège pas les concepts, les mèmes étant pourtant définis comme tels (cf. infra).
Or, la communauté juridique n’a pas encore donné un dénouement aux questions de définition juridique du mème et de potentielle protection par le droit d’auteur. La question reste donc en suspens.
II. Le mème : parodie ou contrefaçon ?
En raison du caractère composite du mème, se pose la question de sa licéité lorsque son concepteur ne demande pas l’autorisation de l’auteur de l’œuvre initiale protégée par le droit d’auteur.
Pour élaborer son mème, l’intéressé utilise des images provenant de photographies, de films, ou de dessins. Excepté l’hypothèse dans laquelle ces œuvres sont dans le domaine public, elles peuvent être protégées par le droit d’auteur dès lors qu’elles sont originales et fixées sur un support. En utilisant comme point de départ une œuvre préexistante, la création d’un mème nécessiterait le consentement de l’auteur initial. Le cas échéant, ce dernier pourrait poursuivre en contrefaçon le concepteur du mème.
Du point de vue du droit à la parodie, le Code de la propriété intellectuelle, à son article L. 122-5 4°, permet d’utiliser une œuvre protégée sans l’autorisation de son auteur à condition que la parodie poursuive une intention humoristique qui ne porte atteinte ni à l’auteur, ni à son œuvre et ni à sa dignité humaine. Au nom de la liberté d’expression, l’auteur de l’œuvre originale risque de ne pas pouvoir agir en contrefaçon, et le créateur du mème est alors libre de divulguer le mème.
De nouveau, la question n’est pas tranchée du fait d’une frontière floue entre reproduction illicite et parodie.
Quid du droit à l’image ?
Un mème peut prendre son inspiration de l’image d’une personne physique. De surcroît, le concepteur doit respecter le droit à l’image de la personne intéressée. En droit français, tout individu a un droit exclusif sur son image et sur l’usage qui en est fait. Par ailleurs, la présence de l’image de la personne sur Internet ne constitue pas un consentement implicite de la part de ladite personne pour l’utilisation de son image dans la réalisation d’un mème. Le concepteur du mème doit alors obtenir son consentement explicite.
La sanction encourue est similaire à celle de la contrefaçon, c’est-à-dire une obligation de suppression du mème et une condamnation à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
En somme, un mème n’est pas uniquement un message humoristique. Afin de préserver les droits d’auteur ou encore le droit à l’image, il apparaît nécessaire de réglementer ce domaine encore trop laissé de côté. Au-delà du cadre de la propriété intellectuelle, les mèmes soulèvent aussi de nouvelles questions juridiques particulièrement pénales, eu égard aux messages d’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination qu’ils peuvent véhiculer.
Ninon VANDEKERCKHOVE
Sources :
https://www.village-justice.com/articles/plateforme-memes-propriete-intellectuelle,43602.html
https://www.vaughan-avocats.fr/articles/meme-internet-droit-dauteur-et-humour-partage-82500.htm
https://www.copibec.ca/fr/nouvelle/429/meme-et-droit-d-auteur