Les marques de mouvement, des marques du futur ?

 

Des chiffres, des lettres, des slogans, des dessins, des graphismes autant de formes possibles qui peuvent donner naissance à une marque et pourtant l’innovation technologique n’a pas dit son dernier mot puisque depuis cinq ans aujourd’hui, les marques de mouvement existent. 

Deux catégories de marques doivent être distinguées : les marques traditionnelles telles que les marques verbale, semi-figurative ou figurative et les marques non-traditionnelles telles que les marques de mouvement, holographique et multimédia. Néanmoins, cette seconde catégorie de marque a rencontré quelques difficultés à voir le jour puisque seules les marques dites traditionnelles étaient acceptées par les instances communautaires. Cela s’explique notamment par le fait que ces dernières étaient facilement représentées dans les registres. Désormais, grâce aux avancées technologiques, ces marques non-traditionnelles ont pu se déployer progressivement. En effet, aujourd’hui, il est possible théoriquement de déposer des marques sonores ou olfactives[1] au même titre que les marques de mouvement.

Ce dernier type de marque connaît un grand succès auprès de l’Office de l’Union Européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Il s’agit d’un signe qui s’illustre à travers un mouvement ou un changement de position des éléments composant la marque. Un mouvement ne peut être déposé et protégé en tant que marque que s’il est suffisamment spécifique et distinctif, disponible et ne porte pas atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs.  Par exemple, la marque de mouvement peut être déposée sous forme de représentation d’une suite de mouvements. C’est d’ailleurs le cas pour la marque Carl Suchy & Söhne. 

Par cette représentation, il est possible de comprendre que la marque a voulu se distinguer des autres en illustrant le mouvement tournant d’un petit cercle dans le cadran des montres qu’elle propose sur le marché. 

 

La marque de mouvement se distingue de la marque multimédia qui est un nouveau type de marque créé par la réforme du premier octobre 2017 sur le droit des marques de l’Union Européenne. En effet, contrairement à la marque de mouvement qui ne fait que bouger, la marque multimédia représente simultanément une combinaison d’images et de son. Par conséquent, lors du dépôt de la marque de mouvement, il faudra fournir des éléments à l’EUIPO  lui permettant de visualiser précisément et clairement le mouvement.  En effet, l’article 4 du Règlement n° 2015/2124 relatif à la marque de l’Union Européenne précise que les signes déposés doivent « être représentés dans le registre des marques de l’Union européenne (ci-après dénommé «registre») d’une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer précisément et clairement l’objet bénéficiant de la protection conférée à leurs titulaires. ».

En ce sens, l’OHMI a, le 23 septembre 2010 à l’occasion de l’enregistrement de la marque de Sony sous le n° 8 581 977 jugé qu’une marque de mouvement de l’Union Européenne devait se voir refuser l’enregistrement de la marque du fait de sa mauvaise représentation lorsqu’une « personne raisonnablement attentive présentant des degrés normaux de perception et d’intelligence, après avoir consulté le registre des marques de l’Union européenne, ne serait pas capable de comprendre précisément ce en quoi consiste la marque, sans déployer un niveau considérable d’énergie intellectuelle et d’imagination » (OHMI, ch. rec., 23 sept. 2010, R. 443/2010-2, pt 20)

 

Afin de faciliter ce processus, les déposants ont la possibilité de joindre un « flipbook » aidant ainsi à comprendre le mouvement représenté. L’EUIPO a également permis de joindre un fichier MP4 ou JPEG pour les séries d’images séquentielles immobiles. « En cas d’utilisation d’images fixes, il est possible de les numéroter ou de les accompagner d’une description afin d’expliquer la séquence.».[2]

 Toutefois, si cette méthode est recourue par les déposants, l’EUIPO recommande la fourniture d’une description écrite. D’autres déposants ont au contraire préféré procéder à une représentation de type « bande dessinée ». Cette dernière illustre répétitivement la même image et l’élément en mouvement occupe une place distincte sur chaque image. Ainsi, l’articulation du mouvement pouvait être imaginée facilement.

 

Ce sont essentiellement les multinationales comme Microsoft, Red Bull, Olufsen qui déposent ce type de marque. 

 

Meta a récemment proposé un nouveau logo en précisant que « contrairement aux processus traditionnels de conception de marques, nous avons conçu ce symbole pour qu’il vive en mouvement et en 3D (…). Il a été pensé pour que l’on puisse interagir avec et le voir sous plusieurs perspectives ».

D’autres entreprises telles que Lamborghini et Kraft Foods ont déposé des marques de mouvements. En effet, Lamborghini a déposé une marque sous le n°1400092 décrivant le mouvement spécifique de l’ouverture par le haut des portières de ses voitures en pivotant sur elles-mêmes. Quant à la société Kraft Foods, elle a déposé une marque de mouvement au Royaume-Uni pour le chocolat et les confiseries au chocolat.

Bien que ce type de marque commence à être apprécié, de nombreuses marques non-traditionnelles ont vu leur enregistrement refusé par l’EUIPO.  En effet, depuis le 1er octobre 2017, les chiffres de dépôt de marques de mouvement demeurent limités puisque seules 166 marques de ce genre existent. À ce jour, selon la base de données de l’EUIPO, 117 marques de mouvement ont été enregistrées et 16 demandes ont été refusées. Par ailleurs, l’existence d’une jurisprudence sur la validité de ce type de marque quasi-inexistante peut traduire la frilosité des petites entreprises qui souhaiteraient en déposer. En effet, ce faible nombre de demandes ne permet pas encore de connaître les critères précis sur l’appréciation de leur validité. De plus, la protection qui est accordée à ce type de marque non-traditionnelles se révèle encore assez floue puisqu’il n’existe pas de décisions d’opposition ou d’actions en contrefaçon engagées à l’encontre de ces marques. Néanmoins, cet Office se montre de plus en plus flexible et ne se semble pas plus exigeante que pour le dépôt de marques traditionnelles.  De plus, le nombre croissant de ce type de marques enregistrées laisse la porte ouverte à tout type d’entreprise qui souhaitent déposer une marque de mouvement innovante. Ainsi, la probabilité qu’elles se multiplient dans un futur proche augmente de plus en plus. En ce sens, le 30 mai dernier c’est l’entreprise Savencia dédiée à l’industrie fromagère qui a pu voir sa marque de mouvement enregistrer sous le n° 018710078. Par conséquent, il existe certes une réticence de la part de certaines entreprises pour franchir le pas vers le dépôt d’une marque de mouvement, mais il n’y a pas de quoi en faire un fromage.

 

Anissa CHEIKH-BRAHIM

 

SOURCES :

https://www.inpi.fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/la-marque/les-differents-types-de-marque 

https://depot-de-marque.com/marque-de-mouvement/

https://www.numerama.com/tech/751609-le-logo-de-meta-facebook-est-un-logo-3d.html

https://la-revue-des-marques.fr/documents/gratuit/82/les-marques-du-futur.php

https://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2009/01/article_0003.html

 

PHOTOS : 

Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni

 

 

[1] Il est essentiel de rappeler que les fragrances ne peuvent faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur. C’est d’ailleurs ce qu’avait pu préciser l’arrêt rendu par la première chambre civile le 13 juin 2006 « . La fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas au sens des textes la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l’esprit par le droit d’auteur. » ou encore l’arrêt Lancôme parfums rendue par la chambre commerciale le 10 décembre 2013. La Cour de cassation a affirmé que le droit d’auteur ne protège les créations dans leur forme sensible qu’autant que celle-ci est identifiable avec une précision suffisante pour permettre sa communication. La fragrance d’un parfum, hors son procédé d’élaboration lequel n’est pas lui-même une œuvre de l’esprit, ne revêt pas une forme présentant cette caractéristique et ne peut dès lors bénéficier de la protection par le droit d’auteur »

[2] Règl. (UE) no 2018/626, 5 mars 2018, art. 3, § 3, h) ; INPI, déc. no 2019-157, 11 déc. 2019, art. 4, § 3, h



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