Lorsque vous entendez jeu vidéo vous ne pensez pas remonter aux années 1950, et pourtant. Le premier jeu vidéo sera développé par Willy Higinbotham sous le nom de « Pong » qui se jouait sur l’équivalent d’un ordinateur de l’époque, un oscilloscope. Au fil des années les consoles se développent et les jeux vidéo suivent. S’en suit la naissance des jeux en ligne qui passent par différentes sortes de réseaux, en contrepartie du paiement d’un abonnement. Mais qu’est-ce qu’un jeu vidéo ? L’article 220 terdecies II du code général des impôts[1] le définie comme « tout logiciel de loisir mis à la disposition du public sur un support physique ou en ligne intégrant des éléments de création artistique et technologique, proposant à un ou plusieurs utilisateurs une série d’interactions s’appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées et se traduisant sous forme d’images animées, sonorisées ou non ».
Les jeux vidéo vont connaitre un essor aux Etats-Unis à l’aube des années 1990. Le prix des abonnements connait une forte baisse et deviennent alors attractif. Et les réseaux privés utilisés disparaissent pour laisser place au modem, qui sert à communiquer à distance par l’intermédiaire d’un réseau public, cette fois-ci. Mais on ne peut pas dire que le jeu vidéo est démocratisé.
Sa démocratisation se fera en parallèle de celle de l’Internet. C’est à partir des années 1990 que le matériel informatique sera accessible pour tous et que les foyers vont s’équiper en masse d’Internet. Les éditeurs de jeux vidéo surfent sur la tendance et développe leurs offres et services pour proposer un jeu en réseau entre deux ou plusieurs joueurs, toujours en contrepartie d’un abonnement mensuel. Il faudra attendre le début des années 2000 pour connaitre ce développement. Les jeux vidéo s’internationalisent et connaissent un engouement.
L’utilisation des jeu vidéo a, elle aussi changé. On est passé d’un jeu ludique à un jeu plus compétitif. Dès les années 2000 des tournois se créent tels que la World cyber Games. Les participants et les compétitions croissent jusqu’à s’installer dans des endroits mythiques tels que l’Accord Hôtel Arena.
Néanmoins c’est un domaine qui évoluait dans un cadre assez incertain. Il n’y avait pas une réglementation propre au jeu vidéo. Les joueurs, qui sont de plus en plus professionnels, évoluaient aussi dans ce même domaine. Or contrairement à d’autres pays tels que les pays asiatiques, la France freinait le développement de l’e-sport par l’absence d’un cadre réglementaire. Le Gouvernement de Manuel Valls a alors chargé deux parlementaires de dresser un projet de loi répondant aux attentes de l’e-sport. Il sera repris dans la loi pour une République numérique en date du 7 octobre 2016.
Mais il est légitime de se demander si le législateur a pris en compte tous les enjeux supportés par l’e-sport.
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I – LES ENJEUX LEGISLATIFS DE L’E-SPORT
Les nouveaux usages utilisés dans l’e-sport
Le jeu vidéo a, aujourd’hui, pris de l’ampleur, tellement d’ampleur que de nouveaux phénomènes ont vu le jour, parmi lesquelles on peut citer le développement du streaming et des sponsors.
Concernant le développement du streaming, cela permet aux joueurs ou toute autre personne le souhaitant, de suivre en temps réel, et de manière continue[2]. Les abonnés peuvent suivre les joueurs professionnels, semi-professionnels ou les Casu (les joueurs amateurs). Sur ces mêmes plateformes, même les joueurs, abonnés, peuvent réaliser un « stream » ; ils deviennent alors des streamers.
En parallèle, les chaines de télévisions spécialisées dans les jeux vidéo ont vu le jour[3]. Elles proposent des émissions spécifiques sur certains jeux, des émissions en rapport avec l’e-sport, mais aussi la diffusion de certaines compétitions de jeux vidéo.
Le second exemple de nouvel usage est le sponsoring lors des manifestations e-sportives. Il existe deux sortent de sponsoring.
D’une part, on a le sponsoring par lequel l’éditeur du jeu vidéo ne débourse pas d’argent. Le joueur qui créé des vidéos YouTube tutoriels tout en donnant des informations sur le jeu, lorsque c’est réalisé bénévolement et que la vidéo est laissée en libre accès. Cela va pousser le joueur à poursuivre son jeu, à en parler autour de lui.
D’autre part, il y a le sponsoring où les sponsors injectent de l’argent afin de financer différents évènements. Ce financement est nécessaire au regard du coût important que représentent les compétitions. On peut citer quelques exemples : inscription de logo sur le maillot des équipes ; placement de produit ; l’évènement peut porter le nom de la marque[4], etc.
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Les incertitudes dans l’e-sport
Les incertitudes vont provenir des rapports difficiles entre le droit d’auteur et le jeu vidéo et de l’impertinence de l’ancien régime de l’e-sport.
Aujourd’hui la seule certitude que l’on a est l’applicabilité du droit d’auteur aux jeux vidéo. Encore faut-il savoir quelle qualification attribuer au jeu vidéo. En effet, il existe une hésitation jurisprudentielle sur le fait de savoir s’il faut appliquer une conception unitaire, c’est-à-dire considérer le jeu vidéo comme une œuvre dans sa globalité[5], ou considérer que le jeu vidéo est composé de plusieurs composantes, et ainsi défendre une conception pluraliste[6].
Par ailleurs, il existait un régime applicable aux jeux vidéo qui se révélait impertinent. Le sport électronique était encadré par le code de la sécurité intérieure[7] qui interdisait les loteries faisant espérer un gain. Ce n’était pas adapté puisque la victoire était plus souvent due au savoir-faire du joueur qu’au hasard.
Cette absence d’encadrement empêchait donc l’e-sport de se développer et incitait les joueurs professionnels français à s’exiler à l’étranger.
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II – LA RECONNAISSANCE DE L’E-SPORT PAR LA LOI FRANÇAISE
La création d’un contrat particulier pour le joueur professionnel de jeu vidéo
La loi pour une République Numérique a confirmé le projet de loi en créant un contrat de joueur professionnel de jeu vidéo. Auparavant, le joueur était soumis au régime du travailleur indépendant. Désormais, il est salarié. Il sera soumis à un contrat à durée déterminée (CDD) assez particulier. En effet, si le CDD original ne peut pas excéder 18 mois, le CDD du joueur professionnel de jeu vidéo ne peut pas être inférieur à une saison de jeu vidéo, sauf cas exceptionnels, et ne peut pas être supérieur à 5 ans, sans compter les renouvellements de contrats.
Ce nouveau statut va changer beaucoup de choses pour les joueurs professionnels. Dans un premier temps, ils seront soumis à un lien de subordination et leur employeur devra leur offrir des conditions de préparation et d’entrainement équivalentes aux autres joueurs de l’association ou de la société. En revanche, un problème se pose sur les heures de travail. Si le joueur professionnel cumule deux emplois, il ne pourra pas dépasser 48 heures par semaine.
Par ailleurs, il est à noter que les mineurs sont concernés par ces dispositions, même si le versement de leur salaire reste soumis à un régime particulier.
Néanmoins, ces questions restent en suspens : que se passent-ils en cas de rupture anticipée du contrat ? Quelle sera l’indemnisation ? Quelles actions sont possibles contre un joueur qui réalise une contrefaçon ou une concurrence déloyale ? Aucune solution n’est donnée dans la loi pour une République Numérique. L’avenir nous apportera sûrement une réponse.
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La réglementation relative aux compétitions de jeu vidéo
La loi Axelle Lemaire retire les compétitions d’e-sport de la liste des jeux interdits. Avec cette loi le jeu vidéo est devenu un réel sport. Le code de la sécurité intérieure définit la compétition de jeu vidéo comme une confrontation d’au moins deux joueurs ou équipes sur un jeu vidéo pour un sacre ou une victoire[8].
La loi pose désormais des conditions pour qu’une compétition de jeu vidéo existe. D’une part, il faut des participants qui soient physiquement présents. D’autre part, la mise en place d’un tel évènement doit être déclarée auprès d’une autorité administrative, qui n’a pas encore été nommée.
Il y a aussi le sponsoring qui a été encadré. Aujourd’hui les évènements e-sportifs ne devront pas être la seule source de financement. Les organisateurs vont devoir alors chercher d’autres sources avec l’achat des billets, les buvettes, les droits de retransmission.
En outre, les mineurs pouvant désormais être joueurs professionnels le législateur peut s’inscrire à une compétition dès lors qu’ils sont inscrits dans un registre et que les représentants légaux sont informés du jeu dont il est question et de la somme qui est en jeu en cas de victoire.
Pour conclure, on peut donc voir que le législateur a souhaité inciter à développer l’e-sport en instaurant un cadre légal pour les compétitions de sport électronique mais le législateur a aussi reconnu un statut au joueur professionnel, leurs permettant d’évoluer dans un cadre plus stable. Reste à voir si les questions en suspens auront leurs réponses dans le futur afin de préciser certaines notions et dispositions.
Morgane Cleophas
1ère année Master IP/IT
[1] Issue de la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016.
[2] Ce que propose par exemple la plateforme TWITCH.
[3] Game One ou Nolife
[4] Red Bull Battelgrounds ; MSI Pro Cup.
[5] Défendu par la Criminelle le 21 juin 2000.
[6] Défendu par l’arrêt Cryo (Civile 1, 25 juin 2009).
[7] Articles L332-1 et L332-2-1.
[8] Articles L321-8 à L321-11 du code de la sécurité intérieure.