Netflix, plateforme de vidéo à la demande dont la renommée n’est plus à faire, propose un important catalogue de séries et films. En 2017, le géant américain proposait 1399 films, 658 séries et 242 documentaires. Cela représenterait 3274 heures de visionnage1, de quoi pouvoir assurer un binge-watching intensif !
Parmi ces contenus variés, nombreux sont ceux présentés comme “Original Netflix”. L’objectif de la plateforme serait de parvenir à proposer un catalogue constitué de 50 % de contenu présenté comme original2. Mais si cette dénomination peut laisser penser qu’il s’agit de séries inventées, produites, proposées et appartenant à Netflix, ce n’est en fait pas toujours le cas. Cela recouvre en réalité diverses situations, mettant en oeuvre le droit des contrats de l’audiovisuel.
La mention “série originale Netflix” peut désigner principalement 3 cas de figure3 :
① La série créée et produite par la plateforme : Ces séries sont les plus à même d’être qualifiées d’Originals. En effet, dans ce cas, Netflix dispose de tous les droits sur ses productions. Cela est dû à son statut de producteur, au sens de l’article L.132-23 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que « Le producteur de l’œuvre audiovisuelle est la personne physique ou morale qui prend l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre ». Un tel producteur bénéficie d’une présomption légale de cession des droits d’auteur. Ainsi, le contrat qui lie le producteur aux auteurs d’une oeuvre audiovisuelle emporte cession des droits exclusifs d’exploitation à son profit. Cela permet de récompenser le producteur pour son rôle dans l’initiative de la réalisation de l’oeuvre et pour les risques qu’il a donc pris du point de vue de la responsabilité « financière, technique et artistique ». Le producteur a alors incontestablement la propriété de ces droits, c’est ce qui permet à Netflix de diffuser ses propres séries, et de les présenter tout à fait justement comme des Originals Netflix. On peut donner comme exemple Sense 8 ou encore 13 Reasons Why, séries ayant eu un succès majeur sur la plateforme !
② La série pour laquelle Netflix bénéficie de droits exclusifs de diffusion : En dehors du cas où Netflix est producteur, la plateforme doit conclure des contrats d’autorisation avec le producteur de chaque œuvre qu’elle souhaite diffuser : des contrats de diffusion. Pour qualifier ces contrats, on peut parler tant de « cession » de droit de diffusion que – au regard des restrictions aux droits « cédés » – de « licence »4. C’est là que se traduit la stratégie prédominante de Netflix, qui consiste à simplement acquérir les droits de diffusion exclusive sur des contenus réalisés par d’autres sociétés de production. Sa qualité ne sera plus celle de producteur mais de simple diffuseur. On visera alors Orange is The New black, série présentée comme une série originale Netflix mais produite par Lionsgate, société de production de séries et émissions télévisées, qui a simplement concédé une licence d’exploitation en streaming à Netflix5. Le droit de la concurrence étant intervenu en la matière, les exclusivités concédées par les producteurs doivent être limitées. Ainsi, si elles sont essentielles à la stratégie des acteurs de la diffusion audiovisuelle, elles ne peuvent être absolues. C’est pourquoi la société à l’origine de la licence pourra en conclure d’autres, avec d’autres acteurs, dans d’autres pays que ceux pour lesquels Netflix a négocié son accord ou pour d’autres modes d’exploitation que la SVOD. L’exclusivité ne vaut alors que pour un mode d’exploitation et dans les pays visés. En réalité, dans le cadre d’un tel accord, la série sera présentée comme « Original Netflix » si elle fait l’objet d’une première diffusion dans le pays concerné. Elle peut donc être un Original dans en France, tout en ne l’étant pas dans un autre pays.
③ La série qui devient une série Netflix : C’est le cas de séries qui ont commencées à être produites par des producteurs tiers et qui ont déjà été diffusées par exemple sur une chaîne de télévision, sont tombées dans l’oubli puis dont les droits sont ensuite acquis par Netflix, par le biais d’un contrat de cession de droits d’auteur. Dans ce type de cas, la série est reprise par Netflix qui se charge de la production de saisons ultérieures, pour lesquelles la qualité de producteur sera en principe assurée. Entre alors dans ce cadre la série la Casa de Papel qui, avant d’être proposée sur Netflix, avait été diffusée sur une chaine espagnole. Cette reprise a été un franc succès, la série ayant été visionné plus de 31 millions de fois.
A la différence d’Amazon, qui cherche à produire les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles qu’elle propose sur sa plateforme Amazon Prime, la stratégie de Netflix ne s’inscrit pas dans le cadre d’une démarche de production de contenus mais est davantage basée sur l’acquisition de ces derniers6. En effet, d’importants moyens sont mis en oeuvre pour assurer une fourniture de contenu importante et de qualité. Ainsi, en 2018 le géant américain annonçait un budget annuel d’acquisition de contenus de 8 milliards de dollars et le missionnage de 400 salariés pour l’encadrement ainsi que l’acquisition de contenus.
Si Netflix se plaît donc à afficher la mention « Original Netflix » sur la vignette de nombreuses séries présentées sur son site, la plateforme se garde bien de donner des informations précises sur ce que cela recouvre. Cela relève d’un atout marketing. Le fait de présenter des séries comme Original laisse penser qu’elles ne sont disponibles que sur Netflix, ce qui permet d’attirer et de fidéliser les utilisateurs, Dans leur FAQ, on peut trouver une mention de ces nuances dans les réponses aux seules questions “ Comment Netflix se procure-t-il les droits de diffusion des séries TV et des films ?”7, ou encore “Pourquoi une série TV ou un film n’est-il plus diffusé sur Netflix ?”. Bien que les réponses soient vagues, cela a au moins le mérite de mettre en avant des questions relatives au droit d’auteur, souvent occultées par ce type de plateformes et méconnues du public.
Marion Dennequin
4 B. Montels. Contrats de l’audiovisuel, LexisNexis, Collection Droit et Professionnels, 3ème édition, 2017