Source : BeIn Crypto
Il n’y a plus besoin de le définir, le NFT, non-fungible token (soit jeton non-fongible), est aujourd’hui omniprésent. Dans son article du 12 décembre 2021, intitulé « Des enjeux juridiques de l’adaptation du droit aux avancées technologiques actuelles », Jean SOUQUET-BASIEGE rappelait que le NFT est un actif numérique, tel que défini par l’article 86 de la loi PACTE du 22 mai 2019. De même, dans ma brève d’actualité en date du 24 octobre 2021, « Le NFT du quotidien 20 Minutes vendu aux enchères pour 3 000 euros », j’évoquais également le fait que le NFT permettait qu’à un objet virtuel soit associé un certificat d’authenticité inviolable et qui ne peut être dupliqué. Cette technologie est fondée sur la technologie de la blockchain, c’est-à-dire que ces jetons sont hébergés sur des technologies de stockage en réseau, rendant ainsi leurs échanges sûrs.
A la différence des autres cryptomonnaies, comme le Bitcoin, le NFT est non-fongible, cela signifie qu’il est impossible d’en échanger une unité avec une autre. Alors que le bitcoin, bien qu’il ne puisse être reproduit, peut être échangé avec un autre, cette cryptomonnaie étant fongible. Les NFT ont bien une valeur propre, unique. Cela permet à des images, photos, vidéos, morceaux de musique, articles de presse, jeux vidéo, et autres, d’être tokenized et ainsi de se voir attribuer un titre de propriété numérique qui peut être acheté et vendu.
Et le domaine musical n’y a pas échappé. En effet, alors que depuis le début de l’année 2021 les NFT gagnent en popularité, les musiciens et leurs producteurs se sont également emparés du phénomène. Désormais, les NFT sont un moyen de ventes commerciales des créations musicales, tout comme le sont déjà les ventes de CDs, de vinyles, et les plateformes musicales de streaming. Les fans peuvent, en plus de collectionner des disques, collectionner des NFT, le prix des NFT augmentant dès lors que la demande augmente.
De plus en plus de musiciens s’intéressent aux NFT, tel que Gorillaz ou encore The Weeknd qui a lancé en avril dernier sa première collection de NFT, générant 2,29 millions de dollars de ventes, pour une chanson complète vendue 490 000 dollars. Mais ce ne sont pas seulement des NFT de chansons qui sont mis sur le marché, sont également concernés les clips, comme celui de Boys Noize qui a sorti son clip “Ride or Die” en avant-première en tant que NFT, voire même des expériences exclusives comme des accès en backstages, tokens que Post Malone souhaite commercialiser. Interviewée par le journal Le Monde, Nadya Ivanova, directrice de la filiale indépendante de BNP-Paribas et spécialisé dans la recherche autour de l’économie virtuelle, a affirmé : « ce qui est important avec les NFT, c’est qu’ils contiennent énormément de métadonnées, d’informations visibles publiquement : leur propriétaire, leur créateur, leur date de création ou toutes les transactions liées à cet élément. Cela crée leur authenticité. Nous pourrions comparer un NFT à un certificat numérique, qui atteste que vous en êtes le propriétaire ; et lorsque vous êtes en mesure de prouver que vous êtes le propriétaire d’un bien, vous pouvez faire beaucoup de choses ».
Face à autant d’engouement autour des NFT, une question se pose : est-ce une mode éphémère ou le nouveau marché de l’industrie musicale ? Suite à la crise du disque, l’industrie musicale a dû réorienter son modèle de revenus. En effet, les artistes ont assisté à l’explosion des utilisations des plateformes de streaming au détriment des ventes de disques. Cependant, ces plateformes ne rémunèrent pas toujours équitablement les musiciens. Et la pandémie mondiale a démontré que se reposer sur la musique live ne suffisait pas, ce qui les a contraints à trouver d’autres sources de revenus. C’est face à cette situation que les NFT apparaissent être la solution. Immédiatement rentable, la vente de NFT passe par un intermédiaire, des plateformes de vente en ligne comme OpenSea, qui ne touche qu’une faible commission sur les ventes, 2,5% dans le cas de OpenSea.
Toutefois, l’émergence des plateformes musicales de NFT vient rendre l’avenir des plateformes musicales de streaming incertain. En effet, d’après une étude de la banque d’investissement Saxo Bank, les plateformes, telles qu’Apple Music ou Spotify, devraient être touchées. Utiliser des plateformes musicales de NFT permet aux artistes de toucher des gains plus importants mais également de se dispenser d’un intermédiaire qui facture des frais importants en mettant à la disposition des auditeurs les créations musicales. Selon Mads Eberhardt, analyste en cryptomonnaies chez Saxo Bank, « le cas d’utilisation des NFT pourrait s’avérer particulièrement intéressant dans la prochaine étape de la technologie pour les générateurs de contenus dans l’industrie musicale, car les musiciens se sentent injustement traités par les modèles de partage des revenus des plateformes de streaming actuelles, comme Spotify et Apple Music ». Cette année déjà, Spotify a connu une baisse importante. Mads Eberhardt avance même que l’action de Spotify risque de chuter de plus de 30% en 2022.
Ainsi, de plus en plus de plateformes alliant NFT et musique se développent. C’est le cas, par exemple, de la plateforme Royal, plateforme de tokénisation de la musique, dont le but est de rapprocher artistes et fans. A travers cette plateforme, les artistes ont la possibilité de fractionner leur musique et ainsi la vendre sous forme de NFT. Ces derniers donnent à leurs détenteurs un droit sur une partie des revenus générés par le morceau, notamment via le streaming. La plateforme Royal a même vendu le premier album tokenisé au monde pour la somme de 11,7 millions de dollars.
En outre, en juillet dernier, la première plateforme musicale française de NFT a vu le jour. Il s’agit de Pianity, dont le but est de redonner de la valeur aux œuvres musicales en créant un lien direct entre les artistes et leur public. La plateforme a pour ambition de révolutionner l’industrie musicale et ainsi assurer une rémunération plus juste des artistes mais également offrir du contenu aux fans.
Les NFT semblent aujourd’hui être la solution largement adoptée par beaucoup d’artistes. C’est le cas notamment du rappeur Booba, qui, au début de l’année, s’était lancé dans les NFT et avait vendu son clip TN pour 25 000 NFT, soit 600 000 euros. Le 20 décembre 2021, pour son deuxième titre GDC, Booba avait mis sur le marché 1 000 cartes supplémentaires, une carte représentant cinq secondes du clip, donnant également accès à TN. En seulement 4 jours, les NFT sont sold-out.
Source : 20minutes
Par ailleurs, cette ruée vers les NFT laisse présager une bulle spéculative ainsi qu’une implosion du marché. Selon une étude du site NonFungible, la croissance des NFT s’élève à 299%, et certains crypto-traders réalisent plus de 1 000% de bénéfices sur leurs ventes de NFT.
Ainsi, cela ne signifierait pas la fin des NFT, mais les prix pourraient considérablement baisser et les NFT pourraient devenir, à terme, une partie intégrante de l’industrie musicale, un moyen usuel de vente de musique.
L’industrie musicale n’est pas la seule à s’être emparée de cette technologie, tous les domaines sont touchés par cette frénésie. Les NFT ont également fait une entrée remarquée dans le monde du sport, où ils représentent une nouvelle source de revenus et sont un nouveau moyen d’engager les communautés et notamment les fans.
Compte tenu de leurs avantages, nul doute que les NFT seront utilisés en faveur de l’industrie musicale. Il ne reste plus qu’à savoir ce que ces « années folles » nous réservent.
Loriane LAVILLE
Sources :
https://niftygateway.com/collections/rideordie
https://www.booska-p.com/musique/actualites/booba-les-nft-de-cdg-sont-deja-sold-out/
https://journalducoin.com/nft/spotify-bientot-gouffre-nft-musicaux/
https://www.villaschweppes.com/article/les-nft-vont-ils-bouleverser-l-industrie-musicale_a52566/1
https://fr.beincrypto.com/marches/35058/mode-jeux-videos-musique-nft-fondation-metavers/ (image 1)