BRÈVES DU 2 AU 14 AVRIL 2025

Bonsoir à toutes et tous !

Les brèves du 2 au 14 avril 2025 sont disponibles.

Cette semaine :

🇫🇷 L’ARCOM durcit le ton contre les géants du numérique : découvrez comment le DSA lui permet désormais d’infliger des sanctions records

🇺🇸  La FTC accuse Meta d’avoir étouffé la concurrence en rachetant Instagram et WhatsApp : quelles conséquences possibles pour le groupe de Mark Zuckerberg ?

🏴‍☠️ Comprenez les enjeux derrière la cyberattaque la plus importante jamais connue par le Maroc

📰 Russian media in exile: newfound freedom but plummeting audiences, why is their influence fading?

🌍 Comment l’Europe veut-t-elle rendre l’espace plus durable ? Retour sur le premier rapport du Centre of Sustainability and Resilience de l’Institut européen de politique spatiale

En vous souhaitant une bonne semaine et une bonne lecture,

Le Collectif 🔆

Sanctions accrues de l’ARCOM contre les plateformes numériques : un signal fort pour la régulation européenne

 

Le 28 mars 2025, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a réaffirmé son pouvoir de sanction à l’encontre des géants du numérique, dans le cadre de la mise en œuvre du Digital Services Act (DSA) entré en vigueur en 2024. Cette annonce marque une étape décisive dans la régulation des plateformes en ligne, avec des sanctions pouvant maintenant atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial, ou une suspension temporaire d’accès, en cas de non-conformité grave. 

Pour rappel, l’ARCOM, née en janvier 2022 de la fusion entre le CSA et la Hadopi, est une autorité administrative indépendante chargée de surveiller les contenus audiovisuels et numériques en France au regard des droits et libertés des individus. Elle intervient dans plusieurs domaines :  la lutte contre les contenus illicites (discours haineux, désinformation, piratage…), la protection des droits d’auteur (œuvres numériques, lutte contre le streaming illégal…) et enfin la régulation des plateformes (transparence des algorithmes, modération des contenus…). L’enjeux est d’assurer que les plateformes, qui sont aujourd’hui les vecteurs premiers d’informations, respectent les droits fondamentaux.

Avec l’entrée en vigueur du DSA, l’ARCOM s’est vue attribuer un rôle central dans l’application du règlement, qui impose aux plateformes numériques des obligations renforcées concernant la gestion des contenus et la protection des utilisateurs. L’ARCOM a déjà pris plusieurs décisions emblématiques, qui illustrent l’étendue des pouvoirs qui lui ont été confiés. Elle a ordonné à Eutelsat en mars 2005 de cesser la diffusion de chaînes russes sous sanctions européennes (STS et Kanal 5). L’ARCOM a également pris des actions contre TikTok et X. En 2024, elle a alerté sur les pratiques algorithmiques de TikTok Lite et transmis à l’Irlande les plaintes liées à la mise en avant algorithmique d’Elon Musk sur X lors d’une campagne électorale.  Enfin, la loi SREN a élargi ses pouvoirs, permettant notamment des inspections sur place et la possibilité de saisies judiciaires pour restreindre l’accès à un service non conforme.

La déclaration du président Martin Ajdari lors du Forum Viginum le 28 mars 2025 met en lumière la dimension dissuasive, avec des sanctions maximales visant à inciter les plateformes à respecter leurs obligations légales. Mais l’approche de l’ARCOM privilégie malgré tout la collaboration, le dialogue avec les acteurs numériques tout en se montrant intransigeante face aux récidives. Cette décision s’inscrit dans un contexte où le DSA représente le premier cadre juridique européen harmonisé pour lutter contre les contenus illicites, protéger les droits fondamentaux et garantir une transparence algorithmique. En renforçant son rôle de régulateur, l’ARCOM devient un acteur clé dans la protection des citoyens face aux dérives numériques.

Le pouvoir accru de l’ARCOM témoigne d’une volonté européenne d’encadrer fermement les géants du numérique tout en préservant l’innovation technologique. Cette décision pourrait servir de modèle pour d’autres régulateurs européens et renforcer la coopération internationale dans la lutte contre les abus liés aux plateformes numériques.

Louise PARENT

Sources :

https://www.clubic.com/actualite-559125-une-suspension-temporaire-d-acces-l-arcom-met-la-pression-sur-les-geants-du-numerique-qui-depassent-les-bornes.html

https://www.usine-digitale.fr/article/desinformation-en-ligne-viginum-le-bras-arme-tres-precieux-des-pouvoirs-publics.N2225099

https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/03/21/l-arcom-demande-a-eutelsat-de-couper-la-diffusion-de-deux-chaines-de-television-russes-sous-sanctions-europeennes_6584366_3234.html

https://www.arcom.fr/presse/intervention-de-martin-ajdari-president-de-larcom-au-forum-viginum

 

 

 

 

Rachats controversés de Meta et accusation d’abus de position dominante par la FTC

 

Le 14 avril 2025 s’est ouvert à Washington un procès historique opposant Meta Platforms Inc., maison mère de Facebook, à la Federal Trade Commission (FTC). Au cœur de cette affaire, les acquisitions d’Instagram en 2012 et de WhatsApp en 2014, que la FTC considère comme des manœuvres visant à éliminer la concurrence et à maintenir une position dominante sur le marché des réseaux sociaux personnels.

Stratégie d’élimination de la concurrence

La FTC reproche à Meta d’avoir adopté une stratégie dite de « buy or bury », consistant à racheter ou à écarter les concurrents émergents. L’accusation s’appuie notamment sur un mémo interne de 2012, dans lequel Mark Zuckerberg évoque l’intérêt d’acquérir Instagram afin de « neutraliser un concurrent ». Cette phrase, devenue emblématique, est aujourd’hui interprétée comme la preuve d’une volonté délibérée d’éliminer la concurrence et de verrouiller le marché.

En droit américain, cette stratégie pourrait constituer une violation de la Section 2 du Sherman Act, qui interdit à une entreprise dominante de maintenir son pouvoir de marché par des moyens anticoncurrentiels. Instagram et WhatsApp n’étaient pas des géants au moment de leur acquisition, mais leur potentiel à long terme représentait une menace pour la suprématie de Facebook. La FTC considère donc que Meta n’a pas simplement investi dans l’innovation, mais a instrumentalisé son pouvoir financier pour empêcher l’émergence d’alternatives crédibles.

En rachetant des services devenus aujourd’hui essentiels dans le paysage numérique mondial, Meta aurait renforcé un écosystème intégré, limitant la diversité de l’offre, l’innovation indépendante et la liberté de choix des utilisateurs. Cette concentration de pouvoir alimente désormais un débat plus large sur les limites de la régulation antitrust face aux mastodontes technologiques.

L’avenir de Meta

Les conséquences de ce procès pourraient être considérables. Si la justice fédérale donne raison à la FTC, Meta pourrait être contraint de se séparer d’Instagram et de WhatsApp. Une telle décision, bien que rarissime, relèverait d’un démantèlement structurel, mesure exceptionnelle dans l’histoire du droit antitrust américain. Elle serait toutefois conforme aux pouvoirs conférés aux juridictions pour restaurer une concurrence effective.

Au-delà du cas particulier de Meta, ce procès pourrait créer un précédent juridique marquant : il montrerait que les autorités peuvent revenir sur des acquisitions passées si celles-ci ont, avec le recul, porté atteinte à l’équilibre concurrentiel. Il poserait aussi une question essentielle : comment contrôler efficacement les opérations de concentration dans un secteur où les effets anticoncurrentiels ne sont pas immédiats, mais s’installent progressivement à mesure que les plateformes grossissent ?

Enfin, les retombées économiques seraient majeures. Instagram représente aujourd’hui près de la moitié des revenus publicitaires de Meta aux États-Unis. WhatsApp, quant à lui, constitue une porte d’entrée stratégique pour le développement du groupe sur les marchés émergents. Un démantèlement bouleverserait donc à la fois le modèle économique du groupe et les pratiques d’investissement des autres géants technologiques.

Jade BOBOCESCU-DARDE

Sources :

https://www.usine-digitale.fr/article/meta-au-tribunal-pour-abus-de-position-dominante.N2230588

https://www.ouest-france.fr/economie/mark-zuckerberg/meta-devant-le-tribunal-trois-questions-sur-le-proces-crucial-du-geant-des-reseaux-sociaux-a216116a-18fd-11f0-a8b3-a2145a0def9b

https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20250414-ouverture-du-proc%C3%A8s-de-meta-sur-les-acquisitions-d-instagram-et-whatsapp

 

 

 

 

Une cyberattaque massive contre la CNSS marocaine

 

Une brèche de sécurité majeure a frappé le Maroc le 8 avril 2025, lorsqu’un groupe de pirates informatiques a réussi à infiltrer les systèmes de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) marocaine, provoquant ce qui est désormais considéré comme la plus importante cyberattaque jamais reconnue par les autorités du pays. Cette intrusion a permis la publication sur Telegram de plus de 54 000 fichiers confidentiels contenant les données personnelles et salariales de près de deux millions de citoyens et d’environ 500 000 entreprises marocaines. 

L’ampleur de cette fuite est particulièrement préoccupante puisqu’elle expose des informations hautement sensibles : noms complets, numéros de sécurité sociale, montants des salaires, coordonnées bancaires et parfois même numéros de cartes d’identité nationaux. La gravité de l’incident est accentuée par le fait que parmi les victimes figurent des personnalités de premier plan du royaume, notamment des dirigeants de grandes entreprises, des cadres de laboratoires pharmaceutiques ou encore des membres du cercle proche du pouvoir.

Dans leur revendication, les pirates ont clairement affiché des motivations géopolitiques, expliquant avoir agi en représailles du piratage présumé d’origine marocaine du compte X de l’Agence de presse algérienne. Ces tensions se cristallisent autour de plusieurs points, comme entre autres la question du statut du Sahara occidental, territoire revendiqué par le Maroc face aux visées indépendantistes du Front Polisario soutenu par Alger. Face à cela, la réponse des autorités marocaines a été relativement mesurée : la CNSS a confirmé l’attaque dans un communiqué diffusé près de 48 heures après les faits, indiquant qu’une enquête était en cours et en soulignant que certains documents divulgués étaient « souvent faux, inexacts ou tronqués ». 

Pourtant, plusieurs médias marocains affirment avoir authentifié une partie significative des données mises en ligne. Cette fuite massive soulève de multiples enjeux de sécurité et de gouvernance. Sur le plan immédiat, elle expose les victimes à des risques considérables : selon les experts en cybersécurité, les données volées pourraient être exploitées pour des attaques ciblées. Sur le plan sociétal, la révélation de salaires perçus par certains hauts cadres et dirigeants a mis en lumière de profondes inégalités salariales malgré les avancées économiques du pays, alimentant un débat national sur la justice sociale et la distribution des richesses. À un niveau plus systémique, cet incident révèle des lacunes dans les infrastructures numériques du Maroc et dans la protection des données personnelles des citoyens : la facilité apparente avec laquelle les pirates ont pu contourner les systèmes de sécurité a permis à certains de se questionner sur la robustesse des défenses du pays.

Alors que la Commission nationale de contrôle de la protection des données personnelles (CNDP) du Maroc a rappelé que l’utilisation malveillante des données exposées pourrait faire l’objet de poursuites judiciaires, l’absence d’une stratégie claire de réponse à la crise et de mesures concrètes pour protéger les victimes suscite des inquiétudes. Cette affaire pourrait permettre une refonte des politiques de cybersécurité du royaume, mais elle risque également d’intensifier davantage les tensions entre le Maroc et l’Algérie.

Lilou VAUDAUX

Sources :

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/04/10/au-maroc-des-milliers-de-documents-confidentiels-mis-en-ligne-apres-une-cyberattaque-contre-la-caisse-nationale-de-securite-sociale_6593572_3212.html

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/01/03/l-etrange-wikileaks-marocain_4548859_3212.html

https://www.euronews.com/2025/04/10/hackers-breach-moroccos-social-security-database-in-unprecedented-cyberattack

https://therecord.media/morocco-investigates-breach-hackers-algeria

https://www.moroccomail.fr/2025/04/12/unprecedented-hack-in-morocco-jabaroot-dz-cnss-siger-el-majidi-akhannouch/

https://www.moroccoworldnews.com/2025/04/189870/moroccan-authorities-warn-of-unauthorised-use-of-personal-data-following-cnss-leak/

https://northafricapost.com/86006-algerian-cyberattack-hits-moroccos-social-security-database.html

https://gbhackers.com/morocco-investigation-major-data-breach-allegedly-claimed/

Image : Leonardo.AI

 

 

 

 

Russian exile media cannot find their audiences

 

Since their departure from Russia, several independent media outlets have continued their work from abroad. While they enjoy increased editorial freedom, their visibility among the Russian public remains limited. This paradox raises questions about the
effectiveness of exile media.

Classified as « foreign agents » or « undesirable organizations » by the Russian authorities, media outlets such as Meduza, Novaïa Gazeta Europe, The Insider, and Mediazona have moved their editorial offices out of the country. They continue to produce investigations, political analyses, and reports on Russia’s domestic situation. To bypass restrictions, these contents are primarily distributed through platforms still accessible, such as Telegram.

However, this freedom has not been enough to maintain an audience equivalent to what they could have hoped for before. According to several analyses shared in the Russian- speaking space, opposition channels on Telegram attract a much smaller proportion of users than channels close to the authorities. Meanwhile, many internet users consult sources perceived as « neutral, » which focus more on practical or cultural topics. Social science researchers highlight several factors contributing to this loss of audience. On one hand, pro-government media have significant resources to distribute their content, particularly through targeted campaigns or institutional partnerships. On the other hand, independent media, often fragmented and lacking resources, struggle to make themselves visible and renew their readership.

Moreover, the tone of the content could also play a role. According to some studies, topics addressed by independent media often focus on heavy issues, such as repression or the consequences of the conflict in Ukraine. While these angles are essential, they can lead to saturation or disengagement among certain readers, including those critical of the government.

Aware of these limitations, several exiled editorial teams are trying to diversify their editorial line. Topics such as culture, science, economics, or sports are becoming increasingly present, sometimes in visual or simplified formats to reach a wider audience. This evolution aims to maintain reader interest without giving up in-depth investigations or critical analysis.

However, despite these efforts, available data shows that the place of independent media in the Russian information ecosystem remains marginal. The aggregator The True Story, which analyzes the most cited sources in the Russian-speaking space, shows that they represent a minority of the content consumed, far behind public or international media. This situation highlights the difficulty for exile media to remain influential in an information space where competition is both technological, political, and narrative.

Céliane FERRIN

Sources :

https://www.courrierinternational.com/article/les-medias-independants-russes-libres-mais-inaudibles_229437

https://cedarus.io/research/what-do-russians-read?lang=ru32

https://www.agents.media/14-na-vseh-kakoe-mesto-v-rossijskom-informprostranstve-zanyali-pokinuvshie-rossiyu-nezavisimye-izdaniya/

https://novayagazeta.eu/articles/2025/03/31/pochemu-v-rossii-malo-chitaiut-nezavisimye-media

 

 

 

 

L’Institut européen de politique spatiale promeut une gouvernance européenne durable de l’espace

 

Le 28 mars dernier avait lieu à Vienne le premier atelier du récent Centre of Sustainability and Resilience (CSR) de l’Institut européen de politique spatiale (ESPI), réunissant une trentaine d’experts issus de gouvernements nationaux, d’institutions européennes, de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de l’industrie. Retour sur les conclusions de ce premier groupe de travail dédié à la coopération européenne en matière de durabilité spatiale.

L’identification des enjeux généraux liés à la durabilité spatiale

Rappelant la progression continue de l’Europe en matière de surveillance de l’espace (ou SSA pour Space Situational Awareness), composante essentielle du programme spatial de l’Union européenne et qui vise à protéger les infrastructures spatiales aussi bien en orbite qu’au sol par un suivi accru de l’environnement extra-atmopshérique, le groupe de travail met en avant la nécessité de renfoncer davantage la souveraineté du continent en la matière, qui reste en partie dépendant des données américaines, notamment en ce qui concerne le suivi des objets spatiaux en orbite (ou SST pour Space Surveillance and Tracking). Une telle indépendance est en effet essentielle, les États européens ne pouvant se permettre d’être tributaires de données qu’ils ne possèdent pas à l’origine, et qui sont pourtant indispensables au bon fonctionnement et à la sécurité des infrastructures spatiales, toujours plus vulnérables au vu de la multiplication des objets placés en orbite et des débris qu’ils peuvent engendrer. Pour assurer cette autonomie, le groupe de travail souligne l’importance de la coopération et de la transparence entre les États européens en matière de partage de catalogues récoltant ces données spatiales et de moyens capacitaires, certaines politiques de sécurité, et parfois un manque de confiance, limitant cette mise en commun. Une telle réticence est ainsi plus propice à la création de doublons de catalogues, constituant une perte regrettable de temps et de moyens, et multipliant le risque de dégradation des objets placés en orbite.

Pour assurer une plus grande durabilité de ces orbites, le groupe met aussi en lumière la nécessité de développer les technologies et services orbitaux de rendez-vous et d’opérations de proximité permettant la maintenance des satellites, la prolongation de leur durée de fonctionnement mais aussi une meilleure désorbitation en fin de vie, palliant les risques d’abandons d’objets en panne ou leur présence prolongée en orbite avant destruction, et donc la création de débris potentiellement dangereux pour les autres satellites. De telles solutions nécessitent cependant un travail réglementaire considérable que le groupe souhaite se voir développer, l’élaboration d’un cadre juridique complet en la matière étant susceptible, en plus d’encourager l’émergence de telles technologies, de renforcer la position de l’Europe dans les négociations internationales concernant la gestion du trafic spatial.

La durabilité spatiale : une priorité commune aux secteurs civil et militaire

Afin d’illustrer la nécessité d’assurer un développement plus durable de l’espace, le groupe de travail a d’abord mis en avant les risques croissants et systématiques posés par les activités spatiales sur le secteur civil, évoquant par exemple la multiplication des dangers créés par les débris engendrés dans l’atmosphère, susceptibles d’occasionner des dégâts matériels et humains au sol. Rappelons notamment l’explosion de l’étage supérieur du Starship de SpaceX au-dessus des îles Turques-et-Caïques en janvier dernier, dont les débris avaient heureusement terminé leur course dans l’océan Atlantique, ou le retour non-contrôlé du Falcon 9 de la même entreprise, qui avait fait pleuvoir sur la Pologne une pluie de fragments dont les conséquences auraient pu être dramatiques, bien qu’aucune victime n’ait été faite. Le groupe évoque aussi le besoin de développer des infrastructures plus résiliantes, capables de s’adapter et de résister à ces dangers, évitant de potentielles pertes économiques considérables. Les experts citaient notamment les perturbations connues par plusieurs flottes de satellites en mai 2024, suite aux fortes activités électromagnétiques engendrés par la tempête solaire.

Les enjeux pour la défense sont aussi nombreux et préoccupants, en particulier dans un contexte géopolitique tendu tel que le nôtre. La surveillance de l’environnement spatial est ainsi essentielle pour garantir le fonctionnement des infrastructures de défense et les opérations de sécurité, et le groupe encourage le développement de cette surveillance, louant par exemple l’intensification des efforts de l’Union européenne via le Fonds européen de défense dans ce but, ou encore l’accord entre la société Indra et l’ESA visant à équiper l’armée de l’air allemande d’un radar de surveillance spatiale. Les experts voient donc ainsi le secteur européen de la défense comme un levier stratégique pour renforcer la sécurité spatiale par la durabilité de l’environnement orbital.

Développer la durabilité de l’espace par une coopération européenne renforcée et la consolidation des alliances internationales

Comme affirmé précédemment, le groupe a particulièrement insisté sur la nécessité d’une coopération à plusieurs échelles pour renforcer la sécurité et la durabilité spatiales en Europe.

La mutualisation des compétences et l’harmonisation des visions entre les États membres et les institutions européennes apparait comme un moyen privilégié d’atteindre ce but, particulièrement par la reconnaissance mutuelle des expertises nationales existantes, l’amélioration de l’interopérabilité des systèmes nationaux et la coordination ministérielle en vue de standardiser les exigences techniques entre l’ESA et l’UE et de constituer une offre de services compétitive au niveau mondial.

Le groupe appuie aussi l’idée selon laquelle l’Europe doit soutenir activement les instances internationales (comme le Comité des Utilisations Pacifiques de l’Espace Extra-Atmosphérique) tout en entretenant et développant des partenariats bilatéraux avec d’autres nations qui partagent les mêmes valeurs et intérêts, notamment la Chine et les États-Unis, mais encore avec les puissances spatiales émergentes. Une proposition diplomatique bienvenue et logique, mais dont la réalisation semble encore difficile au vu du contexte international actuel, malgré les risques que pose la multiplication des activités spatiales et l’urgence d’endiguer les conséquences néfastes qui en découlent.

Cette première initiative du nouveau Centre for Space Research de l’ESPI adopte donc une approche volontairement large, mais qui définit efficacement les thèmes clés des futures discussions, et qui permet à l’Institut d’inciter ses membres et la communauté spatiale à construire un débat impératif pour l’avenir du spatial.

Gabriel COUSIN

Sources :

https://www.espi.or.at/news/key-takeaways-from-european-cooperation-in-space-sustainability-workshop/

https://www.espi.or.at/centre-of-excellence-for-space-and-sustainability/

Copyright in Common law : focus on the United Kingdom

 

When it comes to intellectual property, it’s common to be confronted with the terms “fair use” or “copyright”, without really understanding what they mean. Intellectual property law is, by its very nature, marked by an international interconnectedness that transcends our national borders. Common law systems have influenced and continue to influence civil law systems, and vice versa. This influence is all the more notable today with the emergence of artificial intelligence, where Europe and the United States are seeking the best possible regulation (when it comes to improving a legal system, it is common to observe the developments and practices adopted by our neighbors). In this sense, a certain common logic is taking root in our systems, particularly with international texts, even if it has to be said that each one retains its singularity. Thus, observing how other countries conceive and apply the law can enrich our own understanding of these same rights.

Against this backdrop, this article looks at intellectual property from the angle of the famous Common Law, focusing in particular on the notion of copyright.

What is Common law ?

Common law is the legal system in force in many English-speaking countries, including the United Kingdom, the United States, Canada and Australia. The legal tradition of these countries is built around the Common Law system, which has its origins in the Norman Conquest of 1066. At that time, Common Law was the law produced by the Royal Courts of England, which explains the system of “judge made law” referring to the laws that are established by judges previous decisions.

Common law is thus based primarily on custom and case law, although it also incorporates written texts, which constitutes a first distinction with our civil law traditions.

What is copyright ?

Copyright is a complex concept to define, but it is possible to confirm one thing: it is not the equivalent of “droit d’auteur” as we know it in French law. Indeed, the “droit d’auteur” is based on the protection of the author and his work, justifying the right of ownership he enjoys. The author’s personality is thus central, if not essential. As for copyright, the first real legislative text, the “Statute of Anne”, adopted in 1710 in England, granting a 14-year right to apply for copyright, inspiring the United States to adopt it in 1790. The Copyright Designs and Patents Acts (CDPA) 1988 (UK) defines it as “a property right subsisting, (…) in original literary, dramatic, musical or artistic works, phonograms, videograms or broadcasts and typographical arrangements of published editions”. Similar definitions can be found in the Australian, Irish and Canadian Copyrights Acts. In this vein, the “droits voisins” (producers) are included in copyright. On the other hand, the definition of copyright in the United States is more synthetic, referring to original works of the mind, as long as they are fixed in a tangible form enabling them to be perceived, reproduced or communicated, either directly or via a device. However, the “droits voisins” are not included here.

In reading these definitions, we can see that protection is based on a more economic vision, which is more interested in the content than the author, justifying the legal right enjoyed by the author. As a result, we can attempt to define copyright as the set of exclusive rights of an economic nature conferred on natural or legal persons according to a category of works.

As you will have understood, each country retains control over the assessment of the rules applicable in this field, and it is therefore important to define the scope of our study.

Today, we’ll be looking at the United Kingdom, which I’m particularly interested in because of its history with the European Union, oscillating between two traditions.

In the first part, we’ll look at the principles that guide British copyright, putting them into perspective with our civil law system. Finally, I’ll take a more distanced approach to theory, in order to plunge into the heart of practice by directly confronting the people who make up the very essence of this field. To this end, I’m delighted to present the London-based Tierney siblings, who tell us about their experiences and feelings in the creative process.

 

I – Copyright law of the United Kingdom

 

As a former member of the European Union, the UK is an interesting country to develop, as it was heavily influenced before it left in 2020. The British approach blends a stable legal environment with a more liberal and pragmatic approach, typical of Common Law countries.

As mentioned above, the main law in the UK is the CDPA of 1988, incorporating European directives such as the Copyright in the Information Society Directive of 2001 and the Orphan Works Directive of 2012. Other regulations in force include the Copyright and Rights in Performances Regulations 2000, The Copyright and Related Rights Regulations 1996, Enterprise and Regulatory Reform Act 2013, The Copyright (International Protection) Regulations 1995. The applicable treaties are the same as for French law, namely the 1886 Berne Convention, the WIPO Copyright Treaty and the 1994 TRIPS Agreement. However, the UK has not transposed the 2019 “DAMUN” Directive.

First and foremost, a common logic should be stressed : the work must demonstrate originality. The difficulty lies in the importance attached to this criterion. British judges tend to oscillate between several criteria: workmanship, talent, discernment and, above all, the substantiality of the work. In this sense, the judge has sometimes refused protection for a creation, deeming it insufficiently significant. Nevertheless, judges have also sometimes emphasized the importance of the author’s own expression of intellectual creation. Thus, the question of originality is not a problem unique to France.

In France, Article L112-2 of the Intellectual Property Code, which lists works eligible for copyright protection, is an open-ended list, as indicated by the use of the term “notamment”. In the UK, on the other hand, 8 categories group together protected works drawing their sources from different acts. The 1997 Creation Records decision illustrates this “closed list”. In this case, the judge refused to protect the scene staged for the cover of the Oasis album Be Here Now, published by the British newspaper “The Sun” without their authorization, on the grounds that the work did not fall within the categories of protected works. This reasoning runs counter to that of the CJEU, which requires proof of a creative contribution to the work.

Protection of works in the UK covers a vast field, from classic literary works to software and databases. In addition, copyright covers sound, music, film and television recordings, as well as the layout of published editions. Thus, the human approach to the person as author of a work is not the one adopted by the UK, since the producer, for example, will have the status of author (Section 9 2° CDPA). A strange choice, given that England is familiar with the vision adopted by the European Union, but the economic aspect of Common Law countries may explain such a choice, with the emphasis on protecting investments (often held by companies).

Lastly, British law confers specific protection on works of artistic craftsmanship, i.e. works of fine art, although their application remains complex.

These different categories have a direct impact on the duration of protection. Written, dramatic, musical and artistic works and films are protected for 70 years after the death of the author/director/screenwriter, etc. Sound and musical recordings are protected for 70 years after first publication, while broadcasting rights, often held by producers and publishers, are protected for 50 years after first broadcast. Finally, the layout of editions is protected for 25 years after first publication.

You have probably heard of the “work made for hire” doctrine, which is based on the 1976 Copyright Act. It refers to works whose ownership belongs to a third party (the employer) rather than the creator. Nevertheless, this doctrine applies to the United States. In the case of the United Kingdom, the approach adopted is interesting. The United Kingdom adopts an approach close to French law: “The author of a work of the mind enjoys an exclusive intangible property right in this work, by the sole fact of its creation, enforceable against all” (article L111-1 CPI). However, the judge leaves implicit assignments open, as illustrated by the case of Griggs Group v. Raben Footwear, where no assignment contract was made and copyright was considered to have been implicitly transferred to the company. Thus, the UK seems torn between the continental vision and the more liberal approach of Common Law countries.  However, this approach creates considerable legal uncertainty for litigants.

The UK provides exceptions to the principle of monopoly that fall somewhere between the US and EU systems. Thus, fair dealing falls somewhere between American fair use and the closed exceptions of European law. In this sense, to assess the reasonable use of a protected work, the judge does not base himself on the triple test of the Berne Convention. Instead, the judge applies a number of criteria, which he adapts on a case-by-case basis, such as the extent of the borrowing, the use made, its consequences, the lawfulness of the obtaining, the reasons for the borrowing, or the non-commercial nature of the use (criteria found in European Union law).

UK law has 70 sections distinguishing between exceptions subject to fair dealing (teaching, criticism, news reporting, non-commercial research, private use, parody, TDM, etc.) and those excluded (technical measures, transitional copies, software, databases, fundamental exceptions, etc.).

At first glance, the UK’s approach to moral rights appears to be in line with French law, since it confers the right of paternity, the right of integrity and the right of disclosure. As a reminder, moral rights refer to prerogatives directly attached to the person of the author. Nevertheless, the approach is far from being as sacralized and absolute as it is in France. To begin with, the perpetual vision of moral rights is not the one adopted here, as they are only protected for the duration of the work’s protection. What’s more, infringement of the author’s moral rights is qualified not as counterfeiting but as a breach of statutory duty. Finally, these moral rights are subject to numerous exceptions, limiting their scope.

British law differs from continental law in requiring the author’s name to be mentioned in parodic works, and in recognizing the author’s right to object to false attributions (1998 Act) “enabling the author not to be associated with a work he has not created” (cf livre). This right remains applicable for 20 years after the author’s death.

In accordance with the Berne Convention, it is established that the exercise of rights in a work is not subject to any formality. In the United Kingdom, a law passed in 1842 made registration compulsory, on pain of prosecution. Since 1911, however, there has been no need to register in order to benefit from copyright protection. In this sense, as in French law, the work is protected as soon as it is created. Nevertheless, it is always advisable to keep a record of the date of creation for evidentiary purposes in the event of litigation, in order to claim a prior right to the work.

The acronym Copyright © is specific to Anglo-Saxon countries and refers to the Copyright Office, which has no legal scope in France. In fact, this acronym distinguishes between works protected by copyright and those that are not. In the UK, the Intellectual Property Office states that marking with the acronym is optional, and in no way affects the level of protection. This is in contrast to the USA, where the Copyright Act allows a plea of “innocent infringement” in the absence of the mark.

So, whether in the U.K., France or the U.S., registering a work offers significant evidential advantages, since a right cannot be recognized and enforced without tangible proof.

In the age of artificial intelligence (AI), the question of digital regulation in the UK is essential (and topical!). Indeed, a concern is emerging on an international scale: how to protect authors in the face of the advent of artificial intelligence ?

To address this, the UK government recently proposed a regulation on copyright and AI within the Digital Markets, Competition and Consumers Act 2024, which is gradually coming into force. One of the main proposals is to introduce an exception to copyright for text and data mining (TDM). This measure would allow AI developers to train their models on protected works without prior license, unless explicitly opposed by the owners via an opt-out mechanism, subject to transparency to avoid abuse. However, many artists and music labels have opposed this proposal, jeopardizing their work.

II – Analyses of the artists’ point of view

It’s now time to take a step back from these principles and consider the testimonies of two London-based artists. These testimonies are particularly enlightening as they bridge the gap between legal principles and real-world practice. While theory provides the framework for understanding British copyright within our civil law perspective, it is through the lived experiences of creators that we grasp the true impact of these rules. The insights shared by the Tierney siblings offer a valuable, first perspective on how legal concepts translate into tangible challenges and opportunities in the creative process.

Let me first introduce you to Luke Tierney : Starting off by writing a blog about music videos and the people who made them, Luke finally succeeded by moving as a British producer for music videos and commercials working on British and International projects. You’ll find him behind leading commercials such as Adidas (Predator ’25), Zalando (What do I wear?) Stellar (Where blockchain meets the real world) and artists such as Jade (Angel of my dreams) or Ibeyi and Jorja Smith (Lavender & Red Roses). Furthermore, his production of Hideous was nominated at the “Festival de Cannes” during “La semaine de la critique” in 2022.

Can you tell us a bit about your role as a producer ?

“I manage the project from the pitching phase, through to pre-production where we organise everything, then the shoot and finally post production.”

How do you manage working with other artists (directors, scriptwriter, art director) and other people involved in getting the word out about a project (distributor, press officer, etc.)?

“⁠It really depends on the project and the role of the person. Directors will have the vision of what’s needed and then I’ll make it happen as well as suggest other options of ways we could make it happen. Their characters vary completely from person to person so you really have to adjust depending on their style of directing. The same with most roles, however the director is special as they ultimately lead on creative projects. Distribution depends, if a music video the label will handle that side of things, and if a commercial the advertising agency will look after it. My job finishes once the final film is delivered.”

Are there any moments or experiences that have marked you in the management of your rights? Have you ever been faced with situations where regulations limited your creativity?

“I didn’t know I had any rights! But in terms of IP we have to be careful, when showing brands, when showing people we need to get release forms, the same for locations. There’s different rules for each situation that you learn through experience.

I remember we did a music video once and we wanted to impersonate the biggest popstar in the world and I asked a lawyer friend for advice and they said you’d be at risk. We went for it anyway and no one minded in the end, but we had to agree as a group that we were going for it e.g. the artist label, management and us.”

With the rise of digital technology and streaming platforms, do you feel that your job has changed?

“Not so much, the big thing is AI at the moment. Everyones still afraid to use it, and also you need to be careful how it’s used. If inputting someone’s image into an open system of AI then that becomes a part of the AI forever. So we recently worked on a job and needed an artist to sign a release form to put their image into an AI system and do some crazy things with the video clip, but they said no and we moved on.”

Analyses : Luke’s testimony as a producer highlights several interesting issues at odds with existing legal theory. Indeed, Luke wasn’t even aware of his rights as a producer, but learned them on the job through experience. This lack of awareness on producer rights is a common issue in the creative industries, particularly in collective work, where rights are not clearly defined between ownership and authorship. Unlike artists, who directly create a work, a producer contributes indirectly. Those rights depend mainly on contractual agreements, not just the creative involvement.

Finally, the role of the producer is largely influenced by the decisions of the artistic director or even the artist himself, highlighting the importance of the collective of the work in which each has a role to play on which the other will depend. A collective work is a creative project that involves multiple contributors where individuals contribute a distinct part to a unified final work but each retains copyright to their own section. The role of producers is also constant negotiations and compromises. As the example of the IA project illustrates, despite the technical feasibility and interest of the producer, the project ultimately depends on the artist’s agreement. The final decision often rests with the primary copyright holder. It also highlights the lack of clear legal precedent on AI making artists reluctant to this system. Consequently, contracts are an essential part to ensure that each contributor’s authority is respected.  This also depends if the producer is hired by a studio or if he is an independent contractor. Finally, risk-taking is an integral part of the artistic process, underlining the importance of collective agreements within the team.

Last but not least, let me introduce you to Nieve Tierney: a former art director and graphic designer in the fashion world, Nieve reinvents herself as a coach and energy healer for prestigious clients such as renowned actors and musicians leading workshops at Stella McCartney or Soho House. Nieve also appears in Vogue, Stylist, and Grazia. Finally, Nieve has just finished writing her book entitled “The Fashion Oracle”, which she will tell us all about.

Can you introduce your career in a few lines?

“I teach individuals and teams how to improve their energy boundaries and optimize the energy they hold. We all hold a vibration but we may not always know how to access it or master it. I guide people through my talks, visualizations and guided meditations.”

As an ex-artistic director in the fashion industry, what were the greatest difficulties you had to deal with, particularly in terms of creation and innovation?

“When I worked in fashion I loved the creativity. This for me was my motivation and fuel. But when you do a job you love, I at the time didn’t have enough balance and would often burn out. I didn’t have any energy work and knowledge in place.”

Can you tell us about the book you are currently writing? What is it about and what inspired you to write it?

“It explores themes of Fashion Alchemy. Which explains and guides you that you can alter the frequency you hold consciously through the clothes that you wear. We know about colour psychology but this book goes deeper. Inspired by Chanel who was deeply inspired by astrology (she is a Leo and would have lion motifs all over her collections including the buttons of her famous suites) and she was interested in tarot (she used wheat which in tarot is a symbol of abundance in her collections and jewellery lines).

The book is like tarot but for fashion – you ask the book for guidance on a fashion dilemma ie – what to wear for a big meeting and you flick through the book and randomly choose a page for the answer. The book connects you to 1 of its 70 archetypes which will tell you what colours and silhouettes etc to wear to evoke the energy of the archetype you landed on.

For instance if you landed on the Lioness archetype, she encourages you to step into the fierce feminine energy which is less about passive feminine templates. And the boom will give you journaling prompts or meditations that will help you understand the archetypes energy in a deeper way.”

What were the difficulties and joys you faced as an author in the process of writing your book?

“Not forcing the creative process but allowing it to come through naturally was a new skill I needed to hone. When I worked in fashion I was happy to work long gruelling hours. But that doesn’t work with energy worms or writing a book. I have to be energetically in balance for the creativity to flow through me easily rather than forced to get my best work.”

What challenges did you encounter in publishing your book?

“I was very lucky. I was approached to write the book by a publisher that found me.”

Are there any moments or experiences that stood out for you when it came to managing your IP rights?

“The energy work that I do is very unique and not a lot of people do it. I want everyone to know about this work and I teach other teachers how to do it. But my IP that I want to protect are the events I develop and the community that surrounds that.”

Analyses : Nieve’s testimony is very interesting, thanks to her bird’s eye view of her field due to her multiple professional cards. In this sense, as a former art director, she highlights how passion can sometimes lead to over-investment, emphasizing the balance to be preserved in the creative process. Writing her book has made her aware of this issue, and the importance of letting her creativity emerge naturally. Copyright protects creative works but not the creative process itself. There are no legal safeguards preventing external pressures from limiting an artist’s creative freedom. It only protects the results of their creative process.

The protection of fashion creation is also interesting. In fact, the application of copyright to fashion designs is mostly restricted due to the consideration of the article as a functional item rather than a pure artistic creation. In this sense, copyright does not extend protection to useful articles defined as “an article that has an intrinsic utilitarian function that is not merely to portray the appearance of the article or to convey information.” Of course, other alternatives are still open as design protection under certain conditions to the IPO. In France, according to the definition of originality, the “droit d’auteur” is granted automatically to original work regardless of their genre, form of expression, merit or purpose. In this sense, it is easier to have protection under French law than UK law for copyright.

Nieve also describes her book as an interactive experience allowing readers to use it for guidance. This raises questions about the copyright implications of innovative books. In fact, it may require additional copyright considerations like adaptation rights for example, if the concept expands into other media, such as a game or a course. Copyright is not about protecting a single work but also how it evolves and is commercialized across different formats. Nevertheless, copyright can accept fashion designs if they attest of an original artistic work that is fixed in a tangible medium (copyright doesn’t protect ideas)

As her work is unique, she wishes to disseminate it widely, but is also confronted with the legal protection around her events and the community she has built, highlighting the tension between sharing and preservation for the artist. Copyright automatically protects original work upon creation without requiring registration. But copyright doesn’t cover everything : artists also need to consider how they can safeguard the ecosystem around their work, including events and their community. Copyright only protects materials associated with it. Nevertheless, it is possible to consider the protection as a trademark or NDA’s. Finally, Nieve has had to adapt her creative process to suit her energetic work, which reflects a different approach to traditional productivity.

Tyfenn Ramanantsoa


 

Articles on the Internet : 

https://www.gov.uk/guidance/exceptions-to-copyright

https://www.droitangloamericaindespi.com/copyright/chapter/typologies-des-proprietes-intellectuelles/

https://ppp.worldbank.org/public-private-partnership/principales-caracteristiques-des-systemes-de-common-law-et-de-droit-civil

https://blockchainyourip.com/blog/copyright-et-droit-dauteur-entre-differences-et-similitudes#:~:text=Copyright%20%3A%20une%20notion%20de%20Common%20Law&text=L’auteur%20ne%20deviens%20alors,les%20brevets%20ou%20les%20marques.

https://www.fidealis.com/propriete-intellectuelle/le-copyright/

https://www.legalstart.fr/fiches-pratiques/proteger-une-creation/copyright/

https://www.ddg.fr/actualite/ia-et-copyright-quel-avenir-pour-la-consultation-du-gouvernement-britannique

https://copyrightservice.net/fr/copyright/gb

Bibliography :

Book “Droit d’auteur et copyright” Françoise Benhamou et Joëlle Farchy

Book “Le droit du copyright anglo-américain” Lefebvre Dalloz, Jean Michel Bruguière


 

BRÈVES DU 18 AU 24 MARS 2025

Bonsoir à toutes et tous !

Les brèves du 18 au 24 mars 2025 sont disponibles.

Cette semaine :

🇪🇺 Understand why the European Commission has launched two investigations against Google and Apple

📧 Entre lutte contre le narcotrafic et respect des droits et libertés fondamentaux, découvrez les enjeux et discussions entourant la proposition de loi pour un affaiblissement du chiffrement des messageries instantanées

🧑🏻‍🚀 Initialement partis pour 8 jours, Sunita Williams et Barry Wilmore reviennent après presque 10 mois de mission : retour sur les raisons du prolongement et son traitement médiatique et politique

❌ L’Arcom oblige l’opérateur français Eutelsat à cesser la diffusion de plusieurs chaînes russes : un ordre qui met en lumière les enjeux autour du contrôle de l’information

Et en vous souhaitant une bonne semaine et une bonne lecture,

Le Collectif 🔆

The European Commission takes a decisive step against Google and Apple

 

The European Commission has taken a decisive step in its digital regulation policy by opening two procedures against Google for violating the Digital Markets Act (DMA) : in its preliminary conclusions published on March 19th, the European institution accuses Alphabet’s tendency of favoring its own services in search results. Indeed, it was proven that Alphabet was giving Google Shopping, Google Hotels, Google Flights, as well as its stock market and sports results services, privileged visibility and more attractive visual formats to the detriment of competing services. On its other major platform, Google Play, Google is accused of preventing developers from informing users about alternatives and less expensive ways to purchase applications or subscriptions outside the Google ecosystem, thus limiting competition and imposing fees deemed excessive. At the same time, the Commission issued recommendations to Apple, requiring that the company provides developers of connected devices (such as watches, headsets or televisions) better access to features that allow interaction with the iPhone.

These decisions come at a time of growing diplomatic and commercial tensions between the EU and US president Donald Trump’s decisions, who openly promise to protect American technology champions against European regulation: in a memorandum published on February 21st, the Trump administration threatened to impose retaliatory tariff measures against “any discriminatory or disproportionate fine, sanction, tax, or burden” imposed on American companies, explicitly targeting the DMA and the Digital Services Act (DSA). Faced with this pressure, Google and Apple immediately reacted to the Commission’s decisions. First, Google through its senior director of competition, Oliver Bethell, stated that the required changes « will penalize European businesses and consumers, hinder innovation, weaken security, and degrade product quality, »; then, Apple deplored « administrative burdens » that also force them to « offer its new features to companies that are not subject to the same rules« .

The stakes of these procedures extend far beyond the potential sanctions, which could reach 10% of these companies’ global turnover: for Google and Apple, these procedures could force a profound modification of their business models, commercial practices, and dominant position in European digital markets. Also, for the European Union, the effective application of the DMA represents a crucial test of its ability to regulate digital giants and maintain its regulatory sovereignty in the face of external pressures. This confrontation also reveals the emergence of a broader trade war between the United States and Europe, where digital is becoming a main front. In this mindset, the Commission is soon to deliver its decisions in three other investigations opened for breaches of the DMA, against Apple, Meta, and Alphabet again, which could further accentuate the tensions.

Lilou VAUDAUX

Sources :

https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/03/19/la-commission-europeenne-avance-deux-procedures-contre-google-et-apple-dans-un-contexte-de-forte-tension-avec-les-etats-unis_6583609_3234.html

https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/03/05/numerique-le-feu-roulant-des-etats-unis-contre-la-regulation-europeenne_6576612_3234.html

https://www.abondance.com/20250320-979866-google-dma.html

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/memo_15_4782

https://www.boursier.com/actualites/reuters/la-commission-europeenne-epingle-google-et-apple-sur-les-regles-de-la-concurrence-390252.html

 

 

 

 

Retour sur Terre des astronautes « bloqués » dans l’ISS depuis 10 mois

 

Mardi dernier revenaient sur Terre quatre astronautes présents dans la Station Spatiale Internationale (ISS) depuis juin et septembre, dont Sunita Williams et Barry Wilmore qui n’étaient supposés y rester que 8 jours dans le cadre du troisième essai orbital de la capsule CST-100 Starliner de Boeing. Retour sur cette mission prolongée, sujette à plusieurs controverses notamment alimentées par le camp républicain américain.

La prolongation imprévue d’une mission brève

Initialement programmé pour durer 8 jours, le voyage des astronautes américains Sunita Williams et Barry Wilmore visait à tester la capsule CST-100 Starliner Calypso de la société américaine Boeing dans le cadre du programme Commercial Crew Program de la NASA, destiné à lui fournir des vaisseaux spatiaux et des lanceurs capables d’acheminer des équipages jusqu’à l’ISS. Lancée par l’Atlas V de l’United Launch Alliance le 5 juin 2024, la capsule était parvenue à emmener les deux américains jusqu’à la station en orbite basse, mais n’avait pu assurer leur retour sur Terre du fait de la défaillance de l’un de ses propulseurs manoeuvrants et d’une fuite d’hélium, poussant la NASA à décider le 24 août de son rapatriement à vide, assuré le 7 septembre.

Les deux astronautes ont ainsi dû attendre l’arrivée le 28 septembre du vaisseau Crew Dragon Freedom de SpaceX à l’ISS, ainsi que la fin de la mission de son équipage, composé de deux astronautes au lieu de quatre, pour revenir sur Terre mardi dernier. Vidée de moitié à son lancement afin de permettre le retour de Williams et Wilmore, ne laissant de l’équipage initial que l’astronaute de la NASA Nick Hague et le cosmonaute de Roscosmos Aleksandr Gorbunov, la capsule a ainsi amerri sans difficultés au large des côtes floridiennes, récupérée moins de 30 minutes plus tard par le navire de récupération de SpaceX. La mission Crew-9 dans l’ISS a ainsi laissé place à celle du Crew-10 composée des astronautes américaines Anne McClain et Nichole Ayers, du japonais Takuya Onishi et du russe Kirill Peskov.

Une mission critiquée et instrumentalisée par le camp républicain

Ce retard de 286 jours pendant lesquels les deux astronautes sont restés dans l’ISS a fait l’objet de nombreuses discussions et controverses aussi bien de la part des médias que des acteurs acteurs du spatial eux-mêmes. Ainsi, bien que Sunita Williams ait déclaré notamment en février à la chaîne CBS news qu’elle ne se sentait pas abandonnée ni coincée « là-haut », nombreux ont été les médias à les qualifier d’« oubliés » ou encore d’« errants », Elon Musk ayant même déclaré en janvier qu’il avait demandé au nouvellement installé Donald Trump de ramener Williams et Wilmore le plus tôt possible, après un refus (improuvé) de Joe Biden de coopérer avec SpaceX pour assurer leur retour. Le Président républicain n’avait d’ailleurs pas manqué de critiquer l’administration démocrate pour son manque de réactivité et pour l’« abandon » des deux envoyés américains dans l’espace, justifiant la réponse de Suni Williams précédemment évoquée.

Une critique pouvant sembler injuste, plusieurs plans de secours ayant déjà été prévus avant même le lancement de la mission comme l’avait rappelé Steve Stich, manager du programme habité commercial de la NASA, qui avait affirmé : « Nous avons toujours eu une bouée de sauvetage, une manière pour eux de rentrer à la maison ». L’organisation d’opérations dans l’espace étant d’ailleurs, malgré leur multiplication, toujours très complexe et risquée, il était évident qu’une réponse précipitée à cette situation insolite n’aurait pas été idoine, et que la prudence inhérente à toute mission spatiale était de mise, justifiant une telle attente. Les deux astronautes auraient ainsi pu, par exemple, revenir avec le Crew-8, partageant la petite navette avec les 4 autres membres de l’équipage de la mission. Une solution certes peu pratique mais possible, cependant reléguée au plan d’extrême urgence.

Bien que le retour a bien eu lieu sous l’administration Trump, qui a essayé de s’en attribuer le succès et de l’instrumentaliser pour dénigrer Joe Biden, Joel Montalbano, Administrateur adjoint de la Direction des opérations spatiales de la NASA a bien précisé que ce retour aurait été opéré de la même manière dans n’importe quelle autre administration.

Gabriel COUSIN

Sources :

https://www.cite-espace.com/actualites-spatiales/crew-9-est-de-retour/

https://spacenews.com/crew-9-returns-from-space-station/

https://www.cieletespace.fr/actualites/elon-musk-insulte-un-astronaute-europeen-qui-l-a-accuse-de-mentir

https://www.nasa.gov/general/top-things-to-know-about-space-station-crew-handovers/

 

 

 

 

La proposition de loi pour un affaiblissement du chiffrement des messageries instantanées rejetée par l’Assemblée nationale

 

La proposition de loi visant à lutter contre le narcotrafic a récemment suscité un vif débat en France, notamment en raison de son article 8 ter, qui envisageait l’affaiblissement du chiffrement des messageries instantanées. Cet amendement, introduit par le sénateur Cédric Perrin (Les Républicains), visait à contraindre les plateformes telles que Signal, WhatsApp ou Telegram à intégrer des « portes dérobées » permettant aux autorités d’accéder aux communications chiffrées des utilisateurs suspectés d’activités criminelles

L’article 8 ter disposait que les fournisseurs de services de messagerie chiffrée devaient permettre aux services de renseignement et aux forces de l’ordre d’accéder aux communications, sous peine de sanctions. Cette mesure a été justifiée par la nécessité de lutter efficacement contre le narcotrafic et le crime organisé, qui exploitent ces technologies pour dissimuler leurs activités. Cependant, cette proposition a immédiatement suscité une levée de boucliers de la part des défenseurs des libertés numériques, des experts en cybersécurité et de certaines entreprises du secteur. Ils ont dénoncé une atteinte grave à la vie privée des citoyens et un risque majeur pour la sécurité des communications. En effet, l’introduction de telles « backdoors » affaiblirait la robustesse du chiffrement, rendant les systèmes vulnérables aux cyberattaques et compromettant la confidentialité des échanges pour l’ensemble des utilisateurs. 

Si cette proposition avait fait consensus au Sénat, les députés de tous les bords se sont montrés hostiles à ce texte qui a été rejeté par 119 voix contre 24 jeudi dernier (20 mars). Clara Chappaz, secrétaire d’État chargée du numérique avait d’ailleurs mis en garde contre « un affaiblissement généralisé du chiffrement », rappelant l’enjeu majeur que constitue aujourd’hui la cybersécurité.

Sur le plan juridique, l’instauration de portes dérobées soulève des questions complexes. D’une part, elle peut entrer en conflit avec le droit fondamental au respect de la vie privée, protégé constitutionnellement et par les conventions internationales. D’autre part, elle pose la question de la proportionnalité entre les mesures de surveillance et les libertés individuelles. Enfin, les opposants à l’amendement ont souligné que de telles obligations pourraient être techniquement irréalisables pour certaines plateformes, notamment celles qui utilisent un chiffrement de bout en bout, cas dans lequel les fournisseurs eux-mêmes n’ont pas accès aux contenus des messages. 

Sur le plan politique, le débat reflète la tension entre les impératifs de sécurité nationale et la protection des libertés publiques. Si la lutte contre le narcotrafic est une priorité, les moyens employés ne doivent pas compromettre les principes démocratiques fondamentaux. Ce débat intervient également dans un contexte européen où plusieurs pays s’interrogent sur la régulation des technologies de chiffrement, ce qui pourrait avoir des implications sur la souveraineté numérique et la compétitivité des entreprises technologiques européennes. Actuellement, le cadre juridique français encadre strictement les conditions d’accès aux communications privées. Les interceptions judiciaires sont possibles, mais doivent respecter des procédures légales précises et être proportionnées aux objectifs poursuivis. L’introduction de portes dérobées obligatoires constituerait une évolution significative de ce cadre, avec des implications profondes pour les droits des citoyens. Si la lutte contre le narcotrafic nécessite des outils adaptés aux réalités technologiques actuelles, les solutions envisagées doivent impérativement respecter les principes démocratiques et les droits fondamentaux. Le défi réside dans la capacité des législateurs à élaborer des mesures efficaces sans compromettre la confidentialité et la sécurité des communications des citoyens.

Louise PARENT

Sources :

https://www.usine-digitale.fr/article/l-assemblee-nationale-vote-contre-l-affaiblissement-du-chiffrement-dans-les-messageries-instantanees.N2229333

https://www.laquadrature.net/2025/03/18/le-gouvernement-pret-a-tout-pour-casser-le-droit-au-chiffrement/

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2025/03/04/casser-le-chiffrement-de-whatsapp-ou-signal-un-serpent-de-mer-politique-dangereux_6195665_4408997.html

https://www.bfmtv.com/tech/actualites/cybersecurite/whatsapp-telegram-pourquoi-le-gouvernement-veut-en-finir-avec-le-chiffrement-des-messageries_AN-202503210355.html

 

 

 

 

L’Arcom et l’interruption de la diffusion de chaînes russes : un nouvel enjeu de régulation audiovisuelle

 

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a récemment sommé l’opérateur satellitaire Eutelsat de cesser la diffusion de plusieurs chaînes russes accusées de propager une information biaisée et de relayer la propagande du Kremlin. Cette décision s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu, où la régulation des contenus audiovisuels devient un levier stratégique dans la lutte contre la désinformation.

L’Arcom et le contrôle de l’audiovisuel

L’Arcom, née de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), est chargée de garantir le respect du pluralisme de l’information et de veiller à la conformité des contenus audiovisuels diffusés sur le territoire français. Cette autorité administrative indépendante dispose de prérogatives étendues, allant de l’attribution des fréquences aux sanctions contre les diffuseurs en infraction. Elle joue également un rôle croissant dans la lutte contre la désinformation, en particulier dans le cadre des conflits internationaux où l’audiovisuel peut devenir un instrument d’influence politique et idéologique.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’Arcom a intensifié son contrôle sur les médias relayant des informations susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ou aux intérêts fondamentaux de la Nation. Ses décisions s’appuient sur le cadre législatif français ainsi que sur les directives européennes en matière de régulation audiovisuelle, notamment le Règlement du Conseil de l’Union européenne adoptant des sanctions à l’égard des médias considérés comme des relais de propagande d’État.

L’Arcom et la diffusion de chaînes russes par Eutelsat

Dans ce cadre, l’Arcom a ordonné à Eutelsat, opérateur de télécommunications par satellite basé en France, de cesser la diffusion de deux chaînes russes, en conformité avec les sanctions européennes visant à limiter l’influence des médias affiliés au Kremlin. Cette demande repose sur l’analyse du contenu diffusé par ces chaînes, lesquelles ont été identifiées comme véhiculant des discours de désinformation ou des narrations biaisées sur la guerre en Ukraine.

La mise en demeure adressée à Eutelsat s’appuie notamment sur l’article 43-7 du Code de la propriété intellectuelle et sur les règlements européens relatifs aux restrictions de diffusion de certains médias considérés comme instruments d’influence géopolitique. En outre, la loi SREN du 21 mai 2024 a conféré à l’Arcom de nouvelles compétences lui permettant d’ordonner l’interruption de la diffusion des chaînes STS et Kanal 5, identifiées comme relais de propagande du gouvernement russe. Ce renforcement du cadre juridique national s’inscrit dans une dynamique plus large de régulation des flux audiovisuels en période de crise internationale.

Cette initiative témoigne de la volonté des autorités françaises et européennes de renforcer leur vigilance face à la guerre de l’information qui accompagne le conflit russo-ukrainien. Toutefois, cette décision soulève des interrogations quant à la liberté d’expression et au rôle des plateformes de diffusion dans la censure de contenus jugés nuisibles. Eutelsat, en tant qu’acteur privé, doit concilier ses impératifs économiques avec les exigences réglementaires et les décisions des autorités de contrôle. L’enjeu dépasse ainsi la seule régulation audiovisuelle pour interroger les mécanismes de lutte contre la désinformation à l’ère numérique et la responsabilité des opérateurs dans la diffusion de contenus sensibles.

Jade BOBOCESCU-DARDE

Sources :

https://www.arcom.fr/presse/larcom-demande-la-cessation-de-la-diffusion-de-chaines-russes-sous-sanctions-europeennes

https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/03/21/l-arcom-demande-a-eutelsat-de-couper-la-diffusion-de-deux-chaines-de-television-russes-sous-sanctions-europeennes_6584366_3234.html 

https://www.arcom.fr/se-documenter/espace-juridique/decisions/decision-du-19-mars-2025-mettant-en-demeure-la-societe-eutelsat-sa 

https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/france-larcom-met-en-demeure-eutelsat-de-cesser-la-diffusion-de-deux-chaines-de-tv-russes-2155401 

https://lexisveille.fr/larcom-ordonne-larret-de-la-diffusion-de-chaines-russes-par-eutelsat-en-conformite-avec-les 

Les scénaristes : la protection de ce métier au cœur de l’audiovisuel

 

Dans l’industrie audiovisuelle, le rôle du scénariste est central, tout en restant brumeux. Il constitue l’émanation même, la racine de la mise en scène visuelle. Ainsi, dans le cadre des fictions télévisées, des documentaires, des publicités ou encore des films : avant toute image, il y a l’écrit.

Pourtant, le statut juridique du scénariste oscille entre celui de créateur et celui de simple exécutant, soumis aux exigences des producteurs et des diffuseurs.

Dès lors, une première question émerge : le scénario appartient-il exclusivement au scénariste en tant qu’auteur, ou bien est-il partagé avec le producteur qui en finance la réalisation ? En droit français, selon l’article L113-7 du Code de la proprieté intellectuelle, « ont la qualité d’auteur d’une œuvre audiovisuelle la ou les personnes physiques qui réalisent la création intellectuelle de cette œuvre. Sont présumés, sauf preuve contraire, coauteurs d’une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration : 1° L’auteur du scénario ; 2° L’auteur de l’adaptation ; 3° L’auteur du texte parlé ; 4° L’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre ; 5° Le réalisateur »[1].

Toutefois, la pratique contractuelle et la réalité économique de l’audiovisuel réduisent souvent la marge de manœuvre du scénariste. En effet, les scénarios sont fréquemment écrits dans le cadre de contrats de commande, ce qui pose la question du transfert de droits et des limitations qui en découlent. A ce titre, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 6 février 2013, a rappelé que l’obligation pour les scénaristes d’apporter des modifications à leur œuvre, conformément aux demandes du producteur et de ses partenaires financiers, ne saurait être laissée à la seule discrétion du producteur sans critères objectifs, sous peine de priver les auteurs de toute maîtrise sur leur création. En outre, la cour a également annulé une clause de droit de préférence jugée trop vague, soulignant ainsi la nécessité de définir avec précision l’étendue des engagements imposés aux scénaristes pour éviter toute atteinte disproportionnée à leur liberté contractuelle et artistique[2].

Ainsi, se pose inéluctablement la question de la distinction entre œuvre collective[3] et œuvre de collaboration[4]. Contrairement à une idée reçue, les scénarios de films et de séries télévisées sont généralement considérés comme des œuvres de collaboration, et non des œuvres collectives. En effet, la jurisprudence française, notamment dans le domaine audiovisuel, reconnaît systématiquement que plusieurs auteurs concourent à la création d’un scénario, chacun apportant une contribution personnelle identifiable. Ainsi, si un scénario est qualifié d’œuvre de collaboration, les scénaristes conservent la qualité d’auteur et bénéficient des droits correspondants. Comme l’a rappelé un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 3 juillet 1990[5], au visa de l’article L113-1 du Code de la propriété intellectuelle[6], « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée« , ce qui inclut potentiellement le scénariste. Dès lors, les juges du fond doivent caractériser la collaboration effective des coauteurs pour leur reconnaître des droits sur l’œuvre.

Cette réalité juridique soulève une question fondamentale : les scénaristes sont-ils encore véritablement des auteurs dans un système où leur pouvoir est souvent limité par des impératifs industriels et contractuels ? Certains estiment ainsi que la protection du scénariste est insuffisante et qu’il faudrait renforcer son statut d’auteur pour garantir une meilleure rémunération et un contrôle accru sur ses œuvres :  « Alors que l’offre de productions audiovisuelles n’a jamais été aussi grande et que la nécessité de se raconter de nouvelles histoires (…) est palpable, le scénariste bénéficie toujours d’un statut inadapté à la réalité de son activité.  Ce phénomène entraîne une précarisation de la profession et appelle à une refonte du statut [7]».

 

LE STATUT DES SCÉNARISTES

 

Le métier de scénariste consiste à concevoir, rédiger et développer des histoires pour le cinéma, la télévision, ou d’autres supports audiovisuels. Ainsi, le scénariste est responsable de l’élaboration du scénario, c’est-à-dire du fil conducteur de l’œuvre, comprenant les dialogues, les descriptions des scènes, ainsi que la structure narrative. Ce travail implique souvent une recherche approfondie pour créer des personnages riches, des intrigues captivantes et une cohérence. Le scénariste collabore également avec les réalisateurs, les producteurs, et parfois les acteurs, pour s’assurer que son texte répond aux exigences artistiques et techniques du projet. En outre, au-delà de la création pure, il doit également être capable de réécrire ou d’adapter son travail en fonction des retours de l’équipe de production. Le scénariste joue donc un rôle central dans la fabrication d’un projet audiovisuel, étant à la fois un créateur et un communicant qui doit adapter son écriture aux attentes d’un public tout en respectant les contraintes du secteur.

Toutefois, le métier de scénariste, bien que fondamental dans l’industrie audiovisuelle, est souvent marqué par une grande précarité. Contrairement aux professions plus visibles du secteur, comme les réalisateurs ou les acteurs, les scénaristes travaillent généralement dans l’ombre et peinent parfois à obtenir une reconnaissance à la hauteur de leur contribution. La majorité d’entre eux exercent en tant qu’indépendants.

Face à ces difficultés, plusieurs organisations ont vu le jour afin de défendre les droits des scénaristes et d’améliorer leurs conditions de travail.

En France, la Guilde Française des Scénaristes, créée en 2010, joue un rôle clé dans la structuration de la profession. Elle vise à améliorer la rémunération des scénaristes, à garantir une plus grande transparence dans les contrats et à défendre leurs intérêts face aux producteurs et diffuseurs. La Guilde propose également un accompagnement juridique et publie des recommandations sur les bonnes pratiques contractuelles. Un autre acteur incontournable dans la protection des scénaristes en France est la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD). Fondée en 1777 autour de Beaumarchais, elle gère les droits d’auteur des scénaristes, assurant ainsi la perception et la redistribution des revenus liés à l’exploitation de leurs œuvres. Grâce à cette société de gestion collective, les scénaristes peuvent toucher des droits d’auteur sur la diffusion de leurs scénarios, notamment à la télévision et sur les plateformes de streaming.

En Europe, la Fédération des Scénaristes en Europe (FSE) regroupe plusieurs organisations nationales et œuvre pour une harmonisation des protections juridiques et des droits des scénaristes à l’échelle du continent.

Au niveau international, d’autres organisations poursuivent des objectifs similaires. Aux États-Unis, la Writers Guild of America (WGA) est l’un des syndicats les plus influents pour les scénaristes. Elle a notamment organisé plusieurs grèves majeures, comme celle de 2023, pour réclamer une meilleure rémunération face à l’essor des plateformes de streaming et la menace croissante de l’intelligence artificielle dans l’écriture de scénarios.

 

LE RÉGIME DE LA PROTECTION JURIDIQUE DES SCÉNARISTES ET DE LEURS SCÉNARIOS

 

En France, le scénariste est donc reconnu comme potentiel auteur au sens du Code de la propriété intellectuelle. A ce titre, selon l’article L111-1 du CPI[8], l’œuvre de l’esprit est protégée dès sa création, indépendamment de toute formalité. Ainsi, le scénario, en tant qu’œuvre originale, bénéficie automatiquement de cette protection. Cette reconnaissance confère au scénariste des droits exclusifs sur son œuvre, garantissant le respect de sa paternité et de l’intégrité de son travail.

Dès lors, dans le cadre de l’exploitation de leurs œuvres, les scénaristes sont parfois amenés à conclure des contrats de commande et de cession des droits d’exploitation. Ces contrats déterminent les modalités selon lesquelles l’œuvre sera utilisée, diffusée ou adaptée. A ce titre, il est essentiel que ces accords précisent clairement l’étendue des droits cédés, la durée, le territoire concerné et les modes d’exploitation autorisés, afin de protéger les intérêts du scénariste.​

Toutefois, les scénaristes peuvent être confrontés à des situations de plagiat ou de contrefaçon, dans le cas où leur œuvre est utilisée sans autorisation ou copiée illicitement. En cas de suspicion de plagiat, le scénariste peut alors engager des actions en justice pour faire valoir ses droits. A ce titre, un arrêt du 5 juillet 2006 de la 1ère chambre civile de de la Cour de cassation[9] a précisé la procédure. En l’espèce, le coauteur d’un scénario prétendait que les œuvres d’un autre coauteur reprenaient les caractéristiques de son scénario. Ainsi, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris, soulignant l’importance de mettre en cause l’ensemble des coauteurs d’une œuvre de collaboration dans une action en contrefaçon.  En outre, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir statué par simple affirmation sur la contrefaçon sans identifier précisément les éléments originaux de forme qui seraient similaires dans les scénarios en cause. Or, « les idées sont de libre parcours et seules les expressions originales peuvent être protégées par le droit d’auteur ».

Cet exemple illustre dès lors la nécessité pour les scénaristes de protéger efficacement leurs œuvres et l’importance des démarches préventives.

 

COMMENT PROTÉGER UTILEMENT UN SCÉNARIO ?

 

La protection d’un scénario est donc essentielle pour tout scénariste souhaitant éviter le plagiat ou l’appropriation indue de son travail. Disposer de preuves tangibles est crucial pour défendre ses droits en cas de litige. Par ailleurs, la jurisprudence n’a cessé de réitérer depuis une décision du TGI de Paris du 5 avril 1978, qu’« un scénario peut être protégé en soi, indépendamment de son utilisation pour élaborer une œuvre audiovisuelle ».

Dès lors, plusieurs mécanismes complémentaires permettent cette protection.

L’un des moyens les plus courants pour protéger un scénario est de l’enregistrer auprès d’un organisme reconnu. En France, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) propose un service de dépôt en ligne appelé « e-dpo », permettant d’attester la paternité de l’œuvre. Ce dépôt constitue une présomption de propriété et peut être utilisé comme preuve en cas de conflit sur la titularité des droits d’auteur. Il offre une protection de cinq ans, renouvelable, et permet de sécuriser des versions successives du scénario, notamment lorsqu’il évolue au fil des réécritures[10].

Une autre option consiste à effectuer un dépôt auprès de la Bibliothèque nationale de France (BNF) via son service de l’empreinte temporelle, qui délivre un certificat officiel attestant la date de création du scénario. Toutefois cette preuve, bien que reconnue en justice, implique des coûts et reste moins couramment utilisée que le dépôt SACD dans l’industrie audiovisuelle.

D’autres solutions existent également, comme l’enveloppe Soleau de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Cette méthode permet d’horodater une création et de garantir une preuve légale pendant cinq ans. Cependant, elle ne confère pas un titre de propriété intellectuelle, ce qui en limite l’efficacité[11]. Par ailleurs, des plateformes en ligne, telles que « Copyright.fr » ou des services basés sur la blockchain, offrent des alternatives numériques permettant d’attester l’antériorité d’une œuvre grâce à un horodatage sécurisé. Ces solutions sont accessibles, mais leur reconnaissance juridique est encore limitée par rapport aux organismes institutionnels. De plus, le recours à des techniciens semble pouvoir alourdir le procédé.

Par ailleurs, il semble nécessaire de souligner qu’aucun dépôt ne permet de revendiquer un monopole sur une idée : seul l’agencement original d’un scénario est protégé par le droit d’auteur.

En complément de ces démarches administratives, la mise en place de protections contractuelles peut également être essentielle, notamment lorsque le scénariste partage son travail avec des tiers. Avant toute diffusion à un producteur ou à une société de production, il est fortement recommandé de faire signer un accord de confidentialité, aussi appelé « Non-Disclosure Agreement ». Un tel document encadre l’utilisation du scénario et interdit toute divulgation ou exploitation non autorisée.  En cas de non-respect de cet engagement, des sanctions peuvent être prévues, et ce contrat pourra être utilisé comme base légale en cas de litige.

« Ce type de conflit est courant et il revient alors aux juges de distinguer ce qui est, et doit rester, « de libre parcours » de ce qui constitue « l’empreinte de personnalité d’un auteur » et d’analyser les ressemblances de chaque texte »[12].

Une affaire cardinale a été l’affaire The Artist[13]. En l’espèce, le 26 février 2016, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande en contrefaçon de scénario déposée par Christophe Valdenaire, scénariste de Timidity, la symphonie du petit homme, à l’encontre du film The Artist. Valdenaire accusait le réalisateur Michel Hazanavicius et la société de production de contrefaçon, soulignant des ressemblances entre les deux scénarios, notamment l’utilisation du noir et blanc et du cinéma muet. Cependant, le tribunal a estimé que les similitudes étaient superficielles et ne constituaient pas une contrefaçon, en raison des différences notables dans l’intrigue et les thèmes abordés. Pour qu’une contrefaçon soit reconnue, il faut donc que les ressemblances soient substantielles et non basées sur des éléments généraux. In fine, le tribunal a ainsi qualifié la demande de Valdenaire de procédure abusive, la jugeant fondée sur des arguments insuffisants et destinée à médiatiser son propre film. Il a ainsi condamné Valdenaire à verser 29 000 euros pour frais de justice. Cette décision rappelle l’importance d’une analyse précise et fondée des similitudes entre œuvres avant d’engager une procédure en contrefaçon[14].

Un autre arrêt plus récent a repris ce raisonnement. En effet, par un arrêt du 22 mars 2023[15], la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la question de savoir si la reprise alléguée d’un scénario de série policière était constitutive d’un acte de parasitisme[16]. En l’espèce, les juges ont dû évaluer les similitudes entre les deux projets pour déterminer s’il y avait une reprise fautive ou un comportement déloyal. L’analyse a porté sur le format, les intrigues, les thèmes et la psychologie des personnages. Ainsi, la cour d’appel a estimé que En immersion ne reprenait pas les éléments de Immersion, à l’exception du titre et d’une thématique générale d’infiltration policière. Le format était différent : En immersion avait 8 épisodes et prévoyait 3 saisons, contre 3 épisodes pour Immersion. Les deux séries différaient également dans leur traitement de l’intrigue. Immersion suivait des agents du SIAT infiltrant divers milieux criminels, tandis que En immersion se concentrait sur un policier malade, infiltrant un réseau de drogue pour sauver sa fille. Enfin, le thème de l’infiltration était traité de manière plus personnelle et générale dans En immersion, abordant des questions existentielles et l’impact de la maladie sur la vie du policier. Cet exemple illustre ainsi la casuistique majeure lors de l’étude de la protection du scénario.

Face à ces risques, il apparaît donc essentiel pour tout scénariste d’adopter une stratégie de protection proactive. Loin d’être une simple formalité, la protection d’un scénario constitue un enjeu crucial pour garantir aux créateurs la reconnaissance et la valorisation de leur œuvre.

 

L’AVIS DE PROFESSIONNELS DU MÉTIER 

 

Pour compléter ces propos, rien n’est alors plus enrichissant que l’avis des professionnels du métier !

 

 

 

Voici l’avis de Simon Boulier, scénariste et réalisateur, dont l’expérience et le parcours témoignent d’une véritable maîtrise du récit sous différentes formes. Fort de dix années passées à explorer la fiction à travers le cinéma, les podcasts et les courts-métrages, il a collaboré avec des cinéastes de renom et a vu ses œuvres récompensées dans plusieurs festivals prestigieux.

Diplômé des Ateliers du Cinéma de Claude Lelouch, Simon Boulier a affiné son art du scénario aux côtés du réalisateur et lors de masterclass dirigées par Luc Besson. Il a commencé sa carrière en tant qu’assistant réalisateur sur Ava de Léa Mysius et Chacun sa vie de Claude Lelouch. En 2017, son scénario Les Résidents a été primé au Festival international du film de Belfort, avant qu’il ne réalise Quand viendra la tempête, produit par Les Films 13.

En parallèle du cinéma, Simon Boulier s’est également illustré dans la fiction sonore avec Origin, dont les deux saisons ont figuré dans le top 10 d’Apple Podcast et ont été récompensées par le prix ARCES 2023. Son premier long-métrage, La Parle, a été sélectionné à la Mostra de São Paulo et au Festival international de Saint-Jean-de-Luz. Plus récemment, il a coécrit Géants, le prochain film de Géraldine Danon, attendu en 2025, et son scénario Archers est finaliste au Festival international des scénaristes de Valence.

Actuellement, il se consacre à l’écriture de son premier roman, un thriller historique situé pendant la Seconde Guerre mondiale.

Son avis s’appuie donc sur une riche expérience du scénario, ce qui le rend particulièrement précieux dans cette analyse.

 

Qu’est-ce qui vous a amené à exercer ce métier ?

« La possibilité de tout inventer, de partir de rien. Je crois que c’est ça qui m’a accroché. Donner vie à un monde, le voir grandir, évoluer, jusqu’à ce qu’il devienne réel aux yeux des autres. C’est une sensation unique, une liberté totale. Et surtout, je savais que chaque projet m’emmènerait ailleurs. Une nouvelle histoire, un nouveau regard, une façon différente d’explorer le réel. On ne cesse jamais d’apprendre et c’est ça qui me passionne. »

 

Quel est votre avis sur la reconnaissance générale de votre métier ? Comment ressentez-vous la reconnaissance de votre travail, en particulier dans des projets collaboratifs où le rôle du scénariste peut parfois être moins visible ?

« On est très loin du Hollywood des années 30-50, où le scénariste était au centre de tout, presque aussi exposé que les acteurs le sont aujourd’hui. Aux États-Unis, cette reconnaissance existe encore un peu. En France, c’est une autre histoire. À part quelques initiatives comme le Festival de Valence, le scénariste reste dans l’ombre. Notre travail est souvent perçu comme une simple étape avant le vrai départ d’un projet, alors qu’écrire un bon scénario est essentiel. Tout part de là. Un film ne peut pas être meilleur que son scénario et pourtant, cette étape reste invisible aux yeux du public et sous-estimée dans l’industrie. En fait, tout commence par l’écriture, mais une fois le film lancé, on oublie souvent d’où il vient. »

 

 Existe-t-il des moments ou des expériences qui vous ont particulièrement marqué concernant la gestion de vos droits d’auteur ? Comment gérez-vous le stress ou les frustrations liées à la reconnaissance de votre travail ou à la rémunération de vos droits d’auteur ?

« Il y a quelques années, un projet sur lequel j’avais investi des mois de travail a été distribué sous le nom d’une structure qui s’est approprié mon travail. Leur nom était mis en avant, comme si l’histoire leur appartenait. Moi, je n’existais plus.
C’était frustrant, rageant même. À l’époque, j’étais moins vigilant. Je n’avais pas anticipé, pas assez protégé mon travail, je me suis laissé dépasser.
Depuis, j’ai compris que l’écriture ne s’arrête pas au dernier mot du scénario. Il faut défendre son travail à chaque étape. C’est pour ça que je suis aujourd’hui en recherche d’un agent, pour mieux négocier mes contrats et structurer ma carrière. Et surtout, je ne signerai plus un contrat sans le faire relire par un avocat spécialisé en propriété intellectuelle. L’expérience m’a appris que protéger son travail n’est pas une option, c’est une nécessité. Écrire, c’est une chose. Faire en sorte que ce travail soit respecté en est une autre.

Je ne ressens pas de stress par rapport à ça. Chaque projet est en quelque sorte le brouillon du suivant. Le but est d’obtenir de plus en plus de reconnaissance, sans se laisser freiner par les éventuels échecs du passé. »

 

Comment vous sentez-vous à l’idée de déléguer une partie du contrôle sur vos créations lorsque vous signez un contrat avec un producteur ou une chaîne ? En tant que scénariste, quelle place accordez-vous à votre « paternité » créative sur un projet une fois qu’il a été cédé à la production ? Ressentez-vous un décalage entre ce que vous aviez imaginé et la production finale ?

« Avec le temps, j’ai appris à prendre du recul. Une fois le scénario terminé, il appartient à d’autres. C’est le jeu. Le cinéma est un art collaboratif avant tout. Quand on n’est pas réalisateur, il faut savoir passer le relais. En fait, tout dépend de la manière dont cela se fait. Je donne mon travail avec plaisir quand je sais qu’il part entre les mains d’un réalisateur et d’une production avec qui nous sommes alignés depuis le début du processus. Là, il ne s’agit pas de perdre le contrôle, mais de voir une vision partagée prendre forme à l’écran.  Le vrai problème, c’est quand les modifications ne sont pas faites pour améliorer l’histoire, mais pour répondre à des impératifs externes : plaire à certaines commissions, entrer dans des cases, accélérer la mise en production. Aujourd’hui, le travail du scénariste est trop souvent sacrifié pour des raisons financières. On parle de liberté artistique, mais elle reste fragile lorsque l’écriture doit s’adapter à des contraintes qui ne servent pas l’histoire. C’est là que la frustration peut naître, bien plus que dans le fait de déléguer. Parce qu’au fond, on ne peut rien y faire. »

 

 

 

Désormais, voici l’avis de Mohamed Nader Bounazou, scénariste polyvalent, dont l’approche narrative est nourrie par un parcours atypique et une passion pour les mythes oubliés. Ancien juriste pénaliste, il a choisi de se consacrer pleinement à l’art du récit, en explorant différentes formes de narration à travers le prisme de sa culture et de ses inspirations.

En effet, après une carrière en droit pénal, Mohamed Nader Bounazou a décidé de tout quitter pour suivre sa vocation : raconter des histoires. Aujourd’hui, il est scénariste de séries indépendant, évoluant dans des genres variés tels que le thriller, l’action, la comédie et le fantastique. Toutefois son talent ne se limite pas au petit écran, puisqu’il s’intéresse également à d’autres médias comme le cinéma, la littérature et le jeu vidéo.

Depuis septembre 2022, il travaille en tant que scénariste indépendant sous l’étiquette Nouvelles Écritures. Son regard, affûté par son expérience du droit et sa maîtrise des codes de l’écriture, apporte ainsi une perspective particulièrement enrichissante.

 

Qu’est-ce qui vous a amené à exercer ce métier ?

« J’ai longtemps étouffé mon côté artistique, pensant que la stabilité passait par un métier sérieux et reconnu, comme le droit. Venant d’une ZEP, aîné d’une famille de 6 enfants, aux revenus très modestes : je n’avais pas le droit à l’erreur. Pour me sortir du quartier je devais suivre une voie sérieuse et rapide. J’ai suivi cet état d’esprit, me spécialisant en droit pénal, et exerçant pendant 5 ans…jusqu’au décès de mon grand-père. Cet événement a été un électrochoc : j’ai compris que je ne pouvais plus me mentir. J’avais grandi en écoutant et racontant ses histoires, il était conteur en Algérie, son rôle était fondamental là-bas. J’ai décidé de remettre cette dimension au centre de ma vie et d’assumer pleinement mon envie d’écrire et de raconter des histoires. »

 

Quel est votre avis sur la reconnaissance générale de votre métier ?

« Le métier de scénariste est paradoxalement essentiel et sous-estimé. Sans scénario, il n’y a pas d’histoire, et pourtant, en dehors du milieu, peu de gens savent qui écrit vraiment les films et les séries qu’ils regardent. En France, la reconnaissance progresse, mais le scénariste reste souvent dans l’ombre des réalisateurs et des acteurs. C’est frustrant, mais aussi un défi stimulant : se battre pour la reconnaissance du métier, tout en sachant que l’essentiel est dans l’impact des histoires qu’on raconte. »

 

Comment ressentez-vous la reconnaissance de votre travail, en particulier dans des projets collaboratifs où le rôle du scénariste peut parfois être moins visible ?

« La reconnaissance vient rarement du grand public, mais davantage des pairs et des équipes avec qui je travaille. C’est dans les échanges avec des réalisateurs, des comédiens ou même des spectateurs sensibles au récit que je ressens le plus cette validation. Toutefois, il arrive que le scénariste soit relégué au second plan dans la communication autour d’un projet, ce qui peut être frustrant. J’essaie de ne pas m’attarder sur ça et de me concentrer sur ce que j’apporte aux projets : si l’histoire marque les esprits, alors j’ai fait mon travail. »

 

Existe-t-il des moments ou des expériences qui vous ont particulièrement marqué concernant la gestion de vos droits d’auteur ? Comment gérez-vous le stress ou les frustrations liées à la reconnaissance de votre travail ou à la rémunération de vos droits d’auteur ?

« Oui, plusieurs fois. Il y a toujours cette tension entre la valeur d’un travail et la manière dont il est reconnu financièrement et juridiquement. J’ai déjà vécu des situations où je devais me battre pour être correctement crédité ou rémunéré. C’est un apprentissage : aujourd’hui, je suis vigilant sur mes contrats et mes droits. Le stress vient souvent du fait qu’en tant qu’artiste, on veut créer, mais qu’il faut aussi gérer l’aspect business. J’ai appris à ne pas tout prendre personnellement et à défendre mon travail avec fermeté. »

 

Comment vous sentez-vous à l’idée de déléguer une partie du contrôle sur vos créations lorsque vous signez un contrat avec un producteur ou une chaîne ?

« C’est un mélange d’excitation et d’appréhension. Voir une histoire prendre vie grâce à d’autres talents est fascinant, mais cela signifie aussi lâcher prise sur certains choix. Je suis conscient que le cinéma et la télévision sont des œuvres collectives, donc j’accepte l’idée qu’un scénario va évoluer. Mais il y a une limite : si la transformation trahit l’essence de ce que j’ai écrit, alors c’est un problème. C’est pourquoi j’essaie, autant que possible, de m’impliquer au-delà de l’écriture pour garder un regard sur la production. »

 

En tant que scénariste, quelle place accordez-vous à votre « paternité » créative sur un projet une fois qu’il a été cédé à la production ? Ressentez-vous un décalage entre ce que vous aviez imaginé et la production finale ?

« La « paternité » d’un projet est une question essentielle. Je me considère toujours comme l’architecte de l’histoire, même si d’autres vont en poser les briques et la peindre à leur façon. Il y a toujours un décalage entre le scénario et le résultat final, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. Ce qui compte, c’est que l’esprit du projet soit respecté. Si je sens que ce n’est pas le cas, alors je ressens une forme de trahison artistique. Mais j’apprends aussi à accepter que chaque projet ait une vie propre et que, parfois, ce qu’on perd en contrôle, on le gagne en surprises et en rencontres. »

 

 

 

Enfin, voici l’avis de Martin Day, réalisateur et assistant réalisateur expérimenté, dont la carrière dans l’industrie audiovisuelle, notamment pour des productions majeures diffusées sur TF1, France Télévisions et Netflix, confère une pertinence particulière à son regard critique.

En effet, Martin Day a contribué à de nombreuses productions télévisuelles et cinématographiques. Actuellement réalisateur sur Plus Belle la Vie encore Plus Belle, il a également dirigé plus de 150 épisodes de Demain nous appartient et 20 épisodes de L’amour à l’épreuve.

Il a collaboré avec de grandes chaînes comme TF1 et France Télévisions, et a également travaillé pour Netflix en tant que second assistant réalisateur sur la saison 2 de Marseille. Ainsi, son expérience s’étend à des productions variées, incluant MagellanJoséphine Ange Gardien et Petits Secrets en Famille, ainsi que des projets de fiction comme Mort sur la Piste, où il a officié en tant que premier assistant réalisateur.

Fort d’un savoir-faire technique et artistique acquis sur des plateaux de tournage exigeants, Martin Day possède ainsi une vision aiguisée de la narration.

 

Quelle importance accordez-vous au scénario dans la réalisation de vos projets ?
« La plus grande, un bon scénario, avec surtout de bons dialogues, est un indispensable pour faire un bon film ou une bonne série. Mais il doit être aussi toujours en mouvement pendant le tournage pour la réussite du projet. »


Pensez-vous que les scénaristes sont suffisamment reconnus dans l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel ?

« Pas assez certainement, car pas syndiqués comme aux Etats-Unis. Mais en même temps pas assez solidaires entre eux. Les producteurs aussi (surtout de séries audiovisuelles) ne les respectent pas trop, et les producteurs ne sont pas assez créatifs en France, donc n’utilisent pas assez le potentiel des scénaristes. Aussi en tant que réalisateur, si je décide de proposer un scénario, je n’ai pas de crédit auprès des diffuseurs et des producteurs, il faudra absolument que je sois accompagné d’un auteur qu’ils connaissent. »


Avez-vous déjà été en désaccord avec un scénariste sur une vision de l’histoire ? Si oui, comment avez-vous géré cela ?

« Oui bien sûr. Toujours dans l’échange et dans l’argumentation. S’il me convainc je m’incline. Mais je ne lâche pas facilement, je ferais tout pour le convaincre. »

 

À travers les témoignages recueillis, une évidence se dessine : malgré les défis contractuels et une reconnaissance parfois en demi-teinte en France, le métier de scénariste demeure une passion indéfectible, portée par celles et ceux qui donnent vie aux histoires. Les scénaristes façonnent notre imaginaire collectif et nous offrent des univers transperçant les limites du réel. À ce titre, les César 2025 n’ont pas manqué de célébrer cet engagement en récompensant Boris Lojkine et Delphine Agut pour L’Histoire de Souleymane, l’illustration d’une œuvre cinématographique rayonnante par les nombreux acteurs impliqués : n’oublions jamais que l’audiovisuel ne doit son prestige qu’à l’harmonie des talents !

En outre, si aujourd’hui l’intelligence artificielle ouvre de nouvelles perspectives dans la création ou peut faire peur à la profession, elle ne saurait remplacer l’émotion brute, la subtilité des dialogues et la profondeur des personnages façonnés par des plumes humaines. Plutôt qu’une menace, bien utilisée, elle pourrait être perçue comme un outil au service des scénaristes, une opportunité d’explorer de nouvelles formes narratives et de repousser les limites du storytelling. Loin de disparaître, le métier évolue ainsi et se réinvente, prouvant une fois encore que la force des histoires réside avant tout dans la vision et le talent de celles et ceux qui les écrivent.

Céliane FERRIN


 

Notes de bas de page :

[1] Article L113-7 du Code de la propriété intellectuelle

[2] CA Paris, Pôle 5, Ch.1., 6 février 2013, n°11/02408

[3] Article L113-2 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle : « Est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. »

[4] Article L113-2 alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle : « est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ».

[5] Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 juillet 1990, 89-11246

[6] Article L113-1 du Code de la propriété intellectuelle : « La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée ».

[7] « Scénariste : un statut juridique à réécrire », UseYourLawhttps://www.useyourlaw.com/scenariste-un-statut-juridique-a-reecrire/.

[8] Article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. »

[9] Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 5 juillet 2006, 04-16.687, Inédit

[10] « Protéger vos créations », Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD)https://www.sacd.fr/fr/proteger-vos-creations.

[11] Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), Protéger ses créations : tout ce qu’il faut savoir, https://www.inpi.fr/sites/default/files/proteger_ses_creations.pdf.

[12] Sébastien Lachaussée, La contrefaçon de scénarioLe Journal du Net, 26 janvier 2015, https://www.journaldunet.com/management/juridique/1149186-la-contrefacon-de-scenario/.

[13]  TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 25 févr. 2016, n° 14/04476

[14] « L’action en contrefaçon de scénario à l’encontre de The Artist comme méthode de promotion d’une œuvre cinématographique », IREDIC, 1 mars 2016, https://iredic.fr/2016/03/01/laction-en-contrefacon-de-scenario-a-lencontre-de-the-artist-comme-methode-de-promotion-dune-oeuvre-cinematographique/.

[15] Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 mars 2023, 21-24.217, Inédit

[16] « Action en parasitisme du scénario d’une série : mais que fait la police ? », Solvoxia Avocatshttps://www.solvoxia-avocats.com/action-en-parasitisme-du-scenario-dune-serie-mais-que-fait-la-police/#:~:text=fait%20la%20police%20%3F-,Action%20en%20parasitisme%20du%20scénario%20d’une%20série,mais%20que%20fait%20la%20police%20%3F&text=Par%20un%20arrêt%20du%2022,d’un%20acte%20de%20parasitisme

Bibliographie :

https://www.wipo.int/pressroom/fr/stories/ip_and_film.html

https://www.nomosparis.com/contrat-scenariste-appreciation-jurisprudentielle-des-clauses-de-remaniement-du-scenario-et-du-droit-de-premier-regard/

https://www.avocats-picovschi.com/oeuvre-audiovisuelle-ou-oeuvres-audiovisuelles_article_219.html

https://www.journaldunet.com/management/juridique/1149186-la-contrefacon-de-scenario/

https://www.legipresse.com/011-44006-Preuve-de-la-contrefacon-de-scenario.html

https://iredic.fr/2016/03/01/laction-en-contrefacon-de-scenario-a-lencontre-de-the-artist-comme-methode-de-promotion-dune-oeuvre-cinematographique/

https://podcasts.apple.com/fr/podcast/séquence-podcast/id1774231674

https://podcasts.apple.com/fr/podcast/comment-cest-raconté/id1289058024

Intervenants :

https://m.imdb.com/fr/name/nm3854655/?ref_=m_login

https://www.linkedin.com/in/martin-day-637669119/

https://www.linkedin.com/in/mohamed-bounazou-071bb9251/

https://www.linkedin.com/in/simon-boulier-8807ba2a9/