Parc d’attractions à thème et propriété intellectuelle

Si les parcs d’attractions existent depuis plusieurs siècles, M. Walt Disney en a révolutionné le genre en 1955 en créant Disneyland, un parc d’attractions à thème géré par un seul homme et centré sur le thème de son univers bien connu du public. Depuis, de nombreux parcs à thème se sont développés à travers le monde, centrés sur des films, des personnages ou encore des bandes-dessinées. Disneyland Paris, Efteling, Parc Astérix, Universal studios Orlando et bien d’autres encore sont ainsi devenus ces dernières années des lieux touristiques attractifs qui attirent chaque année des millions de touristes. Si ces parcs développent des mondes magiques plein de féerie, demeure une face cachée où il existe une grande complexité due aux droits de propriété intellectuelle. 

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La protection des manèges

Dans un parc d’attractions, en dehors de l’immersion dans un univers, ce sont les attractions en elles-mêmes qui sont recherchées par les visiteurs. 

Que ce soit des montagnes russes, des grandes roues, des carrousels, ces attractions à sensation sont un élément essentiel de tout parc d’attractions à thème en faisant parfois la spécificité même du parc. Néanmoins il n’est pas rare de retrouver un même manège dans plusieurs parcs, avec des couleurs ou décorations différentes en fonction du thème du parc. Ainsi, vous pouvez trouver le manège « pieuvre » ou « octopus » dans beaucoup de parcs, comme « l’Hydre de Lerne » du Parc Astérix ou « Dumbo the Flying Elephant » à Disneyland. Ce manège inventé par Lee Eyerly au début du XXI siècle a d’abord été protégé par un brevet déposé en 1937.   

Cependant, les brevets ont une durée de protection limitée à 20 ans, après cette période, le monopole d’exploitation conféré par le brevet expire. D’autres constructeurs pouvant alors reprendre l’invention sans avoir à demander l’autorisation du titulaire du brevet. L’on pourrait alors se demander si la protection par le brevet d’une attraction sera véritablement utile pour le titulaire. Malgré la durée limitée qui pourrait paraître faible compte tenu de la durée d’existence des parcs d’attractions, il semblerait que l’évolution des technologies, des normes de sécurité et le besoin de renouvellement imposé par les visiteurs, rendent utile cette durée de protection. En effet, en 20 ans, le titulaire des droits aura le temps d’exploiter son invention et de contracter avec différents parcs afin de mettre à profit son monopole. Par ailleurs, pendant cette période de monopole il développera un certain savoir-faire très important dans le domaine des manèges, technologies complexes nécessitant un niveau élevé de connaissance tant les contraintes notamment de sécurité sont importantes. Les inventeurs de manèges et attractions auront donc tout intérêt à déposer un brevet afin de protéger leurs inventions et de s’assurer le monopole de leur exploitation. 

La protection de l’architecture

Un autre élément essentiel des parcs d’attractions à thème est l’architecture et les éléments de décors qui permettent de créer la magie, d’immerger le visiteur dans un univers. Qui n’a jamais été impressionné en marchant sur « Main street » à Disneyland Paris ou en se baladant au sein de l’irrésistible village gaulois au Parc Astérix ? Chaque détail du décor permettant une immersion parfaite du visiteur et constituant un élément essentiel d’un parc d’attractions à thème réussi. Mais où est alors la place de la propriété intellectuelle dans ces décors ?   

Si l’architecture peut constituer une œuvre protégée par le droit d’auteur au sens de l’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle, un arrêt du TGI de Senlis du 3 juin 2003 est venu préciser que l’architecture d’un parc d’attractions relevait du régime des œuvres collectives. Ainsi, les architectes ne disposeront pas de droits patrimoniaux sur leur œuvre appartenant à l’employeur. En revanche, ils disposeront tout de même de droits moraux leur permettant d’imposer une plaque à l’entrée du parc sur laquelle figure leurs noms. L’architecture d’un parc d’attractions à thème est donc protégée par le droit d’auteur. Le droit d’auteur est un droit dualiste composé de droits patrimoniaux, limités dans le temps, et de droits moraux imprescriptibles. Un parc à thème étant, selon la jurisprudence, une œuvre collective, celle-ci tombera dans le domaine public 70 ans à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle où l’œuvre a été publiée, selon l’article 123-3 du code de la propriété intellectuelle. Néanmoins, le respect des droits moraux attachés à l’œuvre architecturale étant lui imprescriptible sera toujours dû. Ainsi, tout autre parc qui reprendrait la même architecture au cours de la période de protection encourt une poursuite en contrefaçon en cas d’action des titulaires des droits. Cependant, l’architecture et les éléments de décors sont souvent liés aux personnages autour desquels le thème du parc est conçu, personnages bénéficiant eux aussi d’une protection par des droits de propriété intellectuelle. 

La protection des personnages

Harry Potter, Mickey, Cendrillon, Astérix, …tant de personnages animent nos parcs d’attractions à thème préférés et font déplacer les foules ! Qu’ils soient au cœur du thème d’un parc ou seulement dans une zone ou dans une attraction, les personnages sont la mine d’or des parcs d’attractions à thèmes et attirent autant les petits que les grands. Mais comment disposer d’une exclusivité sur un personnage ou empêcher les concurrents de se les approprier ? La propriété intellectuelle démontre une nouvelle fois sa place centrale au sein des parcs d’attractions à thème. Les personnages sont en général issus de livres ou de films constituant des œuvres de l’esprit au sens de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle. Ainsi, dès lors que le personnage sera original, il pourra être protégé par le droit d’auteur. Plus particulièrement dans le cas de parc d’attractions à thème, ce seront ses caractères visuels qui seront importants. En effet, c’est la représentation physique du personnage qui sera utilisée dans les parcs à thème. Cependant, comme expliqué précédemment, les droits patrimoniaux attachés à une œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur n’ont une durée que limitée et finissent par tomber dans le domaine public. Certains parcs à thème profitent alors de cette liberté d’exploitation, due à la fin des droits patrimoniaux, pour pouvoir exploiter un personnage sans avoir à dépenser et contracter avec les ayants droit. C’est bien ce qu’a fait Disney avec La Reine des neiges tiré d’un conte d’Andersen par exemple. Au cours de la période de protection par le droit d’auteur, il est donc indispensable d’obtenir une autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit pour pouvoir exploiter un personnage. 

Par ailleurs, les personnages peuvent être protégés par l’autre versant du droit de la propriété intellectuelle, la propriété industrielle notamment par le droit des marques. En effet, afin d’exploiter au maximum la valeur commerciale d’un personnage, obtenir une protection pour les noms et l’apparence des personnages est capital. Le droit des marques protège à la fois les marques figuratives c’est-à-dire visuelle et les marque nominales ou verbales c’est-à-dire qui peuvent s’écrire ou se prononcer. Le titre de marque permet à son titulaire de disposer d’un droit de propriété sur les produits ou services désignés lors de l’enregistrement. Ainsi, le titulaire de la marque d’un personnage va pouvoir empêcher toute reproduction non autorisée de sa marque. La protection par le droit des marques représente un intérêt conséquent, en effet, contrairement aux droits patrimoniaux qui sont limités dans le temps, les droits de propriétés conférés par le titre de marque n’ont pas de limites temporelles. En effet, en France, un titre de marque a une durée de 10 ans mais celui-ci est renouvelable indéfiniment, aux États-Unis, le titre de marque sera présumé valide et donc incontestable dès lors que la marque aura fait l’objet d’un usage ininterrompu pendant 5 ans.  

Ainsi, le titulaire d’une marque sur un personnage pourra contrôler son exploitation et concéder des licences aux tiers souhaitant l’utiliser. C’est ainsi que le rachat de la licence des personnages Marvel par Disney leur a permis d’intégrer les personnages Marvel au sein des parcs d’attractions Disneyland. Au sein du Parc Disney Studio à Paris, le « Rock’n Roller Coaster » sera par exemple remplacé par une attraction sur le thème d’Iron Man d’ici 2021 accompagné d’une zone intégralement consacrée à l’univers Marvel qui attirera sans l’ombre d’un doute plus d’un fan des fameux comics de l’univers Marvel.  

L’enjeu autour des licences de personnages de films, de séries, ou encore de romans est donc un enjeu central des parcs d’attractions à thème. De plus, ces licences leur permettent également d’exploiter les marques de personnages sous forme de produits dérivés et autres « goodies » qui remplissent les boutiques de souvenirs des parcs d’attractions à thème, sous réserve bien sûr d’avoir enregistré la marque dans les catégories de produits ou services correspondants. 

La protection de la musique

Pour finir, reste à aborder la musique nous accompagnant à chaque visite d’un parc d’attractions à thème que ce soit dans les allées principales ou pendant une attraction. Difficile de se défaire de la musique entêtante nous suivant à chaque pas à Disneyland Paris ou encore du fameux « It’s a small word » sur l’attraction du même nom. La musique est une œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur, son exploitation nécessite donc l’autorisation écrite de son auteur au regard de l’article 122-4 du code de la propriété intellectuelle. Il apparaît assez complexe de demander l’autorisation de l’auteur ou des ayants droit de chaque musique, c’est là qu’interviennent les organismes de gestion collective. Ainsi, la SACEM, la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, permet aux parcs d’attractions à thème de demander l’autorisation de diffusion pour toute œuvre appartenant au répertoire de la SACEM par déclaration et signature d’un contrat général de représentation selon l’article L132-18 de la propriété intellectuelle. L’organisme de gestion collective va donc faciliter à la fois l’autorisation de diffusion d’une part et la rémunération de l’auteur d’autre part. 

Les parcs d’attractions à thème sont donc le siège de l’exploitation de droits de propriété intellectuelles qu’ils soient littéraires et artistiques ou industriels. Derrière la magie offerte aux visiteurs se trouvent des auteurs, des inventeurs, des titulaires de droits de propriété dont les droits doivent être respectés. 

Anaïs Picone

Sources :

MasterIPIT