Le film Alibi.com s’inspire pour certaines scènes, et particulièrement dans le style de tournage, du jeu vidéo Assassin’s creed. Pour toute personne connaissant Assassin’s creed, la ressemblance est évidente, tant au niveau des références sonores et visuelles qu’au niveau du déroulement des scènes d’action.
Les jeux vidéo protégés en tant qu’oeuvres originales
L’assemblée plénière, dans deux arrêts « Atari »[1] et « Williams » du 7 mars 1986, a accordé la protection aux jeux vidéo par le droit d’auteur.Cependant, elle n’a pas pour autant expressément qualifié les jeux vidéo d’œuvres audio-visuelles.
Les jeux vidéo bénéficient de l’article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose que les œuvres sont protégées par les droits de l’auteur quelque soit leur genre, leur forme d’expression, leur mérite ou leur destination.
Mais pour bénéficier de cette protection encore faut-il que l’oeuvre soit originale, l’originalité étant définit de manière constante par la jurisprudence comme « l’empreinte de la personnalité de l’auteur ». Ce n’est qu’à cette condition que l’auteur peut invoquer une contrefaçon de sa création.
Quand bien même les jeux vidéo bénéficient d’une protection depuis les arrêts rendus par l’assemblée plénière en 1986, il est possible d’invoquer des exceptions à cette protection pour en réutiliser certaines parties dans une autre oeuvre, tel qu’un film.
Est-il donc légal de s’inspirer d’un jeu vidéo original ?
L’arrêt Infopaq rendu par la quatrième chambre civile de la Cour de cassation le 16 juillet 2009, sanctionne la contrefaçon partielle à condition que la partie contrefaite soit originale. Le film Alibi.com pourrait donc potentiellement être condamné sur le terrain de la contrefaçon pour avoir repris certaines idées issues d’Assassin’s creed.
Cependant, Alibi.com étant une comédie, se pose la question de savoir si ces reprises ne peuvent pas bénéficier de l’exception de parodie.
La parodie est une exception qui permet à l’auteur d’une œuvre, de pouvoir se référer à une œuvre préexistante, sans devoir demander l’autorisation de l’auteur initial et est indiquée à l’article L122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle.
Pour être acceptée en tant que parodie, il ne doit pas y avoir de risque de confusion entre l’oeuvre parodiée et la parodie. Ainsi, le public doit pouvoir immédiatement identifier la parodie.Pour en revenir au cas traité, il semble relativement évident que toute personne ayant joué à Assassin’s Creed puisse aisément cerner l’intention parodique dans Alibi.com.
Pour bénéficier de l’exception de parodie, il faut également une intention de faire rire. Puisqu’il s’agit d’une comédie, les scènes ont donc bien été tournées avec cette intention de faire rire. Vous pouvez vous faire votre propre opinion en regardant la vidéo ci-dessous.
Le producteur du film Alibi.com assure avoir fait du film un slapstick qui se définit comme un genre d’humour impliquant une part de violence physique volontairement exagérée. Anthony Verschueren[2] déclare à propos du producteur d’Alibi.Com que « le slapstick à la française vient de trouver son nouveau porte-parole et on le valide amplement ! »
Lorsque ces deux conditions sont remplies, l’auteur de l’œuvre parodique n’a pas besoin de demander l’autorisation de l’auteur parodiée. Il semblerait donc que l’exception de parodie puisse être applicable au film et les auteurs d’Assassin’s creed n’ont donc apriori aucun droit de recours.
Pourtant, de manière générale, certaines dérives ont pu être dénoncées quant à l’exception de parodie. En effet, Christophe Caron souligne le risque d’utiliser sous de faux prétextes une oeuvre en la parodiant, afin de bénéficier de sa notoriété et de promouvoir gratuitement la sienne. La jurisprudence fait d’ailleurs déjà cette distinction. Cependant, il ne semble pas que le film Alibi.com soit concerné en l’espèce au vu de la notoriété du casting.
Nous avons traité de la parodie des jeux vidéo dans les œuvres cinématographiques, cependant le phénomène inverse peut aussi être constaté.
Sarah Coderch
https://www.youtube.com/watch?v=92pwWJVV8Y8
[1] N° de pourvoi : 85-91465, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007016536