Tadata : idée ingénieuse ou violation du RGPD ?

Cette nouvelle application lancée au mois de janvier, proposant aux jeunes (étudiants, lycéens et alternants) de vendre leurs données personnelles en ligne, leur promettant donc un gain financier, fait sujet à polémiques.

 

Il n’est plus un secret que la gestion du budget d’un jeune étudiant n’est pas chose facile, tous les moyens pour arrondir les fins de mois sont bons à prendre. L’application Tadata semble alors être un moyen tout à fait attractif pour se faire de l’argent facilement, tant la manœuvre paraît simple : fournir une information sur soi de son choix, qui sera ensuite revendue à des entreprises pour qu’elles adressent ensuite des publicités ciblées. Une petite somme est alors reversée sur le compte de l’étudiant en échange de cette information.

De fait l’idée de monétiser l’échange de données ne semble pas effarante, dans la mesure où celles-ci sont pour la plupart déjà exploitées gratuitement par de nombreuses sociétés. Parmi les slogans de l’application, le parlant « Internet vous vole ? Résistez ! » montre la volonté de la plateforme de permettre à l’utilisateur de se réapproprier ses données.

L’application se targue du slogan « Quitte à voir tes données captées et utilisées, autant qu’il s’agisse de données que tu auras choisies de renseigner spontanément, et que leur utilisation te rapport de l’argent ! ».

Les étudiants sont donc invités par le biais de la plateforme, à échanger leurs données volontairement dans le but d’obtenir un gain financier (5 à 40€ par mois), ou des cartes cadeaux.

Tadata joue sa stratégie commerciale sur la transparence, en informant que contrairement aux pratiques des géants d’internet, l’utilisateur sera ici averti de l’entreprise ayant acquis ses données.

Cependant ici  le doute s’installe, pourquoi viser spécifiquement un public de 15-25 ans ? Cela ne dissimulerait-il pas une pratique de manipulation d’un public vulnérable, à la recherche d’aides financières faciles et peu chronophages ?

L’application a déjà séduit plus de 1500 jeunes, et la croissance de sa popularité inquiète. En apparence, l’intention paraît honnête, cependant la notion de vente de données suscite la méfiance. L’Internet Society France, une ONG militant pour la protection des internautes, a ainsi saisi la CNIL mardi. « La vente des données, par nature, n’est pas autorisée par le Règlement général sur la protection des données (RGPD), en vigueur depuis 2018 » déclare Nicolas Chagny son président. De fait, figure dans le règlement que les sites et applications ne peuvent collecter des donnes des internautes sans un consentement « libre, spécifique, éclairé, univoque et révocable ».

L’inquiétude règne surtout sur les conditions générales Tadata, floues et imparfaites, de par l’absence de cases à cocher et de rappel de mentions légales. L’inquiétude est d’autant plus justifiée que l’équité, la transparence et la sécurité sont les fers de lance promus par l’application.

L’aspect nébuleux de la plateforme est sans doute lié à sa très récente apparition, et une évolution sera sûrement opérée pour pallier l’amateurisme apparent de la sécurité des procédures d’inscription et des finalités techniques liées aux données des utilisateurs, afin que le site devienne irréprochable en accord avec les objectifs visés.

Se pose donc au centre du débat la patrimonialité des données, peut-on vendre ses données selon son bon vouloir ? Faut-il s’adapter à la société évolutive d’aujourd’hui ? Si les fondateurs se défendent en avançant que tout jeune peut se désinscrire à tout moment, une fois les données échangées, elles ne sont plus récupérables puisque vendues. La vente étant un transfert de propriété, la donnée en question n’appartient plus à l’utilisateur, mais bien à la plateforme, en suivant la logique du site.

Deux courants de pensée s’opposent alors : ceux favorables à la vente de données personnelles puisque appartenant aux internautes, et ceux s’y opposant, considérant les données personnelles comme relevant d’un droit fondamental  incessible commercialement.

 

Julie Dorville

Sources :

[1] https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/tadata-l-application-qui-veut-seduire-les-15-25-ans-en-vendant-leurs-donnees-20200211

[2] https://www.linformaticien.com/actualites/id/53836/tadata-donnees-perso-contre-argent-bonne-idee-ou-violation-du-rgpd.aspx

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