Internet est la conséquence d’une arme à double tranchant pour les femmes. D’une part, il leur octroie une forme de liberté d’expression et d’opportunités. D’une autre part, c’est un vecteur de menaces auxquelles elles s’exposent suite à leur genre.
L’absence de cadre juridique suffisant pour lutter contre la cyberviolence à caractère sexiste fait qu’il est impossible de déterminer l’impact de celle-ci envers les femmes dans l’Union européenne.
De plus, la crise sanitaire du COVID-19 a entraîné une hausse considérable de la cyber violence à caractère sexiste. Selon l’Institut Européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), 7 femmes sur 10 ont été victimes de cyberharcèlement.
Dans la plupart des Etats-membres de l’Union européenne, la cyberviolence à caractère sexiste n’est pas qualifiée comme étant un délit. C’est pour cela que les données policières ou judiciaires sur ce domaine sont relativement rares.
Toutefois avant la proposition de résolution sur la cyberviolence à caractère sexiste, il existait des réponses répressives par plusieurs Etats-membres qui n’ont pas hésité à lutter contre des cyberviolence à l’encontre des femmes et des filles. Bien qu’il s’agisse d’une avancée considérable, cela n’est pas suffisant pour prendre en compte le préjudice social et psychologique que représente l’utilisation d’images sexuelles à des fins de harcèlement, de pression et de chantage auprès des femmes.
Des études révèlent que la réponse apportée par la justice pénale aux femmes victimes de cyberviolence est inefficace. Par exemple, sur 1160 affaires de revenge porn (vengeance pornographique) signalées pendant les six mois suivant la qualification pénale de cette infraction au Royaume-Uni, 61% n’ont pas fait l’objet de poursuites à l’encontre des auteurs présumés.
Cette justice pénale inefficace concernant la cyberviolence émane de la distinction erronée entre la cyberviolence à caractère sexiste commise en ligne et celle commise hors ligne. Cela a pour conséquence que la police tend à sous-estimer et à minimiser les effets de la cyberviolence au détriment des victimes. En considérant que ces pratiques seraient plutôt comme des incidents que comme des comportements systématiques.
Le problème est qu’il n’y a pas d’harmonisation de la cyberviolence au sein de l’Union européenne. Bien qu’il s’agisse d’un problème transfrontalier, actuellement il n’existe pas de définition commune pour lutter contre les cyberviolences fondées sur le genre au niveau de l’Union européenne. C’est le témoignage d’une fragmentation du droit dans les Etats-Membres de l’Union européenne. Par exemple, la France et l’Italie ont des lois contre la cyberviolence comme c’est le cas du partage non consenti de photos à caractère sexuel qu’on appelle le « revenge porn ». Tandis que d’autres États n’ayant pas ce type de législation comme la Hongrie ou la Roumanie doivent recourir à d’autres dispositions du code pénal pour sanctionner les agresseurs. C’est pour cela qu’une définition commune en droit pénal des cyberviolences fondées sur le genre est indispensable, dans la perspective d’harmoniser les sanctions comme les peines minimales et maximales contre leurs auteurs et de garantir aux victimes un accès efficace à la justice.
Selon la co-rapporteure Elissavet-Vozemberg-Vriondi « La cyberviolence fondée sur le genre a des conséquences majeures sur les droits fondamentaux et les libertés des personnes, sur leur dignité et leur vie à tous les niveaux. Nous appelons à une législation, sans délai, pour lutter contre la cyberviolence à caractère sexiste qui, en plus d’une définition commune et de mesures visant à protéger et soutenir les victimes, devrait aussi inclure des dispositions pour soutenir l’action des États membres dans le domaine de la prévention. La violence fondée sur le genre, sous toutes ses formes, est un crime pour lequel nous devons faire preuve d’une tolérance zéro. »
C’est pour cela qu’une proposition de résolution contre la cyberviolence sexiste a fait l’objet d’une étude au sein du Parlement européen le lundi 13 décembre 2021. Ce projet d’initiative législative a été présenté par les commissions des droits des femmes et des libertés civiles. L’objet de cette résolution vise à harmoniser les sanctions à l’encontre des cyber harceleurs. Les députés ont adopté suite à un débat en session plénière, un projet de rapport d’initiative législative afin de lutter contre la cyberviolence à caractère sexiste. Le parlement s’est montré favorable à ce projet suite à un vote avec 513 voix pour, 122 voix contre et 58 abstentions.
Le Parlement européen dissuade la Commission européenne de criminaliser la cyberviolence à caractère sexiste, en plus de demander au Conseil européen d’élargir la liste des infractions pénales de l’Union Européenne. Si cela est établi, la cyberviolence à caractère sexiste sera officiellement reconnue comme étant un crime particulièrement grave ayant une dimension transfrontalière.
La nouveauté de ce rapport d’initiative législative, c’est qu’il devrait inclure une liste non-exhaustive de mesures qui n’apparaissaient pas jusqu’à présent. Parmi ces mesures, il y’a le cyber harcèlement, les violations de la vie privée, la cyberprédation, l’enregistrement et le partage d’images d’agressions sexuelles, le contrôle ou la surveillance à distance, les menaces et les appels à la violence, les discours de haine sexistes, l’incitation à l’automutilation, l’accès illégal à des messages ou à des comptes de médias sociaux, la violation des interdictions de communication imposées par une mesure juridique et la traite d’êtres humains.
La co-rapporteure Sylwia Spurek a déclaré : « Ce rapport envoie un message fort à la Commission, en mettant l’accent une nouvelle fois sur notre demande d’action spécifique pour lutter contre la cyberviolence à caractère sexiste. Les mesures législatives que nous recommandons devraient inclure une directive globale sur la lutte contre la violence fondée sur le genre sous toutes ses formes. Il s’agit de la loi, des droits humains, de la démocratie: nous devons garantir que chaque femme est à l’abri de la violence. »
D’un point de vue national en France, la cyberviolence est réprimée à l’article 222-33-2-2 du Code Pénal. Il s’agit d’un délit qui peut être sanctionné par une peine d’amendes allant jusqu’à 30 000 euros voire 2 ans de prison. De plus, si la victime a moins de 15 ans, les sanctions peuvent aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
De plus, la France a adopté en 2016 la “loi pour une République numérique” sanctionnant d’une peine de deux ans de prison ou 60 000 euros d’amende les personnes jugées coupables de revenge porn.
Bien que la France soit l’un des rares pays à légiférer sur le cyberharcélèment, la résolution européenne aurait pour but de l’enrichir. En effet, si la directive prévoit des infractions qui sont absentes dans le droit français, elle ne pourra que l’enrichir.
C’est le cas de l’obligation de récolter des données, bien qu’elle soit présente dans la Convention d’Istanbul dont la France est membre. Cette obligation ne concerne que les violences faites aux femmes et pas les cyberviolences à caractère sexiste.
Cela fait allusion aux comptes Ficha qui se sont massivement développés sur le réseau social snapchat depuis le premier confinement. Ficha signifie “se taper l’affiche” en verlan et consiste à divulguer des photos et des vidéos sexuelles de femmes et jeunes filles. Ces comptes ont été destructeurs à l’encontre des femmes car des images ont été partagées sans leur consentement et certaines ont mis fin à leur jour. C’est pour cela qu’endiguer au mieux ce phénomène, permettrait d’éviter ce genre de répercussions et tendrait vers une grande sensibilisation du cyberharcèlement.
Il faudra attendre mars 2022, date à laquelle la Commission européenne a indiqué proposer une législation permettant de lutter efficacement contre la violence à l’égard des femmes que ce soit en ligne ou hors, en incluant la cyberviolence à caractère sexiste. Cela permettra de réanimer l’espoir des victimes afin d’obtenir gain de cause et que justice soit faite à l’encontre des agresseurs en ligne.
Cédric Neldé KOSSADOUM
Sources:
https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/stop-cyberviolence-against-women-and-girls (source image 1)
https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2021/662621/EPRS_STU(2021)662621_EN.pdf
https://onlineviolencewomen.eiu.com/ : Image 2
http://www.bbc.com/news/uk-37278264