BREVES DU 6 AU 12 AVRIL 2020

Bonjour à tous, voici un résumé de l’actualité de cette semaine, bonne lecture !

 

Outre-Atlantique : LeBron James, triple champion de NBA, accusé de contrefaçon :

 

De nombreuses célébrités sont assignées en justice pour l’utilisation de photographies qui les représentent. Après Gigi Hadid, Jennifer Lopez ou Ariana Grande, c’est désormais le célèbre joueur de NBA Lebron James qui fait l’objet d’une plainte de ce genre. Il convient alors de s’intéresser à cette affaire.

Les faits remontent à décembre 2019 : lors d’un match de basket dans lequel les Lakers de Los Angeles affrontaient l’équipe du Heat de Miami, les Lakers se sont imposés (113-110). Au lendemain de cette rencontre, LeBron James (joueur chez les Lakers) a publié une photographie le montrant en train de « dunker » sur Instagram et Facebook pour célébrer cette victoire.

La photo prise par Steven Mitchell

Problème : le joueur de NBA n’a pas demandé l’autorisation du photographe, Steven Mitchell, avant de publier son cliché.

En raison de cette absence d’autorisation de l’auteur, le 17 mars dernier, une plainte auprès du tribunal de district américain pour le district sud de New-York a été déposée par le procureur Richard Liebowitz au nom du photographe. La plainte a ensuite été envoyé au basketteur mais également aux deux sociétés LRMR Vanutres et Uninterrupted Digital Venture, qui sont supposément responsables des réseaux sociaux de la star de NBA.

Le photographe accuse les défendeurs d’avoir violé l’article 501 de la loi fédérale sur le droit d’auteur. Plus précisément, il leur reproche la reproduction et l’affichage public de sa photographie, pourtant soumise à copyright. En réparation de ce préjudice, il réclame alors 150 000 dollars de dommages-intérêts pour les bénéfices, revenus, recettes et autres avantages tirés par LeBron James et ses codéfendeurs en exploitant sa photographie.

Pourtant, la photographie représentait LeBron James. Ne pouvait-il pas publier des photographies de lui, même s’il n’en était pas l’auteur ? Juridiquement, même s’il est le sujet principal de la photographie, il n’en est pas le propriétaire. Le propriétaire est le photographe, qui possède des droits d’auteur sur ses œuvres, et sur cette œuvre en l’espèce. En conséquence, Mitchell a le droit de contrôler la reproduction de ses photographies. En exploitant sans autorisation les clichés du photographe, LeBron James et ses codéfendeurs pourront donc certainement être condamnés pour contrefaçon.

Toutefois, cela soulève des interrogations. Ceux qui suivent le « King » sur les réseaux sociaux savent que ce genre de publication n’est pas une nouveauté. En effet, LeBron James a pour habitude de publier des photos de lui en plein action et ce, sans créditer le cliché du nom de son auteur. Or, jusqu’à ce jour, cela ne lui a jamais porté préjudice. Alors pourquoi le basketteur n’avait-il jamais été poursuivi auparavant ? Qu’est-ce qui diffère dans ce cas précis ?

D’abord, l’absence de litige se justifiait par le choix des photographes lésé de ne pas exercer d’action en contrefaçon. Mais surtout, concernant Lebron James, l’absence de litige pouvait aussi se justifier par les contrats de licence conclus entre les franchises NBA et les photographes. A la suite de ces contrats qui permettent la libre-exploitation des œuvres prévues, c’est ensuite les franchise qui donnent elles-mêmes à leurs joueurs une série de photographies qu’ils peuvent télécharger sur les réseaux sociaux. Ce faisant, il n’est pas nécessaire pour chaque joueur de demander expressément l’autorisation au photographe. Néanmoins, en l’espèce, la photographie litigieuse ne faisait pas partie de la série donnée, donc une autorisation expresse de S. Mitchell était requise. Or, il y a eu absence de consentement préalable.

Pour autant, Lebron James ne sera pas automatiquement reconnu coupable. En effet, il pourrait invoquer l’« usage loyal » (fair use), qui peut être établi quand l’utilisation d’une œuvre protégée par le droit d’auteur américain est destinée à des reportages d’actualités, à l’enseignement, à la critique ou à d’autres fins limitées. Ici, LeBron James pourrait donc se défendre en avançant que l’image postée donnait l’information aux fans de NBA que le « King » avait dunké contre le Heat.

En conséquence, si aucun accord amiable ne se fait et que le procès se poursuit, bien que l’action en contrefaçon exercée par le photographe ait de fortes chances d’aboutir, il conviendra de patienter pour connaître les éventuels moyens de défense soulevés par la star de NBA pour déterminer l’issue de l’affaire.

 

Sources :

https://www.breakingnews.fr/sport/nba/la-star-des-lakers-lebron-james-nommee-dans-le-proces-pour-droit-dauteur-dun-photographe-383064.html

https://www.parlons-basket.com/2020/03/25/nba-lebron-james-de-nouveau-attaque-en-justice/

 

L’alliance entre Google et Apple pour le lancement d’une app de tracking en remède à la pandémie :

 

Un rare partenariat entre deux concurrents du marché numérique est en progression. L’objet de cette alliance est une application permettant d’alerter l’utilisateur, ayant émis un consentement préalable, lorsqu’il a été en contact avec une personne déclarée contaminée. iOS et Android sont les systèmes d’exploitation les plus utilisés au monde, et rendrait possible la participation de 3 milliards d’individus.

L’application fonctionnerait de la façon suivante : un message d’alerte serait généré aux personnes détentrices de smartphones tournant sur l’un des système d’exploitation ; La technologie de l’application sera fondée sur le « contact tracing » (l’identification, anonyme ou non, des individus contaminés par le virus), et mobilisera le Bluetooth pour repérer d’autres utilisateurs de l’application dans l’espace physique. L’historique d’une personne infectée par le virus sera employé afin d’alerter les personnes avec qui elle a pu entrer en contact.

Sources : Google/Apple

Tout comme l’application « StopCovid », l’objectif de cette initiative est de ralentir la propagation. Néanmoins, le succès d’une telle application est lié à l’usage qu’en ferait les utilisateurs, ce qui laisse libre l’appréciation des données d’exposition au virus.

Ces derniers assurent que le système utilisé sera en conformité avec la vie privée, mais l’échange de  données sensibles inquiètent les futurs utilisateurs. Le consentement est obligatoire au partage des informations ; la localisation ne fera pas l’objet d’une collecte ; et enfin, le lieu où la contamination aurait pu avoir lieu et l’identité des personnes porteuses du virus ne seraient pas transmis par l’application. Apple et Google évoquent la possibilité de bloquer le système en cas d’urgence liée au non-respect de la vie privée des utilisateurs, et affirment ne pas avoir accès aux informations échangées.

La sortie de l’application est prévue pour la mi-mai. Les informations sensibles seraient transmises par l’intermédiaire d’applications officielles d’autorités sanitaires téléchargeables sur les deux systèmes d’exploitation.

Des initiatives similaires ont permis la mise en œuvre d’un tracking, en Russie, en Corée du Sud, et la France envisage l’élaboration d’une application pour ralentir la progression de la pandémie. Cependant, une mise en balance entre l’intérêt général et le respect de la vie privée est à assurer.

 

Source :

Coronavirus : Apple et Google s’allient pour lancer un traçage mondial de la contamination, Leïla Marchand, Les Échos, 10 avril 2020

 

 

Droit d’auteur : Google sommé de négocier avec les médias pour la reprise d’extraits de contenus :

 

Le 9 avril dernier, l’autorité de la concurrence a explicitement demandé à Google de négocier avec les éditeurs et les agences de presse la rémunération pour la reprise de leurs contenus protégés, sous un délai de trois mois. En effet, cela fait un moment que les grands éditeurs tentent, en vain, de faire appliquer leur droit voisin. Ce dernier, institué par la directive européenne de 2019, leur permet d’exiger un paiement de la part des plateformes en ligne en échange de la reprise de leurs extraits.

En l’espèce, Google refusait strictement de verser une quelconque redevance financière pour la reprise des contenus ; allant même jusqu’à menacer les éditeurs de reprendre uniquement des simples liens avec titres excluant toute citation et photos.

Pour faire face, une alliance regroupant de nombreuses entreprises et médias avaient déposé une plainte pour abus de position dominante.

L’autorité de la concurrence a fait droit à leur demande en estimant que « les pratiques de Google à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi sur les droits voisins étaient susceptibles de constituer un abus de position dominante, et portaient une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse », en précisant que « la négociation devra couvrir de façon rétroactive les droits dus à compter de l’entrée en vigueur de la loi ».

En réaction, Google affirme qu’il se conformera à la décision et a d’ores et déjà commencé à proposer une rémunération à de grands médias pour l’utilisation de leurs contenus en précisant que les articles en questions seront regroupés dans un onglet à part. Néanmoins, l’entreprise américaine a émis de soutenir davantage les médias mais pas au profit du droit voisin. L’idée arguée par l’entreprise est que le résultat des recherches proposées par son moteur de recherche ne doit pas être basé sur la « pertinence » ni « influencé par les accords commerciaux ». Cette prise de position met en lumière le refus de Google de rémunérer les éditeurs des liens référencés.

Les demandeurs voient là un accaparement abusif des ressources publicitaires par Google, et soulignent leur position de faiblesse.

Selon l’autorité de la concurrence, Google se serait potentiellement rendu coupable « d’imposition de conditions de transaction inéquitables et de contournement de la loi ».

 

Source :

 Alexandre Piquard, https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/09/droit-d-auteur-l-autorite-de-la-concurrence-donne-raison-aux-medias-contre-google_6036097_3234.html

 

 

La location de véhicules automobiles équipés de postes de radio constitue-t-elle une « communication au public » entrainant le paiement des redevances de droit d’auteur ?

 

La réponse à cette question a été donnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans sa décision en date du 2 avril 2020.

En l’espèce, deux sociétés de gestion collective suédoises ont formé un pourvoi en cassation afin d’obtenir le paiement de redevances par des sociétés suédoises proposant, à des particuliers, la location de courte durée de véhicules automobiles équipés de postes de radio. En effet, selon elles, par la mise à disposition de véhicules équipés d’un autoradio à des tiers, les sociétés de location permettaient la mise à disposition au public d’œuvres musicales, sans autorisation préalable, conduisant ainsi à une violation des droits d’auteur et donc à l’obligation de payer des redevances.

Face à ces litiges, la Cour suprême de Suède sursoit à statuer et donc pose la question préjudicielle suivante à la CJUE : La location de véhicules équipés de postes de radio a-t-elle pour effet que le loueur desdits véhicules est un utilisateur procédant à une « communication au public », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115 ?

Il faut rappeler que la communication au public, notion autonome de droit de l’Union européenne, associe deux éléments cumulatifs, appréciés individuellement : un acte de communication d’une œuvre ou d’un objet protégé et une communication de ceux-ci à un public.

Constatant l’absence d’un acte de communication, la CJUE n’a pas vérifié la deuxième condition, soit la présence d’une communication à  un public.

Un acte de communication est défini comme un acte réalisé par un utilisateur qui, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, va donner à un public ciblé accès à une œuvre protégée. Donc, sur le fondement du considérant 27 de la directive 2001/29 disposant que « la simple fourniture d’installations destinées à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas en soi une communication au sens de cette directive », la CJUE affirme que la fourniture d’un poste de radio intégré à un véhicule automobile de location à la disposition du public, qui permet de capter, sans aucune intervention additionnelle de la part de la société de location, la radiodiffusion terrestre accessible dans la zone où le véhicule se trouve, n’est pas un « acte de communication » au public d’œuvres protégées.

Donc les sociétés de location de véhicules, qui mettent à disposition du public de véhicules automobiles équipés de postes de radio, ne réalisent pas un « acte de communication » au public d’œuvre protégés. Par conséquent, aucune redevance ne sera due aux sociétés de gestion collective.

Cette décision constitue une perte pour les artistes-interprètes et les producteurs de musique, qui ne percevront pas leur « rémunération équitable » normalement due et collectée par les sociétés de gestion collective lorsque la musique est utilisée pour une radiodiffusion ou est communiquée au public comme le prévoit la directive 2006/115.

 

Source :

https://cdn2.nextinpact.com/medias/arret-c-753-18.pdf

 

 

Un grand merci à Jade Nozet, Camille Alary, ainsi qu’aux membres du collectif Mounia Berranen et Sarah Second pour leur contribution !

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