Bonjour, voici un résumé de l’actualité que vous avez pu rater cette semaine, bonne lecture !
Dépôt d’une marque partiellement transparente par BMW : résultat de l’absence de représentation permise par le paquet-marques ?
BMW est une marque notoirement connue pour les voitures et motos sortant de ses usines bavaroises. Souvent synonyme de sportivité et de luxe, la marque aux hélices est toutefois contrainte par les normes environnementales et le besoin majeur de notre ère de réduire nos émissions de gazs à effet de serre et de délaisser le sans-plomb 98 au profit de l’électrique pour animer ses voitures.
Pour faire face aux nouveaux enjeux auxquels le constructeur devra se conformer, celui-ci a estimé bon le 10 février 2020 de changer le logo qui a fait sa renommée. En effet, le contour noir encerclant les hélices blanches et bleues (dont les couleurs renvoient historiquement au drapeau du Land de Bavière) sont désormais remplacées par un cercle transparent toujours orné des lettres « BMW » de couleur blanche.
Ce changement a été permis par la suppression de l’exigence de représentation graphique de la marque. En effet, la grande nouveauté, introduite par l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, est que le signe faisant office de marque n’ait plus à être représenté graphiquement. Mais, ledit signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques. Et cela afin de permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conféré à son titulaire.
De plus, 7 critères qui ont été posés dans l’arrêt Sieckmann rendu en 2002 par la Cour de justice des communautés européennes. Le signe doit être représenté d’une manière claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable, et objective. Il y a une ouverture par la suppression du critère de représentation graphique, mais celle-ci n’est pas totale.
De ce nouveau moyen de droit, BMW a fait le choix d’enregistrer une marque qui justement ne semble pas pouvoir être représentée avec précision que ce soit sur papier ou numériquement. A premières vues, relater un élément transparent sur une photographie ou un fichier multimédia implique que les couleurs perceptibles à travers la transparence figurent sur ledit fichier. Ainsi, BMW a fait le choix de représenter la transparence par un gris tout en indiquant en description que la partie circulaire englobant les hélices était composée de « verreries transformées ». Ce qui semble avoir fait foi pour l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) qui n’a pas émis d’objections au dépôt de cette marque par le constructeur automobile.
Sources :
Article L.711-1 du code de la propriété intellectuelle
BMW’s Instagram account : https://www.instagram.com/p/B9Q143vAad7/
CJCE 12 décembre 2002 Sieckmann aff. C-273/00
INPI – Base de données (marques) : https://bases-marques.inpi.fr/Typo3_INPI_Marques/marques_fiche_resultats.html?index=1&refId=18193816_202008_ctmark&y=0
Ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019
Propriété industrielle : La Cour des comptes veut une « obligation de vigilance » des hébergeurs :
Dans un rapport pour lutter contre la contrefaçon en matière de propriété industrielle, la Cour des comptes appelle aux réformes.
A ce titre, elle critique le statut des hébergeurs qui prend sa source dans la directive de 2000 sur le commerce électronique. En effet, ce dernier n’engage la responsabilité d’un intermédiaire qui stocke des informations à la demande des internautes, que si averti, il prend la décision de laisser en place les données mises à l’index. De ce fait, la Cour des comptes estime que « la révision de la directive commerce électronique apparaît donc indispensable et constitue une opportunité pour renforcer les obligations juridiques des plateformes dans la lutte contre les contrefaçons ».
Actuellement, aucune obligation légale « de veiller à prévenir la diffusion de contenus illicites, et notamment contrefaisants » n’est prévue. Ainsi, les intermédiaires ne bénéficient d’aucune mesure pour lutter contre les éventuelles contrefaçons mises en ligne. Pour remédier à cela, deux possibilités ont été soulevées. En premier lieu, il s’agit de la soft law. Cependant, cette piste de réflexion, s’appuyant sur des chartes et des accords entre les acteurs, n’est pas suffisamment satisfaisante puisque « le bilan de ces protocoles est qu’ils ne freinent pas la contrefaçon ». En second lieu, il s’agit de se tourner vers le droit « dur ». Il semblerait que la piste législative séduise davantage la Cour des comptes.
Source : Marc Rees, publié le 5 mars 2020, m.nextinpact.com
Une machine peut-elle être un « inventeur » ?
Dans deux demandes EP 18 275 163 et EP 18 275 174, déposées par un particulier à l’automne 2018, une machine appelée “DABUS”, décrite comme “un type d’intelligence artificielle connexionniste”, était désignée comme inventeur. Le demandeur avait déclaré avoir acquis le droit au brevet européen en sa qualité d’ayant cause de l’inventeur, faisant valoir qu’en tant que propriétaire de la machine, tout droit de propriété intellectuelle créé par celle-ci lui revenait.
Cependant, les demandes avaient été rejetées par l’OEB au motif qu’elles ne remplissaient pas l’exigence juridique, établie par la Convention sur le brevet européen (CBE), selon laquelle un inventeur désigné dans une demande doit être un être humain et non une machine.
Dans sa décision, l’OEB a précisé que l’inventeur désigné dans un brevet européen doit être une personne physique. En outre, le terme “inventeur”, faisant référence à une personne physique, semble être une norme applicable au niveau international.
De plus, la désignation d’un inventeur est obligatoire car elle produit plusieurs effets juridiques. En effet, l’inventeur bénéficie des droits associés à cette qualité mais pour exercer ces droits, il doit avoir une personnalité juridique, ce qui n’est pas le cas des machines ou systèmes dotés d’intelligence artificielle.
Enfin, le fait de donner un nom à une machine ne suffit pas pour satisfaire aux exigences de la CBE mentionnées ci-dessus.
Source : https://www.droit-technologie.org/actualites/une-machine-peut-elle-etre-un-inventeur/
La demande de suspension d’urgence de la 5G rejetée :
Le Conseil d’État a annoncé le 5 mars le rejet de la demande de suspension formulée par deux associations ( Priartem et Agir ) contre un arrêté. L’arrêté en question, publié le 31 décembre dernier sonnait le coup d’envoi pour l’attribution des fréquences qui serviront à la 5G.
Avant tout, qu’est-ce que la 5G et quels sont les enjeux ?
La 5G c’est 10 GB/secondes, ce qui en fait la prochaine technologie d’ultra haut débit mobile et, selon l’ARCEP, la cinquième génération de communications mobiles (5G) se présente comme la génération de rupture, qui devrait représenter un bond technologique ouvrant la porte à une variété de nouveaux usages numériques, aussi bien pour le grand public (démocratisation du streaming vidéo 3D, etc.) que pour les entreprises (développement d’applications de rupture dans tous les secteurs industriels). Il s’agit d’un enjeu stratégique pour l’industrie française, la compétitivité de notre économie, la rénovation des services publics.
Alors pourquoi s’y opposer ? Les deux associations susmentionnées se posent des questions en matière de santé, environnement et libertés publiques en raison d’une mauvaise connaissance sur les ondes utilisées. C’est donc à l’appui du principe de précaution, inscrit dans la Charte de l’environnement de 2004 que les opposants à une arrivée précipité de la 5G sur le marché souhaitent freiner ce projet en route pour l’été 2020.
Dans cette demande formulée devant le Conseil d’État ce n’est pas le bien-fondé qui est rejeté mais son caractère urgent car selon elle cet arrêté ne permet pas l’utilisation de la 5G mais seulement l’attribution des fréquences qui permettront de l’utiliser.
Enfin, il est aussi bon de rappeler que la France n’est pas le seul pays à se questionner sur ces enjeux publics, la Suisse notamment connait une forte opposition de la population. De surcroit, les antennes aussi posent des questions en matière de sécurité des données car actuellement le seul fabriquant pouvant répondre à la demande européenne n’est autre que Huawei qui est au cœur de polémiques autour du rapatriement des données vers la Chine.
Sources :
La cour de cassation reconnait (encore une fois) l’existence d’un contrat de travail entre un chauffeur et la plateforme Uber :
Dans un arrêt du 4 mars 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation a mis en évidence le statut de salarié d’un chauffeur VTC envers sa plateforme, en l’espèce la plateforme Uber.
Elle confirme de ce fait le raisonnement de l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 10 janvier 2019, qui considère que le statut indépendant des chauffeurs de la plateforme est fictif. En effet, les chauffeurs intègrent un service de prestation de transport créé et n’existant que par le biais de la plateforme ; ils ne possèdent donc pas de clientèle propre, se voient imposer des itinéraires particuliers, et ne connaissent pas la destination finale des courses imposées, ce qui les empêchent de choisir librement si la course leur convient ou non.
De plus, la cour de cassation reconnait que la faculté possédée par la société Uber de déconnecter temporairement le chauffeur de son application en cas de refus de courses, ainsi que la potentielle perte d’accès au compte de ce dernier (comme ce fut le cas en espèce) en cas de signalement de comportements problématiques ou de dépassement d’un taux d’annulation de commandes, témoignent de l’existence d’un lien de subordination, caractérisé par « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui à le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».
Cette décision fait écho à un autre arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, datant du 28 novembre 2018, qui applique le même raisonnement aux coursiers de la désormais fermée plateforme « Take Eat Easy », et confirme la position de la Cour de Cassation quant à « l’Uberisation » des conditions de travail d’une partie de la population, permis en grande partie par la flexibilité rendue possible par le numérique et les applications en ligne.
Mais elle s’inscrit aussi dans un mouvement global de responsabilisation des plateformes numériques envers leurs « employés ». Le 23 janvier dernier, le Tribunal Supérieur de Justice de Madrid a requalifié en salarié un certain nombre de livreurs Deliveroo ; Le lendemain, c’est la Cour de Cassation Italienne qui fait de même avec les livreurs Foodora ; Outre-Atlantique, la justice californienne a refusé le recours de Uber contre la loi « AB5 », qui oblige les plateformes à faire de leurs chauffeurs VTC des salariés, alors que le New Jersey a, en novembre 2019, débuté une action en justice contre l’entreprise pour le même motif.
L’entreprise étant déjà en difficultés financières (ayant enregistré des pertes de 8,5 Milliards de dollars en 2019), ce pourrait bien être la fin de l’entreprise et de son modèle économique tel qu’on le connait.
Sources :
[1] Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt n°374 du 4 Mars 2020 (19-13.316)
[2] Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt n°1737 du 28 Novembre 2018 (17-20.079)
[3] Cour d’Appel de Paris, pôle 6 – chambre 2, arrêt du 10 Janvier 2019
[5] Martine Orange, 4 Mars 2020, « Uber : derrière la com’, un modèle économique non-viable », Mediapart
[6] Aude Chardenon, 31 décembre 2019, « En Californie, Uber perd son recours contre la loi qui requalifie les entrepreneurs indépendants », l’Usine Digitale
[7] Nicolas Rauline, 15 Novembre 2019, « Uber de nouveau prié de requalifier ses chauffeurs en salariés », Les Echos
[8] Manuel v. Gomez, 23 Janvier 2020, « Macrojuicio contra Deliveroo: el Tribunal Superior de Madrid falla que los ‘riders’ son falsos autónomos », El Pais
[9] Frederica Cravero, 24 Janvier 2020, « La Cassazione boccia Foodora, vittoria piena dei rider: « Sono lavoratori subordinati » », La Repubblica
Merci à Naji Abboud, Sarah Second, Haykuhi Gzirants, Maxime Andrieu et Antoine Rodier, suivant l’ordre des brèves.
Le Collectif