Bonsoir,
Comme chaque dimanche, les brèves de la semaine par le Collectif sont disponibles. N’hésitez pas à les lire et à nous faire part d’une petit retour.
Le Collectif vous souhaite une très bonne lecture ainsi qu’une excellente semaine.
Un ancien candidat à l’élection présidentielle accusé de fichage illégal à l’encontre de la communauté juive
Ce n’est guère la première fois qu’Eric Zemmour, ancien candidat à l’élection présidentielle de 2022, fait l’objet de polémiques. L’ancien candidat à une approche électrique du droit de l’immatériel. Après s’être aventuré dans le droit de la propriété intellectuelle, c’est désormais au tour du droit du numérique d’être sa cible. Cette fois-ci, il ne s’agit pas de contrefaçons de droits d’auteur, mais de divulgation de données personnelles émanant de personnes issues de la communauté juive.
Comme vous le savez, le verdict du premier tour des élections présidentielles est tombé dimanche 10 avril à 20 heures. Il s’avère qu’avant le verdict, afin de comptabiliser le maximum de voix à son encontre, de nombreux Français de confession juive, ont reçu le même message qui serait signé par l’ancien candidat à l’élection présidentielle. Par conséquent, le message redirigé vers le site de campagne de l’ancien candidat, affichant un long texte intitulé « Message d’Eric Zemmour aux Français de confession juive ». Dans ce texte, l’ancien candidat fait écho à « l’expansion de l’islam », le terrorisme, la profanation de nombreuses tombes juives, etc.
L’équipe d’Eric Zemmour avoue avoir eu recours à un « Data Broker ». Connu sous le nom de courtier en données, cela permet de collecter différentes données personnelles et les regrouper afin de les revendre à différents acteurs souhaitant cibler une certaine catégorie de personnes. A l’occurrence en l’espèce, il s’agissait d’envoyer des messages à une certaine catégorie d’électeurs à l’aune de la campagne électorale. Les personnes ciblés étaient des Français intéressés par la question de l’antisémitisme, c’est ce qu’argue l’équipe de l’ancien candidat. En outre, elle revendique que le courtier avait rassemblé une liste de personne ayant un intérêt pour « Le sujet de l’antisémitisme en France et en Europe ». Ces données personnelles émanent de sites, blogs et forums. Nonobstant, il s’agit de données particulièrement sensibles, ce qui est entièrement prohibé par la loi. Par conséquent, la divulgation de données relevant de la religion est prohibée. À savoir que quelques exceptions sont prévues à la loi, notamment si l’individu a donné son accord explicite pour que les données sensibles soient utilisées. C’est ce qu’argue l’équipe de l’ancien candidat, revendiquant que les personnes ciblées ont données leur consentement à ce que leur données soit utilisés à des fins politiques.
Toutefois, cet argument reste très ambigu. Cela ne coïncide pas avec l’action en justice intentée les associations UEJF (Union des étudiants juifs de France) et j’Accuse, qui ont porté plainte auprès du parquet de Paris pour fichage illégal. Bien que la plainte soit déposée contre X, cela n’exempte pas Eric Zemmour d’être directement visé.
Selon les avocats des deux associations, « Un candidat à l’élection présidentielle a osé constituer ou se procurer de manière frauduleuse un fichier clandestin de dizaines de milliers juifs (ou réputés tels) avec leur numéro de téléphone, constituant la plus massive exploitation de listes nominatives de juifs depuis la rafle du Vel’ d’hiv »
Quoi qu’il en soit, cette trêve électorale ayant joué en sa défaveur, il n’aurait plus aucun intérêt à faire ce genre de pratique. Il ne reste plus qu’au juge de se prononcer à l’issue de cette affaire.
Cédric Neldé KOSSADOUM
Sources :
Proposition de règlement par la Commission européenne : un premier pas vers une protection européenne des produits industriels et artisanaux ?
Comme l’évoquait Léo dans sa brève « Proposition de révision adoptée par la Commission européenne : du mouvement dans le régime des IG » de la semaine dernière, la Commission européenne souhaite réviser le système de protection des indications géographiques (IG). C’est dans cette optique qu’elle a soumis, mercredi 13 avril dernier, une proposition de règlement visant à protéger des centaines de produits manufacturés liés aux terroirs des pays membres.
La France est très favorable à cette extension de la protection à l’international. Actuellement, les produits industriels et artisanaux ne sont pas protégés au niveau européen. Ainsi, 13 filières françaises bénéficient d’une protection par le droit national de leurs produits industriels et artisanaux, mais ne peuvent se prévaloir d’une protection par le droit européen.
Cette évolution de la protection apparaît comme incontournable. Selon Margrethe Vestager, la Vice-présidente exécutive pour une Europe adaptée à l’ère du numérique, « de nombreuses régions européennes ont un potentiel d’emploi et de croissance inexploité. Notamment dans le secteur de l’artisanat et de l’industrie, un grand nombre de PME ont développé et affiné des compétences manufacturières au fil des générations, mais elles manquent d’incitations et de ressources pour les déployer, en particulier par-delà les frontières. La protection accordée par les indications géographiques aux produits artisanaux et industriels encouragera tant les régions que les producteurs à renforcer leur position dans la concurrence continentale et mondiale ».
Thierry Breton, commissaire chargé du marché intérieur, a ajouté que « l’Europe a un héritage exceptionnel de produits artisanaux et industriels de renommée mondiale. Il est temps que les producteurs de ce secteur bénéficient d’un nouveau droit de propriété intellectuelle, tel qu’il existe pour les producteurs de denrées alimentaires et de vin, qui permettra d’accroître la confiance dans leurs produits et d’en améliorer la visibilité en garantissant l’authenticité et la réputation. L’initiative présentée aujourd’hui contribuera à la création d’emplois qualifiés, en particulier dans les PME, et au développement du tourisme également dans les zones plus rurales ou économiquement faibles ».
Ainsi, la Commission propose d’établir une protection des IG des produits artisanaux et industriels à l’échelle européenne, de mettre en place un enregistrement simple et peu coûteux des IG des produits artisanaux et industriels grâce à une procédure en deux étapes, de garantir une pleine compatibilité avec la protection internationale des IG en permettant une protection dans l’ensemble des pays signataires de l’Acte de Genève, ainsi que de soutenir le développement des régions d’Europe en incitant les producteurs à investir dans de nouveaux produits.
La Commission, en proposant ce tout premier cadre de protection des produits industriels et artisanaux, vient s’inspirer du modèle et du succès des indications géographiques dont bénéficient déjà les produits alimentaires, les vins et les spiritueux au niveau européen. Cette démarche s’inscrit dans la continuité du plan d’action en faveur de la propriété intellectuelle adopté en novembre 2020, dans lequel la Commission a annoncé qu’elle examinerait la faisabilité d’un système de protection des IG relatives aux produits artisanaux et industriels au niveau de l’UE.
Gages de qualité, les IG donneraient ainsi la possibilité aux producteurs de voir protéger liés à leur région et à leur savoir-faire traditionnel en Europe et au-delà de ses frontières.
Loriane LAVILLE
Sources :
Accès public aux métadonnées : précision des modalités d’application de l’article 15§1 de la directive « e-privacy » par la CJUE
La directive « e-privacy » du 12 juillet 2002 autorise l’accès par les autorités publiques aux métadonnées des fournisseurs d’accès relatives au trafic et à la géolocalisation des personnes et leur conservation. Elle impose cependant l’exigence que ces actions « constitue(nt) une mesure nécessaire, appropriée et proportionnée, au sein d’une société démocratique, pour sauvegarder la sécurité nationale — c’est-à-dire la sûreté de l’État — la défense et la sécurité publique, ou assurer la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales ou d’utilisations non autorisées du système de communications électroniques »
Cet article a été l’objet d’un contentieux vif entre les fournisseurs d’accès et des associations dédiées à la sécurité des données d’une part et les autorités étatiques d’autre part comme en témoignent les décisions de la CJUE tele 2 Sverige du 21 décembre 2016 et Quadrature du net du 6 octobre 2020 qui sont venues préciser les modalités d’évaluation du caractère nécessaire, approprié et proportionné des mesures.
Ainsi, notamment, une conservation généralisée et indifférenciée de ces métadonnées n’est autorisée à des fins de sécurité nationale que si elle vise à prévenir une menace grave, réelle, actuelle et prévisible et si elle est limitée dans le temps et qu’elle présente un certain nombre de garanties. La cour avait ainsi prévu des indices pour procéder à l’évaluation tels que les objectifs poursuivis, les données conservées, les modalités de conservation, …
Le 5 avril 2022, la Cour de justice de l’Union européenne est encore venue préciser ces conditions de la légalité de l’accès et de la conservation. Cet arrêt résulte d’une question préjudicielle posée par le Cour suprême irlandaise relative à l’évaluation des conditions de conservation des données, à l’ampleur de l’accès et aux garanties mises en place.
La cour a ainsi dégagé des cas particuliers pour lesquels l’accès et la conservation des données étaient autorisés dans des conditions bien spécifiques. Par exemple, est autorisé « une conservation ciblée des données relatives au trafic et des données de localisation qui soit délimitée, sur la base d’éléments objectifs et non discriminatoires, en fonction de catégories de personnes concernées ou au moyen d’un critère géographique, pour une période temporellement limitée au strict nécessaire, mais renouvelable ».
Ces décisions, qui chacune viennent restreindre la marge d’action des états quant à leur comportement relatif aux données à caractère personnel récoltées à partir de source privée apparaissent comme limitant les espoirs de mise en place d’un accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis pour le transfert des données à caractère personnel. En effet, un renforcement de la sécurité de ces données par rapport à l’accès public fait écho à la possibilité pour l’état américain de consulter toutes les données stockées sur son territoire avec des modalités relativement laxistes et à la différence de sécurité qui leur sont appliquées.
Jean SOUQUET-BASIEGE
Sources :
https://www.dalloz-actualite.fr/flash/precisions-sur-l-acces-aux-metadonnees-des-fins-de-securite-publique (photo)
CJUE 5 avr. 2022, G. D. c. Commissioner of An Garda Síochána, aff. C-140/20
https://information.tv5monde.com/info/surveillance-numerique-le-cloud-act-americain-rend-legale-la-saisie-administrative-des-donnees
Le refus de la communauté Wikipedia des dons en cryptomonnaies
Le célèbre site encyclopédique Wikipédia a récemment annoncé envisager de ne plus accepter les dons en cryptomonnaies. Le site lancé officiellement début 2001 avait mis en place un système de donations en 2007. En l’espace de quelques années, ce sont environ 500 millions d’euros qui ont été récoltés, au profit de la Wikimédia Foundation, majoritairement grâce aux dons des utilisateurs. Ce système de donation a permis de sauver Wikipedia et ses 2 415 670 d’articles gérés par les 18 612 contributeurs actifs enregistrés, bien que certains dénoncent un trop perçu par rapport aux dépenses réalisées.
L’éventuel abandon de la cryptomonnaie fait suite à une demande d’avis de la communauté postée en janvier 2022 (326 avis) où une très large majorité s’est exprimée contre ces types de dons. Le refus a été voté par 71,17% des participants (232 pour et 94 contre). Aussi, la demande de renoncer à ce mode de paiement a été adressée à la Fondation Wikimédia qui l’étudie attentivement.
– La Fondation Wikimédia a répondu à l’ARS Technica : « Nous sommes conscients que la communauté demande à ce que la Fondation envisage de ne plus accepter les dons en cryptomonnaies. Notre équipe de collecte de fonds est en train d’examiner cette requête et les discussions qui s’y rapportent. Nous vous fournirons de plus amples informations dès qu’elle aura terminé ce processus. »
Les partisans de l’abandon évoquent l’impact environnemental des cryptomonnaies, notamment celle de type « proof of work » (cf. Bitcoin). Ces derniers seraient davantage pour le recours à des cryptomonnaies de type « proof of skate » largement moins énergivores.
Cependant, il est certain que l’abandon des dons en cryptomonaies n’aura pas d’impact concret sur la situation financière de la Fondation Wikimédia. Seulement 130 000 dollars de dons en cryptomonnaies ont été récolté au cours du dernier exercice, ce qui représente une infime somme sur le total récolté (150 millions d’euros).
La Fondation Wikimédia ne serait pas la première à faire marche arrière, puisque la Fondation Mozilla a décidé en début d’année de ne plus recourir à ce mode de donation.
– La Fondation Mozzila avait déclaré : « En janvier, suite aux commentaires du personnel et des supporters, nous avons décidé de suspendre la possibilité de donner de la cryptomonnaie et avons annoncé que nous procéderions à un examen. Nous voulions accroître notre compréhension de l’impact environnemental de la cryptomonnaie et déterminer si et quand Mozilla devrait accepter les dons de cryptomonnaie ».
Pour finalement décider en avril de n’accepter que les dons des cryptomonnaies de type « proof of stake ».
L’affaire reste à suivre, mais il est particulièrement intéressant de voir que l’émergence du Web 3.0, à la différence du Web 2.0, se fait avec une prise de conscience éthique et environnementale.
Anthony THOREL
Sources :
https://siecledigital.fr/2022/04/15/wikipedia-larret-des-dons-en-cryptomonnaies-envisage/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikipédia:Accueil_principal
https://www.presse-citron.net/wikipedia-vers-la-fin-des-dons-en-crypto/