Bonsoir à tous, voici les premières brèves d’actualité du Collectif M1 PIDN 2021/2022. C’est avec grand plaisir que nous reprenons le relais afin de vous informer toutes les semaines sur l’actualité en IP/IT.
Très bonne lecture à tous et bonne fin de semaine.
Intelligence Artificielle : la machine DABUS reçoit le statut d’inventeur en Afrique du sud et Australie
L’intelligence artificielle est appelée à révolutionner la technologie telle que nous la connaissons en étant le moteur de la 4ème révolution industrielle. Les progrès de ces dernières années ont conduit à la création par le Dr Thaler d’une intelligence artificielle du nom de DABUS. Cette connexion de réseaux neuronaux artificielle représente en effet le progrès au sein de l’innovation notamment depuis août 2019 lorsque son inventeur a déposé dans plusieurs pays 2 brevets pour lesquels DABUS était désigné comme inventeur. La possibilité pour une intelligence artificielle d’être titulaire de brevets pourrait avoir des conséquences juridiques d’ampleur notamment dans le domaine de la définition de la personnalité juridique et de l’économie de l’innovation notamment dans le secteur pharmaceutique.
Fin juillet 2021, l’office sud-africain des brevets a reçu ce dépôt, suivi dans les jours suivant le 30 juillet 2021 par la cour fédérale d’Australie qui a donné droit à l’appel par le Dr Thaler du refus du bureau australien des brevets de valider sa demande de brevet. Cependant, le même dépôt a été refusé par différents bureaux des brevets et notamment par l’USPTO (United States patent and trademark office) et par l’OEB (l’office Européen des brevets).
Pour accueillir la demande du Dr Thaler, la cour fédérale australienne analyse sa législation en la matière. Celle-ci demande dans un dépôt de brevets de désigner le nom de l’inventeur et le désigne en tant que « personne ». La cour choisit d’analyser ce terme de manière large sa basant sur l’absence de définition exacte dans sa loi du terme d’inventeur et la possibilité pour celui-ci de désigner plusieurs personnes, ou même une société, argumentant que la signification du mot est large et peut comprendre une intelligence artificielle. L’USPTO statue à l’opposé de cette décision, déterminant que ces statuts font références à l’emprunteur avec des pronoms impliquant la présence d’une personne physique (himself, herself, etc). De plus, elle se base sur une jurisprudence de la cour fédérale d’appel qui avait invalidé un brevet au prétexte qu’un inventeur devait être une personne physique.
En marge de ces décisions qui paraissent avoir un ton plus philosophique, l’OEB a également refusé de reconnaître DABUS comme un inventeur breveté. En effet, la convention européenne des brevets « protège la position de l’inventeur en lui donnant des droits variés ». Ces droits sont de natures morale et patrimoniale et seule une entité possédant la personnalité juridique peut revendiquer ces droits et les transmettre. Cette décision se différencie de celles rendues par l’USPTO et la cour fédérale d’Australie dans la mesure où les droits des brevets de ces deux entités ne reconnaissent pas de droits particuliers à l’inventeur préposé par une entreprise. Ainsi, un revirement de jurisprudence de l’Union Européenne en la matière aurait plus de conséquence juridique que le même revirement des Etats-Unis car celui-ci ne demanderait pas uniquement un changement d’interprétation du terme d’inventeur mais une reconnaissance de la personnalité juridique des intelligences artificielles et donc de droits inhérents à cette personnalité.
Ces décisions ont déjà des conséquences économiques qui permettent de prévoir l’effet que de tels revirements de jurisprudence pourraient avoir. En effet, la possibilité de déposer des brevets sur des innovations faites par des intelligences artificielles permettrait à des entreprises dans des secteurs extrêmement lucratifs tels que l’industrie pharmaceutique de déposer un grand nombre de brevets et d’obtenir des monopoles d’exploitation de manière systématique. De plus, une telle décision servirait à motiver le secteur de la recherche en intelligence artificielle bien qu’entraînant toutefois la conséquence de réduire le rôle de l’humain dans tous les secteurs de recherche où l’intelligence artificielle pourrait créer l’innovation.
Jean SOUQUET-BASIEGE
SOURCES :
Motifs de la décision de l’OEB du 27 janvier 2020 relative à la demande EP 18 275 163
https://www.uspto.gov/sites/default/files/documents/16524350_22apr2020.pdf
FEDERAL COURT OF AUSTRALIA Thaler v Commissioner of Patents [2021] FCA 879
Squid Game : Victime de son succès en Corée du Sud ?
La série Coréenne Squid Game qui est sorti il y’a à peine un mois occupe un succès fulgurant, corroboré par l’annonce de Netflix sur Twitter en énonçant que la série compte le meilleur démarrage de l’histoire car elle a attiré plus de 111 millions de personne à travers les quatre coins du monde en moins de 4 semaines. Ce qui permet de la classer devant de grandes séries mondialement connues comme La Casa de Papel, Lupin, Sex Education. Bien évidemment, ce succès n’est pas exempt de conséquences notamment concernant le trafic internet en Corée du Sud.
SK Broadband connu sous le nom de Hanoro Tlecom est un des plus grands fournisseurs d’accès Internet haut débit en Corée du Sud. Qui dit succès fulgurant dit hausse de l’utilisation d’internet par les utilisateurs Coréen au détriment de la société SK Broadband qui en est victime. C’est pour cela que SK Broadband a récemment ouvert un procès contre Netflix. Son but est que Netflix contribue à cette hausse de coûts suite au succès de la série télévisée Squid Game.
En effet, la société SK Broadband soutient que l’utilisation de son réseau par Netflix a fait l’objet d’un accroissement surprenant, celui-ci a été multiplié par 24 en à peine trois ans. En 2018, le trafic régi par Netflix était de 50 gigabits par seconde contre 1200 de gigabits par seconde en Septembre 2021 soit depuis l’émergence de Squid Game. De surcroît, la plainte qu’elle a déposée auprès de la Haute Cour de Séoul était une mesure de suivi après que Netflix n’ait pas honoré les propositions de SK suite à la décision émanant de tribunal sud-coréen en Juin 2021.
La Société SK Broadband déclare dans un communiqué « Malgré le fait que des investissements massifs sont réalisés chaque année pour maintenir le réseau Internet et le fait qu’il ne s’agit pas d’un service gratuit, Netflix utilise toujours le réseau de l’entreprise sans payer les frais dus ».
Il faut savoir que ce litige entre SK Broadband et Netflix n’est pas le premier. En effet, en Novembre 2019, SK Broadband avait incité à obliger les géants de la vidéo sur le Web comme Netflix, Youtube à payer pour l’utilisation du réseau en déposant plainte auprès de l’organisation de réglementation, la Commission Coréenne des communications. À défaut d’accord entre les deux sociétés, Netflix avait intenté une action en justice en Avril 2020 afin de s’opposer à la demande de la société SK Broadband et savoir si elle est ou non dans l’obligation de payer pour le trafic sur le réseau de SK Broadband.
Récemment une décision émanant du tribunal sud-Coréen le 25 Juin 2021 a statué en faveur de la SK Broadband et a rejeté la demande de Netflix selon laquelle elle n’a aucune obligation de négocier avec SK Broadband sur les frais d’utilisation du réseau. La décision indique que « Il doit être déterminé par des négociations entre les parties concernées si certains frais seront payés ou non, ou si elles concluent un accord conformément au principe de la liberté » avant de conclure que « Il est également raisonnable de dire que Netflix a l’obligation de payer le prix des services à SK Broadband ».
En outre, selon le journal « The Korea Heral » celui-ci déclare que en 2020 Netflix représentait 5% du trafic sud-coréen et est redevable d’une somme de 23 millions de dollars (200 milliards de wons) suite aux frais d’utilisation du réseau. Nonobstant, Netflix ne s’est pas laissé faire et a fait appel de la décision dont on ne connaît pas encore l’issue car les procédures judiciaires devraient commencer en Décembre.
Tout ce que l’on sait pour l’instant c’est que la série Squid Game est victime de son succès et que c’est sûrement Netflix qui en paiera les frais.
Cédric Neldé KOSSADOUM
SOURCES :
http://www.koreaherald.com/view.php?ud=20210930000863
La fusion du CSA et d’HADOPI donnera naissance à ARCOM le 1er janvier 2022 : un super régulateur ?
https://www.dailymotion.com/video/x28f5w1
Le Parlement a adopté définitivement, avec une faible participation, mercredi 29 septembre 2021, le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Il s’agit d’un projet de loi visant à réorganiser la lutte contre le piratage sur Internet. Ce texte a été le fruit d’un long travail puisqu’après un examen à l’Assemblée nationale et au Sénat, s’en est suivi une commission mixte paritaire pour aboutir sur un texte commun entre les deux chambres.
Aurore Bergé, députée et rapporteuse du texte, déclarait à l’hémicycle « Le piratage est toujours un pillage : pillage d’une œuvre et pillage des droits des créateurs. Nous créons les outils pour que ces pratiques cessent. Nous poursuivrons ce combat. »
Ce texte de loi a notamment pour ambition de créer une nouvelle entité : l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle numérique (Arcom). Cette autorité est la fusion entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) créé en 1989 et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) créé en 2009.
Ce nouveau super régulateur souhaite poursuivre de nouveaux objectifs contre le piratage. Effectivement, le texte de loi envisage plutôt de cibler les sites contrefaisants que les utilisateurs. En outre si la loi prévoit toujours de pratiquer la riposte graduée mis en place par la loi HADOPI 2 en 2009 consistant, après deux avertissements adressés, à envoyer devant un juge le titulaire de l’abonnement à Internet utilisé dans les infractions de téléchargement illégal ; elle compte principalement lutter contre le streaming illégal, les offres d’IPTV (i.e. un flux vidéo retransmis par une adresse IP) ou le téléchargement direct de client à serveur (DDL) qui ont bourgeonné ces dernières années au détriment du téléchargement pair-à-pair (P2P) qui est progressivement abandonné par les internautes.
Pour remplir sa mission l’Arcom aura plus d’outils qu’Hadopi puisque celle-ci sera en mesure d’exiger des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et des moteurs de recherche d’empêcher l’accès « à tout site reprenant en totalité ou de manière substantielle du contenu » non autorisé. Le gouvernement demandait à Hadopi en avril dernier de commencer à dresser une liste noire de sites contrefaisants. Par ailleurs, un dispositif de lutte contre les sites miroirs a été prévu dans le texte de loi.
Finalement, les œuvres culturelles et sportives sont amenées à être mieux protégées, du moins c’est ce qu’espèrent les détenteurs des droits qui soulignent parfois un bilan mitigé ces dix dernières années des actions d’Hadopi. Sans compter que les outils numériques permettant de contourner les dispositifs juridiques envisagés sont nombreux et toujours plus simple d’utilisation et d’accès tel que le VPN.
En tout cas, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot ne s’est pas privé de souligner que cette nouvelle entité sera compétente « qu’il s’agisse de lutter contre le piratage, de protéger les mineurs ou de défendre les publics contre la désinformation et la haine en ligne ». Et justement en matière de protection des mineures, l’Arcom devra se pencher sur la question de l’accès aux sites pornographiques qui sont dans la tourmente depuis mars 2021.
Anthony THOREL
SOURCES :
La mise en garde de la CNIL contre la procédure de blocage des sites pornographiques
Le 8 octobre dernier, le gouvernement a publié un décret permettant au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), qui deviendra le 1er janvier 2022 l’Arcom, de déclencher une procédure de blocage dès lors qu’un site pornographique ne vérifie pas l’âge de ses visiteurs. Cette procédure concerne la majorité des sites qui n’affichent qu’un simple message d’avertissement. Ainsi, les internautes qui souhaiteraient se connecter à un site pornographique bloqué seraient redirigés vers une page internet du CSA expliquant les raisons de ce blocage.
Cependant, cette procédure s’avère compromise par la protection des données personnelles. En effet, le mardi 12 octobre 2021, un décret a été publié au Journal officiel, relatif aux mesures de protection des mineurs contre les sites pornographiques.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait été saisie d’un avis de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, dans lequel elle met en garde contre les systèmes de vérification d’âge. Selon la CNIL, cette procédure de vérification d’âge repose sur une collecte de données personnelles des internautes. Dans une délibération du 3 juin 2021, la CNIL avait retenu que « la mise en place de procédés techniques de vérification de la majorité d’âge des utilisateurs est susceptible d’entraîner la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel ». Elle ajoute que « une telle collecte de données présenterait, en effet, des risques importants pour les personnes concernées dès lors que leur orientation sexuelle – réelle ou supposée – pourrait être déduite des contenus visualisés et directement rattachée à leur identité ». En cas de fuite, les risques de divulgation de données à caractère privé apparaissent comme trop importants.
La solution de redirection des internautes vers le site du CSA est, elle aussi, critiquée. Maître Alexandre ARCHAMBAULT, avocat spécialisé en droit du numérique, relève, dans un post Twitter, que certains sites pornographiques sont tellement consultés que, s’ils faisaient l’objet d’un blocage et d’une redirection, cela pourrait mener à une saturation du site du CSA.
La CNIL retient que cette redirection vers le site du CSA « ne devrait pas conduire ce dernier à collecter les données à caractère personnel des internautes concernés, et notamment leurs adresses IP ».
Ainsi, dans ce but de protection des mineurs et des données à caractère personnel, la CNIL recommande de passer par un « tiers de confiance », qui vérifiera l’âge de l’utilisateur à la place de l’éditeur du site, sans que ce dernier puisse avoir accès à aucune donnée personnelle. Les sites pornographiques devront donc faire appel à des prestataires privés.
Après que FranceConnect, portail d’accès aux différents services publics permettant de garantir l’identité des utilisateurs, ait été écarté par le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, la solution d’un « tiers de confiance » semble enfin se dégager. La CNIL a opté, sans surprise, pour une protection des données personnelles.
Loriane LAVILLE
SOURCES :