Brèves du 1er au 7 Juin 2020

Bonjour à tous ! Cette semaine, on parle de Christo, de la « décision » de Donald Trump vis-à-vis de la responsabilité des plateformes en ligne, de l’action en justice d’éditeurs de livres, et du groupe facebook de policiers qui  fait l’objet de propos discriminatoires. Bonne lecture !

 

Christo, l’emballeur du Pont-Neuf, est décédé :

Le 31 Mai dernier, nous apprenions le décès de l’artiste Christo Vladimiroff Javacheff, plus connu sous le nom de Christo. L’occasion de rappeler son empreinte dans le droit de la propriété littéraire et artistique.

Christo et son épouse Jeanne-Claude devant le Pont Neuf emballé, 1985.

Né en 1935 en Bulgarie, l’artiste appartient au mouvement des « Nouveaux Réalistes ». Il est connu pour empaqueter différents monuments, comme ce fut le cas du Pont-Neuf en 1985 ou encore celui du Reichstag en 1995. Il avait également pour projet d’emballer l’Arc de Triomphe en septembre 2019. Tout au long de sa carrière, il travaillera de concert avec son épouse Jeanne-Claude, jusqu’au décès de celle-ci en 2009.

L’emballage du Pont-Neuf en 1985 crée l’événement dans la capitale. Journalistes et photographes sont au rendez-vous et de nombreux clichés de l’œuvre sont pris. Les photographies prises de cette œuvre éphémère vont être par la suite commercialisées sous forme de cartes postales. C’est à ce moment que le droit de la propriété intellectuelle intervient.

Christo et le Ministre de la Culture de l’époque, Jack Lang.

En effet, il est question de savoir si cette œuvre peut recevoir une protection de la part du droit de la propriété littéraire et artistique. Le TGI de Paris, le 13 mars 1986, considère alors qu’il s’agit bien d’une œuvre originale. Pour autant, il est rappelé que l’idée même d’emballer un monument ne peut recevoir aucune protection puisque ces idées sont exclues du champ de la protection, libres de parcours, afin de ne pas entraver la liberté artistique. Mais le réel problème soulevé par cet arrêt concerne la reproduction de l’œuvre sous la forme de carte postale, qui plus est sont commercialisées. L’œuvre initiale étant protégée, le Tribunal de Grande Instance reconnaît la contrefaçon, dès lors que l’auteur n’avait pas accepté cette reproduction.

 

Sources :

https://www.connaissancedesarts.com/art-contemporain/christo-le-grand-empaqueteur-de-retour-a-paris-11135141/

https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2015/09/18/26010-20150918ARTFIG00300-le-22-septembre-1985-christo-emballe-le-pont-neuf.php

Cours magistral de M. Jean Lapousterle (2019).

https://www.lanouvellerepublique.fr/france-monde/mort-de-l-artiste-christo-l-emballeur-du-pont-neuf-et-du-reichstag

 


 

Trump veut « responsabiliser » les plateformes en ligne :

Cela fait maintenant quelques jours que le président des Etats-Unis, Donald Trump, déclare sur Twitter son souhait d’amender la section 230 du code américain sur les télécommunications.

Tweet de Donald Trump faisant part de ses intentions d’amender la section 230

Introduite par une loi de 1996, il s’agit de l’une des première règle visant la régulation d’internet, et qui met en place la responsabilité limitée des plateformes numérique vis-à-vis des informations fournies par une autre personne, ainsi qu’exonère la plateforme pour « toute mesure prise volontairement et de bonne foi pour restreindre l’accès ou la disponibilité de matériel que le fournisseur ou l’utilisateur considère comme obscène, obscène, lascif, dégoûtant, excessivement violent, harcelant ou autrement répréhensible, que ce matériel soit ou non protégé par la constitution ».

Comme souvent avec Donald Trump, les raisons de ce souhait sont personnelles : c’est parce que Twitter, son réseau de prédilection, a décidé à plusieurs reprises de vérifier la véracité des déclarations du président qu’il a, le 28 Mai 2020, décidé de resserrer l’interprétation de la section 230 par décret, avant d’annoncer qu’il souhaite supprimer législativement ce dernier.

Finalement, il est ironique de constater que de toutes les personnes utilisant Twitter, Donald Trump est sans doute l’une de celle qui bénéficie le plus de la section 230, qui permet aux plateformes de maintenir les réseaux sociaux du président sans avoir à risquer de répercussion légale pour les propos de ce dernier. Si le président pense que le retrait de la section 230 lui permettra d’avoir toute la latitude qu’il souhaite pour pouvoir poster sur internet, il risque de se tirer une balle dans le pied.

 

Sources :

[1] Julien Lausson, 29 Mai 2020, « Donald Trump vs Twitter : qu’est-ce que la « section 230 » que le président veut abroger ? », Numérama

[2] Peter Baker, Daisuke Wakabayashi, 28 Mai 2020, « Trump’s Order on Social Media Could Harm One Person in Particular: Donald Trump », The New York Times

[3] 47 US Code §230 – Protection for Private Blocking and Screening of offensive Material

 


 

Aux USA, quatre éditeurs attaquent une plateforme diffusant 1,4 million d’ebooks :

La crise sanitaire internationale a poussé les gouvernements à prendre des mesures drastiques de confinement afin de protéger la population. A ce titre, la culture a été particulièrement touchée, d’où le fait qu’un million de livres ont été rendu accessibles par la plateforme Internet Archive. En effet, cette dernière a voulu contrebalancer la fermeture des bibliothèques en instaurant une « librairie nationale d’urgence » gratuite.

De ce fait, les quatre groupes éditoriaux Hachette, HarperCollins, John Wiley & Sons et Penguin Random ont porté plainte à son encontre pour violation de droit d’auteur. Maria Pallante, présidente de l’association professionnelle des éditeurs américains, dénonce le comportement de la plateforme en l’accusant de détourner délibérément de gros investissements à la fois financiers et intellectuels ; ignorant de ce fait les lois sur le droit d’auteur.

De son côté, Internet Archive met en avant le fait que sa librairie d’urgence intervenait dans un cadre légal. Ainsi, John Bergmayer de l’association de défense des consommateurs Public Knowledge reste stupéfait devant cette plainte et incite les législateurs « à œuvres [pour] une loi clarifiant le droit des bibliothèques à rendre les livres imprimés accessibles aux clients de façon électronique, afin qu’elles puissent être utiles aux électeurs dans les moments d’urgence ».

Ce contentieux s’inscrit dans le délicat équilibre entre l’intérêt public et celui des bénéficiaires des droits d’auteurs.

 

Source :

 https://www.livreshebdo.fr/article/quatre-editeurs-attaquent-une-plateforme-diffusant-14-million-debooks

 


 

Comment appréhender un groupe Facebook nourrit par des propos à caractère discriminatoire ?

Le 4 juin dernier, un groupe Facebook constitué de policiers est apparu comme contenant des propos racistes, homophobes et sexistes. Cette révélation, faite par StreetPress, un média indépendant, a fait l’objet d’une saisine du parquet de Paris par le ministre de l’Intérieur.

Créé en 2015, le groupe dénommé « TN Rabiot Police Officiel » est un groupe d’au moins 8000 membres, ou des échanges ont lieu entre des policiers et autres fonctionnaires au sein des autorités.

Des propos choquants sont révélés. Les propos tenus, et la complaisance de ces derniers par des pouces bleus et des émojis dépassent les initiatives de certains, insultés ou moqués après avoir tenté de calmer la déviance discriminatoire de ces discussions.

 

Quelle infraction pénale est compatible avec ces faits ?

 

L’Agence France-Presse  informe de propos collectés au sein de l’entourage du ministère de l’Intérieur que les propos révélés « sont de nature à porter gravement atteinte à l’honneur de la police et de la gendarmerie nationales, dont les hommes et les femmes sont engagés au quotidien pour protéger les Français, y compris contre le racisme et les discriminations ».

La vérification des propos échangés sur le groupe au sein du réseau social est donc l’étape préalable à cette affaire.

L’article 40 du Code de procédure pénale est sollicité par les initiateurs de cette enquête. Il dispose entre autres, l’obligation pour tout officier public ou fonctionnaire de l’Etat, de devoir informer le procureur de la République et transmettre aux juges les renseignements, procès-verbaux, et actes liés à leur connaissance d’un crime ou d’un délit quelconque. La catégorie des délits est retenue, à laquelle appels au crime et injures sont intégrés avec certitude.

 

La difficulté du caractère privé ou public du groupe Facebook :

 

Les faits tenus dans un contexte public sont constitutifs de l’infraction. Cependant, les faits exprimés au sein d’un groupe privé suscitent un doute, car l’accès n’y est pas public.

Le problème juridique est discuté par les juristes en droit du numérique. Le fait que le groupe mobilise 8000 membres au moins, nourrit l’interrogation sur le caractère public du groupe Facebook. Sabine Marcellin, avocate spécialiste en droit du numérique et interrogée par le journal en ligne Numerama, met en avant la circonstance de révélation des propos, qui rendent les publications d’injures publiques.

Enfin, il reviendra aux juges saisis d’apporter réponse à cette problématique moderne. Dans le cas où le groupe est considéré comme étant privé, la sanction applicable est une contravention au montant maximal de 1500 euros. Toutefois, dans le cas où le groupe est considéré comme étant un « espace public », les membres policiers peuvent courir jusqu’à 1 an d’emprisonnement et une amende maximale de 45 000 euros.

 

Sources :

https://www.numerama.com/politique/628641-une-enquete-expose-le-racisme-dun-groupe-facebook-de-policiers-que-risquent-ils.html

https://www.streetpress.com/sujet/1591288577-milliers-policiers-echangent-messages-racistes-groupe-facebook-racisme-violences-sexisme

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006574933&cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20040310

 

 


 

Un grand merci à Clara Martin, ainsi qu’aux membres du collectif Mounia Berranen, Antoine Rodier et Sarah Second pour leur contribution !

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