Bonsoir à tous,
Les brèves du 21 au 28 janvier sont disponibles sur notre blog.
Cette semaine :
💻 Intéressez-vous aux raisons pour lesquelles la loi SREN visant à sécuriser et réguler l’espace numérique est vivement contestée.
🚀 Informez vous sur l’évènement historique pour le Japon qui devient le cinquième pays à poser ses pieds sur la Lune
🇹🇼 Découvrez les élections présidentielles à Taïwan, qui ont été le théâtre de l’ingérence chinoise par les outils numériques
🍫 Renseignez sur cette décision de l’EUIPO de refus partiel de marque « La Maison du Chocolat »
🎶 Apprenez-en davantage sur la réglementation des plateformes de streaming musical que le Parlement européen souhaite instaurer
En vous souhaitant une bonne lecture et une bonne semaine,
Le Collectif 🔆
La Loi SREN visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, une loi contestée
L’adoption de loi SREN (qui vise à sécuriser et réguler l’espace numérique) se heurte à de nombreuses dénonciations d’élus, mais aussi d’associations telles que la Quadrature du net ou encore de la Commission européenne.
Le texte a été déposé devant le Sénat le 10 mai 2023, mais n’a toujours pas été adopté. En effet, chaque fois qu’un Etat membre de l’Union Européenne entend réguler le numérique, il a l’obligation de présenter son projet législatif à la Commission Européenne afin d’éviter un morcellement des législations qui briserait l’idéal d’un marché unique. Après présentation du projet de loi, la Commission Européenne a 3 mois pour l’examiner et donner son avis. Avis qui n’a pas été positif concernant la loi SREN, ce qui explique le retard dans sa potentielle adoption.
Pourtant, la loi SREN vise des objectifs louables tels que la régulation des plateformes, la lutte contre le cyberharcèlement, les arnaques en ligne ou encore la protection des mineurs.
Plusieurs aspects de cette loi sont effectivement contestés, à commencer par le fait qu’aucun Etat membre ne puisse prendre de mesure générale et abstraite pour imposer sa régulation à l’ensemble des acteurs installés en Europe. Ce principe a été rappelé par la CJUE dans un arrêt du 9 novembre 2023. La France peut réguler au cas par cas, avec des mesures proportionnées et pour des raisons particulières d’ordre public, de sécurité ou de santé publique, mais ce n’est pas ce qu’elle fait avec la loi SREN. Avec cette loi, la France impose un cadre général de régulation selon Marc Rees, journaliste spécialisé en droit des nouvelles technologies et des communications électroniques. Si tous les Etats membres adoptaient un équivalent de la loi SREN au niveau national, il y’aurait un risque de morcellement des législations et de forum shopping, les plateformes s’installeraient dans l’Etat membre dont la législation convient le mieux à ses intérêts.
Une autre critique se trouve dans la difficulté technique de mise en œuvre de cette loi. Par exemple, dans son objectif de protection des mineurs face aux contenus pornographique, la loi SREN propose aux plateformes de développer des dispositifs permettant de contrôler l’âge des utilisateurs, parce que ce n’est pas le contenu en lui-même qui est illicite, mais son accès aux mineurs. Alors, comment contrôler l’âge d’une personne derrière une adresse IP ?
De plus, le contenu pornographique, qui n’est d’ailleurs défini dans aucun texte, peut se trouver sur des plateformes qui y sont dédiées, mais également sur des plateformes moins explicites comme X par exemple, ce qui rend difficile son appréhension.
De même, concernant la peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux des cyberharceleurs, comment vérifier que la personne soit effectivement bannie et que se passe-t-il si elle utilise un VPN ?
Un autre exemple de difficulté rencontrée avec cette loi concerne les scènes pornographiques simulant un crime. Les éditeurs qui mettent en ligne ce type de contenu devront afficher message de sensibilisation. Cela implique que les éditeurs passent au peigne fin l’intégralité des vidéos et effectuent un tri entre elles. D’après la Commission, en adoptant ces dispositions, il y’a un risque qu’on en arrive à imposer une obligation de surveillance générale et de contrôle de l’ensemble des contenus téléchargés par les éditeurs.
Ensuite, lorsqu’un contenu est signalé et contesté, la loi instaure une procédure uniquement administrative en permettant à l’ARCOM de gérer à la fois les mises en demeures, les injonctions, les systèmes de contrôle d’âge, mais aussi en lui conférant la possibilité d’infliger des sanctions et d’ordonner un blocage d’accès du site concerné.
Certains parlent de texte « autoritaire », Marc Rees parle plutôt d’une solution « souverainiste » faisant l’impasse sur un travail européen. En effet, la loi SREN, au-delà du fait qu’elle soit difficile à mettre en œuvre, se heurte aux dispositions du DSA, qui régule déjà le numérique au niveau européen, mais aussi au RGPD, qui vise à protéger les données personnelles des utilisateurs. En effet le traitement des données à caractère personnel que va engendrer cette loi peut être très intrusif et pourrait permettre de connaître des données sensibles sur les utilisateurs, telles que leur orientation sexuelle ou encore leur opinion politique qui sont fortement protégées par le RGPD.
Ainsi, au vu de ces difficultés auxquelles se heurte la loi SREN, il est « mal parti » selon Marc Rees, pour que le texte, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, soit adopté. Dans tous les cas, ce n’est qu’à partir du 9 février que la Commission Mixte Paritaire, chargée de trouver une version commune entre le Sénat et l’Assemblée Nationale, ne pourra se réunir. Elle devra tenir compte des remarques européennes afin d’éviter toute sanction.
Idil SENOL
Sources :
Le pays du Soleil Levant pose les pieds sur la Lune
Ce vendredi, la JAXA, l’agence spatiale japonaise a confirmé que son module spatial SLIM est parvenu à se poser sur la Lune qu’une communication a pu être établi avec celui-ci. Ceci marque une étape historique pour le Japon qui devient le cinquième pays à se poser sur la Lune après les Etats-Unis, l’URSS, la Chine et l’Inde.
Le module SLIM (Smart Lander for Investigation Moon), également connu sous le nom de « Moon Sniper » se trouvait en orbite autour de la Lune depuis fin décembre. Il a prouvé bien mériter son surnom, car, tandis que la plupart des modules visent un rayon d’alunissage de plusieurs kilomètres, SLIM a réussi l’exploit de se poser à moins de cent mètres de l’objectif initialement désigné, soit le cratère Shioli. La mission de SLIM désormais consiste en l’analyse de roches provenant supposément du manteau lunaire et possède à cet effet une sonde sphérique.
Le succès de cette mission a également pour conséquence de remettre en avant la présence japonaise dans le domaine du spatial. Le Japon avait en effet essuyé deux échecs successifs : l’un en 2022 avec une défaillance des batteries d’une mini-seconde comprise dans le projet Artémis 1 et un autre en avril 2023 avec le crash d’un alunisseur sur la surface de la Lune. De plus, la dernière opération américaine « Peregrine Mission One », lancée par la société privée Astrobotic, s’était également soldée par un échec avec des dommages fatals avant même d’atteindre la Lune.
Cependant, la mission n’est pas encore au-delà de toutes inquiétudes, en effet, les panneaux solaires du module ont été affectés lors de l’alunissage, et une raison encore incertaine, empêche le module de produire de l’électricité, le laissant entièrement aux mains de sa batterie. Ainsi, en l’absence d’améliorations sur ce point, se sera un coucher de soleil pour la mission japonaise.
Ken SERAIN-YAMASAKI
Sources :
https://www.cnbc.com/2024/01/19/japan-slim-lunar-lander-touches-down-on-moon.html
Elections taiwanaises : nouvel évènement de tension dans la géopolitique chinoise
Samedi dernier, le 13 janvier, se sont tenues les élections présidentielles taïwanaises, où des millions d’électeurs se sont dirigés vers les urnes avec de grandes inquiétudes quant à leurs relations politiques avec la Chine.
Les vives tensions entre la Chine et Taïwan sont intrinsèquement liées à l’origine de leurs régimes politiques. Suite à une guerre civile entre l’armée communiste chinoise et la République de Chine, le pays s’est scindé en deux entités distinctes : le vainqueur communiste sur le continent, et la République de Chine réfugiée sur l’île de Taïwan, cherchant à préserver son indépendance face aux revendications territoriales chinoises.
Pour le Parti communiste chinois, Taïwan représente un défi majeur, étant un contre-modèle évident, réussissant à faire fonctionner une démocratie en opposition au régime autoritaire chinois. La Chine, qui rejette les principes apportés par les droits de l’Homme, car considérés comme des valeurs occidentales étrangères à la philosophie confucianiste ancrée dans les sociétés asiatiques, poursuit un objectif de réunification sous son régime communiste.
Les élections présidentielles sur l’île revêtent ainsi une importance cruciale dans le contexte géopolitique entre les deux nations. Ainsi, en amont du scrutin, la Chine a déployé une véritable guerre de désinformation pour influencer les votes, notamment via les réseaux sociaux tels que TikTok pour propager des deepfakes visant à discréditer les membres du parti démocrate progressiste (DPP), qui affirment une politique indépendantiste depuis 2016. Malgré ces tentatives d’ingérence, les tensions demeurent puissantes avec l’élection de Lai Ching-te (aussi connu sous le nom de William Lai), qui confirme la domination politique du DPP.
En réponse, la Chine menace via ses porte-paroles « d’écraser toute velléité d’indépendance » pouvant avoir lieu sur Taïwan. Mais pour autant, une invasion militaire de Taïwan demeure complexe en raison de la distance de 200 Km séparant l’île du continent, rendant toute attaque surprise impossible en raison de la surveillance constante de la baie par satellite. La Chine s’ouvrirait directement à des ripostes, notamment via la présence américaine dans la région.
Sur le plan politique, la situation s’aggrave avec la présence d’une délégation américaine informelle à Taiwan, ainsi que les félicitations officielles émanant de personnalités politiques occidentales importantes. Antony Blinken, chef de la diplomatie américaine, félicite directement le nouvel élu tout en saluant le bon fonctionnement du régime démocratique taïwanais. De son côté, le porte-parole de la diplomatie européenne salue uniquement la tenue de cet exercice démocratique.
Paul LECOMPTE
Sources :
https://twitter.com/SecBlinken/status/1746196562865201513
« La Maison du Chocolat » : refus partiel par l’EUIPO pour des produits et services virtuels
Le 5 octobre 2023, la Chambre de recours de l’EUIPO confirme un refus partiel de la demande de marque européenne « La Maison du Chocolat ». Ce refus est justifié par souci de descriptivité et de manque de caractère distinctif du signe. Ici il était question de produits et services virtuels en lien avec le chocolat/cacao.
La Chambre a estimé que le consommateur attribuerait au signe la signification d’un « magasin sous forme de boutique maison qui vend et/ou produit du chocolat ». Le signe a été jugé à la fois descriptif et dépourvu de caractère distinctif, « ne pouvant remplir la fonction essentielle d’une marque ».
Selon le déposant les termes utilisés n’ont pas de signification précise en français qui pourrait rendre le signe descriptif, que l’association des termes est inhabituelle, et que le signe ne désigne pas une caractéristique des produits ou services.
L’EUIPO rejette ces arguments et soutient que « le fait qu’une expression ne soit pas utilisée dans la vie des affaires ne suffit pas en soi à démontrer qu’elle permettra au public pertinent d’identifier les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits et services de ceux issus d’autres entreprises (17/04/2018, T‑364/17, House of Cars, EU:T:2018:193, § 29) ».
La Chambre a ainsi pu rappeler les critères justifiant le refus des marques dépourvues de caractère distinctif. Elle énonce que ces signes ne peuvent pas remplir la fonction d’identifier l’origine commerciale, et que dans le cas de ce signe le terme de « Maison » est alors considéré comme descriptif, car est associé à une entreprise spécialisée dans le chocolat et le cacao.
Cette décision démontre que même pour des produits et services virtuels, la perception du consommateur reste inchangée. Les demandeurs de la marque doivent déposer au regard des critères stricts mais justes de l’EUIPO pour éviter de tels refus. Il est donc nécessaire pour ces demandeurs de pratiquer une analyse approfondie des termes employés et de leur signification pour établir la distinctivité d’une marque et du signe.
Lucas SANFILIPPO
Sources :
–https://www.novagraaf.com/fr/vision/une-decision-peu-gourmande-pour-la-maison-du-chocolat
–https://www.village-justice.com/articles/une-decision-peu-gourmande-pour-maison-chocolat,48093.html
Le Parlement européen œuvre pour une répartition équitable des revenus dans le secteur du streaming musical
Le 17 janvier, le Parlement européen a adopté une résolution en faveur d’une régulation européenne visant à assurer l’équité et la durabilité dans le secteur du streaming musical. Il reconnaît que les services de streaming constituent le principal moyen d’accès à la musique et pourtant, ce milieu n’est pas réglementé au niveau de l’Union. Les députés prennent aujourd’hui en compte le besoin de réajuster la rémunération des auteurs et artistes-interprètes.
Le marché du streaming musical connaît une profitabilité croissante depuis plusieurs années maintenant. Selon le communiqué de presse publié par le Parlement, « les plateformes de musique numérique et les services de partage de musique donnent actuellement accès à jusqu’à 100 millions de titres, soit gratuitement, soit moyennant un abonnement mensuel relativement bas. » En effet, chez Spotify le prix de l’abonnement le moins cher commence à 5.99€ et monte seulement jusqu’à 17.99€ pour l’offre la plus chère. Pour leur concurrent Deezer, les prix sont similaires puisqu’ils s’étendent de 5.99€ à 19.99€. Apple Music reste sur la même fourchette de prix, démarrant à 5.99€ et atteignant les 16.99€ pour l’abonnement le plus cher. Ce marché génère 22.6 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel et le streaming représente bien plus de la moitié des revenus mondiaux du secteur musical. Il semble donc important que les acteurs les plus essentiels de ce marché (les créateurs) soient rémunérés de façon plus équitable par rapport aux revenus qu’ils génèrent.
De ce fait, l’UE souligne la nécessité de revoir les « taux de redevance pré-numériques » actuels. Aujourd’hui, l’institution européenne dénonce la réalité du système « payola » qui permet aux maisons de disque et agents de payer les diffuseurs pour qu’ils mettent en avant (de manière non officielle) les morceaux de certains artistes. Cela permet d’augmenter la visibilité des artistes et leur classement dans les listes de lecture. Cette pratique est considérée comme une forme de corruption et est illégale, dès lors que les diffuseurs ne mentionnent pas aux auditeurs que la chanson est diffusée à titre promotionnel. De plus, cette pratique précarise d’autant plus les artistes puisque, par exemple en 2020, Spotify offrait la possibilité aux artistes de percevoir des revenus inférieurs découlant de leurs droits en échange de plus de visibilité dans certaines playlists personnalisées des abonnés à la plateforme.
En outre, les œuvres musicales européennes sont noyées dans la « quantité écrasante de contenu en constante augmentation sur les plateformes ». Pour une meilleure promotion et accessibilité des œuvres musicales européennes, les députés souhaitent instaurer des « mesures concrètes » tels que des quotas. En effet, plusieurs études démontrent que les grands labels et les artistes déjà connus bénéficient de la majorité des revenus de ce marché. L’UE souhaite donc mettre en avant des « styles moins populaires et les langues moins courantes ». Le but est donc de promouvoir une diversité culturelle et de favoriser un peu plus les « petits acteurs ».
La France est déjà en avance sur la question puisqu’en décembre 2023, le gouvernement avait annoncé la taxation des revenus des plateformes de streaming musical pour 2024 afin de soutenir le secteur musical français. (voir l’article « la nouvelle taxe des revenus des plateformes de streaming musical pour 2024 » publié le 24 décembre 2023 sur notre blog).
En outre, une autre préoccupation de l’institution européenne est liée à l’utilisation d’algorithmes, d’outils de recommandations et plus généralement d’outils d’IA qui manquent de transparence. La régulation de ces outils permettrait notamment de comprendre pourquoi certains groupes sont plus mis en avant par les plateformes que d’autres et de mettre fin aux « pratiques déloyales telles que la manipulation des chiffres du streaming » qui permettent de réduire les cachets perçus par les artistes. Les députés souhaitent également prévenir les auditeurs lorsque la chanson qu’ils écoutent a été générée par intelligence artificielle et demandent aux plateformes de mettre en place une politique de lutte contre les deepfakes qui permettent de reproduire la voix des auteurs sans leur consentement.
Jeanne BUCLEZ
Sources :
https://raje.fr/article/la-payola-nos-gouts-musicaux-ont-ils-ete-manipules
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