Brèves du 21 février au 27 février 2022

Bonsoir,

Les brèves de cette semaine par le Collectif sont désormais disponibles. Une de nos camarades a notamment publié un article entièrement dédié à la propriété intellectuelle à l’aune des élections présidentielles, n’hésitez pas à aller le consulter.

Très bonne lecture à tous.

L’accord historique entre Netflix et le cinéma français officialisé 

 

 

 

Souvenez-vous, le 23 juin 2021 était publié le décret relatif aux services de médias audiovisuels (SMAD). Dans un contexte de profonde évolution du secteur audiovisuel, ce texte se veut modernisateur du dispositif de financement des créations françaises et européennes. 

Le 24 janvier dernier, après de longs mois de négociations menées par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, entre diffuseurs, chaînes de télévision et parties prenantes du cinéma, une nouvelle chronologie des médias était signée en France. Elle visait à réduire de manière considérable le délai de diffusion d’un film après sa sortie en salles. Netflix avait ainsi obtenu un délai de 15 mois au lieu de 36, contre 17 mois pour ses concurrents directs tels qu’Amazon Prime Video et Disney +.

Cette fenêtre de diffusion plus favorable s’accompagne également d’une durée d’exclusivité de 7 mois au bénéfice de la plateforme au logo « N » rouge. En contrepartie, celle-ci s’est engagée à investir 4% de son chiffre d’affaires annuel net en France dans le cinéma, et ce par la signature d’un nouvel accord ce mardi 22 février, au Cinéma des Cinéastes. Les discussions entre les organisations du cinéma français, représentées par le Blic (Bureau de liaison des industries cinématographiques), le Bloc (Bureau de liaison des organisations du cinéma) et l’Arp (Société civile des auteurs réalisateurs producteurs) et la firme américaine ont donc été fructueuses. 

Les détails de cet engagement ont été révélés par un communiqué commun et se scindent en trois axes : investir un minimum de 30 millions d’euros par an dans les créations cinématographiques françaises, produire au moins 10 films préfinancés chaque année et attribuer 17% du montant des préfinancements au financement d’oeuvres d’expression originale française dont le budget est inférieur ou égal à 4 millions d’euros

Pour cette année 2022, l’investissement total de Netflix est estimé à 40 millions d’euros, somme répartie entre les créations françaises et européennes. En parallèle de l’investissement consenti pour les films qui sortiront au cinéma, Netflix continuera sa production de séries, documentaires et longs-métrages exclusivement destinés à la diffusion en streaming. Cela représente un apport de près de 160 millions d’euros par an. 

Ce nouvel accord, déjà qualifié d’historique par ses signataires, remplace son prédécesseur signé en septembre 2018 et restera en vigueur pour une durée de 3 ans.

Le géant américain devient ainsi le premier SMAD à s’accorder avec les représentants du cinéma français, mais il ne compte pas s’arrêter là. En effet, il aurait d’ores et déjà fait part de son intention d’asseoir sa place de partenaire privilégié du septième art français et de renforcer ses engagements de manière à réduire sa fenêtre de diffusion à 12 mois au lieu des 15 tout juste négociés. Reste à savoir si les autres plateformes de streaming vont à leur tour négocier avec la profession de manière à s’aligner sur leur concurrent. 

Chiara BUONAROTA

Sources : 

https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/3239959-20220222-chronologie-medias-netflix-cinema-francais-signe-accord-historique

https://www.boxofficepro.fr/le-cinema-francais-officialise-laccord-avec-netflix/ 

https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/02/23/netflix-apportera-40-millions-d-euros-au-cinema-francais-et-europeen-cette-annee_6114914_3234.html

https://actu-medias.info/2022/02/netflix-cinema-francais-trouvent-accord.html (image)

L’adoption par la CNIL d’un nouveau plan stratégique 2022-2024 pour une société numérique de confiance

 

 

Depuis la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 (LIL), la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) œuvre à la protection des données personnelles contenues dans les fichiers et traitements informatiques ou papiers, publics ou privés. En d’autres termes, elle est chargée de veiller à ce que « l’informatique soit au service du citoyen et qu’elle ne porte atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ». 

Pour ce faire, la LIL de 1978, la directive sur la protection des données personnelles de 1995, et récemment le Règlement général sur la protection des données (RGPD) de 2016 ont doté la CNIL d’un arsenal juridique pour accomplir ses missions diverses. En effet, elle a un rôle d’alerte, de conseil et d’information, mais dispose également d’un pouvoir de contrôle et de sanction.

À l’occasion de la journée de la protection des données, le 28 janvier, la CNIL a fait le bilan de son action en 2021. En l’espace d’un an, elle a prononcé 18 sanctions et 135 mises en demeure et a dressé, montant cumulé, 214 106 000€ d’amende. Le bilan pour l’année 2022 devrait être encore plus lourd, puisque la formation restreinte de la CNIL a condamné, le 6 janvier 2022, Facebook et Google à payer respectivement 60 millions d’euros et 150 millions d’euros pour violation de la loi en matière de cookies.

Aussi, la CNIL a présenté le 17 février 2022 son nouveau plan stratégique 2022-2024. Marie-Laure DENIS, présidente de la CNIL, a précisé que « la mise en place de ce plan d’action doit permettre à la CNIL d’agir de manière agile, aux côtés des citoyens, des entreprises, des associations et des administrations, pour construire une société numérique de confiance ». Une vision bien venue lorsqu’il est possible de constater que « la numérisation croissante de la vie économique et sociale et la survenance de la pandémie ont accru les risques pour la vie privée ».

Ce plan stratégique est articulé autour de trois axes considérés comme prioritaires  :

  1. Favoriser la maîtrise et le respect des droits des personnes sur le terrain.
  2. Promouvoir le RGPD comme atout de confiance pour les organismes.
  3. Prioriser des actions de régulation ciblées sur des sujets à fort enjeu pour la vie privée.

D’abord, le premier axe tend à favoriser l’exercice par les personnes de leurs droits, comme depuis plus de quarante ans. 

Ensuite, le deuxième axe réside dans le renforcement de son offre d‘accompagnement afin de faciliter la compréhension du cadre légal, par le développement des outils de conformité et par la prévention contre les risques numériques. 

Enfin, le troisième axe doit lui permettre d’exercer son rôle de régulateur, notamment sur la collecte et le traitement des données à caractère personnel et sur l’avenir. Aussi, la CNIL compte mettre en place un plan d’action global sur trois thématiques prioritaires : 1°) Les caméras augmentées et leurs usages ; 2°) Les transferts de données dans l’informatique en nuage (« cloud ») ; 3°) Les collectes de données personnelles dans les applications des smartphones. 

Bien que la CNIL ait pointé un lourd bilan pour l’année 2021, elle n’hésite pas à dire que quasiment quatre ans après l’entrée en application du RGPD, « la plupart des entreprises et services publics se sont mobilisés pour répondre aux enjeux de la protection des données face à un public qui connaît de mieux en mieux le nouveau cadre réglementaire et, surtout, ses droits ».

En somme, la CNIL considère qu’avoir adapté son cadre juridique, déployé son expertise technologique et crédibilisé sa politique de sanction, a permis d’améliorer la protection des données à caractère personnel et la vie privée. Politique qu’elle compte visiblement continuer et renforcer.

Anthony THOREL

Sources :

https://siecledigital.fr/2022/02/18/la-plan-strategique-de-la-cnil-pour-2022-2024/

https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-publie-son-plan-strategique-2022-2024

https://www.cnil.fr/fr/presidentielle-2022-le-plan-daction-de-la-cnil-pour-proteger-les-donnees-des-electeurs

https://www.cnil.fr/fr/cnil-direct/question/la-cnil-cest-quoi

https://www.cnil.fr/fr/bilan-sanctions-mises-en-demeure-2021

https://www.cnil.fr/fr/cookies-la-cnil-sanctionne-google-hauteur-de-150-millions-deuros-et-facebook-hauteur-de-60-millions

http://master-ip-it-leblog.fr/breves-du-10-au-16-janvier-2022/

Kanye West :  Son album Donda 2 symbole d’une guerre contre l’industrie musicale

 

 

Leader dans plus de 130 pays comme étant  l’album le plus écouté en une seule journée durant l’année  2021, Donda de Kanye West a marqué les esprits. L’artiste a décidé de donner une suite s’intitulant Donda 2 dévoilée la nuit du 22 février lors de sa listening party à Miami.

Par la suite, cet album est sorti en exclusivité sur la plateforme SteamPlayer au détriment des autres plateformes musicales populaires telles que Spotify, Apple Music, Soundcloud, Amazon, Youtube. L’artiste a été réfractaire à toute demande de commercialisation de son album  suite à l’hégémonie de l’industrie musicale sur les artistes.  L’artiste déclare via son compte Instagram que «  Donda 2 ne sera disponible que sur ma propre plateforme, le Stem Player. Pas sur Apple, Amazon, Spotify ou Youtube. Aujourd’hui, les artistes ne reçoivent que 12% de l’argent que gagne l’industrie. Il est temps de libérer la musique de système oppressif. Il est temps de prendre le contrôle et de construire le nôtre ». 

De plus, l’artiste souligne sur Twitter avoir refusé un contrat avec Apple Music de 100 millions de dollars pour la commercialisation de son album Donda 2. 

 

Comment définir le Steam Player ? 

 

Il s’agit d’un objet physique portant le nom de Donda Stemplayer en hommage à sa mère Donda West. Cet objet permet de personnaliser n’importe quelle chanson. Par exemple, il est possible de dissocier chaque piste audio d’une musique en la combinant à différents types de volumes, d’instruments ou encore même créer des boucles. Cela fait même écho à une plateforme de mixage, petit clin d’œil à l’artiste dont les prémisses de sa carrière débutent en tant que producteur. 

Cette plateforme permet de  prendre en charge n’importe quel type de format de musique comme .MP3 .MP4 .WAV .AAC .AIFF etc. Ce produit est accessible pour la somme de 200 dollars. Un coût qui semble être onéreux mais qui n’a pas empêché la popularisation du produit.  En effet, la stratégie de Kanye West semble être fructueuse car l’artiste a déjà cumulé plus de 2,2 millions de dollars en une journée de vente, ce qui correspond à la vente de 11 000 unités. En outre, l’artiste souligne qu’il possède encore plus de 67 000 unités et que 3000 lecteurs Stemplayer sont produits chaque jour. 

 

Quelles peuvent être les potentielles conséquences de l’exclusivité de Donda 2 sur le Steam Player au détriment des plateformes de streaming  ? 

En matière de droit d’auteur, la diffusion du contenu de l’artiste sans son consentement est prohibée. Dès lors, toute divulgation d’un titre musical à un large public à travers des plateformes de streaming est illégal.  

Bien que les fans de l’artiste ont été avisés que son album allait sortir exclusivement sur sa plateforme, cela n’a pas empêché des diffusions illégales. D’innombrables liens redirigeant vers des leaks de Donda 2  ont eu lieu sous Google Drive, Soundclound ou Mega File, le matin même après l’événement. Bien évidemment,  ses contenus ont été progressivement supprimés. Toutefois cela n’a pas exempté aux utilisateurs de ces plateformes d’y accéder et d’écouter en exclusivité Donda 2 sur leurs smartphones sans passer sur le Steam Player.  En somme, Donda 2 n’est pas exempte d’exclusivité à proprement dite car les leaks continuent à être diffusés en permanence sur les réseaux sociaux à ce jour. Surtout que l’artiste compte faire d’autres listening party dévoilant de nouveaux morceaux, l’effet risque encore de se répéter. 

Quoi qu’il en advienne, le choix reviendra à Kanye West de commercialiser ou non Donda 2 sur les plateformes musicales. 

D’un point  de vue rétrospectif, ce n’est pas la première fois que l’artiste est hostile à la commercialisation d’un de ses albums. C’était le cas en 2016 pour son album The Life of Pablo qui est sorti exclusivement sur la plateforme Tidal. Kanye West arguait que la relation entre les artistes et les plateformes était inégalitaire. Nonobstant, la stratégie d’exclusivité a été de courte durée car l’album a été commercialisé sur toutes les plateformes.  Sera t-il le cas de Donda 2 ? Affaire à suivre. 

Cédric Neldé KOSSADOUM 

Sources : 

https://www.pocket-lint.com/fr-fr/gadgets/actualites/158143-quest-ce-que-kanye-west-donda-stem-player-comment-ca-marche-prix-date-de-sortie-caracteristiques

https://www.gqmagazine.fr/pop-culture/article/kanye-west-revele-les-ventes-record-de-son-stem-player-pour-ecouter-donda-2

https://twitter.com/NguyenH00142595/status/1495550567099346945?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1495550567099346945%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_c10&ref_url=about%3Asrcdoc

https://www.instagram.com/p/CaGuRhADEib/

https://www.esquire.com/es/actualidad/musica/a37429305/kanye-west-donda-canciones-polemica-kim/ (source image) 

Intelligence artificielle et propriété intellectuelle : les machines aussi exclues du copyright

 

Steven Thaler / Creativity Machine 

 

Le 23 février 2022, le US copyrights office a à nouveau refusé l’enregistrement d’un copyright portant sur une œuvre créée de façon entièrement autonome par une machine. Le docteur Stephen Thaler qui a opéré au dépôt de la demande de reconnaissance n’en est pas à son coup d’essai. Son nom apparaît régulièrement dans la presse liée à la propriété intellectuelle en raison de ses multiples demandes devant des autorités de délivrance de brevets et de copyrights.
En effet, cette décision répond à un appel interjeté suite à une première décision de l’USCO faisant suite au dépôt en 2019 d’une demande de reconnaissance de copyrights pour l’œuvre Recent entrance to paradise créée par l’intelligence artificielle Creativity machine. Avant ces arrêts, le Dr Thaler a aussi demandé de faire reconnaître ces dernières années la paternité d’une œuvre logicielle et de deux brevets d’invention à des machines. Courant 2021, ces dépôts de brevets avaient d’ailleurs été accordés par les autorités australiennes et sud-africaines à la machine DABUS bien que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Union Européenne leur aient opposé des refus.

Pour rappel, l’équivalent américain du droit d’auteur français, le copyright, est reconnu automatiquement à une œuvre au moment de sa mise en forme depuis la signature des Etats-Unis de la convention de Berne de 1886. Cependant, la saisine des juridictions d’une action en contrefaçon est conditionnée à l’existence d’un dépôt, ce qui justifie la demande du Dr Thaler et les décisions qui l’ont suivie.

L’autorité américaine base sa décision sur la loi américaine de 1976 relative aux copyrights qui exige expressément une paternité humaine pour l’œuvre. Cette référence fait écho aux arguments du déposant d’une teneur principalement politique et philosophique, l’USCO reste ainsi campé sur ses positions en la matière. Une évolution peut cependant être notée par rapport à la décision liée à la précédente demande du docteur, l’USCO avait refusé d’étudier la possibilité de reconnaître un copyright sur un logiciel créé par une intelligence artificielle.

De notre point de vue français, on imagine encore moins une intelligence artificielle se voir reconnaître la paternité d’une œuvre du point de vue des droits d’auteurs. En effet, d’une part le droit américain du copyright se distingue de notre droit d’auteur par l’absence d’exigence d’originalité et donc d’empreinte de la personnalité de l’auteur au sein de l’œuvre. L’acceptation de droits d’auteur pour une machine serait donc conditionnée par celle d’une personnalité, ce qui semble être une question bien plus problématique que l’exigence de nouveauté américaine. D’autre part, la titularité des copyrights peut être reconnue directement à un tiers (le plus souvent l’éditeur ou l’employeur) tandis qu’en France l’auteur reçoit directement un catalogue de droits patrimoniaux et personnels. L’existence de droits d’auteurs pour un logiciel nécessite donc la qualité de personne juridique.

Cette nouvelle décision refusant la reconnaissance de droits de propriété intellectuelle à des machines semble confirmer le caractère éloigné de cette possibilité. Cependant, l’évolution du marché de l’art provoquée par l’avènement en 2021 des NFT – dont beaucoup sont créés par des logiciels – risque d’amener les autorités législatives, administratives et juridictionnelles à faire évoluer leur position et éventuellement à prévoir un régime adapté de protection des œuvres.

 

Jean SOUQUET-BASIEGE

Sources :
https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/les-oeuvres-d-art-produites-par-des-ia-ne-peuvent-pas-etre-protegees-par-le-droit-d-auteur-n177305.html
https://www.mediacongo.net/article-actualite-100808_pas_de_droit_d_auteur_pour_une_uvre_creee_par_une_ia_aux_etats_unis.html#:~:text=L’Office%20am%C3%A9ricain%20du%20droit,par%20le%20droit%20d’auteur.
https://lirelemonde.com/les-etats-unis-nont-pas-accorde-de-droits-dauteur-a-loeuvre-creee-par-lintelligence-artificielle/
https://www.copyright.gov/title17/

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