Brèves du 31 mai au 6 juin 2021

Bonsoir, voici les brèves de la semaine. Très bonne lecture à tous !

 

Les marques Zara, Anthropologie et Patowl accusées par le Mexique d’appropriation culturelle 

Depuis plusieurs mois, le Mexique s’engage dans un contrôle plus strict de l’utilisation des motifs indigènes mexicains, sans autorisation préalable, par les marques étrangères. En effet, la loi mexicaine sur le droit d’auteur prévoit que l’intégralité des œuvres considérées comme artisanales ou populaires, doivent être respectées. La législation exige une mention explicite de la communauté autochtone dont elles proviennent en cas d’utilisation commerciale nouvelle.

 

Déjà en 2020 avec l’affaire Isabel Marant, l’appropriation de l’artisanat indigène avait été au cœur des débats. En effet, la créatrice de mode française s’était vu reprocher l’exploitation commerciale (sans autorisation) de différents motifs traditionnels de peuples indigènes mexicains, dans sa collection de l’époque. De même, une créatrice vénézuélienne basée aux Etats-Unis, avait été pointée du doigt pour avoir copié des broderies colorées typiques de la communauté Tenango. Enfin, l’appropriation culturelle avait également été reprochée à la célèbre enseigne espagnol Mango

Cette fois-ci, ce sont les marques Zara, Anthropologie et Patowl qui sont dans le viseur, à qui il est reproché d’avoir copié des motifs mexicains, et de s’être ainsi approprié des œuvres locales et culturelles pour réaliser leurs créations. 

 L’institut de la culture a envoyé des lettres aux trois marques pour leur demander de clarifier publiquement « sur quels motifs une propriété collective » appartenant à divers peuples autochtones de l’Etat méridional d’Oaxaca, « est privatisée », et d’indiquer de quelle manière elles envisagent de « rétribuer les communautés créatives ». 

Concernant Zara, c’est la robe Midi qui a été épinglée, à cause de sa ceinture qui reprend des éléments de la culture mixtèque, de la municipalité d’Oaxaca à San Juan. Pour la marque Anthropologie, le vêtement critiqué est le short brodé Marka, qui comporte des ornementations originaires de la culture de l’identité du peuple Mixe de Santa María Tlahuitoltepec. Enfin, la marque Patowl a réalisé des T-shirts imprimés ressemblant fidèlement aux vêtements traditionnels des peuples zapothèque de la communauté San Antonino Castillo Velasco.

Dans les trois lettres, Alejandra Frauto Guerrero, secrétaire mexicaine à la Culture,  fait savoir qu’elle souhaite que les marques ne portent pas atteinte à « l’identité et l’économie du peuple », et prône un « commerce équitable » également en faveur des designers, créateurs et entrepreneurs autochtones, au même titre que les grandes industries textiles. 

Déjà en avril dernier, cette personnalité politique très engagée pour la protection du patrimoine mexicain traditionnel et ancien, avait déclaré à l’attention de ces mastodontes de l’industrie textile « Vous ne pouvez pas respecter ce que vous ne connaissez pas. Vous devez inclure les personnes auxquelles vous rendez hommage quand vous faites un hommage. La personne ou la communauté que l’on honore doit donner son accord».

Cette reprise d’œuvre sans mention de la communauté ethnique pourrait relever d’une infraction commerciale.

 

Audrey NICOLLE

Sources : 

 

 

L’affaire Mila, le rôle central du pôle national de lutte contre la haine en ligne

Rappelons brièvement les faits. En 2020, Mila, alors lycéenne de 17 ans, a été victime d’un cyber-harcèlement massif et a fait l’objet de menaces de mort et de viol après avoir publié à deux reprises des vidéos sur les réseaux sociaux dans lesquelles elle critiquait ouvertement l’Islam et le prophète Mahomet.

Si l’enquête a d’abord été ouverte devant le parquet de Vienne (Isère), celle-ci a ensuite été confiée au pôle national spécialisé sur la haine en ligne, créé par la loi Avia. Ce nouveau pôle dispose d’une compétence nationale en matière de répression des discours haineux sur Internet.

De février 2021 à avril 2021, trois séries de gardes à vue ont été menées sur l’intégralité du territoire. Coordonnées par la Brigade de répression de la délinquance contre la personne, des sources proches de l’enquête révèlent que les plateformes comme Twitter, TikTok ou Instagram auraient activement collaboré avec les autorités judiciaires.

Le 3 juin, devant le tribunal correctionnel de Paris, furent convoquées treize personnes âgées de 18 à 35 ans. Les prévenus sont tous poursuivis pour « harcèlement moral en ligne » pour lequel ils encourent deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Dix d’entre eux comparaissent également pour « menaces de mort » ou « menace d’un autre crime » pouvant être punis de trois ans de prison et de 75 000 euros d’amende.

Ces dix hommes et trois femmes aux profils divers : d’intérimaires, aux étudiants, en passant par des personnes sans emploi, ont tous été placés sous contrôle judiciaire dans l’attente du procès. D’autres mineurs sont également visés dans le dossier mais seront jugés ultérieurement devant une juridiction spécialisée.

Au-delà des nombreuses polémiques ayant enflammé les réseaux sociaux et de l’enjeu sociétal que le procès recouvre, un enjeu judiciaire est mis en avant, celui du rôle préventif du pôle national de lutte contre la haine en ligne. En effet, depuis son entrée en vigueur le 4 janvier dernier, le pôle a d’ores et déjà été saisi de 140 affaires de cyber-harcèlement. Fléau du XXIème ayant conduit le même jour à la commission d’un meurtre dans un lycée de la ville de Reims, l’activité du pôle et ces deux seuls magistrats, n’est certainement pas prête à voir son activité réduite à la baisse.

Pierrine CERVI

Sources :

 

 

La rémunération pour copie privée des appareils reconditionnés : une opposition entre la culture et l’écologie ?

La rémunération pour copie privée instaurée depuis 1985 par la loi Lang constitue une contrepartie à l’exception de copie privée permettant au public de copier librement pour son seul usage des œuvres de l’esprit. Cette contrepartie prélevée lors de l’achat d’appareils capables de stocker des données multimédias est collectée par Copie France. Elle constitue une manne financière de revenu non négligeable dans le secteur culturel. En effet l’argent collecté grâce à cette dernière soutient chaque année la réalisation de 12 000 événements culturels et finance en partie notamment 64% des festivals de musique. Pas moins de 200 000 écrivains, cinéastes, artistes-plasticiens, photographes, scénaristes, auteurs-réalisateurs, auteurs de théâtre ou encore compositeurs de musique sont rémunérés par cette contrepartie compensant la copie privée de leurs œuvres. Cette rémunération a par ailleurs permis de venir en aide à plus de 10 000 créateurs en grandes difficultés depuis le début de la crise sanitaire en leur fournissant une aide d’urgence.

S’il est évident que ce système est vertueux pour le secteur de la culture, un conflit à cependant émerger ces dernières semaines sur le type de support assujetti à cette contrepartie. En effet dans le cadre du texte de loi sur l’empreinte environnementale du numérique en discussion au Parlement le Sénat en janvier dernier a adopté un amendement prévoyant que « les équipements numériques reconditionnés ne seront pas assujettis au paiement de la rémunération pour copie privée lorsque ces équipements ont déjà donné lieu à une telle rémunération ». Un amendement qui a priori n’avait rien de surprenant vu qu’il s’agissait déjà de la situation actuelle, les biens reconditionnés n’étant jusqu’à présent pas assujettis à la redevance pour copie privée.

Une exclusion qui cependant ne semble plus au goût du jour pour la commission pour la rémunération de la copie privée chargée de déterminer les types de supports qui entrent dans le champ de la rémunération pour copie privée ainsi que les tarifs de rémunération par type de support. Cette dernière a en effet dans un communiqué de presse publié le 2 juin annoncé l’adoption de deux nouveaux barèmes portant sur certains supports d’enregistrement reconditionnés afin de prélever une redevance sur ces derniers. En effet la commission souhaite que les smartphones et les tablettes reconditionnés soient soumis à cette rémunération consentant cependant à un abattement de 40% de cette dernière pour les smartphones et de 35% pour les tablettes tactiles.

Cette décision est cependant perçue comme une véritable déclaration de guerre par les acteurs filière du reconditionnement. Pour Jean Lionel Laccourreye, Président du Syndicat interprofessionnel du reconditionnement et de la régénération des matériels informatiques, électroniques et télécoms, le barème mis en place par la commission « ne répond pas aux préoccupations exprimées par les acteurs du reconditionnement ». Pour le syndicat la mise en place de cette redevance conduira à une augmentation de 10% du prix de vente des téléphones reconditionnés. Pour certains acteurs de la filière, l’exonération des appareils reconditionnée à la rémunération pour copie privée est tout simplement une question de survie. Emmaüs Connect, le Secours Catholique, les Ateliers du Bocage, Valor’Emm ont notamment envoyé une lettre aux députés afin d’expliquer à ces derniers la menace que représente pour leur activité cette redevance. Ces derniers affirment que « plus de 1000 emplois sont en jeu sur les métiers du reconditionnement : des emplois d’insertion pour des publics éloignés de l’emploi et adaptés pour des salariés en situation de handicap. Ajouter une redevance fragiliserait nos modèles qui disposent de marges économiques très limitées ». La société Back Market spécialiste du téléphone reconditionné en France estime quant à elle que la mise en place de la redevance conduira à « condamner la filière française du reconditionnement » qui aura bien du mal à faire face à la concurrence asiatique.

Les artistes quant à eux se mobilisent à leur tour pour voir appliquer cette redevance. 1600 artistes de tous bords ont signé le dimanche 30 mai dans Le Journal du dimanche une tribune afin de voir appliquer cette redevance dénonçant une « bataille qui opposerait l’écologie à la culture ». En effet, si ces derniers « partisans de cette nouvelle consommation » plus écologique, il considère cependant que comme celle-ci deviendra la norme dans les années futures refuser de soumettre les produits reconditionnés à la rémunération pour copie privée reviendrait à « condamner à terme un des piliers du financement de notre exception culturelle ». Ces derniers peuvent compter sur le soutien du ministère de la culture, Roselyne Bachelot affirmant notamment dans un tweet du 27 mai « Encourager l’achat de produits reconditionnés ne peut se faire au détriment de la culture ! ».

Il est ainsi évident que les enjeux sont ici importants, l’Assemblée nationale se prononcera sur la question le 10 juin. 

 

Florent EL ABIDI

Sources :

 

 

 

Canal+ s’exprime sur l’incessant débat relatif à la chronologie des médias

 

Depuis le 19 mai dernier, après des mois de fermetures, les cinémas ont enfin rouvert leurs portes au public, pour le plus grand plaisir des cinéphiles. L’espoir d’une reprise « à la normale » pour le cinéma, mais aussi pour l’ensemble des secteurs culturels, est désormais présent.

Toutefois, la crise sanitaire a grandement impacté l’industrie cinématographique, et plus globalement le secteur des médias. Cette pandémie a en effet accéléré la consommation de produits culturels dématérialisés, ce qui a notamment profité aux plateformes de vidéo à la demande, comme Netflix, Disney + ou encore Prime Vidéo.

Depuis le 21 décembre 2020, une ordonnance transposant la directive européenne du 14 novembre 2018 relative à la fourniture de services de médias audiovisuels dite SMA a été signée, et l’article 28 de cette ordonnance, traitant de la chronologie des médias, ne cesse de faire parler de lui.

L’objectif de cet article est d’imposer aux plateformes de vidéos à la demande de contribuer à la production des œuvres cinématographiques, à hauteur d’environ 20 ou 25% de leur chiffre d’affaires, en contrepartie de quoi, la diffusion de ces œuvres cinématographiques sur d’autres supports pourra être accélérée, grâce à une réduction du délai initial d’environ 36 mois, pour passer selon les demandes des plateformes, à 12 mois environ.

Mais ce projet ne met pas tous les acteurs du cinéma d’accord, et notamment les acteurs français.

Le président du directoire du groupe Canal+, Maxime SAADA, s’est récemment exprimé sur ces questions toujours en suspens de chronologies des médias. Il a en effet fait part de son mécontentement quant au projet de réduction drastique de la durée entre la diffusion en salle de cinéma et la diffusion sur d’autres support, et notamment sur les plateformes de vidéo à la demande du type Netflix, Disney+ ou encore Prime Vidéo.

 

 

Maxime SAADA exprime notamment sa crainte de la mise en place d’un déséquilibre notable entre les géants mondiaux de la vidéo à la demande d’un côté, et de Canal+ en tant que partenaire historique du secteur du cinéma français, causé par ce projet de modification du calendrier de diffusion lié à des question de financement d’œuvres cinématographiques.

Il précise notamment que « En les faisant entrer dans le financement du cinéma français sans se préoccuper du devenir des acteurs en place, sur lesquels repose l’essentiel de ce système, le cinéma français court tout droit à la catastrophe ».

Le président du directoire du groupe Canal+ met donc en lumière des acteurs du secteur cinématographique français pouvant être lésés par cette modification de la chronologie des médias.

Il propose comme solution que Canal+ soit autorisé à diffuser dans les « trois à quatre mois après leur sortie », à la place de six à huit mois aujourd’hui, soit une réduction de moitié. La chaîne menace par ailleurs de passer en format plateforme et d’abandonner son canal TNT. Le sort des chaînes TF1 et M6 est également en discussion.

L’enjeux de cette chronologie des médias est donc de taille, mais ne cesse de diviser.

Toutefois, une diffusion trois mois après les sorties en salles obscures, comme souhaité par Canal+, semble dénuer de sens le fait même de se rendre en salle de cinéma, tant la durée entre les deux types de diffusion est restreinte.

Des réponses sont donc attendues, mais la prise en compte des intérêts de l’ensemble des acteurs concernées semble bien évidemment complexe. Un décret est attendu le 1er juillet prochain.

 

Mélinda GUREN

Sources :

 

Promotion 2020/2021

MasterIPIT