Bonsoir à tous,
Les brèves du 7 au 15 mai 2023 sont disponibles.
Nous remercions Juliette GUILLEMOT et Emma BARETTI pour leur contribution !
En vous souhaitant une bonne lecture ainsi qu’une bonne semaine,
Le Collectif
Quand la « gratuité des services Twitter est un leurre », le réseau social est condamné à revoir les clauses de ses conditions générales d’utilisation
Rendu visible depuis quelques jours, l’arrêt du 14 avril 2023 de la Cour d’appel de Paris condamne la société Twitter au paiement de 100 000 euros notamment au titre de l’atteinte portée à « l’intérêt collectif des consommateurs », et suggère la « clarification » des clauses contenues au sein de ses conditions générales d’utilisation.
C’est en 2014 que l’association de défense des consommateurs a pu saisir pour la première fois la justice au dessein que celle-ci reconnaisse le caractère abusif ou illicite de « 256 clauses » disposées au sein des conditions d’utilisation du réseau social Twitter. Fait notamment partie de la catégorie des clauses contestées, la clause en vertu de laquelle Twitter s’accorde la possibilité de « copier, adapter, modifier ou même vendre les contenus postés (…) des utilisateurs y compris ceux protégés par le droit de la propriété intellectuelle (…) ». Sans aucun doute, l’imprécision et le choix inopiné des termes utilisés au sein de ces clauses ont invité les juges à condamner le réseau social dans un jugement du 7 août 2018.
À la différence de Google et Facebook, Twitter n’a pas souhaité s’y conformer et a donc fait appel. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a été amenée à se prononcer sur l’applicabilité du Code de la consommation aux conditions générales d’utilisation. À cela, Twitter s’y est opposé en arguant la gratuité de ses services. Or, selon l’association UFC-Que choisir, « le contrat twitter » a bien « une contrepartie financière », car le réseau social repose « sur la valorisation des données à caractère personnel des utilisateurs (…) afin de transférer les données à des tiers qui vont en faire une exploitation commerciale ». Sensible à ces arguments, la Cour d’appel de Paris a relevé l’applicabilité des dispositions du Code de la consommation « aux conditions générales d’utilisation de Twitter ».
Poursuivant son appréciation des clauses, la juridiction a pu relever que la « suppression d’un certain nombre de clauses » par le réseau social permettrait « d’aboutir à des conditions facilement accessibles et intelligibles (…) pour l’utilisateur lambda ». En effet, le « maquis de clauses » et leur « répétition » nuisent à l’appréhension par l’utilisateur-consommateur des informations contenues dans les conditions d’utilisation.
Marquant la fin de « dix ans de procédure », l’arrêt du 14 avril 2023 est protecteur pour les utilisateurs du réseau social Twitter dont les conditions sont désormais soumises aux dispositions du Code de la consommation. Considérée comme un « exemple », il semble qu’une telle décision pourrait venir s’appliquer aux autres réseaux sociaux lesquels ne pourront notamment plus modifier le contrat sans l’accord de l’utilisateur….
Juliette GUILLEMOT
Sources :
La Commission européenne publie ses recommandations pour lutter contre le piratage des événements en direct
Après de nombreuses sollicitations du Parlement européen et des organisations des secteurs du sport et de la création, la Commission européenne a proposé, le 4 mai 2023, de nouvelles mesures pour lutter contre la diffusion illicite d’événements en direct. Les manifestations sportives sont particulièrement concernées par ce phénomène, mais des évènements culturels tels que les concerts ou les représentations théâtrales peuvent également faire l’objet de diffusions illicites.
L’enjeu de cette lutte contre le piratage des événements en direct est d’autant plus important que la valeur de ces contenus est éphémère et se limite souvent à la durée de l’événement.
À travers ces recommandations, la Commission entend agir contre les pertes de revenus subies par les artistes interprètes et par les organisateurs de ces évènements en raison des diffusions illicites, et ainsi renforcer la compétitivité des secteurs du sport et de la création de l’Union européenne.
Tout d’abord, la Commission européenne s’adresse aux fournisseurs de services d’hébergement en sollicitant la suppression rapide des contenus illégaux. Elle souligne « l’importance d’une action urgente de la part des fournisseurs de services d’hébergement pour réduire au minimum le préjudice causé par la diffusion en continu illégale ».
Ensuite, la Commission propose de mettre en place un système de blocage dynamique des liens qui transmettent frauduleusement ces manifestations. Les États membres sont encouragés « à accorder la qualité pour agir aux organisateurs de manifestations sportives afin de leur permettre de demander une injonction ». En France, des mesures ont déjà été prises en ce sens.
Enfin, la Commission recommande aux organisateurs d’événements en direct et aux radiodiffuseurs de rendre leurs offres commerciales plus abordables pour les utilisateurs de l’Union européenne. En d’autres termes, selon la Commission, si les abonnements aux chaînes sportives sont moins onéreux alors le recours au piratage devrait diminuer. Les États membres, quant à eux, sont invités à sensibiliser les consommateurs sur l’existence d’offres légales pour regarder ces contenus.
La Commission souligne que ces mesures doivent être mises en œuvre dans le respect des droits fondamentaux et des règles en matière de protection des données à caractère personnel.
Il convient également de noter que ces recommandations n’ont aucune valeur contraignante, de quoi décevoir les titulaires de droits et les parlementaires. Ces derniers souhaitant, en effet, l’adoption d’un « véritable instrument législatif ».
La Commission se donne deux ans et demi pour évaluer les effets de ces mesures, en vue d’une éventuelle législation ultérieure dans ce domaine. Les titulaires de droits devront donc faire preuve de patience…
Emma BARETTI
Sources :
https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_23_2508
Projet de loi sur l’espace numérique : l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence
La semaine dernière, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, a soumis au Conseil des ministres un projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique dont la finalité est de vivre dans une société « numériquement plus sûre », comme l’a indiqué le ministère.
À la suite de la saisine de l’Autorité de la concurrence par le ministre, ce projet de loi, qui instaure un paquet de mesures sur des enjeux omniprésents tels que la cybercriminalité, la protection des enfants sur Internet, les fournisseurs cloud ou encore la désinformation, a fait l’objet d’un avis par ledit organe, en vertu de sa compétence consultative. Ce dernier a été rendu le 11 mai.
Des recommandations concernant trois articles du projet, notamment ceux relatifs à la partie cloud, ont ainsi été rendues. Bien que l’Autorité « partage les préoccupations exprimées dans le projet de loi à l’égard de certaines pratiques ou défaillances de marché dans le secteur de l’informatique en nuage », cette dernière demande des éclaircissements principalement par souci de conformité au futur règlement européen (« Data Act »), qui est toujours en cours de négociation.
L’Autorité craint un décalage entre ces mesures proposées par le gouvernement et le futur règlement européen, ce qui pourrait mener à pénaliser les acteurs opérant sur le marché français. De fait, elle attire dans un premier temps l’attention du législateur sur le besoin de cohérence entre le régime transitoire prévu par le projet de loi et les dispositions du futur règlement sur les données (« Data Act »). L’Autorité demande également à clarifier les définitions de « service d’informatique en nuage » et « avoir d’informatique en nuage », mais également les conditions d’encadrement des durées et de reconduction des avoirs d’informatique en nuage. Alors que le projet vise à rendre les opérateurs du « cloud » plus interopérables, en permettant une « portabilité » des données entre les différents services concurrents, par l’interdiction des « frais de transfert » et par l’encadrement des avoirs commerciaux (aussi appelés « crédits cloud »), l’Autorité recommande de clarifier les frais liés au transfert de données. Enfin, elle demande que soit garantie la bonne articulation des mesures liées à l’interopérabilité et à la portabilité avec le futur Data Act.
Le gouvernement aura alors tout intérêt à suivre ces cinq orientations qui ressortent de cet avis, afin de ne pas risquer de détériorer le fonctionnement concurrentiel du secteur numérique.
Louise FOUQUET-CRISTOFINI
Sources :
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/competence-consultative
Droit moral de l’auteur : une proposition de loi contre la réécriture des œuvres littéraires
Une proposition de loi visant à protéger l’intégrité des œuvres des réécritures idéologiques a été déposée à l’Assemblée nationale par le député Les Républicains Jean-Louis Thiériot. Ce dernier se préoccupe de la réécriture d’œuvres littéraires dernièrement constatée dans le monde anglo-saxon.
« Aujourd’hui, des œuvres du patrimoine culturel de l’Humanité sont menacées de disparition sous la pression du mouvement « wokiste » et de la “cancel culture » », s’indigne Jean-Louis Thiériot.
En effet, cette proposition s’inscrit dans un contexte particulièrement tendu observé au Royaume-Uni. Un mouvement de sensitivity readers inspecte les livres et modifie les passages susceptibles d’offenser les « sensibilités modernes ». De nombreux ouvrages ont en fait l’objet comme ceux de Roald Dahl, Ian Fleming ou encore d’Agatha Christie. Pour illustrer, dans Mort sur le Nil, le personnage de Mrs Allerton proteste contre un groupe d’enfants. Dans l’ouvrage d’origine, il est écrit : « Ils reviennent et regardent, et regardent, et leurs yeux sont tout simplement dégoûtants, tout comme leur nez, et je ne crois pas que j’aime vraiment les enfants » ; dans la nouvelle version, « Ils reviennent et regardent, et regardent. Et je ne crois pas que j’aime vraiment les enfants ». Les termes « oriental », « gitan » ou « indigène » sont enlevés.
L’objectif du député LR est limpide : « inscrire dans la loi tous les garde‑fous qui permettront d’éviter que demain ce ne soit Molière qui soit passé au crible de la « relecture en sensibilité » ».
Sa proposition de loi se découpe en 2 articles :
- Article 1er : L’article L. 121‑4 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le droit de repentir et de retrait ne peut être exercé que par l’auteur lui‑même. Il n’est pas transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. Son exercice ne peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires. »
En procédant de la sorte, le député souhaite rendre le droit de repentir ou de retrait intransmissible aux ayants droit de l’auteur. En droit positif, l’article L. 121 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires ». Les attributs du droit moral étant transmissibles, les ayants droit d’un auteur pourraient ainsi imposer aux éditeurs de réécrire ou de faire retirer les exemplaires disponibles sur le marché.
Pour soutenir ses propos, le député s’appuie sur un arrêt du TGI de la Seine du 15 avril 1964, Les Misérables dans lequel la jurisprudence admet que le droit de retrait et de repentir n’est pas transmissible aux ayants droit de l’auteur décédé, contrairement aux autres prérogatives du droit moral.
- Article 2 : Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la première partie du Code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 121‑10 ainsi rédigé : « Le ministre chargé de la culture dispose du droit au respect de l’œuvre qu’il peut exercer dans toute instance juridictionnelle afin d’en défendre l’intégrité. »
Il propose également que le ministre de la Culture soit détenteur du droit au respect de l’œuvre afin de pallier l’éventuelle carence des ayants droits.
Certes, les réécritures peuvent s’avérer discutables en ce qu’elles tracent une ligne de démarcation entre l’auteur et son œuvre dont la version d’origine est modifiée, mais contrarier la volonté originelle du législateur français de rendre le droit moral perpétuel n’est pas nécessairement une solution adaptée.
Ninon VANDEKERCKHOVE
Sources :
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1199_proposition-loi#