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Les brèves du 9 au 15 janvier 2023 sont désormais disponibles !
En vous souhaitant une bonne lecture.
Le Collectif
L’invention d’une intelligence artificielle en tant que défenseur des droits d’un prévenu aux États-Unis : l’avocat peut-il finalement être remplacé par un robot ?
C’est une grande première mondiale : un système basé sur l’intelligence artificielle va prendre le rôle d’un avocat pour défendre une personne accusée d’excès de vitesse aux États-Unis. Cette innovation, lancée par la startup américaine DoNotPay (DNP), constitue une véritable technologie révolutionnaire, possiblement capable de changer l’avenir de la profession d’avocat.
Tout est parti de la création d’un chatbot juridique par la société DNP en 2015, avec comme objectif premier d’aider à titre gratuit les consommateurs dans les démarches juridiques fastidieuses avec des entreprises. Ce logiciel a ainsi permis, par exemple, d’octroyer des remboursements en négociant avec les professionnels. Mais la société, vraisemblablement ambitieuse, ne s’est pas arrêtée là et a décidé de changer son outil en un réel avocat robotisé. En effet, selon le PDG de la startup Joshua Browder, les avocats, qu’il considère de « techniciens », « facturent beaucoup trop d’argent juste pour copier/coller des documents. Je pense qu’ils devraient être remplacés » ; Il semble que ce dernier sous-estime le travail, quelque peu conséquent, exigé par la profession.
Mais comment cela est-il possible ?
En 2020, la société DNP a ouvert l’accès à une toute nouvelle plateforme basée sur l’intelligence artificielle, nommée le GPT-3. Ce modèle de langage d’OpenAI est ainsi capable de générer une multitude d’informations, telles que des textes de lois et de jurisprudence. C’est d’ailleurs sur ce système que l’outil conversationnel « ChatGPT » fonctionne.
Ainsi, une fois que l’IA est en possession de toutes les connaissances nécessaires, il suffira de l’interroger sur un problème légal précis, et sera en mesure d’explorer l’ensemble de ses connaissances pour enfin organiser les données et proposer un texte, assez intelligible, capable d’assurer les intérêts d’une personne.
C’est ainsi qu’une intelligence artificielle va prendre place au sein d’un tribunal très prochainement ; aucune information sur le lieu, la date de l’audience ainsi que sur l’identité de l’accusé est divulguée par souci de secret d’instruction.
Alors que de façon ordinaire, tout objet connecté est interdit dans un tribunal, ici l’accusé sera équipé d’un appareil relié à une oreillette, afin que l’IA indique à ce dernier, en direct, les arguments qu’il peut utiliser dans le cadre de sa défense. Pour ce faire, la société est parvenue à trouver une région aux États-Unis comprenant un vide juridique permettant alors d’autoriser la présence de ce matériel en tant qu’« aide auditive ».
A noter que l’IA s’en tiendra seulement aux faits et aux textes de lois, comme l’a précisé le PDG au magazine NewScientist : « ce n’est pas bon si l’IA essaye de déformer les faits et de manipuler les gens ».
Vers une robotisation de la profession d’avocat ?
Cette avancée remarquable peut toutefois poser des questions quant à la pérennité de la profession d’avocat. Alors que le domaine judiciaire repose sur un système contenant des praticiens humains, cette innovation pourrait remettre toutes ses fondations en cause. Mais il convient de préciser que la démocratisation de cette pratique n’arrivera pas demain la veille, puisqu’il faudrait l’unanimité des spécialistes sur ce point, une multitude de textes réglementaires, sans compter les problématiques éthiques qu’elle pose auxquelles il faudra répondre. L’avocat n’est ainsi pas prêt d’être remplacé par un « robot ».
Il ne reste plus qu’à attendre le verdict, et nous pourrons juger de la fiabilité de l’IA dans cette affaire…
Louise FOUQUET-CRISTOFINI
Sources :
https://futurism.com/court-case-ai-defendant-earpiece
https://www.presse-citron.net/premiere-mondiale-une-ia-va-defendre-un-humain-en-justice/
https://www.presse-citron.net/chatgpt-un-jour-avant-la-revolution/
Air France, victime d’un piratage informatique
En début de semaine, Flying Blue, le programme de fidélité regroupant plusieurs compagnies aériennes dont Air France et KLM, a été victime d’un piratage informatique. Ce programme permet aux voyageux d’accumuler des points pour chaque vol sur les compagnies partenaires (Air France-KLM, Transavia, Aircalin, Kenya Airways et Tarom). Les points obtenus peuvent être échangés contre des cadeaux ou des vols.
Le service communication du groupe Air France a confirmé que les données des clients Flying Blue avaient fuité et été consultées. Il a également été ajouté que leur équipe de sécurité informatique “a mis en place des actions correctives pour mettre fin à l’incident” et qu’ ”aucune donnée sensible telle que des numéros de passeport ou de carte de crédit n’a été divulguée”. Le groupe a également tenté de rassurer un client sur Twitter en lui expliquant que “l’attaque a été bloquée à temps”.
Cependant, d’autres données sont concernées par cette fuite de données : les noms et prénoms, les numéros Flying Blue ainsi que les statuts, le nombre de points gagnés lors des différents voyages, les numéros de téléphone, les adresses e-mail et les dernières transactions.
Les comptes concernés par ce piratage ont été bloqués et il a été demandé aux membres du programme de fidelité de changer le mot de passe de leur compte. Le groupe n’a pas apporté davantage de précisions concernant l’intrusion dans la base de données des clients par les pirates.
KLM et Air France ajoutent que les autorités compétentes ainsi que les clients concernés ont été informés. Les autorités compétentes chargées de veiller à la protection des données personnelles des citoyens sont : la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) et l’Autoriteit Persoonsgegevens (Autorité néerlandaise de protection des données), étant donné que KLM et Air France sont respectivement les principales entreprises néerlandaise et française de transport aérien.
Malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’Air France est victime d’un tel incident. En décembre 2022, la compagnie avait alerté les professionnels du voyage de l’utilisation de son nom pour l’envoi de messages frauduleux. Le service de communication a tout de même souhaité préciser que les deux incidents n’étaient pas liés.
Quelques jours après cette fuite de données, mercredi dernier, c’est au tour de l’autorité américaine de l’aviation d’ordonner l’arrêt total de ses vols intérieurs aux Etats-Unis suite à une panne informatique “afin de permettre à l’agent de confirmer l’intégrité des informations de vol et de sécurité”. En effet, le trafic aérien a été suspendu dans le pays à la suite d’une suspicion de cyberattaque.
Lili POURHASHEMI
Sources :
https://www.01net.com/actualites/apres-piratage-air-france-klm-conseille-changer-mot-passe.html
Adidas c/ Thom Browne : la bataille judiciaire entre bandes rivales
12 janvier 2023, New York. Le groupe de vêtements de sport Adidas perd son action en contrefaçon contre le créateur de mode américain Thom Browne.
La bataille entre les deux entreprises remonte en réalité depuis plus de 15 ans. Dès 2007, Adidas avait protesté l’utilisation par Thom Browne d’un motif à trois bandes sur ses collections de couture. En réponse, Browne avait arrêté d’utiliser sa « Three-Bar Signature » et décidé d’adjoindre une quatrième bande.
En 2021, Adidas poursuit Thom Browne pour ses quatre bandes parallèles sur les blazers, tee-shirts, pantalons de survêtement, sweats à capuche ou encore chaussettes de la maison de couture. En vain…
Le géant des vêtements de sport a allégué que cette « Four-Bar Signature » était trop similaire à son logo à trois bandes créé en 1949. A ce titre, elle demande près de 7,8 millions de dollars de dommages et intérêts punitifs et une part des ventes de Thom Browne Inc. En défense, l’équipe juridique de Thom Browne a fait valoir que le risque de confusion est peu probable puisque les entreprises « opèrent sur des marchés différents, servent des clients différents et proposent leurs produits à des prix très différents ». Adidas serait une marque de sport abordable tandis que Thom Browne est une maison de luxe qui s’adresse à une clientèle fortunée. Pour illustrer, une paire de collants de compression Browne coûte plus de 650 euros, et un legging Adidas 90 euros. En outre, ses avocats ont déclaré que les rayures constituent un « élément de conception commun dans le monde de la mode ».
Ainsi, la justice américaine a considéré qu’Adidas n’avait pas démontré que l’usage par Thom Browne Inc. de rayures sur ses vêtements portait atteinte à la marque de l’entreprise de vêtements de sport allemande. Le risque de confusion des deux entreprises dans l’esprit des consommateurs n’est alors pas avéré.
Un porte-parole d’Adidas a certifié que la société « continuera à faire respecter avec vigilance notre propriété intellectuelle, y compris en déposant tous les recours appropriés ».
L’histoire se répète. Il ne s’agit pas de la première bataille judiciaire qu’Adidas intente et perd ces dernières années. En 2019, l’Office de la propriété intellectuelle de l’Union européenne (EUIPO) invalide son logo à trois bandes à titre de marque, estimant qu’il était dépourvu de caractère distinctif. De plus, Adidas a déjà échoué face à un « outsider ». Tel était le cas dans l’affaire le confrontant à H&M pendant 24 ans relative à l’utilisation de rayures dans la collection « Work Out ».
Ninon VANDEKERCKHOVE
Sources :
https://www.bbc.com/news/world-us-canada-64261616
https://www.vanityfair.fr/mode/article/thom-browne-gagne-contre-adidas-et-conserve-ses-quatre-bandes
Faux comptes & Scraping : Meta poursuit Voyager Labs pour vol de données
« Donc, en gros, ils ont volé le produit principal de Facebook plutôt que de l’acheter. Lol » pouvons-nous lire sur Reddit au sujet de l’action en justice intentée par Meta cette semaine.
Le géant américain a annoncé mardi intenter une action à l’encontre de Voyager Labs, l’accusant d’avoir secrètement collecté des informations relatives aux utilisateurs de ses réseaux sociaux Facebook et Instagram.
Qui est Voyager Labs ?
Voyager Labs est une entreprise privée qui utilise l’intelligence artificielle afin de collecter des données et d’enquêter sur des entités ou des individus. Son site internet indique qu’elle analyse les données disponibles sur le web, le deepweb et le darkweb pour « comprendre le contenu et les interactions humaines et de trouver des connexions et des relations cachées ou inconnues ». D’après l’entreprise, ces analyses lui permettent notamment de prédire quels individus pourraient commettre des crimes.
Les enquêtes et conclusions sont ensuite vendues à des clients du secteur privé comme public. Il avait notamment été révélé en 2019 que les services de police de Los Angeles avaient eu recours aux services de l’entreprise à des fins de « police prédictive ».
Utiliser l’intelligence artificielle pour prédire le futur peut conduire à des dérives évidentes et il était ressorti de ces révélations que les prédictions étaient orientées, reproduisant des préjugés et discriminations. Toutefois, la police prédictive est perçue par de nombreux acteurs de la défense comme un réel outil, et les entreprises similaires à Voyager Labs se multiplient.
De quoi les accuse Meta ?
Aujourd’hui, ce n’est pas l’algorithme prédictif qui est critiqué mais la manière dont les informations sont collectées. Meta accuse en effet la firme d’avoir fait du scraping de données sur Facebook, Instagram et d’autres sites web, tels que Twitter, YouTube, LinkedIn et Telegram de manière illégale : via l’utilisation de faux comptes.
Sur Facebook, Voyager Labs se serait cachée derrière plus de 38 000 faux comptes, créés depuis des ordinateurs et réseaux dispersés dans de multiples pays, afin de récolter des informations sur plus de 600 000 utilisateurs. Ces informations ont trait notamment à leurs identités, publications, photos, listes d’amis, leurs commentaires ainsi qu’à leurs activités, qu’elles soient disponibles ou déterminées par l’algorithme.
Les conditions d’utilisation d’Instagram et Facebook prohibent tant les faux comptes que le scraping automatisé et non autorisé des données. Meta a donc désactivé ces comptes et demandé au tribunal californien de bannir l’entreprise des deux plateformes.
Bien que cette situation ne soit pas dépourvue d’ironie, puisque Meta utilise aussi les données de ses utilisateurs pour prédire leurs comportements, cette fois en tant que consommateurs et non de criminels, cette poursuite permet de pointer du doigt des pratiques qui peuvent fortement porter atteinte aux droits des individus. D’après Rachel Levinson-Waldman, Directrice générale du programme de liberté et de sécurité nationale du Centre Brennan, l’action de Meta alarme sur les dérives liées à la police prédictive :
« Cela envoie un signal assez clair, de manière générale, à l’industrie de la surveillance pour le compte d’autrui, qu’elle pourrait faire face à des poursuites judiciaires, et j’espère que cela envoie également un signal aux services de police et aux autres organismes d’application de la loi qui envisagent ces outils. »
Esther PELOSSE
Sources :
https://welovedevs.com/fr/articles/web-scraping-definition/
https://about.fb.com/news/2023/01/leading-the-fight-against-scraping-for-hire/
https://www.theverge.com/2023/1/13/23553332/meta-facebook-instagram-voyager-labs-data-privacy-sue
https://www.theguardian.com/technology/2023/jan/12/meta-voyager-labs-surveillance-fake-accounts