Google et Facebook se lancent dans le Trust Project !

À l’heure où le phénomène des « fake news » est en plein essor et que les polémiques vis-à-vis des médias prennent de l’ampleur, les géants de l’Internet s’engagent dans un projet de transparence à l’égard des informations et actualités publiées sur leurs réseaux.

 

Nous avons tous déjà fait face à une information diffusée en masse, sans source et sans assurance de sa véracité. Il nous est même parfois arrivé de partager une actualité erronée ou non-vérifiée : le décès d’une personnalité publique, un nouvel attentat, des propos de personnalités etc.

Les réseaux sociaux influencent les individus, leur manière d’agir et de réagir face à un nombre incalculable d’actualités en un temps restreint, et plus globalement, leur manière de penser.

Avec l’arrivée de ces « fake news » sur les réseaux sociaux, des chercheurs de l’Université de Stanford, dans une étude publiée « Social Media and Fake News in the 2016 Election »[1] tendent à dire que, si l’impact de ces fausses informations propagées sur les réseaux sociaux reste marginal comparé à l’impact de celles diffusées par les médias traditionnels, elles ne sont cependant pas sans conséquence. Selon cette étude, les « fake news »sont susceptibles d’avoir joué un rôle dans l’élection de Donald Trump face à Hillary Clinton, lors de la dernière élection présidentielle aux États-Unis. Facebook a d’ailleurs été accusé de ne pas avoir empêché la propagation de certaines d’entre elles et à ce titre on peut citer notamment la diffusion d’un article partagé plus d’un million de fois annonçant le soutien du Pape François à Donald Trump.

Ainsi, pour lutter contre cette désinformation globale par les médias traditionnels et les réseaux sociaux, le Trust Project a été lancé.

 

  • Qu’est-ce que le Trust Project ?

 

Le Trust Project[2] est une initiative lancée par la journaliste et professeure Sally Lehrman et le Markkula Center for AppliedEthics[3] de l’Université de Santa Clara pour lutter contre la désinformation sur les réseaux sociaux et plus généralement, sur internet. D’abord créé pour les médias traditionnels en ligne, de grands groupes de presse anglo-saxons se sont engagés dans ce processus tels que la BBC,le New York Times, The Economist mais également d’autres groupes de presse internationaux tels que la Repubblica pour l’Italie et la Deutsche Presse Agentur pour l’Allemagne. Aucun média français ne s’est engagé dans ce projet pour l’instant. Ce mouvement est également soutenu par Microsoft et Twitter, qui sont les premiers groupes en matière d’informatique et de plateformes numériques à se lancer dans le projet.

 

La lutte contre la désinformation se fera à l’aide d’indicateurs de confiance établis par le Markkula Center for AppliedEthics en collaboration avec les groupes de médias partenaires. Chaque article sera estampillé d’un indicateur déterminant son niveau de fiabilité afin d’informer le public.

Ces indicateurs sont au nombre de huit : la transparence sur le financement et la mission de l’organe de presse, les renseignements sur le journaliste, le type de travail (pour permettre de distinguer une opinion d’une analyse et de savoir si l’annonceur est parrainé ou appartient à un certain courant), les citations et références, les méthodes utilisées et les motivations (le processus de recherche et d’investigation), la source locale, la pluralité d’opinions et enfin les témoignages. Par ces huit indicateurs, les médias se protègent alors de toute accusation de diffusion de fausses informations ou d’informations biaisées.

Le 16 novembre 2017, deux géants de l’Internet, Google et Facebook, ont rejoint l’initiative afin de prouver leur bonne foi et leur volonté de transparence quant aux informations qu’ils diffusent. En associant clairement des indicateurs aux informations diffusées, ces deux multinationales préviennent le lecteur du niveau de fiabilité de l’information et écartent leur responsabilité pour toute information qui serait fausse on non-vérifiée.

 

  • Vers un encadrement juridique ?

 

Même si cette initiative est simplement préventive et faite sur la base du volontariat, elle apparaît en effet comme un premier encadrement de l’information en libre-accès sur les réseaux sociaux et plateformes numériques. Le but essentiel du Trust Project est d’instaurer le plus de transparence possible, mais en aucun cas de limiter la diffusion d’informations ou encore de sanctionner les diffuseurs de « fake news ». Cela reste tout de même une première étape vers un possible encadrement juridique. A terme, ces indicateurs pourraient même avoir une valeur juridique contraignante.

 

De plus en plus, la France, l’Europe et même le monde entier discutent sur une possible sanction contre les diffuseurs de « fake news », notamment depuis que plusieurs études ont prouvé l’impact de celles-ci sur les utilisateurs de réseaux sociaux.

En mars 2017 en France, une proposition de loi pour encadrer et sanctionner ces « fake news » a d’ailleurs vu le jour. Cependant, en droit français, différents textes évoquaient déjà ce phénomène, et ce bien avant que le terme n’apparaisse. En effet, la très célèbre loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 prévoit, en son article 27, un délit de fausses nouvelles : « La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d’une amende de 45 000 euros »[4]. La diffusion de fausses informations peut donc être sanctionnée par ce biais avec malgré tout une condition : que celle-ci soit de nature à troubler l’ordre public. Ce délit est cependant très limité car seul le Ministère Public peut l’invoquer.Il est également possible d’invoquer pour ce type de délit la publicité mensongère, la diffamation ou l’atteinte à la vie privée.

 

Au sein de l’Union Européenne, une consultation publique[5] a été lancée en novembre 2017 pour lutter contre la désinformation en ligne et les fausses nouvelles mais aussi pour préparer des mesures qui devraient être annoncées courant 2018. En effet, la Commission Européenne s’attache à lutter contre ce phénomène par des moyens préventifs tels que la consultation ou la création de groupes d’experts pour discuter des futures mesures à prendre. La Commission veut donner à ses citoyens les moyens d’identifier les informations auxquelles ils font face,  de savoir si l’information diffusée est fiable ou non. Le parallèle avec le Trust Project est assez évident.

Le but de l’Union Européenne avec ces consultations et ces discussions est d’élaborer une stratégie pour lutter contre ces fausses nouvelles, tendant à transmettre aux utilisateurs des plateformes numériques et des réseaux sociaux une information qui soit la plus transparente possible. Nul doute que cette stratégie se rapprochera grandement du projet lancé par Sally Lehrman avec toutefois un caractère plus formel et contraignant, le Trust Project restant une initiative basée sur le volontariat.

 

Emeline GUEDES

[1]http://web.stanford.edu/~gentzkow/research/fakenews.pdf

[2]https://thetrustproject.org

[3]https://www.scu.edu/ethics/about-the-center/

[4]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419726&cidTexte=LEGITEXT000006070722

[5]https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/la-commission-europeenne-lance-une-large-consultation-sur-les-fake-news_1960248.html

MasterIPIT