Comme l’a si justement déclaré en 1925 le fondateur de la République de Turquie, Mustafa Kemal Atatürk, « l’avenir est dans le ciel ». Cette vision audacieuse résonne aujourd’hui plus que jamais alors que la Turquie cherche à se positionner fermement dans la course à l’espace. Malgré un retard remarquable par rapport aux grandes puissances spatiales, ces dernières années ont vu un regain d’investissement de la part du gouvernement turc, ainsi que de la part des acteurs privés. L’effort spatial turc a notamment consacré ses ressources aux initiatives d’institutionnalisation (I) et au programme spatial national (II). Si ce progrès montre des atouts garantissant à la Turquie un succès dans le domaine spatial, il est impératif de reconnaître que des évolutions sont indispensables, notamment sur le plan juridique (III).
I) La genèse du soutien institutionnel
A) Les étapes historiques de l’exploration spatiale en Turquie
L’étude spatiale en Turquie a été officiellement mise à l’agenda au début des années 1960 et a pris de l’ampleur depuis 2005.
Avant le lancement de la politique spatiale en Turquie, une réforme économique a été entreprise, modifiant les bases et les objectifs budgétaires de l’État. Officiellement adoptée en 1960 sous le nom d’Agence de planification de l’État, cette réforme a jeté les fondations de la stabilisation de l’économie turque en planifiant les activités économiques sur des périodes de cinq ans. Cela a conduit à la mise en œuvre d’un plan d’actions et d’objectifs par l’administration publique. L’objectif initial de l’Organisation de planification de l’État était de créer le Conseil de recherche scientifique et technologique de Turquie (abrégé TÜBİTAK en turc), qui a été établi en 1963. Dès les premières années de sa création, le TÜBİTAK a mis en place des unités internes pour l’aider à formuler un programme politique afin de coordonner les actions dans les sciences naturelles et la recherche appliquée.
Les activités spatiales de la Turquie ont été inscrites pour la première fois à l’agenda gouvernemental en 1993, dans un document du Conseil suprême de la science et de la technologie (CSST) intitulé « Politique turque de la science et de la technologie, 1993-2003 ». L’espace a été identifié comme l’une des cinq technologies prioritaires, aux côtés de l’informatique, des matériaux de haute technologie, de la biotechnologie et de la technologie nucléaire, ayant un impact économique transversal. Dans ce cadre-là, le TÜBİTAK a été chargé par le CSST de définir la politique en matière de technologie spatiale et la Turquie a débuté ses activités spatiales avec le lancement du satellite de communication Türksat 1B en 1994.
En revanche, ce n’est qu’après 2004 que l’espace est devenu une priorité majeure du Programme national turc. La Turquie, suivant la tendance des grandes nations à développer leurs capacités nationales, soutient les politiques visant à développer des systèmes et des technologies alignés sur ses priorités nationales à long terme, notamment dans le domaine de la sécurité et de la défense. Pour réduire sa dépendance aux sources extérieures, le CSST a décidé en 2004 de soutenir les projets de défense nationale, tout en allouant des ressources adéquates à l’industrie turque. Cette décision a été motivée en partie par l’embargo sur les ventes d’armes imposé par les États-Unis à la Turquie en 1974, après l’opération paix à Chypre, soulignant ainsi l’importance de l’autonomie pour la Turquie. En effet, lors de la 11e réunion du Conseil suprême de la science et de la technologie en mars 2005, le TÜBİTAK a été chargé d’élaborer le programme national de recherche spatiale de la Turquie. Ce dernier a ainsi essayé de coordonner les activités spatiales, mais son champ de compétence était limité par le financement de projets de R&D liés à l’espace.
TÜBİTAK Uzay, fondé en 1985 et renommé TÜBİTAK Uzay le 6 mai 2006, est un institut de recherche spécialisé dans les projets spatiaux. Il se concentre principalement sur la conception, la fabrication et les tests de petits satellites, ainsi que sur la promotion du programme spatial turc et des relations internationales dans le domaine spatial. Le gouvernement turc a donc renforcé les ressources allouées à la R&D pour renforcer la capacité de la Turquie à développer son infrastructure spatiale, en mettant particulièrement l’accent sur l’électro-optique, les systèmes d’ouverture synthétique (SAR), la télédétection spatiale, la reconnaissance et la surveillance terrestres, la navigation et le positionnement. La position géographique de la Turquie, au carrefour de trois continents, en fait un endroit stratégiquement important où une surveillance constante est cruciale. Pour cette raison, l’observation depuis l’espace a été considérée comme un domaine prioritaire pour la Turquie, qui vise à établir une technologie spatiale nationale indépendante. Les activités de développement de satellites d’observation de la Terre ont débuté en 1999, aboutissant à la production du satellite BİLSAT entre 2001 et 2003 en collaboration avec Surrey Satellite Technology Limited au Royaume-Uni. Dans le cadre du projet BİLSAT, des chercheurs turcs ont été formés en ingénierie satellite, permettant à la Turquie de mener des activités satellitaires indépendantes. Avec l’expérience acquise, TÜBİTAK Uzay a produit son premier satellite d’observation terrestre national (RASAT) lancé en orbite en 2011, développer des équipements tels que l’ordinateur de vol haute performance (BİLGE) ainsi que l’ordinateur de traitement d’images en temps réel (GEZGİN-2), et produisant son premier satellite de reconnaissance côtier avec une résolution de 2,5 mètres (GÖKTÜRK 2) lancé en orbite en 2012. Le portail GEZGİN a été créé pour rendre les images satellites accessibles au grand public (www.gezgin.gov.tr). Jusqu’à aujourd’hui, cinq satellites ont été lancés à des fins d’observation, dont trois toujours actives (GÖKTÜRK 1, GÖKTÜRK 2 et RASAT). Par ailleurs, le premier satellite turc d’observation de la Terre, entièrement construit en Turquie et doté d’une très haute résolution de moins d’un mètre, est lancé en orbite en avril 2023.
Quant aux systèmes de télécommunications, le programme spatial en turc a débuté avec l’acquisition de ses premiers satellites de télécommunications par la société privée française Aérospatiale Company au début des années 1990. Jusqu’à aujourd’hui, neuf de ces satellites ont été envoyés dans l’espace à des fins de communication, dont quatre toujours actives (TÜRKSAT 3A, TÜRKSAT 4A, TÜRKSAT 4B et TÜRKSAT 5A). Au total, cinq générations de satellites ont été développées et mises en orbite. Chaque génération a suivi un plan général d’amélioration et de réponse à de nouvelles exigences. Les premières générations ont été développées dans le cadre de partenariats internationaux, et l’un des principaux points des contrats a toujours été le transfert d’expertise vers la Turquie. C’est ainsi que la Turquie a atteint le point où la sixième génération de satellites TÜRKSAT (TÜRKSAT 6A) serait construite majoritairement (avec un taux de 81% de contenu national) en Turquie, dans les locaux de la TUSAŞ, et sera lancée en orbite en juillet 2024 par SpaceX. Pour les années à venir, il est prévu de construire la septième génération de TÜRKSAT, ainsi que des satellites à mettre en orbite basse pour les besoins des communications. Le satellite militaire MAHU (Milli Askeri Haberleşme Uydusu en turc) fera probablement partie de TÜRKSAT 7.
Par ailleurs, les agences privées et publiques, ainsi que les organisations militaires, s’intéressent aux applications des microsatellites. À titre d’exemple, le satellite ITUpSAT1 (Istanbul Technical University picoSatellite-1), lancé en orbite en 2009, est un microsatellite de taille réduite construit par le département d’aéronautique et d’astronautique de l’Université technique d’Istanbul. Cet exemple montre l’importance que la Turquie attache à son système éducatif en termes d’orientation des études spatiales. Un second exemple peut être le satellite UBAKUSAT qui a été développé en collaboration avec une institution japonaise (Service d’exploration et d’aérospatiale du Japon et Institut de technologie de Kyushu) et l’Université Technique d’Istanbul. Il a été lancé par SpaceX avec la fusée Falcon-9 et mis en orbite par l’ISS en mai 2018.
Afin de garantir un accès indépendant à l’espace, la Turquie a commencé à développer le « Système de lancement de micro-satellites (MUFS) » avec le contrat signé entre la Présidence des industries de défense (SSB) et ROKETSAN en 2018. Avec ce projet, l’accès de la Turquie à l’espace vise à être indépendant, national et continu.
Bien que la Turquie soit active dans le domaine spatial avec des projets majeurs, elle n’a pas disposé jusqu’en 2018 d’une autorité spatiale centrale pour coordonner efficacement ses activités nationales et internationales. Cela a entraîné des lacunes dans la mise en œuvre des politiques spatiales, ainsi que dans la coopération internationale dans ce domaine. Étant donnée que l’espace n’est pas seulement un outil utile pour l’économie, mais également un domaine très important pour la sécurité et la défense, il était important d’établir rapidement une agence spatiale turque pour assurer une bonne coordination et gouvernance des projets liés à l’espace, ainsi que pour assurer la durabilité de la vision stratégique à long terme de la Turquie en matière spatiale.
B) L’affirmation de savoir-faire turc par l’avènement de TUA
L’Agence Spatiale Turque (Türkiye Uzay Ajansı, abrégé TUA en truc) a donc été établie, par le décret présidentiel numéro 23 en date du 13 décembre 2018, comme un organisme gouvernemental chargé de définir les objectifs, les approches fondamentales et les principes de la Turquie en matière de sciences et technologies spatiales et aéronautiques (1), ainsi que les méthodes et ressources à examiner pour atteindre ces objectifs, et de mener les travaux nécessaires pour y parvenir (3). Cependant, l’accomplissement de tels objectifs et missions semblent loin d’être accomplis, étant donné le niveau de financement bien inférieur de TUA par rapport à ses homologues engagées dans la course à l’espace (2).
1. Les objectifs centrés sur la souveraineté nationale, compétitivité et capital humain
Les objectifs principaux de TUA sont clairs et déterminants pour l’avenir de la Turquie dans le domaine spatial. Tout d’abord, il s’agit de développer l’industrie aérospatiale du pays afin d’acquérir les installations et les technologies nécessaires pour garantir un accès autonome à l’espace. Cette autonomie est cruciale pour la souveraineté nationale et la capacité de la Turquie à poursuivre ses propres objectifs dans le domaine spatial, sans dépendre excessivement des technologies ou des infrastructures étrangères.
En deuxième lieu, il s’agit de renforcer la compétitivité internationale pour que la Turquie joue un rôle plus important sur la scène spatiale mondiale. Cela permettra non seulement de renforcer la position de la Turquie en tant qu’acteur spatial émergent, mais également de contribuer activement à des initiatives et à des projets internationaux, renforçant ainsi les partenariats stratégiques et l’influence de la Turquie dans le domaine spatial.
Enfin, il s’agit de l’amélioration du capital humain, essentielle pour faire progresser les capacités de la Turquie dans le domaine spatial. En investissant dans la formation et le développement des compétences des professionnels turcs de l’espace, la Turquie sera mieux équipée pour relever les défis technologiques et scientifiques du futur. Cette approche centrée sur les ressources humaines permettra à la Turquie de s’établir comme un acteur clé du secteur spatial mondial, tout en stimulant l’innovation et la croissance économique nationale.
2. Un budget spatial insuffisant à accomplir les objectifs
Le budget de 2023 pour le TUA est de 1 milliard 618 millions de lires turques, soit environ 50 millions dollars. Un travail comparé permet facilement de montrer l’insuffisance du budget consacré aux activités spatiales. Ainsi, ce budget se situe loin derrière les États-Unies (68 milliards de dollars) ou l’Agence spatiale européenne d’autre part (17 milliards de dollars). L’examen de ces chiffres montre qu’il existe des écarts financiers entre les puissances spatiales et la Turquie. Il existe un décalage entre les ambitions spatiales du pays et les moyens financiers réellement disponibles. À ce point, il est crucial de noter que la question du budget ne se limite pas à une simple question de comparaison avec d’autres acteurs spatiaux. Il s’agit plutôt de garantir que la Turquie dispose des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs définis par la politique spatiale et mener à bien ses missions dans le domaine spatial. Sans un financement adéquat, il sera difficile pour la Turquie de rivaliser sur la scène internationale et de réaliser des percées significatives dans l’exploration spatiale.
3. Les missions centrées sur la promotion du développement national
Le décret présidentiel numéro 23 du 13 décembre 2018 établit les missions de l’Agence spatiale nationale turque (TUA) pour positionner la Turquie en tant qu’acteur majeur dans le domaine spatial. Ces missions sont alignées sur une vision ambitieuse axée sur la souveraineté nationale, le développement industriel, le progrès scientifique et technologique, ainsi que la sécurité et le bien-être de la société. Les missions peuvent se résumer en trois points : développement spatial et industriel par la construction d’une capacité spatiale nationale autonome et compétitive (a), mise en œuvre d’une législation spatiale et coopération internationale (b), gestion des opérations et des ressources spatiales (c).
a) Développement spatial et industriel par la construction d’une capacité spatiale nationale autonome et compétitive : TUA s’engage à développer une industrie spatiale compétitive (1), à promouvoir l’utilisation des technologies spatiales existantes et à développer de nouvelles technologies pour un accès indépendant à l’espace (2). Ces missions visent à favoriser la croissance et le développement de l’industrie spatiale nationale. En investissant dans la recherche et le développement, ainsi qu’en soutenant les entreprises du secteur spatial, l’agence cherche à renforcer la position de son pays dans le domaine spatial et à stimuler l’innovation. En effet, ces missions convergent vers la construction d’une capacité spatiale nationale autonome et compétitive.
Reconnaissant qu’un secteur spatial compétitif est essentiel pour le progrès continu dans l’espace, le gouvernement s’engage à soutenir les initiatives du secteur privé, bien que des progrès supplémentaires soient nécessaires. Pourtant, les entreprises sont, principalement, placées sous le contrôle de l’État soit directement, soit par le biais d’entités qui étaient des émanations de l’État. Toutes appartenant à la Fondation de l’Armée Turque, parmi les entreprises les plus importantes, ROKETSAN est impliquée dans la construction du système de lancement de satellites, des microsatellites, ainsi que dans le développement de fusées à deux étages et de missiles. HAVELSAN opère dans les domaines de la C4ISR (Commandement, Contrôle, Communications, Informatique, Renseignement, Surveillance et Reconnaissance), des systèmes de surveillance et de reconnaissance, ainsi que de la navigation. ASELSAN est engagée dans la construction de satellites de télécommunication, de surveillance et de reconnaissance pour les bandes de fréquences militaires et commerciales. Pourtant, la réalité du New Space demande plus que cela. Il faut également envisager un foisonnement de petites sociétés et de start-up développant des petits lanceurs, des petits satellites ainsi que des modèles économiques innovants. Les efforts du secteur privé dans le domaine spatial sont ainsi soutenus, même si des progrès supplémentaires sont nécessaires.
TUA s’engage également à promouvoir l’utilisation des technologies nationales dans le domaine spatial, tout en assurant une représentation internationale adéquate des efforts turcs. Dans cette optique, elle développe et soutient plusieurs projets visant à créer de nouvelles technologies dans ces domaines. Parmi ces projets, on retrouve l’UTAS-R, qui ambitionne de produire la première horloge atomique nationale pour les satellites de positionnement, mené en collaboration avec le TÜBİTAK. Le projet revêt une importance capitale pour la Turquie, car les horloges atomiques sont une caractéristique essentielle des satellites de navigation, et la Turquie s’est fixé comme priorité d’acquérir son propre système de navigation. Parallèlement, le TUA mène le projet eXTP (Enhanced X-ray Timing and Polarimetry Satellite) en collaboration avec l’Académie chinoise des sciences et l’Agence spatiale européenne. Il s’agit d’une mission scientifique conçue pour étudier l’état de la matière dans des conditions extrêmes de densité, de gravité et de magnétisme. Le TUA collabore avec le TÜBİTAK Uzay et l’Université Sabancı afin de développer le code d’application du projet eXTP et faciliter les liens internationaux pour sa mise en œuvre.
b) Mise en œuvre d’une législation spatiale et coopération internationale : TUA travaille en coordination avec les institutions concernées pour définir les normes nationales (3) et collabore avec des organismes étrangers et mène des activités liées à la législation spatiale pour garantir la conformité aux normes internationales et favoriser la coopération internationale dans le domaine spatial (4). Ces points seront envisagés dans la troisième partie.
c) Gestion des opérations et des ressources spatiales : TUA coordonne les opérations spatiales commerciales, scientifiques et de recherche-développement (5), mène des projets pour concevoir, produire, intégrer et tester des produits spatiaux, en accordant les autorisations nécessaires pour les lancements, la mise en orbite et le retour des satellites et des engins spatiaux lancés depuis le territoire national (6). Cette coordination garantit une utilisation efficace des ressources et une collaboration harmonieuse entre les différentes parties prenantes. Elle suit les évolutions technologiques et des ressources spatiales pour maximiser l’utilisation de l’espace et garantir la sécurité des opérations spatiales (7). Toutes ces missions visent à garantir une utilisation efficace et durable de l’espace et de ses ressources.
Enfin, TUA a pour mission de construire un programme spatial national (8) en mettant en perspective ses objectifs à court et à long terme (II).
II. La mise en place du Programme Spatial National par la TUA
Le Programme Spatial National a été élaboré pour coordonner et intégrer la vision, les objectifs, les stratégies et les projets de la Turquie dans le domaine spatial. Les objectifs du Programme sont les suivants : développer les technologies et infrastructures spatiales en fonction des besoins nationaux (1), réduire la dépendance extérieure et promouvoir la souveraineté nationale dans le domaine spatial (2), utiliser les technologies spatiales pour soutenir le développement national (3), et accroître la sensibilisation du public aux activités spatiales et à la recherche (4). L’élaboration de ces objectifs sont guidés par des principes clés, à savoir assurer un accès autonome à l’espace, promouvoir les initiatives nationales dans les technologies stratégiques, favoriser une utilisation pacifique de l’espace et sensibiliser la population aux opportunités offertes par les activités spatiales. À la lumière de ces principes, la Turquie s’est fixée plusieurs objectifs à accomplir entre 2020 et 2030 dans le domaine spatial.
Les dix objectifs comprennent la Mission d’Exploration Lunaire, la Fusion des Capacités de Production de Satellites sous un Seul Toit, le Système de Positionnement Régional, l’Accès à l’Espace et le Port Spatial, la Recherche Technologique sur les Phénomènes Spatiaux, l’Observation et la Surveillance des Objets Spatiaux depuis la Terre, le Développement de l’Écosystème de l’Industrie Spatiale, la Région de Développement de la Technologie Spatiale, la Sensibilisation à l’Espace et l’Amélioration du Capital Humain, ainsi que le Programme de Spationautes Turcs et de Missions Scientifiques. Selon le pouvoir en place, ceux-ci doit permettre à la Turquie d’acquérir un plus grand rôle dans le domaine sur la scène internationale mais aussi régionale. Certains de ces objectifs seront examinés ci-dessous.
A. Programme de recherche sur la Lune
De nos jours, la course vers la Lune et Mars s’est accélérée parmi les pays ayant progressé dans les technologies spatiales. Dans ce contexte, depuis 2021, la Turquie s’est engagée dans des travaux liés à la Lune et à d’autres corps célestes avec le lancement du Programme de Recherche Lunaire (abrégé AYAP en turc). L’objectif du programme est d’envoyer un rover sur la surface de la Lune avec des technologies nationales afin de contribuer à la science et à la technologie terrestres grâce à des expériences scientifiques menées sur le rover d’une part, et d’acquérir de l’expérience dans les technologies de lancement et de propulsion pour les systèmes spatiaux opérant dans l’espace lointain d’autre part.
La mission d’exploration lunaire de la Turquie est stratégiquement planifiée en deux étapes. La première étape consiste en le lancement d’un vaisseau spatial indigène en orbite terrestre, facilité par une collaboration internationale, conduisant à son arrivée sur la lune d’ici 2026. Le vaisseau spatial, nommé AYAP-1, effectuera un atterrissage dur sur la lune en allumant son moteur hybride développé nationalement dans l’espace. C’est ainsi TÜBİTAK UZAY qui assure la conception, le développement, l’intégration, les tests, le lancement et les opérations de AYAP-1 alors que c’est Thales Alenia Space qui fourni le transpondeur en bande S du sous-système de télémesure, tracking et contrôle (TT&C). À la fin de la première phase, des technologies essentielles telles que les moteurs de propulsion spatiale, les logiciels de détermination et de contrôle d’orbite, les communications à longue distance et l’autonomie développée pour la propulsion spatiale seront validées dans l’espace. Pourtant, la première phase, prévue, dans un premier temps, pour l’année 2023, a été déclinée déjà deux fois, ce qui crée des doutes sur la réalisation du projet d’ici 2026. Dans la deuxième étape, le vaisseau spatial AYAP-2, lancé dans l’espace à l’aide d’un lanceur national et atteignant la lune en utilisant un moteur hybride, effectue un atterrissage doux sur la surface lunaire. Un rover logé à l’intérieur du vaisseau spatial AYAP-2 opérera ensuite sur la surface lunaire et y mènera des recherches scientifiques. L’objectif est que ce véhicule atteigne la Lune en 2028. Les efforts de recherche scientifique comprennent le télescope lunaire neutre (LNT) pour collecter des données sur les particules neutres à la surface lunaire, le radiomètre à champ de vue étroit lunaire (LNR), qui collectera des données sur l’albédo thermique et les modèles de température à la surface lunaire, ainsi que diverses charges utiles instrumentales, des analyses de radiation et d’autres investigations optiques.
La mission lunaire de la Turquie incarne l’avènement de ses aspirations dans le domaine de l’exploration spatiale lointaine, marquant ainsi une étape capitale dans son parcours scientifique et technologique. Cette entreprise d’envergure offre à la Turquie l’opportunité non seulement de jouer un rôle actif dans les domaines de la science et de la technologie en réalisant des expériences scientifiques à bord du rover, mais également d’établir une infrastructure technique robuste pour mener des recherches approfondies sur les corps célestes, incluant Mars et les astéroïdes. En se lançant dans l’exploration spatiale lointaine, la Turquie jette les bases de progrès significatifs dans notre compréhension de l’univers et ouvre la voie à d’éventuelles futures missions visant à explorer et à percer les mystères d’autres entités célestes. Cette aventure ambitieuse dans l’exploration spatiale lointaine ne se contente pas d’ouvrir de nouveaux horizons pour les avancées scientifiques, mais elle stimule également l’innovation technologique grâce à une collaboration internationale solide. On remarquera cependant que la Turquie ne fait pas partie des « Accords Artemis », déclaration qui encourage la coopération pour l’exploration et l’utilisation civile à des fins pacifiques de la Lune, de Mars, des comètes et d’astéroïdes.
A contrario, depuis le 73e Congrès international d’astronautique tenu en 2022, la Chine, à travers l’Administration nationale chinoise de l’espace (CNSA), a activement sollicité la collaboration internationale pour les missions lunaires et spatiales lointaines, notamment les missions Chang’e et Tianwen. Cette initiative a donné lieu à des discussions sur les opportunités de collaboration, couvrant des domaines tels que la planification stratégique de l’exploration lunaire, les activités scientifiques conjointes, la conception et les tests, la définition des missions et des échéanciers, ainsi que la coordination des sites de lancement. Cette collaboration s’est concrétisée par l’échange d’un projet de mémorandum d’accord (MoU) entre la TUA et la CNSA, jetant les bases d’une coopération plus étroite dans le cadre du projet Station de Recherche Lunaire Internationale (ILRS). Selon Ahmet Hamdi Takan, responsable de la division Accès à l’espace et élaboration des politiques de la TUA, cette collaboration offre à la Turquie l’opportunité de participer activement à la conception et à la mise en œuvre de la mission lunaire, tout en renforçant les liens entre les deux pays dans le domaine de l’exploration spatiale.
B. Unification de la production de satellites sous un même toit et programme de développement de satellites indigènes
Jusqu’à présent, les travaux sur les technologies spatiales ont été menés sous la coordination de diverses institutions et organisations. Au cours de cette période, des capacités significatives ont été acquises pour la conception, la production, les tests et l’intégration de satellites et de sous-systèmes. Cependant, en raison de la dispersion de ces capacités entre différentes institutions, il est devenu difficile de progresser rapidement à chaque étape, de minimiser les redondances et d’utiliser efficacement les ressources disponibles. En regroupant progressivement ces capacités sous un même toit, il sera possible de les mettre au service du Programme Spatial National de manière plus efficace et efficiente. L’objectif est ainsi de créer une marque commerciale capable de rivaliser sur le marché mondial du développement de satellites en centralisant la production de satellites. Cette unification sera aussi importante pour atteindre l’objectif d’indépendance technologique dans le domaine des satellites avec un minimum de ressources. Les activités de production de satellites seront menées avec le plus haut niveau d’efficacité et d’efficience, permettant au secteur privé de tirer facilement parti des capacités publiques. Ainsi, la compétitivité de l’industrie spatiale turque sera renforcée, ouvrant la voie à de nouvelles opportunités sur le marché mondial.
C. Programme de système régional de positionnement et de synchronisation
À l’échelle mondiale, les systèmes de positionnement, de synchronisation et de navigation par satellite sont largement utilisés dans de nombreux domaines civils, de la sécurité intérieure à l’aviation en passant par les télécommunications. Avec l’émergence de l’industrie 4.0, de l’Internet des objets et des villes intelligentes, ces systèmes sont devenus indispensables, formant ainsi le fondement de nombreuses applications technologiques modernes. Le danger auquel sont confrontés les utilisateurs de tous les systèmes de navigation par satellite, qu’ils soient mondiaux ou régionaux, est la possibilité de brouillage, d’interférence voire de falsification des signaux reçus par les récepteurs GNSS (Global Navigation Satellite Systems) en raison de systèmes émettant sur les mêmes fréquences au sol. De plus, les satellites peuvent perdre leur fonctionnalité en raison de phénomènes naturels tels que les tempêtes solaires ou d’attaques cybernétiques. Dans de telles situations, il existe un risque que les GNSS restent inactifs pendant une longue période. Étant donné que l’interruption des applications basées sur les GNSS entraînerait de graves pertes économiques pour les pays, la Turquie reconnaît la nécessité de développer un système de positionnement, de synchronisation et de navigation régional fiable, entièrement sous son contrôle.
Ainsi, le Programme Régional de Positionnement et de Synchronisation (abrégé BKZS en turc) a été conçu avec pour objectif de garantir la continuité des services critiques dans divers secteurs stratégiques. Des études de faisabilité initiales seront suivies de la mise en œuvre d’investissements complémentaires utilisant les infrastructures et les capacités existantes. Ce système régional, entièrement sous le contrôle national, comprendra une constellation de satellites de positionnement, un système de contrôle au sol et des récepteurs de positionnement développés avec des ressources nationales. Des projets expérimentaux de nanosatellites seront réalisés pour tester les composants dans l’espace, avec le lancement prévu d’un satellite expérimental BKZS pour effectuer des tests à différents niveaux du système. À terme, le système BKZS offrira des services nationaux de positionnement, de synchronisation et de navigation, tandis que des satellites supplémentaires seront lancés pour étendre sa couverture. Par ailleurs, des travaux seront menés pour établir un système de satellites innovant en collaboration avec l’intelligence artificielle et les systèmes terrestres.
Parallèlement, des négociations seront menées pour étendre la zone de service du système SBAS de l’Union européenne, appelé EGNOS, pour couvrir toute la Turquie, avec des travaux planifiés pour l’installation de stations de référence terrestres supplémentaires. De plus, le système TUSAGA-AKTİF, actuellement opérationnel, sera soutenu pour une distribution de signaux depuis l’espace, améliorant ainsi l’accessibilité des services pour les utilisateurs turcs.
D. Programme d’accès à l’espace et de port spatial
Consciente du fait que l’accès à l’espace revêt une importance critique pour mettre en œuvre et maintenir la science et la technologie, apporter des avancées technologiques à d’autres secteurs, et acquérir du pouvoir diplomatique par le prestige et les relations internationales, la Turquie a lancé des efforts pour acquérir une capacité d’accès indépendante à l’espace dans le cadre de la mise en œuvre de son Programme Spatial National. L’objectif principal est d’établir l’infrastructure nécessaire sur le territoire turc pour permettre le lancement autonome de satellites, avec une attention particulière portée aux orbites géostationnaires et aux missions interplanétaires telles que la Lune. Pour ce faire, la Turquie envisage de construire une base de lancement de fusées dans un pays ami près de l’équateur.
En effet, le contrat pour la construction du projet de Système de Lancement de Satellites (Uydu Fırlatma Sistemi, abrégé UFS, en turc), a été signé en 2013 entre la Présidence des Industries de Défense (SSB) et Roketsan pour les besoins de l’Armée de l’Air turque. Ses principales composantes comprennent la création d’une base spatiale, le développement de fusées satellites et la mise en place de stations terrestres distantes. Selon la planification, la base spatiale qui sera construite aura la capacité de mettre en orbite des microsatellites pesant jusqu’à 100 kg à une altitude de 500 à 700 km. Le projet devrait être achevé en 2025. Tous les tests de lancement ont été effectués jusqu’à présent dans la province de Sinop, mais des plans pour établir un site de lancement en Somalie ont été annoncés en février 2021. D’ailleur, la Somalie abrite également la plus grande base militaire turque en dehors de ses frontières depuis 2011, ce qui peut garantir la sécurité de son aéroport spatial. Le coût de l’installation est estimé à 350 millions de dollars et fait partie du plan global de la Turquie pour l’accès autonome à l’espace, totalisant plus de 1 milliard de dollars de coûts. Ainsi, la mission lunaire de 2026, suivie d’une deuxième phase en 2028 pour des missions plus avancées seront étroitement liées à la base somalienne.
E. Programme turc d’astronautes et de missions scientifiques
Le programme spatial national vise également une mission spatiale des astronautes et de la science dont l’objectif est de permettre à un citoyen turc d’accéder à l’espace grâce à une coopération internationale et de participer à des activités scientifiques dans l’espace en offrant aux scientifiques turcs des opportunités de recherche dans l’espace et en accroissant la visibilité de la Turquie dans le domaine spatial.
Ainsi, en janvier 2024 le tout premier astronaute de Turquie, Alper Gezeravcı, s’est rendu à la Station spatiale internationale pour réaliser plus d’une douzaine d’expériences scientifiques au cours des deux semaines qu’il a passées en orbite autour de la Terre. Or, l’importance de cette mission ne se limite pas à orienter les recherches scientifiques et à gagner en prestige sur la scène internationale. La mission permet aussi de susciter la curiosité chez les jeunes. En effet, Alper Gezeravcı qui partira dans l’espace aura pour mission non seulement d’accomplir ses tâches assignées, mais aussi de maintenir l’intérêt pour la science et la technologie parmi la jeunesse et au sein de la société turque. Cela se fera à travers des conférences, des entretiens, des discours et d’autres activités organisées après sa mission. En encourageant la curiosité et l’intérêt pour ces domaines, cette mission contribuera à former une nouvelle génération de scientifiques et de technologues passionnés, tout en renforçant l’engagement de la Turquie dans le domaine spatial.
III. Des évolutions juridiques indispensable pour garantir l’efficacité du programme spatial national
La Turquie aspire à devenir une puissance spatiale, ce qui constitue un objectif ambitieux. Cependant, un constat paradoxal s’impose. Bien qu’elle n’ait pas initié, à l’époque de la conquête spatiale, des programmes d’envergure comparable à ceux des États-Unis, de l’URSS ou de l’Europe, elle est désormais reconnue comme un acteur ayant un programme spatial ambitieux. Malgré cette dynamique et cette volonté, le cadre juridique turc n’a pas suivi le même chemin. Alors que la Turquie a été à l’avant-garde de la réglementation de l’aviation, elle n’a pas encore adopté de législation spécifique pour les activités spatiales. Cette lacune s’explique par le fait que ces activités étaient, en principe, contrôlées par l’État ou ses entités. La conduite des opérations spatiales reposant sur des instructions gouvernementales, un cadre juridique particulier n’était pas nécessaire. Cependant, la recherche de compétitivité, l’un des objectifs de TUA, a remis en cause la place omniprésente de l’État en faveur de l’arrivée souhaitable de nouveaux acteurs appartenant au secteur privé. Pour ce faire, il faut cependant assurer une sécurité juridique afin d’encourager les entrepreneurs à participer au marché spatial. De plus, l’instauration d’un tel cadre réglementaire est également dans l’intérêt de l’État, car le non-respect des règles internationales engagerait sa responsabilité. En tant que signataire de traités internationaux, dont le Traité sur l’espace, la Turquie a tout intérêt à exercer un contrôle sur les activités spatiales à l’échelle nationale. Ainsi, la fixation d’un cadre juridique précis est devenue indispensable pour établir clairement les droits et obligations de chacun. Actuellement, de nombreux pays, tels que les États-Unis, la France, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, la Russie et la Nouvelle-Zélande et d’autres, ont adopté des lois spatiales, soulignant davantage le besoin urgent pour la Turquie de suivre cette voie. En l’absence d’une telle législation, il subsiste un paradoxe évident : la Turquie ne pourra pas prétendre au statut de puissance spatiale tant qu’elle n’aura pas élaboré un cadre juridique propice, favorisant des politiques transparentes et compétitives.
L’organisme responsable du droit spatial est actuellement TUA. En effet, l’Agence est chargée de définir les normes nationales qui régissent les activités spatiales dans le pays. Cette responsabilité est définie de manière claire par le décret présidentiel n°23. Premièrement, la TUA doit travailler en étroite coordination avec les institutions concernées pour établir ces normes nationales. Cela implique un processus complexe qui nécessite la prise en compte des aspects techniques, économiques, juridiques et sécuritaires liés aux activités spatiales. Deuxièmement, la TUA doit également collaborer avec des organismes étrangers dans le domaine spatial. Cette collaboration revêt une double importance : d’une part, elle permet d’harmoniser les normes nationales turques avec les normes internationales en vigueur, assurant ainsi la conformité des activités spatiales turques aux standards internationaux. D’autre part, elle favorise la coopération internationale dans le domaine spatial, ouvrant la voie à des partenariats stratégiques, des échanges technologiques et des projets communs qui peuvent bénéficier à la fois à la Turquie et à ses partenaires étrangers.
Dans ce contexte, la TUA a donc un rôle crucial à jouer dans le renforcement de l’industrie spatiale turque et dans la promotion de sa compétitivité sur la scène internationale. En prenant des mesures normatives adaptées, telles que l’élaboration de réglementations favorables à l’innovation et à l’investissement dans le secteur spatial, la TUA peut contribuer à stimuler la croissance et le développement de l’industrie spatiale turque. Ces mesures peuvent également aider à positionner la Turquie comme un acteur majeur et respecté dans le domaine spatial, renforçant ainsi sa crédibilité et son influence sur la scène mondiale.
Pourtant, le travail de TUA ne sera qu’une tâche administrative, important mais devant être complété. Il convient ainsi de marquer l’importance qui s’attache à ce que le législateur examine la possibilité d’élaborer une loi spatiale adaptée aux activités spatiales. Une telle loi devrait d’une part, tirer en droit interne les conséquences des obligations internationales qui pèsent sur la Turquie, notamment au regard de la responsabilité sur la surveillance des activités dans l’espace, d’autre part, donner aux activités spatiales davantage de sécurité juridique, et enfin, encourager le développement de ces activités, qui constituent un levier puissant de rayonnement national, de progrès scientifique et technique mais aussi de création de richesse et d’emplois. En effet, le législateur doit mettre en place un régime d’autorisation préalable des opérations spatiales afin d’exercer un contrôle sur les opérations spatiales susceptibles d’engager la responsabilité internationale de la Turquie en tant qu’Etat de lancement au sens de la convention de 1972. De même, il doit mettre en place un régime d’immatriculation des objets spatiaux et donner en droit interne un fondement juridique à l’établissement d’un registre national des objets immatriculés. En outre, il est nécessaire de compléter le droit applicable à la propriété intellectuelle afin d’étendre son application aux découvertes réalisées dans l’espace par des nationaux.
En conclusion, l’investissement croissant de la Turquie dans le domaine spatial indique un intérêt sérieux pour jouer un rôle accru dans l’exploration spatiale. À travers l’établissement progressif de structures technologiques et institutionnelles, elle s’est fixée des objectifs ambitieux, offrant ainsi des perspectives prometteuses. Cependant, pour assurer le succès à long terme de ces initiatives, il est impératif de relever les défis juridiques et budgétaires qui pourraient entraver sa progression. En adoptant une approche pragmatique, c’est-à-dire en prenant des décisions basées sur des considérations pratiques et réalistes, la Turquie pourrait concrétiser la vision de Mustafa Kemal Atatürk dans le domaine spatial et consolider sa présence dans l’espace, tout en maximisant ses opportunités de collaboration avec d’autres acteurs spatiaux.
Ipek DENIZ
BIBLIOGRAPHIE
Œuvres :
- Lambert, F. & Van de Wouwer, J.L. (2007). European trajectories in space law. European Commission.
Sources officielles :
- Décret Présidentiel sur L’agence Spatiale de la Turquie, 23 (2018). https://www.mevzuat.gov.tr/anasayfa/MevzuatFihristDetayIframe?MevzuatTur=19&MevzuatNo=23&MevzuatTertip=5
Articles :
- Aşçı, Ö. (2023). Uzay hukuku’nda geli̇şmeler ve Türki̇ye’ni̇n yeri̇. Thèse de master, Université Çağ, Institut Des Sciences Sociales, Mersin.
- Baygeldi, A. (2020). Ülkemizde Uydu ve Uzay Teknolojileri Alanında Faaliyetler ve Türkiye Uzay Ajansı Kurulum Çalışmaları. TJAA 2, In Ulusal Astronomi Kongresi. 445–447. https://dergipark.org.tr/en/download/article-file/1407725
- Çakır, T. (2020). Türk uzay operasyonlarina i̇li̇şki̇n kanunun hazirlanmasi konusunda öneri̇ler. Revue juridique Yildirim Beyazit, 175–196. https://doi.org/10.33432/ybuhukuk.716180
- Çakır, T. (2022). The Fundemental Principles that Should Guide Türkiye Regarding Legal Policies in the Space Field. Revue Adalet, 1, 153-165. https://dergipark.org.tr/en/download/article-file/2504981
- Caniaux, C. (2024). L’utilisation du patrimoine culturel immatériel turc dans la conception d’un programme spatial. Revue Défense Nationale, 866, 72-79. https://doi.org/10.3917/rdna.866.0072
- Conseil d’État. (2006). Pour une politique juridique des activités spatiales, Paris.
- Emen, T. (2020). Government intervention in the space sector: Policy recommendations for Turkey. Marmara University Journal of Economics and Administrative Sciences, 42(2), 265-282. https://doi.org/10.14780/muiibd.854382
- Ercan, C., & Kale, İ. (2017). Historical space steps of Turkey: It is high time to establish the Turkish space agency. Acta Astronautica, 130, 67–74. https://doi.org/10.1016/j.actaastro.2016.10.019
- Katıman, E. (2022). Les agences spatiales dans le droit international et le problème de l’adéquation du cadre juridique dans le droit spatial national. Eurasian Journal of Researches in Social and Economics, 9(2), 66-84. https://dergipark.org.tr/en/download/article-file/2183329
- Kutlu, Ş. (2020). Uydu-Uzay Teknolojilerinin Geliştirilmesinde Türkiye’nin Yönetim Anlayışı ve Dünya Ölçeğinde Karşılaştırmalı Bir Analiz. Journal d’études aérospatiales, 1(1), 70-92. https://dergipark.org.tr/en/download/article-file/1246022
- Levin, N. (2023). Using Night Lights from Space to Assess Areas Impacted by the 2023 Turkey Earthquake. Remote Sensing, 15(8), 2120. https://doi.org/10.3390/rs15082120
- Özalp, T. (2009). Space as a strategic vision for Turkey and its people. Space Policy, 25(4), 224–235. https://doi.org/10.1016/j.spacepol.2009.09.005
- Takan, A. H. (2023). China’s Lunar and Deep Space Exploration Program Initiatives Garner International Attention: ILRS Partnership as a Promising Opportunity for Turkish Space Agency. Aerospace China, 24(1), 32-37. http://www.zghtywbjournal.com/CN/abstract/abstract457.shtml
- Yagcı, Ö. (2023). Developments in space tourism and suggestions for Turkey in this scope. Journal of Recreation and Tourism Research, 10(4), 72-94. https://doi.org/10.5281/zenodo.10443171
- Yilmaz, S. (2016). Space and Turkey. Open Journal of Political Science, 06(03), 323–337. https://doi.org/10.4236/ojps.2016.63029
Wébographie :
- https://www.turksat.com.tr/tr/uydu/turksat-uydu/omrunu-tamamlamis-uydular#sekme1
- https://uzay.tubitak.gov.tr/tr/kurumsal/hakkimizda-0
- https://gezgin.gov.tr/geoportal/app/main?execution=e2s1
- https://tua.gov.tr
- https://tua.gov.tr/tr/kurumsal
- https://tua.gov.tr/tr/proje/utas-r
- https://tua.gov.tr/tr/proje/extp
- https://www.tusas.com/kurumsal/hakkimizda
- https://www.turksat.com.tr/tr/hakkimizda
- https://www.turksat.com.tr/tr/uydu/turksat-uydu/uydularimiz
- https://www.hvkk.tsk.tr/Custom/Hvkk/237