Cela fait déjà presque deux semaines que l’équipe d’Argentine de football a remporté la Coupe du Monde au Qatar. Suite à cette victoire, de nombreuses entreprises ou personnes pourraient être tentées de proposer à la vente des articles aux couleurs de la FIFA. Mais ont-elles le droit de le faire ? Est-il possible, par exemple, de créer une marque portant le nom de l’un des joueurs ?
Nous allons voir que le droit de la propriété intellectuelle joue un rôle majeur dans le milieu sportif, notamment dans le football.
La protection des “marques officielles” de la FIFA
La FIFA (Fédération Internationale de Football), créée en 1904, est une association à but non lucratif qui regroupe les fédérations nationales de football du monde entier. C’est notamment elle qui promeut le football à travers la planète et qui organise les tournois internationaux.
Sur le site Internet de l’association, peuvent être lues les “Directives publiques pour l’utilisation des marques officielles de la FIFA”. Dans la première section du document sont mises en avant les raisons pour lesquelles ces directives existent : “Toute utilisation non autorisée des marques officielles par une autre partie compromet non seulement l’intégrité des tournois et des programmes de marketing, mais met également en jeu les intérêts de la communauté mondiale du football. Les détenteurs de droit de la FIFA n’investiront dans un tournoi que s’ils bénéficient de cette exclusivité pour l’utilisation des marques officielles.” Il est donc expliqué que ces droits sont essentiels car sans eux il serait difficile d’obtenir des financements de la part des sponsors et donc d’organiser les différents événements mondiaux.
Dans la section suivante, il est indiqué à quel type de propriété intellectuelle correspondent les différents symboles de la Fédération :
- L’emblème officiel (graphique et éléments verbaux) est protégé par le droit d’auteur, le droit des marques et d’autres lois touchant à la propriété intellectuelle.
- La mascotte officielle est protégée par le droit d’auteur et le droit des marques.
- Le trophée officiel est protégé par le droit d’auteur et le droit des marques.
A propos des zones géographiques concernées par ces protections, il est précisé que “les marques officielles” sont protégées au sein des “pays et territoires hôtes du monde entier”. A travers les différentes lois sur la propriété intellectuelle adoptées par les pays, la FIFA est donc protégée de l’utilisation non autorisée “de reproductions identiques des marques officielles” et également des modifications de ces dernières “pouvant prêter à confusion.”
Enfin, la FIFA gère un programme mondial de licences. Toutefois, certaines entreprises se permettent de produire des articles portant des “marques officielles” de la FIFA sans avoir obtenu la licence requise. Ces produits sont dès lors qualifiés de “contrefaçons”.
Les joueurs et les marques déposées
Aujourd’hui, le football n’est plus qu’un simple jeu. Les annonceurs, les sponsors et les actionnaires peuvent trouver un réel intérêt commercial dans ce sport. Les acteurs de ce sport ont donc plus que jamais intérêt à protéger leurs marques. Les joueurs en sont un parfait exemple.
En 2011, le joueur de football argentin Lionel Messi a déposé une demande d’enregistrement de sa marque devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) pour désigner des vêtements de sport. Néanmoins, le titulaire de plusieurs marques de l’Union européenne “MASSI”, enregistrées pour des produits similaires, a formé opposition contre cette demande de marque.
Suite à cette opposition et à des recours du joueur argentin, l’EUIPO a rejeté la demande de marque de Lionel Messi. En effet, l’Office a mis en avant l’existence d’un risque de confusion entre les signes en présence. Selon elle, les éléments dominants des marques en cause étaient quasiment identiques visuellement et phonétiquement.
Par une décision datant du 26 avril 2018, le Tribunal de l’Union européenne a annulé la décision rendue par l’EUIPO en procédant à un examen tripartite (ressemblances entre les signes sur les plans visuels, phonétiques et conceptuels). Même s’il considère que “MASSI” et “MESSI” sont identiques d’un point de vue phonétique et visuel, le Tribunal, via un point de vue conceptuel, estime qu’en entendant “MESSI”, une grande partie du public fait le lien avec le célèbre footballeur, ce qui n’est pas le cas de “MASSI”. La renommée du joueur de football argentin lui a donc permis d’enregistrer sa marque. Cette décision illustre l’importance pour les joueurs de déposer leur marque le plus tôt possible.
Cependant, les joueurs ne peuvent pas détenir des droits sur tout ce qu’ils souhaitent. Il reste nécessaire de rappeler que les marques ne peuvent pas protéger les mouvements sur le terrain de football en France (comme une célébration de but par exemple).
Les clubs aussi ont la possibilité de déposer leurs marques. Manchester United a été le premier club de football anglais à enregistrer une marque en 1970 et en dispose aujourd’hui au moins 400. Le FC Barcelona a aussi déposé les couleurs de son maillot comme marque de l’Union européenne.
Des licences peuvent aussi être concédées à des tiers pour qu’ils puissent fabriquer des produits dérivés par exemple.
Autres types de propriété intellectuelle concernés
Les droits des dessins et modèles occupent aussi une place importante dans le monde du football. Différents accessoires sportifs peuvent être concernés par cette protection : l’apparence du ballon de la Coupe du monde, de chaussures de football, de maillots…
Il ne faut pas oublier le droit des brevets. Par exemple, il est possible de breveter le sifflet de l’arbitre produisant plus de décibels que d’autres ou des nouvelles technologies innovantes (systèmes de refroidissement de stade, l’assistance vidéo à l’arbitrage…).
Enfin, même si on l’oublie souvent, la protection des obtentions végétales est un élément essentiel pour les stades. Les variétés de gazon, les différentes textures ou couleurs, et pouvant présenter “diverses propriétés de tolérance à l’usure et de résistance à la maladie” (OMPI) peuvent bénéficier de cette protection.
Le droit à l’image des joueurs
Selon le site internet du Service Public, “le droit à l’image permet d’autoriser ou de refuser la reproduction et la diffusion publique de notre image”. En 2017 a été votée la loi stipulant la redevance de droit à l’image des sportifs (Loi Braillard). Suite à son entrée en vigueur en 2018, cette loi a permis d’améliorer la rémunération des joueurs et des grands clubs. Elle a la faculté nouvelle pour les clubs de rémunérer leurs joueurs et entraîneurs du fait de l’exploitation de leur image, de leur nom ou de leur voix. De plus, les associations et les sociétés sportives disposent également de cette capacité à les rémunérer sous forme de redevance.
La détention des droits à l’image d’un joueur de football peut tout de même être source de conflits. Par exemple, en 2014, Paul Pogba avait conclu un contrat avec son premier agent afin de lui laisser tous les revenus de ses sponsors. Il était donc prévu que le joueur ne toucherait pas les revenus de ses droits à l’image avant 2029, mais (uniquement) une redevance annuelle de 33 000€. En échange de dix millions d’euros, l’ex-agent a enfin accepté de rompre le fameux contrat de droit d’image quelques années plus tard. Plus récemment, en début d’année, le joueur français Kylian Mbappé avait aussi demandé davantage de garanties sur ses droits à l’image, ce qui avait entraîné un différend avec la Fédération française de football.
Droit d’auteur et radiodiffusion
Pour la plupart des organisations sportives, la vente des droits de radiodiffusion et des droits médiatiques est la principale source de recettes. Un article a déjà été réalisé à ce sujet par le Collectif.
La marque de l’Union européenne “Ballon d’Or” pour les services de divertissement
Le Ballon d’or est un trophée annuel attribué au meilleur joueur de football de l’année écoulée.
En 2004, la marque “Ballon d’or” a fait l’objet d’une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne auprès de l’EUIPO par une société française détentrice des droits se rattachant à la récompense. En 2017, a été présentée à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, une demande de déchéance de la marque pour non-usage par une société britannique.
En 2021, l’Office a décidé de prononcer la déchéance de la marque pour la plupart des produits et services qui avaient été enregistrés. Suite à son mécontentement, la société française a alors formé un recours devant le TUE en tant qu’elle visait la déchéance de la marque en cause “pour les services consistant en la diffusion ou le montage de programmes télévisés, le divertissement, la production de spectacles ou de films et la publication de livres, magazine, revues ou journaux”.
Le Tribunal a reconnu le 6 juillet 2022 la déchéance partielle de la marque “Ballon d’Or” en ce qui concerne la marque pour les services de télécommunication, de montage de programmes de télévision, de production de spectacles et de films, de publication de livres, magazine, revues et journaux. Il rappelle que le titulaire d’une marque de l’UE peut être déchu de ses droits si pendant une période ininterrompue de cinq ans, “la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée”.
Toutefois, le Tribunal retient que l’organisation de la cérémonie de remise de prix doit être qualifiée de prestation d’un service de divertissement. L’EUIPO a donc commis une erreur de droit en ce qui concerne la déchéance de la marque en cause pour les services de divertissement.
Le ballon de l’UEFA Champions League
Au fil des années, le célèbre ballon constitué d’étoiles de la Ligue des champions est devenu un véritable symbole dans le milieu du football. C’est pour cette raison que l’UEFA (Union des associations européennes de football) a décidé de déposer la marque au niveau de l’Union européenne afin d’empêcher son utilisation par des tiers..
En juillet 2018, le Review Board of the United States Copyright Office, qui gère le système national du droit d’auteur aux Etats-Unis, a refusé la protection par le droit d’auteur du logo constitué du ballon composé d’étoiles. L’Office rappelle que le copyright protège une œuvre seulement si elle est originale et qu’elle témoigne d’une créativité suffisante. Cependant, selon elle, le résultat est “un dessin insuffisamment créatif”. Les étoiles sont des formes géométriques “de base” et correspondent à leur définition dans le dictionnaire. Elle met en avant les mêmes raisons pour les polygones composant le ballon. Pour elle, “la combinaison globale de ces formes n’est pas suffisamment créative pour justifier la protection du droit d’auteur.”
Comme vous avez pu sans doute le comprendre, la propriété intellectuelle n’a pas dit son dernier mot dans le milieu du football.
Lili POURHASHEMI
Sources :
La protection des “marques officielles” de la FIFA
https://digitalhub.fifa.com/m/18570977297bcef1/original/ki2h0wxfkshj9ubgfuva-pdf.pdf
https://www.fifa.com/about-fifa/commercial/fifa-marketing/brand-protection
Les joueurs et les marques déposées
https://igerent.com/fr/limportance-des-marques-pour-les-clubs-et-joueurs-de-football
https://www.alain-bensoussan.com/avocats/messi-renommee-du-joueur-marque/2018/08/21/
https://www.fredericlejeune.be/lionel-messi-et-le-droit-des-marques/
Autres types de propriété intellectuelle concernés
https://www.wipo.int/export/sites/www/about-ip/fr/docs/wipo-ipinworldcup-2022.pdf
Le droit à l’image des joueurs
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32103
https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Un-drole-de-deal-pour-pogba-rien-avant-2029/758362
https://www.agentfootball.fr/2020/10/22/paul-pogba-les-dessous-du-droit-dimage/
https://veberavocats.com/fr/droit-a-limage-et-redevances/#_ftn2
La marque de l’Union européenne “Ballon d’Or” pour les services de divertissement
https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2022-07/cp220117fr.pdf
Le ballon de l’UEFA Champions League
https://euipo.europa.eu/eSearch/#details/trademarks/013820998
https://www.fredericlejeune.be/le-ballon-uefa-nest-pas-protegeable-par-le-droit-dauteur-americain/
https://www.copyright.gov/rulings-filings/review-board/docs/uefa-starball-device.pdf