La translittération en droit des marques : une nécessité ?

Aujourd’hui, la mondialisation des échanges commerciaux est telle que toute entreprise se trouve obligée de protéger ses marques à l’étranger. Mais pour que cette protection soit efficace, la marque doit être enregistrée en caractères latins ainsi que dans tous les autres alphabets, et notamment en alphabet chinois.

 

Pourquoi enregistrer la marque en caractères chinois ?

 

Beaucoup n’ont pas jugé opportun de protéger leur marque à la fois en caractères latins et en caractères chinois. Ce défaut de translittération s’est fait payer par une reprise des appellations linguistiques de ces marques les plus utilisées par des tiers. Ce fût notamment le cas de Starbucks qui a, après plusieurs années, découvert l’existence d’un café, situé à Shangaï, qui portait son nom traduit en caractères chinois. Ces tiers sont appelés des « squatters de marque ». Aux vues de leur multiplication, les entreprises ont commencé à faire de plus en plus attention et se sont donc mises à enregistrer la translittération de leur marque en caractères chinois.

En réalité, quatre raisons permettent de justifier la nécessité de cet enregistrement.

 

Une raison commerciale :

Plus de 95% de la population chinoise ne sait ni lire, ni reconnaitre les caractères latins. Par conséquent, à défaut de traduction chinoise, ces derniers se trouveraient face à de gros problèmes de compréhension ainsi que de prononciation de la marque. La translittération en caractères chinois de la marque lui permettrait de mieux s’intégrer dans le marché local asiatique.

 

Une raison de communication :

En enregistrant une marque en caractères latins et en caractères chinois, son titulaire choisit les caractères chinois qui vont désigner la désigner. Ce choix des caractères chinois va permettre à l’entreprise de contrôler l’interprétation de sa marque. Comme dit plus tôt, la population chinoise connait des difficultés de compréhension et de prononciation de la marque. Elle va alors opter pour une traduction chinoise spontanée et personnelle de celle-ci. Le problème étant que cette interprétation n’est, bien souvent, pas celle envisagée par l’entreprise titulaire du droit sur cette marque.

L’interprétation « personnelle » de la marque risque d’être fausse ou à connotation négative. La marque « Ralph Lauren » par exemple, faute d’avoir été enregistrée par son titulaire en caractères chinois, a été désigné par les consommateurs chinois par les signes « 三腿 ». Ceux-ci signifiant « cheval à trois jambes » en raison du signe de la marque.

Cette interprétation « personnelle » est propre à chaque consommateur, ce qui entraine un risque de multiplication des interprétations linguistiques considérable. De nombreuses marques dont la translittération en caractères chinois n’a pas été enregistrées ont fait l’objet de plusieurs appellations linguistiques. Cette multiplicité d’appellations pour une même marque vient alors nécessairement et de manière irréversible affaiblir la portée de cette dernière en Chine. Ne permettant plus de rallier une clientèle, la marque ne remplit plus l’une de ses fonctions essentielles.

 

Une raison juridique :

Comme indiqué plus tôt, le défaut d’enregistrement de la translittération d’une marque en caractères chinois entraine la multiplication des « squatters de marques ». Ceux-ci vont reprendre l’appellation la plus utilisée pour désigner une marque en Chine par un tiers qui ne l’a protégé qu’en caractères latins. A défaut d’enregistrement d’une translittération en caractères chinois, le titulaire de la marque objet de « squatters de marques » se retrouve dans l’impossibilité d’exercer une action en contrefaçon. Enregistrer une marque en caractères latins et dans les autres alphabets permettrait à celle-ci de jouir d’une protection totale sur l’ensemble du territoire mondial.

 

Comment choisir la translittération de sa marque ?

 

Il existe différentes langues en Asie, dont la plus parlée est le mandarin. Celle-ci étant comprise par 70% de la population asiatique, elle est donc la langue la plus utilisée. Plusieurs options de traduction, plus ou moins effectives, sont proposées aux entreprises.

 

La traduction sémantique :

La traduction mot à mot n’est pas très attractive. C’est pourquoi la majorité des marques qui ont choisi cette option bénéficiaient déjà d’une certaine notoriété sur le territoire chinois (et partout dans le monde).

L’exemple le plus parlant est celui de la marque « Apple ». Celle-ci se traduit par les signes 苹果 se prononçant « Ping Guo » qui signifient « pomme ».

 

La traduction phonétique :

Les entreprises peuvent également choisir des caractères chinois selon la prononciation de la marque en caractère latin. Ce fût le choix de nombreuses entreprises tel que la marque « Google » qui est désignée par les signes « 谷歌 » se prononçant « Gu Ge » et la marque « Audi » désignée par les signes « 奥迪 », qui se prononcent « Ao Di ». Toutefois, cette stratégie ne fonctionne que si la marque jouit d’une réputation bien établie auprès des consommateurs chinois.

 

La combinaison sémantique et phonétique (conception) :

La majorité des entreprises, étant donné qu’elles ne bénéficient pas, au moment de l’enregistrement de leur marque, d’une grande notoriété en Chine, vont préférer créer une marque chinoise attractive au niveau visuel et phonétique. En ce sens, la translittération chinoise de la marque aura pour vocation de rappeler aux consommateurs la marque latine. Pour cela, son titulaire va opter pour prononciation proche de celle de la marque latine, ainsi qu’une traduction qui viendra rappeler les qualités spécifiques des produits et services.

La combinaison est le mode de traduction le plus efficace. La majorité des marques fait le choix de cette option. Ce fût par exemple le cas de la marque « Safeguard ». Elle est désignée par les signes « 舒肤佳 », se prononçant « Shu Fu Jia » et signifiant « lissez la peau ». Ainsi, la prononciation est relativement proche de la prononciation latine, et les signes rappellent les spécificités des produits représentés par la marque qui sont principalement des savons, gels nettoyants pour les mains etc.

Parfois, les caractères chinois n’ont aucun rapport avec les caractères latins. C’est une option mais cela diminue l’influence de la marque latine sur les consommateurs chinois. Les entreprises qui font ce choix auront donc besoin de faire plus d’effort au niveau du développement de leurs produits sur le marché chinois.

 

Quelles sont les conditions d’enregistrement d’une marque en Chine ?

 

Il ne suffit pas de choisir une traduction pour enregistrer une marque en Chine. Celle-ci devra répondre à quatre grandes conditions qui se rapprochent beaucoup du droit français.

 

La marque doit être légale :

La marque ne peut pas être identique ou similaire au nom ou au drapeau d’un Etat ou d’une organisation internationale. Elle ne peut pas non plus discriminer une nationalité ou se livrer à de la publicité exagérée ou frauduleuse.

 

La marque doit être distinctive :

La marque doit être facile à distinguer d’une autre. C’est par ailleurs sa fonction principale.

 

La marque ne doit pas être fonctionnelle :

La marque ne doit pas faire référence à la nature ou au modèle du bien ou du service lui-même. Par exemple, une société qui vend des kiwis ne pourra pas enregistrer, à titre de marque, un kiwi car le signe sera jugé comme générique.

 

La marque doit être disponible :

La marque ne doit pas être déjà être enregistrée et utilisée par un tiers. Ainsi, l’entreprise qui souhaitera enregistrer une marque en caractère chinois devra consulter la base de données officielle des marques du CTMO (Chia Trademark Office) disponible en ligne en chinois et en anglais. Cette dernière peut être utilisée pour rechercher des marques existantes. Elle est très complète étant donne qu’elle couvre aussi bien les approbations préliminaires, finales, les renouvellements que les modifications de toutes les marques.

 

Comment enregistrer une marque en Chine ?

 

La procédure d’enregistrement d’une marque en Chine se rapproche, comme les conditions de validité, du droit français. Ainsi, celui qui fait une demande d’enregistrement d’une marque en caractère chinois devra déposer sa demande auprès du Bureau des marques déposées en Chine (CTMO) ou auprès de l’OMPI.

Ensuite, celui-ci devra choisir, selon le principe de spécialité, les produits et services qui seront désignés par la marque. La Chine utilise une méthode de classes et de sous-classes. C’est-à-dire que la marque devra indiquer la grande classe qu’elle va désigner ainsi que les sous-classes spécifiques. Pour donner un exemple parlant, la marque Nike désigne des baskets. Pour son enregistrement en Chine, le titulaire devra préciser que la marque vise à désigner des chaussures (classe), et plus précisément des baskets (sous-classe).

Enfin, la marque devra être enregistrée en caractère chinois pour pouvoir bénéficier d’une protection totale.

 

Isabelle Jallageas

 

 

Sources :

https://chinepi.com/zoom-sur-la-translitteration-de-marques/

http://www.ipsphere.fr/sites/default/files/pdf/Etudes_juridiques/pourquoi_et_comment_proteger_votre_marque_en_caracteres_chinois.pdf

https://debaecque-avocats.com/enregistrement-de-marque-en-caracteres-chinois/

https://www.vidon.com/services/expertise/translitteration-de-marques.html

https://www.china-briefing.com/news/propriete-intellectuelle-comment-proteger-votre-marque-en-chine/

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