LES REPRÉSENTANTS DE LA LOI HORS LA LOI

En France un grand nombre de services publics tels que les pompiers, la police nationale, municipale ou le RAID, portent sur leurs uniformes des écussons ayant pour objectif de représenter leur service et ainsi de se différencier les uns des autres.

Cependant pour créer ces écussons, certains reprennent des personnages célèbres. En effet, la police nationale de Nîmes a utilisé un célèbre logo de basket-ball, le taureau des Chicago bulls (1).

 

Mais, ce logo n’est-il pas protégé par le droit d’auteur ? Et si c’est le cas, la police de Nîmes était-elle en droit de le représenter ?

 

Lors d’une interview avec un pompier d’une caserne de région parisienne, celui-ci m’a fait part d’un problème d’actualité persistant : « nous avions pour projet d’utiliser comme mascotte « Tasmanian devil » sur notre écusson mais, nous avons préféré ne pas prendre de risque, nous avons interrogé un juriste qui ne nous a pas fourni de réponse claire ».

Ainsi, cette question prend tout son sens puisque d’une part, elle n’a pas encore été traitée laissant ainsi subsister de nombreux doutes sur sa solution et d’autre part, parce qu’elle touche les services publics qui sont par définition exposés à la vue de tous.

 

Le logo des Chicago Bulls est-il protégé par le droit d’auteur ?

 

C’est Dean Wassel qui fonde en 1967, le logo des Chicago bulls (« taureaux de Chicago »). Véritable franchise professionnelle de basket-ball, il fait aujourd’hui l’objet d’une protection. En effet, sa mise à disposition est autorisée dans la limite des droits accordés par l’article L. 713-6 alinéa b du Code de la propriété intellectuelle :

« L’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme :

 a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l’enregistrement, soit le fait d’un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ;

 b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine.

 Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l’enregistrement peut demander qu’elle soit limitée ou interdite ».

Ainsi, ce logo fait l’objet d’une protection en France.

 

Comment le Code de la propriété intellectuelle protège le droit d’auteur ?

 

Selon l’article L. 111-1 alinéa 2 du CPI« l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code ».

Du point de vue des droits moraux, au titre de l’article L. 121-1 du CPI : « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur ».

Ainsi, l’auteur a un droit de paternité envers son œuvre qui est un droit pour l’auteur de se voir reconnu le lien de filiation qui l’unit à son œuvre quel que soit le genre d’œuvre concerné. Par conséquent, tous les co-contractants et les tiers doivent respecter ce droit de paternité en mentionnant le droit de l’auteur.L’auteur pourra ainsi revendiquer sa paternité sur l’œuvre et exiger que son nom apparaisse.

Également, l’auteur a un droit au respect de son œuvre. A ce titre, les tiers et les co-contractants ne peuvent pas porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre.Ainsi, ils ne peuvent pas la modifier ou retirer des morceaux qui ne leur conviendraient pas. Globalement, l’œuvre protégée doit être communiquée au public comme l’a voulu l’auteur.

Du point de vue des droits patrimoniaux, au titre de l’article L. 122-1 du CPI : « le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction ».

Également, l’article L. 123-1 du Code de la propriété intellectuelle énonce que: « L’auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent ».

De fait, l’auteur a un droit de reproduction. En vertu de l’article L. 122-3 du CPI : « la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique ». Selon l’article L. 122-4 du CPI : « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ». Également, une directive de 2001 a consacré le droit de distribution; droit selon lequel, l’auteur a un droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute forme de distribution publique.

 

Que peut-on déduire ?

 

Du point de vue des droits moraux, la police n’a mentionné nul part le nom de l’auteur de l’œuvre qu’elle a utilisé. Par conséquent, elle n’a pas respecté le droit de paternité. De même, et ce toujours du point de vue des droits moraux, la police a repris ce logo tout en le modifiant puisqu’elle y a ajouté, au bout des cornes du taureau, des armes. Elle a également reproduit le taureau en blanc alors qu’à l’origine celui-ci était représenté en rouge. Elle n’a de fait pas respecté le droit au respect de l’œuvre.

Du point de vue des droits patrimoniaux, il semble que la police n’ait demandé aucune autorisation à l’auteur du logo pour reproduire celui-ci et n’a pas, par conséquent, respecté le droit de reproduction.

Ceci est donc un exemple de dérive du droit d’auteur. Mais en réalité sur ce point, les dérives ne s’arrêtent pas là, elles se sont généralisées (2) et se sont généralisées même au niveau international (3).

 

Sarah Meunier

 

Sources :

-(1) https://www.instagram.com/p/BMhLDfyggsx/?hl=fr&taken-by=ecussonspolice

-(2) https://www.instagram.com/p/BT5lW2XAR8D/?hl=fr&taken-by=ecussonspolice

-(3) http://ecussons67.skyrock.com/3116099425-ECUSSON-POMPIER-DU-MONDE.html

-interview avec un pompier de région parisienne

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Chicago_Bulls.png

https://www.headict.com/fr/content/54-les-chicago-bulls

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