Le système anglo-saxon de Copyright offre beaucoup moins de prérogatives à l’auteur d’une œuvre de l’esprit que le Droit d’auteur à la Française. En effet, point de droit moral permettant à l’auteur d’influencer le destin de son œuvre même après cession de ses droits. Ainsi on pourrait croire que dans un tel système juridique, l’auteur est démuni de tout moyen face à la personne à qui son œuvre a été cédée. Ce n’est pas le cas, comme le montre une affaire ayant opposé l’auteur Stephen King à New Line Cinema et Allied Vision Ltd entre 1992 et 1995.
Stephen King est sans doute l’un des auteurs les plus adaptés de l’Histoire du Cinéma avec une trentaine d’adaptations sur le grand écran (sans compter les téléfilms) dont certaines sont devenues des classiques du 7ème art comme Shining ou Carrie au bal du Diable. De plus les adaptations de la Tour Sombre et de Ça (dont la première version réalisée pour la télévision américaine a traumatisé toute une génération) vont bientôt arriver dans les salles obscures. En plus de cela, les ventes de livres du Maître de l’épouvante se comptent par centaines de millions à travers le monde. Bref Stephen King fait vendre, ce qui n’a pas échappé à certains.
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Dans les années 70, l’auteur cède les droits d’une nouvelle intitulée « la pastorale » ou « the lawnmower man » dans sa version originale. Les droits de la nouvelle finiront entre les mains de Allied Vision LTD, une boite de production britannique qui met rapidement un film en chantier et le fait distribuer aux États-Unis par le biais de New Line Cinema. Un petit problème se pose néanmoins : le film est distribué sous le titre de « Stehphen King’s The lawnmower man » sauf que le film n’a, à une scène près, absolument rien à voir avec la nouvelle. En effet, les producteurs souhaitaient profiter de la popularité de Stephen King pour vendre leur film mais ce dernier a très moyennement apprécié le procédé.
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L’auteur, en apprenant qu’un film était en projet, aurait visiblement contacté Allied et New Line Cinema pour leur indiquer d’une part qu’il ne souhaitait pas être crédité au film et d’autre part qu’il souhaitait qu’il ne soit pas indiqué que le film est basé sur l’une de ses nouvelles. Il essaya également d’obtenir une copie du film afin de le visionner mais New Line ne lui envoya jamais, prétendant que ce n’était pas possible. Loin de vouloir présumer de la mauvaise fois du distributeur, ce refus semble indiquer qu’ils avaient conscience de ce qu’ils faisaient et de la réaction de King s’il voyait le film. Celui-ci continua ses tentatives désespérées pour obtenir une copie du film auprès d’Allied et New Line mais ne réussit à le voir que quelques jours avant sa sortie en 1992. Ce visionnage confirmant ce qu’il suspectait, Stephen King demanda alors à Allied et New Line que les mentions le reliant au film soit retirées des publicités et des affiches du film. Naturellement, il essuya un refus et engagea donc des poursuites contre les producteurs à partir de 1992.
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Les juges de District Court donnèrent raison à Stephen King qui souhaitait donc que les mentions à lui ou à sa nouvelle soient effacées et percevoir des dommages-intérêts pour faire bonne figure. New Line et Allied firent appel de cette décision mais là encore ils furent déboutés par la Court of appeal. Stephen King avait beau avoir cédé ses droits d’une façon qui permettait aux producteurs peu scrupuleux d’utiliser sa nouvelle, la modifier et l’adapter comme bon leur semble, le procédé fut sanctionné. Les juges ont constaté la différence abyssale entre la nouvelle de King et le film d’une part et mis en lumière un risque de confusion avec le travail de Stephen King d’autre part du fait des mentions à sa nouvelle. Les juges ont ainsi accédé aux demandes de King, constatant que Allied et New line avaient ainsi porté atteinte à sa réputation, le film ayant par ailleurs reçu un accueil critique mitigé.
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Ainsi New Line Cinema dut retirer les mentions « based upon », qui reliaient le film à l’auteur, de toutes les affiches et supports publicitaires et l’auteur reçut des dommages-intérêts substantiels. Cependant, les décisions de District Court et de Court of appeal ayant été rendu après que le film soit sorti, on peut encore voir des affiches présentant le film comme adapté de la nouvelle de Stephen King.
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Si cette décision sanctionne d’une part une pratique commerciale jugée comme trompeuse car induisant le public en erreur, on peut aussi y voir une possibilité donnée à l’auteur de « renier » une adaptation ne respectant pas son œuvre, à tel point qu’il est difficile de la rattacher au matériau d’origine. Néanmoins, cette décision semble relever plus des pratiques commerciales et du droit des personnes que du droit d’auteur à proprement parler. Cela montre qu’une branche juridique n’est jamais totalement fermée et qu’avec un peu d’imagination il est possible de faire valoir ses droits sur un terrain voisin.
Pierre Roubaud
1ère année Master IP/IT
Sources :
- IMDB
- findlaw.com
- com
- Stephen King from A to Z: An Encyclopedia of His Life and Work