Workshop – Protection de la jeunesse en ligne (26/01)

Vendredi dernier, un workshop sur le thème de la protection de la jeunesse en ligne s’est tenu à la Maison des Sciences de l’homme de Paris-Saclay, sous la direction scientifique de Julie Groffe, Maître de conférences, et de Michaël Thomazo, chargé de recherches. Le Centre d’études et de recherches en droit de l’immatériel (CERDI) et l’Institut national de recherche dédié au numérique (INRIA) ont collaboré avec la Faculté Jean Monnet et l’Ecole Polytechnique pour offrir un colloque pluridisciplinaire.

Quelques chiffres

L’étude Junior Connect’ d’Ipsos, édition 2017, mesure et analyse la relation des jeunes avec le monde digital. Les jeunes sont de plus en plus équipés et connectés. En effet, 81 % des 13-19 ans possèdent leur propre smartphone, contre 77% en 2016. Le temps passé en ligne suit également ce phénomène d’accroissement constant. Les 1-6 ans passent en moyenne 4H37 sur internet par semaine, contre 2H10 en 2012. Ce temps a ainsi doublé en cinq ans. Cette durée monte à 6H10 pour les 7-12 ans, et 15h11 pour les 13-19 ans. Dans la catégorie des 13-19 ans, 79% sont inscrits sur Youtube et 93% l’utilisent. Cet accès grandissant à Internet pour les jeunes pose de nombreuses questions liées aux risques encourus par ces derniers.

En raison de l’importance de ce phénomène de société, il est important d’encadrer à la fois par le droit et par les nouvelles techniques cet accès de la jeunesse aux réseaux.

I – L’exposition voulue par la jeunesse

La valeur du consentement exprimé

Le consentement et l’acceptation des conditions générales d’utilisation

Cette première réflexion, de nature juridique, a été menée par Benjamin Charrier, Docteur en droit au sein de la Faculté Jean Monnet et chercheur au CERDI.

En utilisant les réseaux, les jeunes expriment un consentement en acceptant les conditions générales d’utilisation, au sens du droit des contrats. La problématique des incapacités surgit alors : un mineur est juridiquement incapable. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) tente d’encadrer ce consentement e    t sa valeur. L’idée est de responsabiliser les parents.

 

Authentification : application aux mineurs

Adrien Koutsos, doctorant, a conduit cette seconde réflexion, de nature technique.

L’utilisation d’un serveur d’authentification permettant de s’assurer de la véracité des informations transmises est une solution existante, qui présente l’inconvénient majeur de transmettre un certain nombre de données personnelles sur l’internaute au site web. Cela pose problème en termes de respect de la vie privée. Plusieurs projets ont été développés, notamment aux Pays-Bas, et ont pour objectif de répondre aux problématiques d’authentification.

 

La maîtrise du contenu en ligne

Bases de connaissances personnelles

Cette réflexion de nature technique, a été menée par Michaël Thomazo, chargé de recherches.

La dispersion des données les rend difficiles à contrôler. L’accès à nos propres données personnelles détenues par des entreprises est compliqué. Le coût lié aux tentatives de localisation et d’accès à nos données est considérable. De plus, de nombreuses personnes n’ont pas conscience des risques liées à une mauvaise sécurité des données divulguées sur les réseaux.

Par ailleurs, les enjeux liés à la rapidité de la diffusion du contenu en ligne sont importants. En quelques secondes, une image peut faire le tour du monde et notre maîtrise sur le contenu qui nous appartient est alors réduite à néant.

 

Les droits sur les contenus postés

Manon Laumelais et Gauthier Soufflard, doctorants contractuels à l’Université Rennes 1, ont conduit cette réflexion juridique.

Le droit d’auteur appréhende les contenus postés sur les réseaux. Leurs auteurs disposent de droits moraux. L’enjeu de cette matière concerne le respect par les réseaux sociaux et par leurs utilisateurs de ces droits d’auteur.

En présence d’œuvres audiovisuelles, des problématiques de droit au respect de sa vie privée et de droit à l’image surgissent. Concernant les reproductions de concerts en story sur Snapchat, les droits patrimoniaux de l’auteur entrent en scène. Faut-il demander une autorisation préalable et verser une rémunération ou est-il possible de bénéficier de l’exception du cercle de famille ?

 

II – L’exposition subie par la jeunesse

La diffusion de contenus intimes par autrui

Identification de contenus délictuels 

Laurent Amsaleg, chargé de recherche au CNRS, a conduit cette réflexion technique.

Un certain nombre de techniques permettent d’analyser le contenu des images et de détecter du contenu délictuel. Toutefois, ces techniques connaissent des limites liées au contexte qu’elles sont dans l’impossibilité d’analyser et au contournement par les utilisateurs avec la distorsion d’images qui perturbe les algorithmes de reconnaissance. Elles présentent également des risques concernant la reconnaissance de personnes et la vie privée. Par ailleurs, elles comportement des dangers relatifs au phénomène des fake news avec les photomontages.

 

Le cyber-harcèlement

Cette première réflexion juridique a été menée par Pauline Leger, Docteur en droit et chercheur au CERDI.

La question qui se pose concerne la nécessité ou non de renforcer les dispositions législatives en matière de harcèlement. En réalité, le cyber-harcèlement des mineurs est déjà appréhendé par les délits classiques, notamment celui de harcèlement moral aggravé. Toutefois, la protection doit être renforcée par le biais de la sensibilisation des auteurs de harcèlement et l’accompagnement des victimes quant aux démarches à effectuer.

 

Le revengeporn

Maurane Sigot, doctorante contractuelle à la Faculté Jean Monnet, a conduit cette seconde réflexion juridique.

Le revengeporn désigne la pratique visant à porter à la connaissance du public des contenus pornographiques obtenus avec le consentement de la personne. Un délit pénal a été créé pour appréhender ce comportement. L’enjeu de l’interprétation du caractère sexuel de l’image est un enjeu majeur en la matière.

 

La volonté de faire disparaître les contenus, le droit à l’oubli

Moteurs de recherche et droit à l’oubli

Cette réflexion technique a été menée par Raphaël Bonaque, Docteur et Data scientist chez Time.

Il est possible de faire une demande de déréférencement aux moteurs de recherches, mais c’est assez limité. En réalité, il existe très peu de solutions techniques pour supprimer le contenu posté sur les réseaux par d’autres personnes que soi.

 

 

Le droit à l’oubli spécifique des mineurs

Olivier Foret, correspondant informatique et libertés et doctorant à la Faculté de Jean Monnet, a conduit cette réflexion juridique.

Le droit à l’oubli est d’actualité, en raison du phénomène massif d’accès aux réseaux de la jeunesse. En droit français, ce droit à l’oubli est appréhendé par diverses dispositions qui ne sont pas spécifiques aux mineurs, telles que le droit à l’effacement, le droit au déréférencement. Le droit de l’Union européenne s’est emparé de la question et propose des solutions au sein du RGPD. Il s’agit d’une innovation en termes de droit à l’oubli des mineurs. Une des questions qui se pose est celle de savoir si ce droit européen sera plus ou moins protecteur que le droit interne.

 

Les différentes contributions citées seront publiées en détail au sein de la revue Dalloz IP/IT. Un grand merci pour ces interventions passionnantes !

Marine BUAT

MasterIPIT